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Citations de Charif Majdalani (183)


Chacun l'imite, porte à sa bouche la pulpe sapide, et c'est alors une révolution de palais qui se produit, une acidité se dégage, aussitôt équilibrée par une note sucrée avec, ensuite, la lente exhalaison de quelque chose de musqué, bref, une chose assez stupéfiante et dont on peut jouir à l'aise, sans le désagrément du pépin qui, dans l'orange ou la mandarine, serait venu libérer une amertume à tout gâcher.
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Il reprend sa marche et n'a pas fait trois pas qu'une imperceptible brise se lève, comme si elle lui parlait, comme si elle cherchait à le retenir, à la manière d'un enfant joueur qui se démasque lorsque vous feignez de cesser de vouloir découvrir sa cachette, et il sent à nouveau le parfum des fleurs.
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Bref, il fait la découverte de l'injustice, et surtout des règles mystérieuses qui veulent que le monde continue de fonctionner normalement avec ces injustices.
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Mais je dirai que l'échec de cette alliance explosive entre Jamal Pacha et la France devient patent à partir du début de 1916, date du début des persécutions contre les amis de la France au Liban et en Syrie. Il semble donc plausible de voir dans ces persécutions une réaction violente du Généralissime au refus français de ses avances. En avril, sa police découvre dans les anciens locaux du consulat de France les fameux "papiers secrets" dans lesquels des patriotes libanais réclament l'appui des Français contre les Turcs. Début mai, seize de ces patriotes sont arrêtés et pendus. A partir de là, tout ce qui a ou a eu le moindre rapport avec la France ou avec les Français devient suspect et la situation de Wakim Nassar commence à changer. Avec sa famille, le zaïm de Ayn Chir passe alors du côté des réprouvés et des indésirables.

Page 206/207
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"Nous sommes libres, [...] Simplement, chaque acte que j'accomplis librement et par choix implique une série de possibles conditionnés par le hasard, au sein desquels je devrai faire un nouveau choix impliquant de nouveaux possibles. Je ne suis maître de ma vie que de manière très limitée, mais dans cette infime limite ma liberté est infinie."
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Si, dans cet écheveau des myriades de possibles qui ne se sont jamais accomplis ou qui se sont accomplis ainsi plutôt qu'autrement, on ne peut jamais savoir ce qui aurait été meilleur que ce qui a été, il arrive en revanche que le hasard soit le complice de nos vies et leur donne le meilleur, ou ce que l'ont croit être le meilleur, parce qu'on est heureux.
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Les moustaches frémissent, les yeux s'assombrissent, les chevaux font du sur-place et tournoient imperceptiblement sur eux-mêmes. Albe et Rome sont au bord de la guerre sans savoir qu'elles seront un jour Albe et Rome. Le moindre geste malencontreux, une main glissant trop brusquement sur une hanche, un torse se soulevant trop soudainement, et ce serait un massacre, un bain de sang que toute l'eau du Jourdain, du Lycus et du Chien ne pourrait suffire à laver et tout cela pendant que précisément, dans le domaine, dans la Petite Maison, dans la chambre à coucher, Hélène Callas vient de poser son pied nu dans l'eau de la bassine en émail bleu tandis que le curé se baisse, prend de l'eau de ce petit Jourdain dans une écuelle et la lui reverse sur la tête, une fois, deux fois, trois fois, si bien qu'Hélène a bientôt la robe blanche toute dégoulinante et les cheveux collés contre le front et le cou. Mais alors que Mitri Chéhadé s'apprête à saisir son pistolet et que Ramez Chahine empoigne le couteau qu'il a contre la hanche, Camille est l'objet d'une grâce inespérée. Quelque chose en lui soudain cède, toute la fatuité, le caractère tête brulée, la désinvolture excessive du mâle, tout ça d'un seul coup tombe comme les écailles des yeux du païen et Camille, d'un seul coup, voit, il se voit comme devant un miroir où il surprend son image qu'il ne reconnaît absolument pas. Il se voit dans cette mêlée absurde, il prend conscience qu'il en est le responsable principal et que ce n'est pas l'honneur des Callas qu'il s'apprête à défendre, mais l'entêtement tyrannique de son père et qu'en faisant cela, il est en train de briser stupidement le bonheur que sa sœur s'est choisi, de lui ôter, aussi, une chance unique de mariage, tout ça pour faire plaisir à son despote de père qui s'est juré de garder pour lui ses filles, son Saturne de père prêt à dévorer ses enfants plutôt que de les voir l'abandonner et alors, dans cet instant si bref qu'il ne suffit pas à Ramez Chahine pour empoigner son poignard, ni à Mitri Chéhadé pour refermer sa main sur la crosse de son revolver, dans cet instant Camille Callas choisit sa sœur contre son père et il recule devant Baz Baz, bouscule Ramez Chahine qui lâche son couteau et voici Baz Baz qui traverse le cordon, bientôt suivi par Mitri Chéhadé à qui Ramez Chahine ne peut que céder le passage, puis par Costa Zreiq à qui Sakr Chehab n'oppose plus aucune résistance et finalement les cavaliers du Kesrouane ouvrent complètement le passage et il devient clair que la guerre de Troie n'aura pas lieu.

