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Critiques de Bernhard Schlink (878)
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La Petite-Fille

Kaspar, un septuagénaire, libraire berlinois, part à la recherche de la fille inconnue de sa femme, écrivaine, fraichement décédée, après en avoir appris l'existence au détour d'un manuscrit miraculeusement retrouvé.



Tout est limpide dans ce formidable roman sur la réunification allemande. La première partie confronte deux regards, celui de deux Allemagnes, longtemps séparées : Kaspar, né en RFA, et Birgit née en RDA. Leur rencontre en 1964 à Berlin-Est, la naissance de leur amour, la fuite rocambolesque de Birgit pour le rejoindre définitivement à l'Ouest, sont racontée dans le texte retrouvé, une magnifique mise en abyme. Les mots de Birgit qui n'a jamais trouvé sa place en RFA résonnent très fort, d'autant que l'auteur les jauge à ceux de Kaspar qui n'a jamais vraiment compris qui était son épouse. La façon dont Bernhard Schlink peint les mystères du couple est d'une finesse rare, quand l'autre garde une part secrète qui fait qu'il reste une personne lointaine et étrangère à son conjoint. Après avoir lu le texte de Birgit, on relit les chapitres précédents à son aune et on lit les suivant imprégné de sa force.



La deuxième partie confronte toujours deux regards, mais cette fois issus de deux générations différentes, toujours celui de deux Allemagnes réunies dans un même pays mais radicalement opposés dans la façon d'envisager ce qu'est être une nation : Kaspar et la petite-fille du titre, Sigrun, adolescente de quatorze ans élevée dans le milieu Völkish, mouvement nationaliste d'extrême-droite glorifiant un passé germanique mythifié, ouvertement antisémite et négationniste.



C'est sans doute le mot « subtilité » qui caractérise le mieux ce roman. Bernhard Schlink aurait pu se contenter de raconter la RDA, la réunification, l'amertume de nombreux d'ex-habitants de l'Est, la vitalité du néo-nazisme à grands coups de paragraphes didactiques qui en auraient fait une arrière-plan historique costaud. Lui, au contraire, préfère montrer comment le poids de l'histoire fait son chemin dans les recoins les plus intimes des êtres, ce que les systèmes politiques ont fait aux âmes. Suggérer en comptant sur la perspicacité du lecteur plutôt que de professer sur la place du passé dans le présent : c'est ainsi que ressort toute la complexité de l'histoire allemande.



Lorsque Kaspar rencontre Sigrun, le drame se teinte des nuances du conte. Le vieil homme et la petite-fille. Certains lecteurs auraient sans doute apprécié un style plus rentre-dedans, plus direct, moins « modeste ». Sigrun semble presque éthérée tant elle ne correspond pas aux standards de son âge, sa relation avec Kaspar peu crédible, la démarche de ce dernier semblant si naïve. C'est justement ce décalage qui m'a bouleversée.



Kaspar est un personnage terriblement émouvant par ses questionnements permanents pour essayer, non pas de comprendre, mais d'ouvrir les horizons de Sigrun qui érige Irma Grese ( tortionnaire d'Auschwitz ) en héroïne. Il n'a que sa bonté, son amour, sa culture à lui offrir, l'encourageant à penser par elle-même loin du poison distillé par son éducation, puis à développer son talent musical comme possibilité d'émancipation. La description de leur visite du camp de Ravensbrück est par exemple d'une superbe sobriété pour appréhender cet étonnant personnage de vieil homme, jamais il ne cherche à s'imposer ou imposer sa façon de voir. Il a en lui une pureté modeste qui irradie et en fait un des plus beaux personnages de grand-père lu dans la littérature.



Jusqu'à la fin, parfaite avec sa dernière phrase épurée à l'évidente simplicité, une phrase qui tire des larmes, sans que ces dernières n'aient été racolées, juste amenées avec l'intelligence et la sensibilité qui caractérisent l'entièreté de ce roman qui a totalement résonné en moi.
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La Petite-Fille

Un soir, en rentrant de sa librairie, Kaspar retrouve sa femme noyée dans la salle de bains. Dans les papiers abandonnés par son épouse, Kaspar découvre qu’avant de fuir la RDA pour le rejoindre illégalement à l’Ouest en 1965, Birgit avait eu une fille, abandonnée de l’autre côté du Mur. Un secret bien gardé, qu’il décide d’aller démêler…



Derrière cette intrigue familiale qui tisse des liens particulièrement émouvants entre un grand-père et sa petite-fille par alliance, Bernhard Schlink réveille les vieux fantômes de l’Allemagne : celui de la RDA et de la réunification, mais également celui du régime nazi. Des blessures pas encore totalement refermées, comme en témoigne cette enquête mêlant brillamment un passé qui continue de diviser et un présent où l’idéologie nazie semble encore bien vivante…



Si beaucoup retiendront cette belle leçon d’histoire, je retiendrai surtout la relation émouvante entre un grand-père endeuillé et cette petite-fille endoctrinée par le milieu extrémiste dans lequel elle grandit. Un choc plein de tendresse entre deux générations qui vont tenter de se réparer au fil des pages. Lui, offrant sa sagesse, sa culture, son amour des livres, de la musique et de l’art à une adolescente élevée dans un environnement d’extrême droite très cloisonné. Elle, offrant un amour familial auquel il ne pensait plus avoir droit, ainsi qu’une jeunesse qui nous invite à revisiter les traumatismes de cette Allemagne sous un regard différent…
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Le liseur

Et voilà… ce soir je viens de tourner la dernière page du livre Le liseur. Je ne sais pas si vous avez un pincement, parfois, vous aussi, lorsque cette fichue dernière page est finalement tournée ? Et bien là, c’est le cas.

Le liseur, c’est l’histoire d’un homme, Michaël, qui, toute sa vie, sera obnubilé par la première femme dont il est tombé amoureux, alors qu’il n’avait que 15 ans : Hanna.

Rapidement, elle réclame qu’il lui lise des livres, après, voire avant leurs ébats. Elle est passionnée par ses lectures, qu’elle écoute avec avidité.

Et puis un jour, sans la moindre explication, Hanna disparaît.

Il la retrouvera des années plus tard, alors qu’il est étudiant en droit, lors d’un procès sur des gardiennes de camps de concentration.

Hanna est l’une des accusées.

Imaginez... vous découvrez que celle que vous avez adulée, a pris part à ce qui vous fait le plus horreur dans l’histoire de votre pays.

C’est un terrible choc. Et c’est d’autant plus culpabilisant pour Michaël qu’il n’arrive pas à tourner la page, à ne plus penser à Hanna. Elle est en lui.

