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Citations de Charif Majdalani (182)


J’avais appris aussi que le plaisir est souvent moins dans la contemplation que dans le dévoilement d’une œuvre, dans son surgissement silencieux, au milieu de l’immense bric-à-brac du monde et de nos vies.
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J'avais toujours pensé, quand j'habitais l'Occident, que notre époque, c'est-à-dire celle des démocraties, était le plus haut sommet de responsabilité et de lucidité auquel était parvenue l'humanité. Or, je crains, lui dis-je, que l'on ne réside que peu de temps sur les sommets et que nous soyons désormais déjà sur le versant descendant. Le temps des démocraties aura été une brève période de funambulisme historique, une grande époque de l'Histoire humaine qui hélas est en train de s'achever, à cause d'innombrables facteurs dont les principaux sont certes l'inintelligence des masses, ou leur peu de lucidité, et l'irresponsabilité des hommes qui gouvernent le monde, mais aussi l'instinct grégaire, la fascination pour le désordre, l'envie d'en découdre en permanence, et aussi sans doute la pulsion suicidaire de toute société à un moment de son existence. Cette pulsion est une de celles qui m'avaient le plus donné à réfléchir, quand je faisais mes études en Europe, et je me suis pris à me demander si les peuples démocratiques ne finissent pas par se morfondre dans l'ennui ou dans le ressentiment et se trouvent comme pris d'une envie d'action, d'un besoin d'en découdre, d'allumer de grands brasiers et de se jeter dedans, poussés par d'inexplicables montées de désirs.
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Pourtant, deux mois après l’installation du califat*, un ami à moi qui par nécessité et pour se mettre à l’abri de certains reproches qu’on aurait pu lui faire avait rejoint l’EI, nous fit savoir, par l’intermédiaire d’un cousin commun, que j’étais sur la liste des suspects de la police des mœurs de la milice. Moi j’aidais mon père dans son travail, et je m’occupais de nos quelques arbres. Nous avons essayé de trouver là-dedans les raisons qui m’avaient fait ainsi élire, mais c’était compliqué, ça pouvait être mon obstination à ne jamais me montrer aux meetings, au fait que j’étais sorti une fois ou deux avec ma femme qui ne s’était pas couvert le visage, que sais-je moi, ou alors à cause du passé de la famille, ou autre chose – qui peut deviner où vont se loger les absurdités et les scénarios paranoïaques dans l’esprit retors de ces gens-là ?
*A Raqqa en Syrie
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C'était aux confins des steppes, ils roulèrent des heures sur des pistes, alors qu'au loin les premiers monts pelés de ce qui toujours plus à l'est devient l'Himalaya dessinaient d'étranges arêtes que le soleil teintait de vermeil et de pourpre. On était au printemps, me rappela-t-il, et, outre les champs de coton et la blancheur de leurs récoltes, le paysage aride était couvert de coquelicots à perte de vue. Des cavaliers surgissaient, creusant des sillons dans ce tapis sang et neige, et venaient vers eux au galop...
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"Nous ne partirons pas de ce pays, nous resterons ici, nous serons de nouveau heureux, nous rirons de nouveau, et si les salauds que vous protégez ne partent pas, eux, nous irons boire et danser sur leurs tombes."
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Mais ce qui est vraiment passionnant, c'est que ces grandes invasions ont été génératrices d'incroyables phénomènes de mélanges.
