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Citations de Charif Majdalani (183)


La pierre de l’affûteur tournait toujours, ainsi que le monde autour de la maison, de ses jardins, de ses orangeraies. C’était une autre époque, où le vent soulevait les draps mis à sécher sur les toits, où l’on aérait les tapis en les jetant sur les rambardes de la terrasse et sur les plates-bandes, où l’on faisait son eau de fleurs d’oranger soi-même dans le garage et où le marchand de journaux arrivait à vélo, comme le facteur, avec son chargement de paperasse imprimée, de magazines et de journaux. Je le revois comme si c’était hier, celui-là, il entrait par le portail en face de moi, arrivait lourdement devant le perron en tanguant dangereusement, puis, tout en mettant un seul pies à terre et en me lançant un salut, au lieu de me tendre les quotidiens il les balançait ostensiblement à mes pieds, sur la première marche, comme il devait le faire sur les paillassons des appartements. Il m’énervait parce que je devais me lever et me pencher pour les ramasser. Je lui en faisais la remarque, je lui disais qu’il m’agaçait, que j’allais finir par lui mettre mon poing sur la gueule, mais il me répondait que je n’avais qu’à me bouger, ce n’était pas à lui de désenfourcher son vélo pour mes beaux yeux, avec tout ce qu’il transportait et nous avons passé vingt ans dans cette petite guéguerre.
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C’est peut-être cela la pire angoisse humaine, le fait que, un jour, plus rien dans l’immensité du cosmos ne se souviendra de quoi que ce soit de ce que les humains auront fait, de leurs rêves, de leurs aventures, de leurs folies poétiques, ni de ce qu’ils auront construit, bâti, élevé, ni de ce qu’ils auront pour cela même simultanément détruit, dévasté, ravagé.
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Ils désiraient faire une réserve, en quelque sorte, de tout cela, et cette idée m’a mis dans une froide colère. Moi, je veux que ces paysages demeurent indomptés, sauvages, même sous la menace de la voracité des hommes. Chaque matin rose qui se lève sur les sommets, chaque crépuscule qui les teint de lumières pourpres avec la promesse d’une aube neuve et pure est une victoire.
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Je vous l'ai dit ,tous les cadets des Jbeili,sous des dehors remuants et aventuriers,étaient en fait des rêveurs et des contemplatifs.
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Tout cela me fait souvent penser à Nauru, vous savez, cette toute petite île du Pacifique, jolie et verdoyante, mais dans les sous-sols de laquelle on a un jour découvert du phosphate. L’exploitation des réserves de ce minerai a considérablement enrichi les citoyens, mais a ruiné l’île, qui n’est plus qu’un trou énorme, entouré d’une mince bande de côte à peine habitable. Pour payer les dettes que leur manière de vivre trop richement les a obligés à finir par contracter, et une fois le phosphate épuisé, les habitants ont loué leur île à l’Australie, qui y dépose ses millions de tonnes de déchets.
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Mon beau-frère était un jeune juriste promis à de hautes fonctions et que tout le monde trouvait extraordinairement cultivé, ce qui me faisait rire parce que, dans nos milieux, être cultivé signifiait savoir aligner des citations et des dates dans les salons.
( Liban années 70 )
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Mon père.......tentait de pénétrer ce qui dans ma vie n’allait pas pour que je sois si féroce envers ce que j’appelais devant lui les “bourgeois”, avec une moue de dédain. Je lui racontais des bobards sur l’empathie et la solidarité, cela le faisait rire, j’entrais alors en fureur, et j’étais souvent confus aussi parce que, à la vérité, je n’avais pas d’arguments réels, à part que j’avais envie d’aventures, comme ça, pour la folie de bousculer l’Histoire et de vivre des choses comme dans les livres.
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Il dormait mal, ou pas du tout, se levait dans l’obscurité et allait marcher sur la terrasse, ou s’asseyait dans un fauteuil en osier, se demandant, devant le spectacle du brasillement tranquille des étoiles et face aux bruits de la nuit, le bois des arbres qui craque et les loups au loin, comment le monde pouvait continuer à tourner aussi naturellement alors que tant d’horreurs étaient commises chaque jour qui auraient dû finir par en empêcher la marche.
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Une petite brise apporta les odeurs de la mer et le tintement du tramway.
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J’ai toujours aimé les années trente à Beyrouth, l’ambiance légère des costumes blancs et des chemises en lin, la ville bucolique, les maisons vénitiennes aux murs plongeant non dans l’eau sale des canaux mais dans la verdure de leurs jardins. J’ai toujours envié ceux qui y vécurent,.....
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On était au printemps, me rappela-t-il, et, outre les champs de coton et la blancheur de leurs récoltes, le paysage aride était couvert de coquelicots à perte de vue. Des cavaliers surgissant creusant des sillons dans ce tapis sang et neige, et venaient vers eux au galop avant de défier la camionnette à la source.