L’auteur nous guide dans les méandres des pensés du narrateur et on suit ses questionnements sans violences, sans heurts… mais hélas sans réponse non plus…

Comme lui, on est sous le charme d’Hanna, on préfèrerait tellement la haïr, mais non, elle nous touche malgré nous…

Il est question d’analphabétisme également dans ce livre, et des engrenages qu’un tel manque peut générer (et ce point me touche également beaucoup).

Je conseille évidemment ce roman.

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La Petite-Fille

Après avoir lu de nombreux avis très favorables sur La Petite-Fille de Bernhard Schlink, j’ai enfin pu découvrir ce roman traduit de l’allemand par Bernard Lortholary. Cette lecture m’a passionné car elle me rappelle toutes ces années où l’on parlait de l’Allemagne de l’Est, du Mur de Berlin et des conséquences engendrées par cette coupure héritée d’une des périodes les plus dramatiques de l’Histoire. Il y avait aussi un rêve d’une société égalitaire…

La Petite-Fille débute donc à Berlin avec Kaspar, libraire, et sa femme, Birgit, femme bien mal dans sa peau. Elle boit, sème le désordre, désordre que Kaspar remet en place avec beaucoup de patience. Hélas, tout bascule très vite quand Kaspar découvre Birgit, morte dans sa baignoire.

Birgit était une enfant de la RDA et, sous le choc, Kaspar tente de comprendre pourquoi son épouse en est arrivée à se détruire. Il plonge alors dans ses dossiers, ses articles, parce que Birgit devait toujours écrire un livre qu’un éditeur lui réclamait. Au passage, l’auteur rappelle que, en quarante ans d’existence, la RDA a enfermé 120 000 jeunes dans des foyers. Birgit en a-t-elle fait partie ?

Revenant sur son parcours, Kaspar, fils d’un pasteur protestant, se souvient de ses séjours à l’Est, à une époque où cela était possible. Il rencontrait des jeunes de son âge et c’est là qu’il a fait connaissance avec Birgit, une fille qui l’a subjugué et dont il est aussitôt tombé amoureux.

Riche en événements, en rebondissements mais surtout en enseignements, ce roman permet de découvrir tous les drames que ce partage en deux d’un grand pays a pu générer. Les solutions apparemment idéales choisies par les régimes sous obédience soviétique se révèlent vite néfastes, voire dramatiques. Kaspar le découvre durant son parcours d’étudiant mais y replonge au cours de sa recherche de cette fille dont Birgit n’a pas voulu. Toute l’origine du drame est là.

Kaspar rencontre des gens extraordinaires comme Paula, une infirmière, qui était la grande amie de Birgit, à l’Est. Enfin, on y arrive : voilà la fameuse petite-fille ! À partir de là, le roman change de dimension puisque cette petite-fille se nomme Sigrun et que Kaspar l’a retrouvée… avec sa mère, Svenja, et son mari, Björn. Ils vivent dans une espèce de communauté nostalgique du nazisme qui mêle retour à la terre et extrémisme religieux, les völkisch. De plus, ces gens revendiquent leur germanité, sont antisémites et refusent le modernisme.

Débute alors l’aventure entre Kaspar et sa petite-fille qu’il réussit à faire venir à Berlin moyennant beaucoup d’argent versé à Björn, le beau-père. Sigrun est tiraillée entre ses parents et son grand-père qui a 71 ans alors qu’elle n’en a que 14. L’opéra, les concerts, les lectures et surtout le piano seront d’énormes révélateurs. Confrontée à des questions essentielles sur son enfance, l’influence de ses parents et les choix qu’elle devra faire, Sigrun devient attachante et perturbante pour le lecteur que je suis.

La Petite-Fille, en dehors de ses riches aspects psychologiques offre de belles séquences de nature avec cette forêt que Kaspar ne se lasse pas d’admirer.

Il faut lire ce roman de Bernhardt Schlink pour aller au bout d’une vie pleine d’espoir malgré les embûches nombreuses et les choix contestables. Il faut espérer pour Sigrun mais aussi pour sa mère, malgré Björn… bel hommage rendu à Birgit, tardivement hélas.


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Le liseur

Lu puis vu dans la foulée . Une fois n'est pas coutume , la version cinématographique tres fidele m'a beaucoup plus enthousiasmé que la version papier...Winslet y est juste éblouissante !



Une fois de plus , la 4e de couv' balance allègrement les ¾ du récit ! Pénible , limite énervant ! Ça commençait mal...Contrairement à Michael qui , du haut de ses 15 ans , rencontrait Hanna , de 20 ans son ainée – cougar avant l'heure - et par la même , l'amour . Leurs rendez-vous prendront tres rapidement la forme de rituels immuables . La lecture avant le plaisir . Hanna , étrangement , ne concevant pas l'acte avant que celui qu'elle ne cessera d'appeller «  garçon «  ne lui déclame quelques pages de grands classiques . Education sentimentale versus enseignement . Chacun semble y trouver son compte , laissant l'attachement et l'affection les lier un peu plus chaque jour jusqu'à ce qu'Hanna ne disparaisse , sans crier gare , vouant Michael au désespoir le plus total...



Un bouquin en trois actes équilibrés et intenses . De la rencontre à l'abandon , des retrouvailles au dénouement final , ce court roman se tient parfaitement en allant à l'essentiel . Ce qui m'a véritablement laissé sur le carreau , spectateur passif - voire parfois ennuyé - d'un récit initiateur de réflexions incontournables , c'est cette narration descriptive et distanciée de l'auteur . Hermétisme le plus complet au style Schlink . Un récit pourtant narré à la premiere personne mais qui ne m'a jamais permis d'adhérer , d'intégrer , de m'enthousiasmer plus que de raison ! Des faits cliniques manquant profondément de chaleur , de sentiments tout simplement . Alors , bien sur , difficile dans cette Allemagne d'apres-guerre , de demander aux protagonistes d'effectuer un numéro de claquettes tout en balançant des confettis en jouant le Petit Bonhomme en Mousse au gazou mais quand meme...

Bon , le style de l'auteur est affaire de bon goût et je suis tres , tres loin d'en avoir le monopole . Par contre , si la narration émeut peu , les multiples questionnements suscités font mouche ! Quid du degré de responsabilité de l'éxécutante tortionnaire zélée , aussi aveugle et inculte soit-elle . Peut-on se relever , se reconstruire suite à une histoire d'amour qui vous a marqué au fer rouge ? Est-on à meme de comprendre , de pardonner quelqu'un jugé et condamné pour avoir perpétré les pires horreurs qui soient et ce , sans éprouver ce sentiment de honte prédominant d'avoir indirectement participé à tout cela ? Par ricochet , difficile d'appréhender , d'assumer ce que firent nos parents , nos ainés durant cette sale guerre sans en devenir les témoins dépositaires taraudés par la légitimité des exactions commises au nom du sacro saint National Socialisme . Et que dire de l'opprobe concernant Hanna ? De ce terrible secret qui aura gouverné toute sa vie , orienté malheureusement tous ses choix , la poussant meme au sacrifice supreme en la forçant à endosser des faits qu'elle n'engendra jamais ...Plutot mourir que se dévoiler ! L'abnégation supreme plutot que la déshonorante confession ! Glaçant...