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C'est comme si on avait pris le monde et qu'on l'avait renversé puis secoué ainsi qu'une vulgaire bouteille, et que tout s'y serait trouvé chambardé. Pendant un temps, pareils à des particules de couleur en suspension, on aurait eu des peuples germaniques en Afrique du Nord ( les vandales), des peuples iraniens en Espagne ( les Alains), des peuples turcs en Gaules ( les Huns), des peuples dont les royaumes se trouvaient initialement entre la Corée et la mer Caspienne se baladant aux portes de Byzance ( les Avars), etc. En regardant les cartes sur lesquelles tous ces mouvements de populations sont représentés par des flèches à larges courbes s'élevant et retombant en pluie, on a l'impression aussi d'une sorte d'incroyable feu d'artifice, de trajectoires incroyables de peuples à travers le monde soudain devenu semblable à un ciel où des étoiles se sont mises à courir
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Avec le jardinier, on se demandait quelle forme concrète allait prendre la mainmise des banques sur les usines et les terres du côté sud-ouest, si ce seraient des fils barbelés ou si on détruirait carrément les bâtiments. Mais il ne se passa rien, parce que les banques ont tout leur temps, et que, même si on se précipitait allègrement vers le gouffre, elles pouvaient attendre qu'on en sorte, fût-ce au bout de cent ans. D'ailleurs, nous aussi nous vivions comme si tout allait perdurer, comme si le tissu des jours ne pouvait jamais se déchirer , et moi, j'aimais sentir se nouer et se dénouer autour de moi les gestes' quotidiens parce qu'ils étaient comme la preuve de l'éternité du monde et des choses. Je n'avais jamais cessé d'aimer la sarabande des bonnes; celles qui chantait en passant la serpillière pieds nus sur le dallage frais, celle qui mettait le volume de la radio trop haut avant de le baisser sous les cris de Jamilé, ou cette jolie Kurde que je surpris involontairement, en passant devant la fenêtre de sa chambre, en train de se contempler devant le miroir tandis qu'elle défaisait son chemisier, et que j'espionnai en faisant discrètement un pas en arrière pour la regarder lentement défaire son haut, puis dégrafer son soutien-gorge, pour libérer ses deux superbes seins, lourds et droits, qu'elle se mit à caresser amoureusement et comme son bien le plus cher. J'aimais ce sentiment que tout allait durer toujours, avec la même population diverse et variée passant par le portail, les marchands des quatre-saisons qui s'arrêtaient et attendaient la ruée des servantes puis la lente et cérémonieuse arrivée de Jamilé, la camionnette du pressing qui entrait tous les mardis et le vélo du poissonnier tous les vendredis, et aussi les démarcheurs et les représentants que j'étais chargé de reconduire mais que je laissais arriver jusqu'à mon perron, comme ce singulier représentant en poignées de portes qui avait toutes sortes d'accessoires aux formes bizarres dans une petite valise et qui prétendait que l'on ne pouvait vendre des poignées de porte sans être un expert dans l'art de mouler ses mains et ses paumes sur leurs formes comme sur celles d'une femme, et que les meilleurs amants étaient de ce fait et indubitablement les représentants en poignées de porte.
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« Je lui dis que ce n'était pas pour rien que l'humanité se prétendait née ici, et qu'elle y avait mis comme dans un paradis le premier homme et la première femme. Puis je songeai que, depuis notre position, et durant trois millénaires, des dizaines de peuples qui s'étaient succédé ici, les Araméens, les Amorrites, les Hébreux, les Hittites, les Perses, les Grecs, les Romains, les Arabes ou les Ottomans, voyaient ces sommets qui nous entouraient exactement comme nous les voyions, avec sans doute cette différence qu'ils voyaient peut-être aussi d'immenses jardins en effet à la place de ce désert qui s'étalait maintenant sous nos pieds, des jardins qu'en moins de cent ans, les hommes de notre siècle avaient réussi à saccager irrémédiablement.
- Si la civilisation humaine a commencé ici, cette plaine donne aujourd'hui une image de ce que sera sa fin. » (p. 221)
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Comme si tout cet effondrement que je racontais n'avait pas été assez rapide, comme si cette déliquescence n'avait pas été assez leste, je ne sais quelle force maligne aura décidé de les précipiter et voici qu'en quelques secondes, tout ce qui restait encore debout a été envoyé à terre.
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Le quartier en avait connu d’autres, bagarres entre chefs de clan, fusillades, intrusions des habitants de Basta ou meeting politiques houleux, mais rien ne marqua davantage les esprits que l’enlèvement de la fille cadette de Chakib Khattar, au matin de cette journée de mai 1964.
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Les images su Sinjar qui allaient inonder le monde commençaient à être diffusées par toutes les télévisions de la planète. On voyait des villages entiers qui fuyaient , de longues files d'hommes, de femmes et d'enfants, portant des ballots, environnés de troupeaux et qui marchaient pour sortir d'Irak. C'était à nouveau comme Abraham fuyant avec son peuple, c'était l'Ancien Testament rejoué au XXIème siècle.

page 157 - persécutions des yézidis par l'EI.