Pages 132/132 - Il y a comme cela des passages que je trouve "magiques"
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Le lendemain, à l'aube, avant même l'arrivée de Gérios, il se promène entre les arbres à la recherche des premières fleurs. Mais il n'en trouve pas une seule. Pourtant, le soir, et tous les autres soirs, le parfum est là, fugace, rare, précieux, levé par la brise, le surprenant juste au moment où il renonce à le sentir. Et un soir, alors que quelques fermiers qui veillaient chez lui sont sur le perron et s'apprêtent à partir, l'odeur suave et douce s'impose à chacun indubitablement, non pas passagère, libérée soudain par un petit vent, mais bien là, présente dans l'air de la nuit comme si elle en était l'essence même. Le lendemain de ce jour, Wakim découvre les premières fleurs, cachées derrière les feuilles encore jeunes et qui dansent dans la brise matinale.
Sélim et Gérios en découvrent d'autres, il y en a bientôt à tous les coins des vergers et au bout d'une semaine, la plantation paraît comme enneigée à perte de vue en plein milieu du printemps.

Page 92 - Une orangeraie
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Si, dans cet écheveau des myriades de possibles qui ne se sont jamais accomplis ou qui se sont accomplis ainsi plutôt qu’autrement, on ne peut jamais savoir ce qui aurait été meilleur que ce qui a été, il arrive en revanche que le hasard soit complice de nos vies et leur donne le meilleur, ou ce que l’on croit être le meilleur, parce qu’on est heureux.
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Nos vies, écrit-il, ne sont que la somme, totalisable et dotée de sens après coup, des petits incidents, des hasards minuscules, des accidents insignifiants, des divers tournants qui font dévier une trajectoire vers une autre, qui font aller une vie tout à fait ailleurs que là où elle s’apprêtait à aller, peut-être vers un bonheur plus grand si c’était possible, qui sait ?, mais sans doute souvent plutôt vers quelque chose de moins heureux, tant le bonheur est une probabilité toujours très faible en comparaison des possibilités du malheur ou simplement de l’insignifiance finale d’une vie ou de son échec.
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Une autre fois, il voit un homme buvant du vin à une table sur laquelle, en face de lui, une femme nue est accoudée qui le regarde pensivement, le menton dans la main. Il voit un maître de musique près de sa jeune élève devant un clavecin, il voit une table un globe terrestre dans une bibliothèque déserte et un jour, dans ce qui semble une chambre à coucher, il voit une femme en bleu, peut-être enceinte, debout et absorbée dans la lecture d’une lettre.
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Dans le ciel, il y a toujours ces grands nuages blancs qui se contorsionnent tels des monuments en apesanteur, qui prennent des postures fabuleuses et lentement changeantes comme les anges et les êtres séraphiques improbables de Véronèse.