Au final , des themes forts portés par une écriture qui l'est beaucoup moins...



The Reader , digeste !
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Le liseur

"Le liseur" n'est pas exactement un livre sur la deuxième guerre mondiale du côté allemand, mais plus une réflexion sur la justice, la culpabilité et la difficulté d'une réparation. C'est aussi le récit d'une singulière initiation amoureuse, et des répercussions de ce premier amour sur la vie entière de Michaël, le narrateur de cette histoire.



Les atrocités de la guerre servent d'amplificateur à Bernhard Schlink pour montrer, à travers l'histoire d'Hanna, que privilégier un accommodement personnel au détriment de l'intérêt collectif peut avoir des conséquences désastreuses pour les autres, comme pour soi-même. Pour ne pas dévoiler un secret dont elle a honte, Hanna fera des choix qui l'amèneront non seulement à participer aux crimes nazis en tant que surveillante d'un camp de concentration, mais aussi, plus tard, lors de son procès, à être condamnée bien plus lourdement que ses coaccusées.



Au camp, Hanna entretenait des relations avec certaines détenues qui devenaient temporairement ses "protégées", selon un rituel précis qui comprenait notamment des séances de lecture. Ce schéma n'est pas sans rappeler l'éprouvant film "Portier de nuit", dans la fascination qu'exerce le surveillant du camp sur la jeune déportée. Une emprise qu'Hanna reproduira d'une certaine façon pendant l'après-guerre, par les rituels de sa relation avec le jeune Michaël, alors âgé de quinze ans, qui ignore tout de son passé.



Michaël sera à jamais marqué par Hanna. Pendant ses études, il assistera, passif, à son procès ; ce n'est que plus tard qu'il cherchera à la comprendre. Le souvenir obsédant de son premier amour le poussera ainsi à reprendre contact avec Hanna en prison, pour entreprendre, à sa manière, un multiple et délicat travail de réparation.



Ce récit juste et distancié, sans effet ostentatoire, m'a considérablement émue. Une émotion retrouvée dans la fidèle adaptation cinématographique avec Ralph Fiennes dans le rôle de Michaël adulte, et Kate Winslet dans celui d'Hanna.
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La Petite-Fille

L’enfant perdu de la RDA.

Bernard Schlink donne vie ici à un héros bien touchant et inoubliable! Kaspar, un libraire berlinois d’âge mûr, vous accapare d’emblée et vous entraîne entre mélancolie lancinante et effroi vers une Allemagne au double visage pour y exhumer fantômes politiques et familiaux.



Entre passé et présent, on navigue d’Est en Ouest par-delà les vestiges du mur de Berlin et la cicatrice indélébile qu’il a laissée. Et l’on découvre à quel point ce mur de la honte en scindant le pays a scindé des vies.



Un soir en rentrant de sa librairie Kaspar retrouve dans son appartement le corps sans vie de sa femme Birgit alcoolique et dépressive. Quelques jours plus tard il tombe sur un manuscrit caché et apprend qu’elle a abandonné une fille à la naissance alors qu’elle fuyait la RDA en 1965 pour le retrouver. Hanté par cette histoire il décide de poursuivre les recherches débutées dans le secret par sa femme.

En même temps qu’il découvre un pan inconnu de la vie de Birgit il dévoile un autre visage de l’Allemagne réunifiée dont le spectre du nazisme porte les traits. Il retrouvera la fille de sa femme qui hélas a pris un mauvais chemin. Avec son mari et sa fille de 14 ans, Sigrun, ils appartiennent à la communauté « Völkisch » et militent activement pour ce mouvement nationaliste dans leur village de l’Est où subsiste une idéologie nazie et une nostalgie du III ème Reich.

C’est surtout à Sigrun sa « petite-fille » de coeur que Kaspar va s’intéresser. Les deux générations ne se comprennent pas pourtant Kaspar et la jeune fille vont se rapprocher. La vision radicale de Sigrun l’effraie et il essaiera de lui ouvrir l’esprit sans jugement, utilisant la culture surtout la musique classique et la littérature, ainsi que le dialogue comme vecteurs d’émancipation et moyens d’élargir son horizon intellectuel.

Grand livre sur la transmission et la tolérance, j’ai été touchée par ce vieil homme pacifiste, empli de pudeur, de bonté et de compassion, touchée aussi par ce lien puissant unissant Sigrun à son « grand père » qui avancent main dans la main vers une difficile reconstruction faisant écho à la difficile réunification du pays.

Émouvant et instructif.
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La Petite-Fille

Librairie Chantelivre- vendredi 3 mars 2023



Une pépite de livre ...Un moment dévorant d'émotions et de réflexion, à travers la personnalité bienveillante et tolérante de Kaspar, libraire, à travers sa vie de couple passionnée mais qui ne fût pas de tout repos ; heureusement sa vie professionnelle de libraire lui apporte un certain équilibre personnel et ouverture sur l'extérieur...!



Comme souvent, je commence ma première approche d'un écrivain, selon l'humeur , les circonstances, les rencontres...et je n'obéis guère à une chronologie...même si pour cet écrivain allemand, je me sens impardonnable tant j'ai reporté mon envie de lire depuis un grand nombre d'années,son célèbre roman , " le Liseur "....Un manquement que je vais réparer aussitôt cette lecture achevée !



Le personnage central , Kaspar, libraire vient de perdre la femme de sa vie, Birgit, qu'il a rencontrée vers 1964 dans son pays à elle : l'Allemagne de l'Est...Ils tombent amoureux ; Kaspar va se débrouiller pour la faire passer à l' Ouest, en 1965...Cela ne sera pas une mince affaire !



Ce couple amoureux aura un parcours tumultueux car l'épouse, Birgit est dans un mal-être permanent, une instabilité, et une quête chronique, la laissant toujours insatisfaite. Elle travaillera un moment à la librairie , avec son mari, puis cessera, tentera d'écrire, puis partira en Inde, fabriquera des bijoux, fera mille choses, elle se réfugiera dans l'alcool, sous l'oeil trop compréhensif de Kaspar...Il a tellement peur de la perdre, qu'il tolère au-delà de l'acceptable !