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Une fois les rênes en main, le cheval bougea et je craignis d'avoir perdu les bons réflexes, mais c'et presque spontanément que mes poignets et mes bras réagirent en tirant sur le mors et aussi mes jambes en serrant la croupe de Ramz. Ce dernier comprit le message et se calma. Je lui tapotai l'encolure en lui disant un mot à l'oreille puis je me redressai, sentis le murmure amusé et approbateur des militaires autour de nous et vis surtout l'œil brillant et rieur de Ghadban qui me donna le signal du départ.
De cette course, je garde le souvenir le plus incroyable. Ghadban oublia ou négligea que je n'étais pas un cavalier arabe. Nous sortîmes de la plantation et chevauchâmes côte à côte. Après avoir traversé la rivière en faisant résonner les sabots sur le fer rouillé du pont, nous quittâmes la route pleine d'ornières et, au bout de quelques dizaines de mètres, le général partit au galop. Je le suivis après une brève hésitation, prenant toute la poussière qu'il levait derrière lui et je le serrai bientôt de près. Il était couché sur son cheval , souverain, impérial, immense. Je le talonnais toujours pour essayer de le dépasser, ce qui me parut vite impossible. Il creusa progressivement la distance et fut bientôt loin devant moi. Je le laissai filer sans ralentir l'allure et me sentis gagné par un sentiment d'intense bonheur devant ma solitude débridée au milieu de ces immensités. Ramz frémissait, tous mes muscles tendus étaient comme à l'unisson de son effort. Sa course avait quelque chose de joyeux qu'il me transmettait. Je ne pensais plus, ce qui était rare, j'étais tendu hors de moi, vers la ligne de l'horizon qui dansait dans la lumière, heureux de me sentir grand, puissant et inatteignable et j'aurais voulu que cela durât très longtemps. La route que je longeais de loin était déserte, le monde semblait m'appartenir comme si je volais sauf qu'à un moment, je me retournai pour m'assurer que j'avais bien entendu et, en effet, derrière moi roulaient deux jeeps qui demeurèrent à une respectable distance durant tout le temps de notre cavalcade.

Page 77 - "Voilà pourquoi j'aime Majdalani, je suis ailleurs"!
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Lorsqu'il me le raconta, bien plus tard, il conclut en disant avec un sourire et tout en pensant à quelque chose que je ne sus déchiffrer que cette nuit afghane avait été sa part d'immortalité.
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Comme de l'Art, nous avons besoin de l'Histoire pour ne pas mourir de la vérité, à savoir que tout n'est que chaos sans signification, sans logique et sans but.
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Charif Majdalani
Les pièces archéologiques les plus somptueuses étaient fréquemment la possession de criminels de guerre, de mafieux ou d’intermédiaires peu recommandables oeuvrant pour des hommes d’affaires corrompus.
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Charif Majdalani

Incapables d’admettre que l’Histoire n’avance qu’à tâtons, que ses acteurs jouent à colin-maillard avec les évènements alors que nous les croyons toujours dans une brillante partie d’échecs, nous essayons de donner cohérence aux faits en reproduisant les affabulations télévisées ou cinématographiques qui nous inondent qui finissent par transformer notre manière de voir la réalité, à l’instar de ce qui se produisait au moment du déclenchement de l’épidémie de Covid qui me tint cloitré chez moi durant des mois, et que des esprits retors mettaient sur le compte d’invraisemblables complots et de sournois conflits économiques.
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Charif Majdalani
Ma conviction profonde… que l’immense majorité des décisions que prennent les hommes entre les mains de qui la puissance politique et militaire est déposée, ont été des décisions malencontreuses, ou mauvaises, ou désastreuses, exactement comme on peut penser qu’une part immense des humains agit mal… . On continue à étudier l’Histoire humaine cohérente et logique alors qu’elle n’aura été que le fruit d’ne succession de guerres et de violences décidées par des imbéciles, des opportunistes ou des fous.
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C’était aussi extrêmement fascinant, parce que le mystère presque primal inhérent aux ténèbres se trouvait accru par tout ce que ces dernières cachaient en leurs replis comme dangers incernables et angoissants, semblables aux monstres nocturnes des rêves enfantins….La plaine et les montagnes de l’est étaient dégagées à perte de vue, ainsi que le fleuve, cet énorme fauve qui s‘étirait, inerte et inutile au milieu du désert.
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La bêtise, l’égoïsme et l’incompétence sont sans doute ce qui conduit le monde bien plus que la lucidité, la sagesse ou l’intelligence.
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