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Il fréquente aussi les lavandières qui lavent le linge dans le Tibre . Il fait rire et les trousse à l’occasion. À cette époque , les rives bourbeuses du fleuve sont envahies par les bateliers , et les teinturiers y diluent leurs couleurs. Nous sommes dans les premières années du pontificat d’Urbain VIII. La colonnade du Vatican n’est même pas encore dans les projets du Bernin, Borromini n’a pas encore construit la Sapienza, le palais des Barberini s’appelle encore palais Sforza et la mode des villas vénitienne intra-muros commence à peine. Mais il y a des chantiers et l’on creuse des allées et des voies. Des peintres et des sculpteurs habitent en ville. Le Trastevere et un village séparé de la cité, cette dernière n’a pas la taille de Naples, mais depuis le bord du fleuve on voit les dômes de Saint-Pierre et le palais Saint-Ange. Les grands murs du temps de l’Empire sont toujours debout, roses et briques parmi les cyprès et les pins, et sous la terre dorment encore bien des merveilles. Un jour de 1625, sur la place du Panthéon, un larron interpelle Raphaël pour lui vendre quelque chose en l’appelant Monsignore. Ardentis s’arrête, méfiant, le larron rit en découvrant une horrible rangée de dents abîmées et lui indique sa brouette sur laquelle il soulève une petite bâche. Avensis se détourne du spectacle de l’affreuse grimace du mendiant pour regarder ce qu’il lui montre et là, au milieu d’un bric-à-brac fait de clous, de chiffons, de morceaux de plâtre et de divers outils abîmés, il voit une tête en marbre, une grande tête d’empereur ou de dieu, le front ceint d’un bandeau, les lèvres pulpeuses, le nez grec et le cou coupé, posé sur le côté, comme lorsqu’on dort sur un oreiller.
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Dans ses mots, le monde se pense. Quand il s’exprime, les choses s’ordonnent et prennent sens.
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mon oncle, féru de poésie et d'images fortes, aurait répliqué que le serment de l'Arbre Sec portait bien son nom et que la branche aînée des Jbeili serait pour l'éternité une lignée plus sèche qu'un arbre mort puisqu'elle ne comptait pas de femmes et que seules les femmes étaient le symbole de la vie et de la perpétuité des choses.


page 87
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Ses garçons, eux, vont souvent à Ghazir, pour la pesée, pour les contrats, ou pour acheter des outils et on les regarde comme on regarde la portée d'un loup ou les fils d'un futur roi, ils ont de l'allure, ils sont blond pour l'un, châtain pour le deuxième , brun pour le troisième, ils ont un air de famille, par moments c'est si flagrant qu'ils donnent l'impression d'être des triplés. On parle de sorcellerie, on touche une croix qu'on porte en sautoir, on murmure des prières de conjuration, et on se demande si ce sont vraiment des fils de chrétiens, si la blondeur de l'aîné n'est pas celle des chiites, et évidemment, on évoque ceux qui sont venus avec l'empereur, qui vivent au pied du ouadi, dans un coude que fait le torrent, un hameau de cinq maisons que les locaux regardent avec hostilité. Mais ils sont comme des zélotes, ils travaillent là haut, au service de Khanjar, ils arrosent, bêchent, défrichent, et leurs femmes en bas lavent le linge, font la cuisine, elles ont des poules et des salades, des tomates et des oignons, elles font leur pain comme tout le monde. Les hommes cultivent le blé pour l'empereur et le leur, et avec lui ils vont à la chasse et évidemment, on se demande si ce ne sont pas là les familles réelles des trois fils et si les cheiks chiites n'ont pas envoyé une cour au service de ces trois garçons mystérieux qui à travers la montagne commencent à hanter les rêves des jeunes filles et des femmes mariées.