"Il n'y a pas de livre sur lequel nous ayons discuté aussi passionnément, lors de nos rencontres, que le roman de Christa Wolf " le Ciel divisé".Rita avait-elle raison de rester en RDA, ou Manfred de la quitter ?

(...)

Qu'est-ce qui liait Rira et Manfred l'un à l'autre ? Qu'est-ce qui les avait fait se perdre ? L'antagonisme politique entre l'Est et l'Ouest, l'incompatibilité des façons de vivre dans le socialisme et le capitalisme, la différence d'origine, d'âge et de situation, la différence des caractères ? Ou bien avaient-ils tous deux laissé la vie les séparer progressivement, comme cela arrive? Leur ciel avait-il été déjà divisé avant la construction du Mur, ou après seulement ? le partage du ciel était-il inscrit d'avance comme le résultat de l'évolution politique, ou dépendait-t-il de nous de voir le ciel, au-dessus de nos têtes, partagé ou intact ? "



Kaspar perd brutalement sa femme, il la retrouve morte dans sa baignoire, en rentrant de sa librairie...



Totalement perdu et désespéré, Kaspar, brutalement veuf...se décide à tirer et ranger le domaine secret de son épouse: papiers, ébauches de manuscrits, et découvre ainsi un secret et une douleur de très longue date: l'abandon d'une petite fille à sa naissance...non pas que Birgit ne fût pas sincère dans son amour, mais ses secrets ont fini par la miner, dont la recherche de cette petit fille qu'elle voulait à la fois retrouver, tout en reportant chaque fois

l' échéance...de son enquête !



Kaspar débutera énergiquement la recherche inaboutie de sa femme; une manière de la garder vivante et de réparer " ses regrets"...il débutera son enquête, retrouvera la fille de son épouse et sa

petite -fille, restées à L'Est, dans un contexte mortifère et extrémiste..



Un très, très beau texte avec de beaux personnages, et j'avoue avoir été prise, émue par la naissance et l'évolution des sentiments, de l'attachement entre le grand-père, Kaspar et sa petite fille, Sigrun...Grand-père franchement paniqué de voir que Sigrun a été élevée dans un milieu néo-nazi, dans le rejet de tout ce qui n'était pas la pure Allemagne...et ce grand-père fera tout ce qu'il est possible et imaginable de faire, pour ouvrir les horizons à Sigrun, cette petite-Fille par alliance...



Une histoire d'amour entre un grand-père et sa petite-fille qui vont faire connaissance bien tard , mais qui chacun, va apporter à l'autre des trésors pour se " réparer "...En même temps, Bernhard Schlink , à travers l'histoire de cette famille , va nous faire revisiter les traumatismes de cette Allemagne scindée, brisée en deux pendant plus de trente ans !

Comment des régimes politiques toxiques et totalitaires peuvent briser l'harmonie, le passé d'un pays, ainsi que les individus, sur plusieurs générations !



"Crois-tu que si vous incendiez ma voiture parce que je ne vends pas de bons livres, j'arrêterai ? C'est quoi, toutes ces âneries, Sigrun ? La vie est ailleurs. La vie, c'est la musique et le travail. Fais des études, apprends quelque chose aux enfants, soigne des malades, construis des maisons ou donne des concerts- tu es intelligente, tu es forte, fais-en quelque chose.Personne ne reprendra la Prusse- Orientale et la Silésie.L'Allemagne ne deviendra pas plus grande, mais elle n'est pas trop petite, et ses coutures ne craquent pas par la faute des immigrés.

Et on a besoin d'eux (...)"



Se jouera une relation agitée mais très affectueuse et constructive entre la petite-fille et le grand-père adoptif..Ce dernier tentera de toutes les manières, et essentiellement par la culture: les livres, la musique, l'art...d'apporter de l'oxygène à sa petite-fille ainsi que les moyens de réfléchirpar elle-même ; qu'elle puisse trouver des moyens de prendre de la distance envers l'embrigadement extrémiste où ses parents l'ont éduquée.



Ce grand-père et cet amour absolu pour cette petite-fille, adolescente, vont être La vraie belle lumière de ce roman !



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Olga

Toute sa vie Olga aura été la femme amoureuse d'un seul homme. Mais celui-ci par esprit d'aventure, de besoin de grands espaces, dans une sorte de fuite en avant, a été constamment hors de portée de cet amour. Olga la fidèle a toutefois mené sa vie. Devenue institutrice, elle a à coeur d'aider les enfants pauvres. Quand elle ne peut plus exercer son métier, elle travaille dans une famille dont le garçon deviendra son ami et son confident.



Bernard Schlink trace le beau portrait d'une femme meurtrie, volontaire et libre penseuse dans l'Allemagne de la fin du XIXe siècle — réunie sous l'impulsion de Bismarck et que sa recherche de grandeur a mené aux deux grands conflits mondiaux du XXe siècle — aux années 1970, époque où Olga disparaît à son tour non sans avoir jugé son aventure humaine.



« Parfois j'ai eu pitié de moi, qui ai grandi sans amour et qui, même avec toi, n'ai pu vivre son amour que tant bien que mal. Maintenant je pense aux soldats morts par milliers et à leurs vies qu'ils n'ont pas vécues, aux amours qu'ils n'ont pas vécues, et cela m'ôte tout apitoiement sur moi-même. Reste la tristesse. »
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Le liseur

Tout d'abord, débarrassons-nous du coup de gueule contre Gallimard qui dévoile tout le récit dans sa 4ème de couv. Pas de bol, moi qui ne la lis jamais, mes yeux s'y sont exceptionnellement attardés et mal m'en a pris. Il m'est toujours pénible de commencer une lecture déflorée par l'éditeur qui pense sans doute que l'oeuvre doit être considérée moins pour son contenu que pour sa valeur littéraire, dans le style "peu importe de quoi parle ce roman, c'est le style qui compte, voyons".



Parlons tout de même de ce roman qui mérite d'être découvert. Si je n'ai pas été aussi transcendée que les nombreux avis élogieux lus pouvaient me le faire penser, j'ai néanmoins apprécié ce récit bien construit et émouvant. Et si je n'étais pas à deux doigts de faire une overdose de "nazis et Shoah", je l'aurais sans doute encore davantage apprécié, seulement il semblerait que les écrivains ne se lasseront jamais d'écrire sur les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Passe encore quand il s'agit de témoignages tels que ceux d'Irène Némirovsky, d'Imre Kertész ou de Hans Fallada, sans même parler d'Anne Frank ou de Primo Levi, mais quand il s'agit de pures fictions, je suis quand même un peu plus méfiante et dubitative. Avec "Le liseur", roman partiellement autobiographique, on est en quelque sorte au milieu du gué.



