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Citations de Céline Minard (279)


Ils étaient d’une patience d’ange. Leurs outils l’attestaient. La brindille à fourmi, l’éponge à boire, le bâton à fouir, la tige creuse aspirante et la perche à miel étaient autant de ressources lentes, peu productives, rarement à l’équilibre économique. La gourmandise pouvait leur faire perdre plus de calories qu’elle ne leur en apportait. Duane avait vu Abbi pêcher des larves minuscules dans un bois pourri, des heures durant, pour en obtenir l’équivalent d’une demi-poignée de riz bien poli. Mais les petites prédations n’étaient pas qu’une affaire de goût. S’ils roulaient certaines racines au bord des flaques évaporées pour les couvrir de sels minéraux et s’en lécher les doigts, c’était aussi pour leurs vertus. L’acide formique relevait la saveur des feuilles de manguier en fin de saison et favorisait la digestion. C’était par ailleurs un antiparasitaire actif. Duane avait vu le guetteur atteint d’une pelade au flanc et à la fesse s’asseoir dans une boue soigneusement choisie et malaxée. Ils se soignaient.
La table, le mouvement, le groome étaient coulés dans le monde comme une rivière dans son lit. Sans heurt, sans perte, sans rien qui serve et rien d’inutile.
Ils ne se blessaient pas.
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Hagop Bates était assis depuis cinq heures, courbé sur l’oculaire de son microscope optique, il n’avait pratiquement pas changé de position et commençait à ressentir une raideur dans la nuque. La carapace du coléoptère qu’il dégageait de sa gangue l’absorbait complètement. Elle était d’une couleur chaude, brunie comme un vieux cuir, douce malgré la lumière crue qui éclairait son plan de travail et il croyait en éprouver le grain délicat sous ses outils de dentiste comme s’il la touchait avec la pulpe de son doigt. Il l’approchait depuis trois jours. Il l’avait d’abord devinée dans la boulette noire qu’on avait déposé sur sa paillasse. Puis il en avait peu à peu précisé les contours en tâtonnant dans la matière, progressant par petites touches, repérant les failles, y insinuant la pointe de son micropercuteur pour donner l’impulsion décisive – des centaines de fois. Il tournait autour de la forme générale, ses gestes étaient indiscernables, de petits copeaux sautaient de la masse informe. Il travaillait comme un insecte autour d’un autre insecte, sa stratégie était celle d’une danse nuptiale faite d’écarts et de rapprochements imprévisibles. Ses curettes se posaient et se rétractaient comme des antennes, touchaient le corps englouti au-travers de son enveloppe sédimentaire et le ramenaient au jour, au moment présent, à sa structure, à sa nuance.
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Galván est là pour tourner le triple comme il se tourne depuis des siècles, à l’antique. Sa technique est irréprochable, elle est rodée. Les Bjorgs qui maîtrisent la quinte et le sixte n’en ont pourtant pas fini avec lui, avec son art, avec sa peur, peut-être. Les variations de son taux d’adrénaline qui grimpe en flèche au tout début du départ, descend pendant le ballant, s’installe dans la figure, plus stable qu’un centre de gravité pendant qu’il tourne sur lui-même comme autour d’un axe inamovible, et remonte au moment de la rencontre, juste avant d’entendre le porteur, de le sentir, de le voir enfin, ses yeux comme deux lacs inversés, gorgés de vie, de larmes retenues.
Ils n’en ont pas fini avec Rodric non plus. Avec ce qui les lie au travers du vide, qui échappe à leurs mesures. Au calcul des forces, à la mécanique des fluides, à la chimie.
Il le tourne et revient. Rodric tape dans ses mains. Léna repart.