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Je voyais le rougeole ment des explosions teinter le ciel comme des bouffées jetées par un grand brasier puis, une fraction de seconde après, retentissait le bruit qu'elles provoquaient, un ronflement si c'était au loin ou une détonation violentes c'était plus proche. Dans les moments de silence, j'entendais parfois des miliciens parler entre eux dans l'obscurité.
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Non, il pensait au contraire qu'à un moment éphémère de l'histoire insondable du cosmos et de son temps infini, en un point perdu de l'espace, une intelligence et une conscience éphémères, celles des êtres humains, comme un miroir avaient reflété et pensé cette immensité à laquelle aucune autre intelligence n'avait donné d'existence ni de sens et n'en donnera probablement jamais plus.
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La distance entre Marsad et Ayn Chir est d'environ trois kilomètres, dont une partie est constituée par la Forêt des pins, qui marque aussi la frontière entre le vilayet de Beyrouth et le gouvernorat du Mont-Liban. Cette forêt fut plantée, paraît-il, à l'époque des premiers émirs de la Montagne pour empêcher les dunes du bord de mer de ramper vers les terres cultivées de l'intérieur, ces terres qui n'étaient autres que les oliveraies de Ayn Chir. Je ne sais si Ayn Chir est mentionnée dans les vieilles chroniques guerrières du Moyen Age, celles des croisades ou celles du règne des émirs, mais il est certain que ses oliviers noueux et au troncs creux devaient déjà porter au temps de Wakim les stigmates d'un très grand âge. Les mûriers, eux, vinrent plus tardivement, c'est-à-dire aux alentours de 1850, conformément au recyclage général de l'économie du Mont-Liban, qui s'introduisit ambitieusement dans le circuit économique mondial en produisant de la soie pour les manufactures lyonnaises. A ce moment, Ayn Chir n'est pas même un village, et ne le sera d'ailleurs jamais, mais une terre de grandes plantations, parsemée de-ci de-là de fermes isolées, pour la plupart maronites. Les chiites se sont installés à la périphérie, en bordure des dunes dont ils ont apprivoisé les terres mouvantes, et on les rencontre assez peu sur la route qui passe au milieu des vergers et des potagers. Le jour, cette route est assez fréquentée parce qu'elle est la seule qui conduit de Beyrouth à Sayda. La nuit, les hyènes venues des dunes s'en approchent dangereusement, ainsi que des maisons, et il n'est pas rare qu'on entende dans l'obscurité sonore la détonation sèche d'un fusil.
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Et cette solution, ce n’était rien d’autre que d’aller demander de l’aide à quelqu’un dont le seul nom, évoqué sous le toit des Hayek, pouvait résonner comme le tonnerre ou attirer sur nous la foudre, un nom que l’on ne prononçait plus depuis trente ans mais qui évidemment devait errer dans les consciences et hanter les mémoires, un nom que l’on n’avait plus entendu non plus durant longtemps avant qu’il ne s’impose à nouveau, au même titre que celui qui le portait, un revenant revenu puissant d’Egypte puis d’Arabie, l’amant des temps anciens, le fatal, l’inévitable Badi’ Jbeili.
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Et, dans le formi­dable mais dérai­son­nable espoir que tout cela recom­men­ce­rait, il ramena son regard vers les choses qu’il avait sous les yeux et qui portaient les traces de l’usure, du temps, et me demanda : « Bon, alors, par quoi commence-​t-​on? »
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De jeunes guer­riers oisifs, en chemise de corps et qui parais­saient au courant de nos ennuis, si nous avions bien affaire à Salloum dit le Vicieux. J’opinai et je les vis échanger une moue qui semblait signi­fier que nous n’étions pas au bout de nos peines… Le domaine recom­mença à être envahi. les mili­ciens reprirent leurs aises de tous côtés.
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Badi » les accom­pagne souvent, et voilà la messe est dite, regards équi­voques, rougeur sur les joues de Marie qui petit à petit est gagnée par l’audace, qui s’isole avec Badi », encou­ragée par ses cousines, et tout le monde évidem­ment joue avec le feu parce que l’on sait très bien que le mariage de Badi » et Marie est impos­sible. Mais on s’amuse, on élabore des scéna­rios, on essaie de les faire exister, la vie pour un moment est comme un roman.
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Dans la voiture, elle se mettait en colère et marmon­nait dans mon dos contre son frère qui lais­sait faire, qui donnait son accord pour que fussent inhumés là une vieille femme ou un vieillard trépassés simple­ment parce qu’ils s’appelaient Hayek . « On n’est plus entre nous, ni sur nos terres ni en dessous » grommelait-​elle.
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En y repensant tant d'années après, je me dis que mon intuition de l'époque n'était pas erronée et que Mado n'avait qu'une envie, un désir, c'était d'en finir. Ce qui justifiait son insistance à nous voir tous partir, comme si l'apothéose qu'aurait représentée sa mort au milieu des décombres du domaine des Hayek ne pouvait prendre toute son ampleur et tout son sens que si elle était seule, qu'on la retrouvait morte en solitaire sur le navire perdu, échoué sur les bords des lignes de front de cette guerre absurde.
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