Bien que je n'ai pas trouvé l'écriture de Bernhard Schlink particulièrement attachante, je reconnais que l'émotion passe bien et que le rythme, servi par des chapitres courts, est bon. J'ai également apprécié la pudeur qui régit la description des camps de concentration ; il n'en fait pas trop et nous épargne l'énumération trop connue des horribles conditions de vie et de mort dans ces lieux abjects, honte éternelle de l'espère dite "humaine". Cette retenue permet d'évoquer sans montrer et donne vraiment toute son intensité au récit.



Un roman personnel et sensible qui porte le lecteur à réfléchir et à s'interroger, à l'instar de Jean-Jacques Goldman dans sa chanson "Né en 17 à Leidenstadt" : "Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand ?"





Pioche dans ma PAL septembre 2018

Challenge MULTI-DÉFIS 2018

Challenge ABC 2018 - 2019

Challenge ATOUT PRIX 2018

Challenge des 50 Objets 2018 - 2019
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La Petite-Fille

Kaspar, soixante-et-onze ans, est libraire à Berlin. Lorsqu’elle décède de trop d’alcool et de somnifères, il découvre dans les papiers laissés par sa femme Birgit qu’elle avait une fille et qu’elle se s’était jamais pardonné de l’avoir abandonnée à la naissance, juste avant de fuir la RDA en 1965, où le couple venait de se rencontrer. Décidant d’accomplir pour elle ce qu’elle n’avait jamais osé tenter, il entame des recherches à partir des quelques indices à sa disposition et finit par retrouver cette fille dans un village de l’ancienne Allemagne de l’Est. Elle y vit avec un fermier d’extrême-droite et leur fille de quatorze ans, Sigrun.





La famille fait partie d’une communauté völkisch, à l’idéologie paganiste, anti-moderniste et raciste – en partie reprise par le nazisme –, qui rêve depuis la fin du XIXe siècle de restaurer la grandeur du peuple élu germanique. Sigrun a dans sa chambre des posters de Rudolf Hess et d’Irma Grese – dite « la hyène d'Auschwitz » –, nie la Shoah et croit dur comme fer à la volonté de conquête de l’Allemagne par les musulmans. Sa seule opposition à ses parents a trait à son amitié pour une fille d’un autre groupuscule, les Nationalistes Autonomes, d’extrême-gauche ceux-là, mais tout aussi racistes, antisémites et complotistes dans leur revendication d’une nation débarrassée des influences étrangères.





Rusant avec l’avidité des parents et les conditions de leur héritage dans la succession de Birgit, Kaspar obtient d’emmener Sigrun chez lui à chaque période de vacances scolaires. Débute pour lui le délicat apprivoisement de sa petite-fille. Comment déconstruire ses convictions radicales, sans la faire fuir ni pousser ses parents à la rupture ? L’adolescente s’avérant sensible à la musique et douée pour le piano, c’est par ce biais que, tout en douceur et en intelligence, son grand-père s’efforce de tisser peu à peu avec elle une relation d’affection et de respect mutuel. De concerts en musées, d’explorations littéraires à la librairie en conversations subtilement dirigées, le vieil homme s’emploie, par petits coups de culture, à semer le doute dans cette jeune intelligence.





Du désarroi identitaire des Allemands de l’ex-RDA – joyeusement accueillis lors de la réunification comme « qui rentre de voyage » et n’a aucune raison de se montrer durablement différent, ces gens issus d'un pays qui n'existe plus se retrouvent en sévère perte de repères, en particulier la génération perdue des jeunes alors âgés de vingt-cinq ans, à peine formés, déjà inadaptés – aux dérives en tout genre, alcoolisées ou extrémistes, qu'il favorise, l'amour et l'intelligence de ce grand-père, usant de l'art et de la culture pour sauver sa petite-fille de son terrifiant embrigadement, séduisent tellement, qu'à défaut de croire totalement à cette résilience peut-être un peu trop belle, l'on ne demande qu'à se laisser convaincre par ses jolis symboles.





« Il n’y a qu’une vérité. Elle n’appartient ni à moi ni à toi. Elle est simplement là. Comme le soleil et la lune. Et comme la lune elle n’est parfois visible qu’à moitié et elle est pourtant ronde et belle. »
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La Petite-Fille

C'est avec beaucoup de plaisir que je me suis plongée dans la lecturede:La petite-fille.

J'avais découvert comme bien d'autres le liseur, et j'avais été fascinée par ce récit.

Bernhard Schlink avec ce dernier roman se livre de nouveau à l'introspection de L' Allemagne. Ce pays qui est le sien, qu'il aime mais dont il doit conjurer les horreurs du régime hitlérien et l'holocauste. Se rajoute à l'histoire de l'Allemagne de l'ouest, celle de la RDA et cette réunification des deux Allemagne.

C'est au cœur de tout ceci que se constitue la petite fille.

Kaspar a épousé Birgit, une femme qui a fuit la RDA grâce à son aide dans les années 60.

Birgit ne s'en remettra jamais tout à fait, soit la RDA est une terra incognita dont elle ne veut plus se souvenir, soit c'est l'Allemagne de l'ouest qui a été cette terra incognita.

De très intéressantes réflexions sur l'exil d'un pays:

" La RDA ne deviendra jamais le pays dont on rêvait. Elle n'existe plus. Ceux qui sont restés ne peuvent plus se réjouir. Ceux qui sont partis ne peuvent pas y revenir, leur exil est sans fin. D'où le vide. Le pays et le rêve sont perdus irrémédiablement"

Oui, ces paroles doivent résonner à tous ceux qui ont fui ou perdu leur patrie.

Birgit en plus du vide doit assumer l'enfant qu'elle a abandonné juste après sa naissance avant sa nouvelle vie qui a commencé avec Kaspar à l'ouest.

Naturellement, ce secret enfoui ressurgi régulièrement, Kaspar ne le découvre qu'à la mort de Birgit. C'est alors qu'il décide de retrouver la fille de Birgit, accomplir ce que sa femme n'a pas réussi.

Et, là, la vie est incroyable, non seulement, il l'a retrouvé mais découvre aussi l'existence de : Sigrun, sa petite fille.

Des liens, de l'amour va naître de cette rencontre mais le chemin est rude. Kaspar doit lutter avec elle, qui vit dans un milieu d'extrême droite proche de l'idéologie nazie.

La musique à un rôle prépondérant dans ce roman qui le rend si attachant, si émouvant.

La musique peut-elle sauver les âmes ?

Oui, je le crois et je dédie cette lecture à mes deux amies amies allemandes avec qui j'ai partagé une soirée extraordinaire à Berlin-Est, il y a très longtemps en écoutant Eugène Onéguine à l'opéra.
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Le liseur

J’ai beaucoup aimé l’histoire car cette époque me fascine toujours autant et j’avais lu peu de romans jusqu’ici sur la période située juste après la deuxième guerre mondiale, côté allemand.