Elle se lance de la plateforme d’un saut sec, très réduit, le seul effort qu’elle semble fournir d’elle-même, tirer de son corps, de sa force personnelle, le seul acte où sa volonté se manifeste, décisive et ramassée comme une balle. Le geste après quoi tout est dit alors que rien encore n’est joué, n’a eu lieu, ni pris forme sinon dans sa chair et déjà dans l’air qui la porte. Elle est au-delà de la figure qu’elle va accomplir. Occupée seulement de sa suspension, paumes fermées sur la barre, immobile dans le mouvement de l’agrès, dans la masse du gaz qui l’entoure. Ce n’est pas elle qui bouge mais les éléments autour d’elle. La barre, le porteur, le filet, le portique. Elle les lâche dans les quatre directions, elle les fait tourner, les reprend pendant qu’ils tombent, les replace, les renvoie, les affole, et revient la barre dans ses mains, la gravité dans la terre, l’air dans sa bouche.
Léna n’est pas une voltigeuse, elle n’a que faire de la chute.
Les Bjorgs ne parviennent pas à quantifier son degré d’absence.
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il se mit à rêver au commerce, à la diversité des denrées et des objets qui passent de main en main, à la valeur qu’ils acquièrent en changeant de civilisation, aux désirs prétendument variés et innombrables qu’il faut satisfaire. Les Indiens, pour ce qu’il en savait, recherchaient peu d’articles. Des armes, des munitions, de quoi se saouler pour les fêtes, des ustensiles en métal, précieux ou non, des falbalas. Les Blancs, contrairement à ce qu’ils pensaient, ne voulaient pas grand-chose d’autre. Un peu plus de confort pour la plupart, du bois en hiver, des celliers pleins, une cheminée qui tire et la certitude d’une supériorité morale. (p. 96).
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La distance qui le séparait du point où mes genoux touchaient la terre était longue de plusieurs foulées d'ogre.
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Souvenez-vous mes cochons : les guerres les plus meurtrières, les génocides, commencent par des cadeaux ! Moctezuma fait offrande à Cortés : des anones, des alises, des sapotilles jaunes, des sapotilles noires, des patates douces, des patates des bois, des patates douces couleur de rouille, etc. De l'or. Cortés donne des couvertures empreintes de typhus et de variole. Et bientôt c'est la fin. (page 235)
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Il leur avait fait valoir que cet homme n'était sûrement pas seul pour agir de cette façon et que son style de combat en disait assez long sur ce que sa bande était certainement capable de faire. Il leur montra le bout de manche que Sally avait ramassé et leur expliqua que les gens qui portaient ce genre de vêtement pensaient agir selon la loi et qu'il n'y avait rien de plus dangereux.
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Guider quelqu'un, ce n'est pas seulement le prendre par la main. On peut guider de la voix, on peut faire un schéma, donner une explication verbale, énumérer des préceptes, élaborer des règles. Un guide n’est pas nécessairement une rampe.
Je peux, seule, grimper en m’auto-assurant. C’est long et technique mais c’est possible. Quand je suis sur une paroi, je peux utiliser cette corde, ces pitons et ce grigri qui bloquera ma chute et maintiendra la vitesse acceptable et le juste intervalle entre mon corps et les roches au fond du gouffre. Sur quels pitons, avec quel grigri, sur quelle corde arrimer la marche d’une vie ? Comment maintenir la bonne distance avec ce qui arrive, au moyen de quoi ? De quelles règles, de quel guidage et comment les évaluer ?
Être vigilant, se placer où il faut dans les conditions optimales. Ni en danger ni hors de danger.
Les nuages, la pluie, la roche, les semis, les bois, les corps, sont des guides savants.
Je ne suis pas détachée par erreur, ni par lassitude, ni par aveuglement. Je travaille à mon détachement. Je suis en pleine santé. (poche p.34)
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Élie ne voulait plus bouger, Élie voulait rester dans cette ville, avec cette femme dans ses bras. Il se reconnaissait ce moment qu'elle n'avait jamais vécu. Une assoiffée qui trouve enfin la rivière.
