Mourir au monde est le premier roman de Claire Conruyt, journaliste au Figaro. C’est également ce que l’on demande à Jeanne, la postulante, qui, si elle veut rejoindre la communauté, doit renoncer à sa vie, à sa personnalité, pour ne plus être que celle que le Christ a appelée. Répondre à cet appel, c’est s’oublier, perdre sa vie, c’est mourir au monde pour renaître à Dieu.
Pour être honnête, une telle vocation m’est absolument étrangère. Imaginez alors mon appréhension au moment de lire ce livre…
Et, en effet, toute la première partie m’a parue assez… ésotérique. Sœur Anne se débat dans ses doutes, elle lutte. Jeanne, elle, semble rayonner : tout lui parait simple, évident, elle est dans le mouvement de sa vocation. Autour de la musique, les deux femmes tissent un lien. Mais toujours, un nuage semble planer, celui de « l’incident ». Car Sœur Anne revient tout juste au couvent lorsque le récit débute. Mais on ne sait rien de ce retour, seulement qu’il est comme une ombre dans le paysage…
Et puis, dans la deuxième moitié du livre, ce n’est plus tant Dieu, le Christ, la religion et la façon dont les sœurs vivent leur foi qui est abordée… et là, j’ai retrouvé le monde que je connais. Car c’est la vie dans la communauté qui nous est alors décrite, avec les mesquineries, le rejet de la différence, les petites vacheries quotidiennes, la défiance, les ragots entre celles qui sont censées partager cette vocation. La Mère supérieure, après avoir confié à Sœur Anne la tâche d’accompagner Jeanne, regrette son choix mais ne fait rien pour clarifier la situation. Les murmures, les rumeurs, se font jour.
Car, oui, Sœur Anne semble développer un attachement fort pour Jeanne. Les deux femmes sont proches, très proches. Trop proches pour que cela soit toléré. Mais tout se déroule dans le non-dit, par en-dessous, par derrière. Bruits de couloir. Médisances. Dissimulation.
Et, naturellement, « l’incident » revient sur le devant de la scène. Car Soeur Anne a été écartée, envoyée dans une autre communauté, en Espagne, après avoir giflé une élève. On l’a envoyée « se reposer ». Mais, surtout, on l’a mise de côté pour éviter que cela ne retombe sur la communauté. Mais la défiance, qui paraissait s’être calmée à son retour, ne tard pas à ressurgir.
Bref, dans cette deuxième partie, on n’est plus dans la charité chrétienne ou dans l’amour de son prochain. On est dans une société humaine faite de silences, de peur de l’inconnu, de refus de faire face aux difficultés. Et de mesquinerie. De mensonge. On ne traite pas les problèmes, on les cache sous le tapis… un petit peu comme l’Église l’a fait avec les prêtres pédophiles ?
Bref, ce livre me renvoie à tout autre chose que ce que décrit l’auteure. Mais cette initiation qui est celle de Jeanne me semble marquée du sceau du mensonge, mensonge dont on ne sait si elle en est consciente ou non, mais qu’elle accepte…
L’écriture est belle, le livre se lit bien. Mais l’histoire que j’ai lue me laisse un goût amer…
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