Michaël, cet adolescent qui découvre ses premiers émois dans les bras d’une femme plus âgée, dont il ne sait rien en fait, est un héros plutôt sympathique, ainsi que les rituels instaurés dans cette relation : il lui fait la lecture à haute voix avant de passer aux ébats amoureux. Elle lui apprend tout en ce qui concerne la sensualité, mais il ne sait rien de son histoire.



En la retrouvant sur le banc des accusées, quelques années plus tard, alors qu’il est étudiant en droit, il comprend ce qu’elle a fait pendant la guerre. Néanmoins, il lui restera fidèle malgré tout, et essaiera toujours de comprendre en jugeant le moins possible et en suivant son parcours lors de l’incarcération. A propos du crime, il dit :



« Lorsque je tentais de le comprendre, j’avais le sentiment de ne plus le condamner comme il méritait effectivement de l’être. Lorsque je le condamnais comme il le méritait, il n’y avait plus de place pour la compréhension. » P 177



Il a compris aussi qu’elle préfère porter la responsabilité plutôt que d’avouer qu’elle ne sait pas lire. Nous avons chacun notre dignité…



Bernhard Schlink aborde aussi dans ce roman le thème de la génération suivante : peut-on juger ses propres parents en ce qui concerne leur attitude, leur passivité devant les crimes du 3e Reich et qu’en est-il de la honte ? Peut-on avoir honte et juger en même temps ?



« Ces distances prises par rapport aux parents, n’était-ce qu’une rhétorique, un bruit, un brouillage, cherchant à dissimuler que l’amour pour les parents avait irrémédiablement entraîné une complicité dans leurs crimes ? » P 191



J’ai aimé l’idée que la lecture à haute voix, avec tous ces romans qu’il enregistre sur cassettes, pour les partager avec elle, puisse l’amener à apprendre à lire et écrire. Le lecteur vu sous l’angle du passeur en quelque sorte. Je retiens, surtout, la puissance de la lecture, de l’instruction aussi afin de pouvoir réfléchir, avoir un libre arbitre pour ne pas suivre aveuglément une idéologie barbare et prendre sa vie en mains au lieu de la subir…



J’ai pris mon temps pour entamer cette lecture, alors que j’ai ce roman dans ma bibliothèque depuis longtemps, mais je pense qu’il y a un moment où on est prêt pour rencontrer un livre ou un auteur et qu’il faut suivre cette intuition.



J’ai trouvé un seul bémol à ce roman : l’écriture est assez froide, parfois même chirurgicale, ce qui m’a un peu désarmée, mais l’auteur l’a voulu ainsi, peut-être par pudeur, ou par respect pour l’autre. En tout cas, ce qui lie ces deux êtres est fascinant et conditionne leur avenir à tous les deux.



Quoi qu’il en soit, j’ai beaucoup apprécié cet hommage que Bernhard Schlink rend à l’amour et à la littérature et c’est ce que je retiendrai de ce roman qui soulève de nombreuses réflexions chez le lecteur…



Je n'ai pas vu le film, est-il fidèle au roman?
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La Petite-Fille

Birgit a abandonné en RDA son enfant pour passer à l'Ouest et vivre son amour avec Kaspar. Mais ce qui semblait une évidence, choisir la liberté et l'amour et laisser un nourrisson auquel elle n'a pas eu le temps de s'attacher va la rattraper chaque jour un peu plus. Au point que la vie va lui devenir insupportable. Une découverte pour Kaspar qui ignore tout du passé de sa femme. Et alors qu'il n'a pu sauver Birgit de ses démons, Kaspar rencontre la fille de sa femme et surtout sa petite-fille, une adolescente sensible, mais endoctrinée par des parents qui ont versé dans un mouvement d'extrême-droite, à qui il aura à coeur de faire comprendre sans la brusquer ce à quoi il croit.



Un texte sur la réunification de deux mondes presque irréconciliables, sur la résurgence des dérives extrémistes allemandes, sur la question de savoir s'il est possible d'échapper à son passé en vivant résolument sa propre vie et sur bien d'autres choses encore, que j'ai trouvé magnifique et bouleversant, par les situations vécues autant que par les sentiments et les mots d'hommes et de femmes marqués en profondeur par la complexité de l'histoire de leur pays.
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La Petite-Fille

J'avais envie de lire depuis un moment « La petite-fille » de Bernhard Schlink, pour découvrir la plume de cet auteur mais, avant tout, pour son contenu historique. En effet, je voulais voyager dans l'histoire allemande, être transportée des décennies en arrière, au temps de la guerre froide et de la division de l'Allemagne, puis de la chute du mur et de sa réunification.



*

Le narrateur de ce récit est Kaspar, un septuagénaire berlinois cultivé et sensible, qui tient une petite librairie. Après le décès tragique de sa femme Birgit, l'homme fait du tri dans ses affaires personnelles et ses cahiers remplis de poèmes. Il trouve aussi une ébauche de récit autobiographique commencé plusieurs années auparavant. Sa lecture est un choc car en entrant dans l'intimité de sa femme, il apprend qu'en fuyant la RDA en 1964 pour le rejoindre en Allemagne de l'Ouest, Birgit lui a caché l'existence de sa fille, abandonnée quelques semaines avant leur rencontre.



Ce secret bien caché lui révèle une facette de la personnalité de Birgit. Sous ses airs rêveurs et peu loquaces, sous son attitude distante et son besoin de liberté, se dissimulait une femme meurtrie qui souhaitait au fond de son coeur retrouver son enfant, mais qui avait aussi affreusement peur d'être rejetée.



Sa femme rêvant de renouer avec sa fille sans jamais oser franchir le pas, il décide de répondre à son souhait et de partir à sa recherche. Dans cette quête, il finit par retrouver à la fois Svenja, désormais adulte, mais aussi sa petite-fille, Sigrun.

Il s'attache très vite à cette enfant de 14 ans élevée dans les idéaux völkisch.



*

Dans la première partie du livre, nous lisons avec Kaspar le manuscrit de Birgit : nous apprenons qui était réellement cette femme discrète, partagée entre son envie de vivre libre, sa douleur d'avoir abandonné son enfant et la nostalgie de son pays. Cette lecture est difficile pour le vieil homme qui était heureux auprès de Birgit et qui se rend compte que ce bonheur n'était peut-être pas réciproque.

Sa vie avec Birgit avait-elle été réelle ou un mensonge ?



La seconde partie est très différente : se dessine une nouvelle partition du temps, où les visites de Birgit chez le vieil homme brisent sa solitude et mettent à distance son chagrin.