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Le troupeau était son élément, le seul qu'il connût, et il allait de pair avec la prairie, les hommes et les bêtes sauvages. Elie enviait son inconsciente naïveté, son monde plein, perdu comme un paradis.
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Qui guérit de la vieillesse?
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Les pompiers, les secouriste, les médecins, les chamans qui nous portent secours sont et doivent être des étrangers. Cela figure dans le serment d’Hippocrate : ne pas soigner ses proches. Parce que c’est dangereux pour les deux parties (…)
le type absolument à bout de force , blessé , déshydraté , exsangue , choqué , au bord du délire d’épuisement ne peut être secouru que par un étranger. Son ami, son second de cordée, devient dans ces circonstances un étranger , le seul lien qui l’on est alors celui du soutien. Le plus archaïque, le plus ancien, le plus involontaire des liens ? Le plus neutre. Aussi neutre et aussi opaque que les mouvements des organes et la formation du fœtus.
Si l’ami ne s’oublie pas comme tel, ne s’abstrait pas de sa relation envers le blessé, son soutien sera brouillé, vraisemblablement inefficace. Si le blessé rappelle son amitié à celui qui le secourt, il l’empêche. La technique du soin, quelle qu’elle soit, interdit toute relation personnelle. Elle permet aux deux personnes de s’en garder, de passer sur un autre plan, indifférent, désaffecté, urgent. La vie ne peut être sauvegarder que par une volonté et un enchaînement de faits aussi impersonnels que ceux qui l’ont fait apparaître
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Je dois sortir de l’influence du climat. Le moindre rayon de soleil est une joie pour tout, l’esprit, la peau, les cheveux, les boyaux, les vêtements, les casseroles. Dès que remonte ou retombe le brouillard, mon humeur s’alourdit. Ce n’est pas souhaitable. Je le subit. Je n’arrive pas à admettre ce rapport entre les nuées, les météores, le ciel bas et bouché et le niveau de mon énergie. Mon plafond interne se règle de lui-même sur la hauteur, la quantité et la qualité de l’atmosphère extérieur. Je le supporte mal.
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Le regret engendre la détresse. » Je n’aurais pas dû » est le début et le fond de la détresse. Le conditionnel tout entier, ce temps révolu qui n’est même pas le passé est le fondement et peut-être le créateur de la détresse. L’occasion qu’elle s’installe.
Faudrait voir ce que cette forme grammaticale entretient comme relation avec la culpabilité et comment. Un mode verbal peut affecter la production de glucocorticoïdes. Et jouer sur notre humeur.
Le conditionnel introduit une illusion d’avenir à l’intérieur du passé. Il ouvre une brèche, un éventail de fantômes dans la nécessité des faits irréversibles, qui ont déjà eu lieu. Il n’y aurait pas de détresse sans le conditionnel. La fin, l’épuisement, la douleur et la mort si ça se trouve, mais pas de détresse.
Ou je me trompe ?
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Je dois savoir si la détresse est une situation, un état du corps ou un état d’esprit.
On peut être accroché à une paroi à trois mille quatre cents mètres d’altitude en plein orage nocturne sans être en détresse. On peut aussi sous le même orage nocturne se sentir au chaud au fond de son lit au cœur de la détresse. On peut avoir soif, être fatigué, blessé sans être en détresse.
Il suffit de savoir que la boisson, la nourriture, le repos, le secours sont à portée de main. Qu’on peut les atteint. Plutôt facilement.
L’effort n’est pas la détresse mais il est souvent lié.
Il suffit d’alimenter un alpiniste coincé depuis deux jours sur une vire sans eau ni nourriture à la limite de l’hypothermie pour que disparaisse la détresse.
Le corps recouvre ses forces, l’esprit reprend courage, l’environnement n’est plus un obstacle. Ni un cercueil, ni une menace.
De la même façon, il suffirait de le déplacer (le descente de la vire en hélicoptère) pour que disparaisse la détresse. Bien avant qu’il soit réhydraté et nourri.
