[...] Une chose en particulier renverse Abbey. Le barrage sur la Colorado River dans le Glenn Canyon.
Le chantier commence à l'automne 1956, s'achève en 1963 et la retenue met plus de 15 ans à noyer entièrement la région.
Elle fait disparaître un canyon labyrinthique et son écosystème et forme le Lake Powell.
Arrivent les marinas, les house-boats, les jet-skis, les golfs et les motels dans une région jusque là délaissée des blancs et occupée par les indiens navajos.
Abbey ne s'en remet pas.
Depuis [mes précédents voyages], j'ai entrepris d'aller voir à quoi ressemble l'Amérique des grands espaces et des contrées sauvages, l'Amérique mythique que l'on pense avoir déjà vu mille fois avant même d'y être allé. Celle des déserts de grès navajos, des séquoias, des villes fantômes, des Grandes Plaines et des Montagnes Rocheuses. J'assume très bien tous les clichés que j'ai en tête et je n'ai jamais sérieusement pensé tous les retrouver à leur place, comme dans un récit de Mark Twain ou un western d'Anthony Mann. J'ai bien arpenté l'East End de New York en croquant des cornichons au piment achetés chez Pickle Guy ou visité les toits du Financial District de San Fransisco avec une véritable excitation. Mais sillonner l'Arizona, l'Utah, le Colorado, le Montana ou la Californie du nord me convainc d'être aux Etats-Unis pour les bonnes raisons - les miennes en tout cas.
En 1956, le parc des canyons accueillait 30.000 visiteurs par an. Déjà la foule pour Edward Abbey. Aujourd’hui, Arch Canyon attire entre… 900.000 et 1 millions de touristes !
Bryce Canyon : Tout autour, à perte de vue, le désert rouge, des dômes, des bosses et des arêtes sur un plateau tordu comme un tôle sortie d’un brasier
La pointe de Manhattan est aujourd’hui deux fois plus grande que lorsque les Hollandais s’y sont installés. C’est connu : ce sont les ordures de la ville qui ont servi de remblai. Le quartier d’affaires de New-York a ainsi les pieds dans la pourriture. Il est permis d’y voir un signe.
foule acceptée, accueillie avec nécessité par les autorités pour remplir les caisses et rentabiliser les investissements. Tout cela au détriment de la nature, réduite à l’état de pur produit marketing, déclinée en produits de merchandising dans les boutiques de souvenirs.
Depuis que vous êtes arrivés dans la région, qui, parmi vous, a vu un ours ?
Les trois quarts de la salle lèvent la main. Pas nous. Ils n’ont l’air ni excités, ni fébriles, ni particulièrement fiers, tous ces gens qui ont vu un ours, réunis pour ce ranger-led program dans une salle attenante au visitor center du parc national de Yellowstone. Avoir vu un ours ne semble pas relever de l’exploit. L’exploit, c’est apparemment de ne pas avoir réussi à en voir un. (p. 7)
C'est-à-dire que marcher deux km et demi en terrain plat est considéré comme un effort suffisamment intense pour que l'on suppose que vous allez rentrer en voiture. L'option du demi-tour à pieds va si peu de soi que l'on prend soin de signifier aux visiteurs que la vue change s'ils marchent dans l'autre sens.
Le Grand Canyon, balafre géante sur la face du monde
C’est John Wesley Powell qui donne son nom au lac formé par le barrage du Glen Canyon