C'est la rencontre entre un grand-père et sa petite-fille, mais également la rencontre entre deux univers contraires. Avec sagesse et patience, tact et tolérance, Kaspar essaie de nouer une relation étroite avec Sigrun, de la faire entrer dans son monde, de lui ouvrir l'esprit, de développer son esprit critique sans jamais lui imposer sa façon de penser.



*

L'écriture de Bernhard Schlink est à la fois tendre et profonde, prenante et délicate, sobre et lyrique. L'auteur a su développer des portraits authentiques et réalistes tout en les replaçant dans leur époque. Il a fait de Kaspar un personnage sympathique, attachant et généreux, réfléchi et sensible ; et de Sigrun, une jeune adolescente intelligente et réfléchie, mais pétrie de préjugés, de clichés et de méfiance.



En entremêlant étroitement destins individuels et histoire allemande, Bernhard Schlink a bien retranscris les liens précieux et fragiles entre les grands-parents et les petits-enfants.

Mais de manière plus pénétrante et subtile, il a également mis l'accent sur deux visions du monde en opposition : entre Kaspar et la famille de Sigrun se dessine une Allemagne fracturée dans laquelle les relations sociales et les modes de vie sont si différents qu'ils laissent la place à l'amertume, au ressentiment.

On sent alors combien les différences et les blessures sont profondément ancrées, le temps sera nécessaire pour construire une identité historique, culturelle, sociale et nationale communes.



« Qu'est-ce que je ferais si du jour au lendemain je devais renoncer à ma vie passée et en commencer une nouvelle ? »



*

Vous avez bien compris que cette rencontre est aussi un voyage dans le passé. Il est question de politique, d'idéologie nationaliste et de la perception des étrangers ; de passé nazi, de mémoire historique, de responsabilité morale et de négationnisme ; d'empreintes laissées par la RDA et de nostalgie d'une époque révolue, de besoin de reconnaissance et de résilience.



« Quand j'écoute Bach, j'ai le sentiment que la musique contient tout, le léger et le lourd, le beau et le triste, et qu'il les réconcilie. »



En initiant sa petite-fille à l'art, en lui ouvrant le monde des livres et de la musique, en l'accompagnant dans sa visite du camp de Ravensbrück, Kaspar lui ouvre les yeux face à la réalité des camps de concentration, la responsabilité des allemands face à l'Holocauste ou encore la diabolisation et la haine des étrangers et en particulier des juifs.



« Il n'y a qu'une vérité. Elle n'appartient ni à moi ni à toi. Elle est simplement là. Comme le soleil et la lune. Et comme la lune elle n'est parfois visible qu'à moitié et elle est pourtant ronde et belle. »



Si j'ai trouvé parfois une simplification un peu trop manichéiste des personnages, petit bémol qui n'engage que moi, l'arrière-plan politique et historique est particulièrement marquant, tout en retenue et en sobriété. Et les dernières lignes sont magnifiques de pudeur.

Un beau roman de transmission baigné de musique et de littérature, doux et respectueux, émouvant et très bien écrit.
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Olga



L’auteur, Bernhard Schlinck, est tombé, par hasard, sur le journal du vrai Herbert Schröder-Stranz, explorateur méconnu, et impressionné par la fascination de cet homme pour le néant et le désert, son imagination s’est emparée de l’histoire de cet homme. Il a alors construit son récit autour d’Herbert et s’est demandé quelle femme pouvait aimer un homme tel que lui. Olga est donc née sous la plume de Bernard Schlinck. Nous traversons avec intérêt l’histoire de l’Allemagne de la fin du 19ème siècle jusqu’aux années 1970 en compagnie de cette femme qui, à mes yeux, représente l’histoire de toutes ces femmes courageuses qui n’ont jamais baissé les bras devant ce terrible 20ème siècle.



Olga est donc née fin du 19ème siècle, dans un milieu pauvre, à Breslau. Dès sa plus tendre enfance, Olga ne cesse de surprendre par son désir de rester debout et de regarder autour d’elle. C’est une enfant silencieuse, observatrice. Ces attitudes qualifieront cette femme tout au long de sa vie.



Ses deux parents sont emportés par le typhus, elle est élevée par une grand-mère antipathique. Prisonnière de son temps, de la pauvreté et du statut imposé à la femme à cette époque, elle n’a de cesse de vouloir faire des études. La culture, la lecture sont ses échappatoires. Elle fera toujours preuve d’une immense volonté afin de parvenir à son métier d’institutrice.



Viktoria et Herbert, ses deux amis, sont des enfants de bonne famille. Les années passant, Herbert et Olga vont tomber amoureux au grand désespoir de la famille Schröder. Adultes, ils vont vivre leur amour en dépit de l’opposition de la famille d’Herbert.



Ce dernier, contaminé par le désir expansionniste de l’Allemagne, assoiffé d’aventures, s’engage dans l’armée pour mieux assouvir son besoin d’espace. Cette ivresse de conquête le mène à sa perte. Il disparait dans les glaces du Spitzberg en 1913 au cours d’une expédition mal organisée.



Olga lui restera fidèle, c’est cet amour qui nourrira le cœur d’Olga tout au long de sa vie.





J’ai eu du mal avec l’écriture froide, distante, de Bernhard Schlink. J’ai pensé arrêter ma lecture à la fin de la première partie tant aucune émotion ne se dégageait du récit. Les mots s’enchaînaient les uns derrière les autres, un peu comme un manuel, et je restais indifférente à ce qui se déroulait sous mes yeux. Ce livre est divisé en trois parties. A partir de la seconde partie, son écriture s’est un peu plus humanisée. Le narrateur change. On suit l’histoire d’Olga raconté par le fils d’une famille pour laquelle Olga a travaillé après sa retraite anticipée. L’auteur s’est-il inspiré d’une grand-mère aimante, toujours est-il qu’il y met beaucoup plus d’émotions et que son récit y gagne en sensibilité. Quant à la troisième partie, je vous laisse le soin de la découvrir, c’est émouvant.



Je note quatre étoiles. Je n’aime pas nuire à un roman, je préfère m’abstenir de commenter d’autant que la lecture d’un tel auteur que j’apprécie, est subjective et dépend du « liseur ». Nos amies Palamede et Nameless ont eu une approche différente de la mienne, je vous laisse le soin de vous faire votre propre opinion.