Comme il suffira d’une parole capable de changer ses représentations mentales -du passé, du présent, de l’avenir immédiat, de sa place dans le monde- pour que disparaisse la détresse.
La seule limite est la mort.
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« Un vin exceptionnel doit être ouvert, décanté et apprécié dans des conditions elles-mêmes exceptionnelles. » (p. 20)
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Vous ne pouvez plus entrer. Nous avons tout ouvert. Nous avons tout relié.
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Jackie soupire :
– Elles nous embrouillent. Elles gagnent du temps.
– Ou elles s’embrouillent entre elles. Ce qui serait bon pour nous.
– Pas sûr. Une équipe qui part en vrille, c’est quitte ou double. Le fait est qu’on ne peut pas dire si ce sont trois cinglées qui se sont lancées dans un truc qui les dépasse complètement ou si ce sont trois cinglées qui savent très bien ce qu’elles font. Et je ne sais même pas ce qui est préférable.
Marwan est en train de réfléchir à ce qu’il faudrait mettre en place pour en isoler une, plutôt la Brune, quand une cascade d’emails l’interrompt. Les résultats d’analyse de la trace ADN découverte dans la bouteille d’urine viennent d’arriver.
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Aucun badge ne répond plus, les caméras de surveillance n’enregistrent rien d’anormal, les écrans de contrôle affichent des températures habituelles, une humidité constante et un éclairage réduit au bunker de réception.
Ethan Coetzer a d’abord cru à un canular. Il s’est trompé. Le premier assaut donné par les forces de police a été un échec. La porte blindée est à l’épreuve des obus, le système d’ouverture par reconnaissance faciale a été détruit. Et personne à l’intérieur de la place ne s’est laissé impressionner par le vacarme des détonations. En échange, ils ont trouvé à quatre heures du matin, debout devant la porte parmi les plaques de peinture brûlées, la première bouteille débouchée. Aux trois quarts vide. Sans commentaire. Sans s’expliquer non plus comment elle était arrivée là. Ils ont néanmoins compris à cet instant qu’ils avaient perdu le contrôle des caméras de surveillance. À quel moment exactement ? Cette question travaille le cerveau de Jackie Thran comme une ritournelle. Avec trois autres, qui tournent en boucle : qui, comment, pourquoi ?
Pour la brigade d’intervention, la plus importante est « comment ». Pour Jackie et pour le négociateur, c’est « qui ». Pour Ethan Coetzer, c’est « pourquoi ». Mais pour tous, elles sont intimement et différemment liées. Chacun pense à part soi qu’une seule réponse suffirait à résoudre la situation, mais aucun d’entre eux n’a le début d’une piste.
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Personne ne bouge devant le bunker alpha.
La brume matinale se dissipe lentement, elle monte et s’accroche aux frondaisons avant de s’évanouir. Il est un peu moins de six heures du matin, le vent d’est fait bruire la végétation basse.
Il n’y a plus un seul uniforme dans le paysage.
Les hommes armés se sont regroupés dans l’ancienne maison du gardien qui leur sert de QG depuis cinquante-neuf heures. Ils ont les yeux rivés sur la porte d’acier qui devrait s’ouvrir dans quelques minutes pour la troisième fois consécutive depuis le début des opérations. Ils ne tenteront pas ce matin un nouvel assaut. Ils attendent les ordres. Le négociateur est arrivé au milieu de la nuit, il a besoin d’un contact direct avant de décider d’une méthode d’action. Il a lu et mémorisé les rapports des deux derniers jours, il est concentré sur les sons. Des perches Mini Boompole ont été installées durant la nuit au-dessus de la porte alpha dans l’angle mort de la caméra de surveillance extérieure. Ses oreilles sont prises dans les coussinets enveloppants d’un casque à réduction de bruit, il est coupé de son environnement sonore immédiat, il regarde monter la vapeur qui s’échappe de son mug de thé noir. Vingt secondes avant que la porte ne s’ouvre, il sursaute.
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