Page 38
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Mais Hareth, étendu sous le ciel nocturne des steppes mythiques de Bactriane, ne put fermer l'œil, le regard ébloui par la poussière d'argent qui miroitait au-dessus de lui, presque à portée de main, pas tout à fait la même et pas tout à fait une autre que celle sous laquelle avaient campé les peuples indo-européens en marche vers le sud, les armées d'Alexandre le Grand ou celles des envahisseurs scythes ou chinois. Il ne songeait pas, me dit-il, à la ridicule vanité des hommes face à un cosmos qui les ignorait et ne saurait jamais rien d'eux ni de leurs milliers d'années de civilisation, il ne songeait pas non plus au fait que, au regard du scintillement infini de l'univers, l'histoire humaine n'avait sans doute pas plus de consistance qu'une seconde ou deux de l'existence d'un individu sur terre. Non, il pensait au contraire qu'à un moment éphémère de l'histoire insondable du cosmos et de son temps infini, en un point perdu de l'espace, une intelligence et une conscience éphémères, celles des êtres humains, comme un miroir avaient reflété et pensé cette immensité à laquelle aucune autre intelligence n'avait donné d'existence ni de sens et n'en donnera probablement jamais plus. Lorsqu'il me le raconta, bien plus tard, il conclut en disant avec un sourire et tout en pensant à quelque chose que je ne sus déchiffrer que cette nuit afghane avait été sa part d'immortalité.


Page 235 et 236 - Très touchée par la beauté de cette citation
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Marie sortit du salon et cette fois il accepta de la suivre. Elle lui proposa de parer au plus urgent avec ce qui lui restait à elle, quelques bijoux et surtout son solitaire, la chose sans laquelle une femme comme elle perdait son rang. Et cet abruti qui l'avait bousculée en entrant accepta de ressortir avec ses dernières richesses, des richesses dont elle se dépouilla comme on se dénude. Il la prit dans ses bras, les larmes aux yeux, dans une scène mélo dramatique que Marie, qui n'était pas dupe, supporta avec impatience , rigide et glaciale, tandis que là-haut un affreux rictus de triomphe se dessinait certainement sur le visage de la terrible Mado et que nous, le chauffeur, les cuisinières, les bonnes, le jardinier qui assistions impuissant à cet effroyable gâchis, n'avions qu'une seule pensée mais que nous n'osions même plus formuler, que nous percevions dans les regards que nous échangions ou dans les soupirs que nous laissions échapper discrètement, à savoir si Hareth, le fils cadet, avait été présent, s'il était revenu de ses interminables et incompréhensibles tribulations, nous n'en serions peut-être pas arrivés là.


Page 171
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Si les problèmes étaient à chaque fois réglés, le patron n'en sortait pas moins épuisé. Mais, tout cela, je crois qu'il le faisait parce que ainsi il demeurait au courant des affaires, et pouvait protéger ses terres, ses biens et l'usine. Et aussi, pour que le monde tel qu'il l'avait connu puisse durer le plus longtemps possible, alors qu'il devait bien se douter que les changements étaient inéluctables. Si bien que, quand j'y repense aujourd'hui, j'ai cette impression que si notre univers a en partie résisté encore quelques années, c'est grâce à lui. Il tenait les fils de notre destin entre ses mains et tant qu'il tint bon, tout tint, les choses continuèrent de tourner, avec la maison au centre, et le monde autour, avec l'usine qu'il gérait patiemment, avec les orangers et les pins, avec les cueilleurs de pignons perchés au sommet des arbres, avec le va-et-vient devant le portail, avec les bonnes qui passaient la serpillière pieds nus et en chantant à tue-tête quand les patrons étaient absents, avec les lubies de Mado, avec l'élégance de la patronne et avec l'excitante présence de Karine qui, comme toutes les filles de son milieu, était surveillée attentivement, à l'instar de la fille d'un prince promise à quelque altesse et qu'il faut protéger du monde, autorisée à tous les caprices à l'intérieur mais très peu en dehors


Page 119 - Ayn Chir avant la guerre civile
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Il aime le bruit de l’eau qui coule dans les canaux et le craquement du bois des meules dans le silence de midi.
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