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Le liseur

Un bon moment de lecteur passé en compagnie des protagonistes. Le style de l'auteur est léger bien qu'il faille plutôt féliciter le traducteur de rendre ce texte si facile à lire. Le liseur de Bernhard Schlink porte la nostalgie des amours contrariées, mêle le questionnement sur la culpabilité, le pardon, la responsabilité d'une génération qui a enfanté l'horreur ou qui a fermé les yeux sur l’innommable. Peut-il y avoir une rédemption après l'indicible ? Tandis que la repentance est toujours un sujet d'actualité et que des démons que l'on croyait endormis à jamais se réveillent un peu partout sur la planète, cette histoire a eu un résonnement particulier en moi...
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La Petite-Fille

La petite- fille, c'est celle que Kaspar, libraire berlinois, va retrouver alors que c'est déjà une adolescente. Et ce n'est même pas la sienne, mais celle de sa femme, récemment décédée.



Présentée comme cela, cette histoire peut paraitre nébuleuse. Elle est pourtant très subtilement et clairement racontée par cet auteur que j'avais découvert avec Olga, et dont j'ai retrouvé avec plaisir les qualités d'écriture, le don pour raconter des histoire, créer des personnages que l'on retient. J'ai également retrouvé ce que j'avais moins aimé , une certaine austérité, mise à distance qui personnellement me rend l'empathie envers les personnages plus difficile.



Mais revenons à l'histoire qui se déroule en deux parties. Kaspar retrouve un soir en rentrant du travail sa femme morte, noyée. Anéanti par cette disparition, après quelques hésitations tant il a peur de violer l'intimité de sa femme, Kaspar va se plonger dans un manuscrit qu'elle avait commencé. Et c'est là qu'il va découvrir que Birgit, dont il était tombé amoureux, qu'il avait fait sortir de RDA pour pouvoir vivre avec elle, Birgit y avait eu un enfant qu'elle a abandonné. Ce manuscrit de Birgit, est la partie du livre qui m'a le plus touchée.On y voit toute la difficulté de cette femme originaire de RDA à s'adapter à la vie en RFA. Et cette opposition entre les deux Allemagnes est renforcée par les deux visions de la vie du couple, celle de Kaspar que lui nous avait livrée auparavant et celle de Birgit, et l'abime qui existe entre elles, écho de l'abime entre les deux Allemagnes.



Bouleversé par cette lecture, Kaspar va se lancer à la recherche de cet enfant et retrouver cette femme et sa famille. Et là encore, l'auteur va opposer deux mondes : Celui de Kaspar, épris de liberté, épris de justice, épris de culture et celui de la fille et la petite fille de Birgit. C'est une famille de Néo-nazis, dans laquelle l'holocauste est dénié, pour laquelle les musulmans vont envahir l'Allemagne, pour laquelle les Allemands sont au-dessus de tous. Kaspar pour pouvoir passer du temps avec sa petite-fille va devoir promettre de ne pas changer sa vision du monde. Il va cependant essayer de l'amener à réfléchir, à lui faire découvrir la musique, l'opéra, les livres. Cette partie toute en nuances m'a cependant moins séduite. Il m'aurait fallu pouvoir m'attacher plus aux personnages. Ilss sont restés trop enfermés dans leur rôle, trop dans la retenue. j'aurais aimé que Kaspar soit plus percutant, même si je comprenais la réserve qui lui était imposée.Et la petite- fille m'a semblé bien égoïste.



Cela reste cependant un livre passionnant sur ce qu'il décrit de l'Allemagne, celle divisée d'hier, et celle d'aujourd'hui ou les séquelles de la réunification n'ont pas encore disparu.
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Le week-end

« Comment peut-on discuter avec tout son bon sens et se demander si le monde, par un meurtre, devient un monde meilleur ? »



Question difficile, n’est-ce pas ?

Eh bien, le temps d’un week-end, la sœur, l’avocat, les anciens amis de Jorg se retrouvent autour de lui, un terroriste de la Fraction Armée Rouge allemande gracié après plus de 20 ans d’emprisonnement.

Ils débattent, s’interrogent, se mettent en colère, pleurent, ironisent, méprisent, réfléchissent, compatissent, tombent amoureux…

Pleins de bonnes intentions, du sens du devoir, de mensonges et de vérités, d’embarras, ils manifestent leur désarroi, comme serait le nôtre, je suppose, devant un ami devenu terroriste et assassin. Cet ami, a-t-il changé ? S’est-il repenti ? Continue-t-il à professer ses convictions ? Comment se positionner à son égard, alors que cet ami lui-même est désemparé et manque de recul face à tout et face à lui-même ?



Ce roman est court, mais chaque phrase compte. Chaque phrase interroge les protagonistes, mais nous interroge également, sûrement sur le terrorisme, mais aussi sur tous les petits actes terroristes du quotidien. Les personnages sont humains, faibles et forts.

La nature est omniprésente et offre son refuge, on se croirait en pleine période du Romantisme à ce point de vue-là : un vieux manoir, une vaste prairie, une sombre forêt, un ruisseau, un banc.

Dans ce cadre idyllique, les gens s’entremêlent, s’entrechoquent, se heurtent. Certains se découvrent des affinités, d’autres sont déçus. Leur passé personnel remonte à la surface, et c’est tout chargés de vie qu’ils se présentent à nous et à Jorg, qui a lui toute une vie à reconquérir…ou pas.



Si vous voulez passer un week-end dans la campagne allemande, mais pas un séjour de zénitude et de paix, plutôt deux jours de questionnements sur l’engagement, la responsabilité, la culpabilité, et de prise de conscience de soi-même, je vous conseille ce roman de Bernhard Schlink.



Bon week-end !

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Olga

Qu'a de particulier cette Olga , femme tout à fait ordinaire, pour que l'on en fasse un récit ? Outre le fait qu'elle fut la compagne d'Herbert Schröder-Stranz (officier allemand et explorateur des régions polaires ) ?? Rien. Rien et tout. Une femme qui a su se bâtir toute seule à une époque où on devait se marier pour être quelqu'un. Une femme qui a dessiné son destin elle-même. Une femme qui a étudié, devenue institutrice, elle a formé - à sa manière- des générations d'enfants allemands. Une femme qui fut également à sa manière une mère. Une femme qui a accepté sa solitude. Une femme qui a su deviner sa nation, survivre à 2 guerres, déplorer la folie de grandeur de Bismarck, de l'Allemagne et une femme fidèle à un amour. "Quelle chance , quand la vie que mène quelqu'un et la folie qu'il commet s'accordent comme mélodie et contrepoint! Et lorsque non seulement les deux s'accordent, mais que c'est la personne elle-même qui les met en accord!" (p.266)

Voilà Olga. Amour, résistance, accomplissement et déception.

Et la plume de Bernhard Schlink, tout en délicatesse et sensibilité nous berce du récit de la vie de Olga sans jamais nous ennuyer. C'est simplement le destin d'une femme et c'est beau .
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