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Critiques de Claudio Morandini (45)
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Les oscillants

Là-bas c'est l'Italie. La narratrice de ce récit est une jeune ethnomusicologue qui vient enquêter sur les chants des bergers de Crottarda, un village de montagne enfoui dans une vallée privée de soleil. Elle veut étudier ces mystérieux chants dont elle a gardé le souvenir lorsqu'elle est venue ici passer quelques jours de vacances avec ses parents alors qu'elle était encore une enfant.

Elle s'installe dans une pension lugubre et humide. Un énorme champignon auréole le plafond au-dessus du lit. Bien qu'étant quasiment l'unique pensionnaire du lieu, elle doit partager sa chambre avec une adolescente sauvage, impertinente et quelque peu vulgaire, Bernardetta, qui est de la famille de Mme Verdiana, la propriétaire du lieu. Une insolite amitié va se nouer entre elles deux, l'adolescente se proposant même de guider la jeune femme dans ses pérégrinations et sa quête vers les alpages, vers les chants venus de là-haut, à la recherche des mystérieux bergers mélodieux...

La jeune chercheuse est tout d'abord accueillie plutôt avec convivialité par les habitants du village. Elle découvre ainsi une de leurs coutumes, ceux-ci se grimant derrière des déguisements outranciers pour venir à l'arrivée des rares visiteurs qui s'égarent ici, comme s'il s'agissait de rompre un instant l'humidité froide des jours sans fin par quelques gestes facétieux...

Rejoindre les alpages, découvrir le mystère de ces chants qui résonnent dans le coeur de la vallée comme un dialogue... Qui résonnent aussi dans le coeur de la narratrice depuis son enfance.

Je suis entré dans ce roman par ses premières pages baignées d'enchantement et d'étrangeté. Je suis entré pas à pas avec la curiosité d'un enfant qui pénètre une forêt peuplée d'oiseaux avec des yeux étonnés.

Le grotesque se mêle à ce monde presque magique des premières pages.

Sur l'autre versant de la vallée, un peu plus haut, il y a un autre village qui s'appelle Autelor, il est sur le versant inondé de soleil. Les deux villages semblent s'observer, se défier dans cet affrontement minéral. La narratrice découvre vite que des rancoeurs séculaires habitent les habitants de chacun des deux villages. Mais là-bas dans cette vallée retirée du monde, on ne nomme pas les villages et leurs habitants, on dit simplement : Ceux d'En-Bas, Ceux d'En-Haut...

Peu à peu l'étrangeté laisse place à l'inquiétude, puis à l'angoisse. Les pitreries des Crottardais font de moins en moins rire. J'ai commencé à perdre pied comme l'héroïne de l'histoire dans un monde au bord du fantastique...

Des détails qu'on croyait sans importance surgissent dans cet imaginaire débridé, par exemple cette question presque banale qu'on se surprend à poser : « Tiens, ils n'ont pas de cimetière, on se demande bien ce qu'ils font de leur défunts... »

Perdre pied, la plus belle des aventures d'un lecteur. Trébucher au bord de l'abîme...

Peu à peu la population qui accueillait naguère la jeune chercheuse avec des facéties commence à montrer des signes d'hostilité. Elle finit par ne plus rien comprendre... Avoir peur...

Même les intentions de sa jeune colocataire semble lui échapper et elle finit par se demander si la proposition de celle-ci de l'aider dans ses recherches ne recèle pas une volonté cachée de mieux l'égarer...

Dans cette inquiétude que j'éprouvais moi aussi, je me suis retrouvé en totale empathie avec la personnage principale.

Certains personnages semblent tout droit sortis d'un conte gothique. À commencer justement par Bernardetta, agaçante, possessive, imprévisible, touchante aussi dans les aspérités qu'elle porte déjà si jeune au travers de son histoire. Je l'ai adorée.

Comment ne pas songer alors à certains romans de Charles-Ferdinand Ramuz, qui a raconté la montagne comme personne d'autre et qui avait un sens très profond, très marqué, de l'inquiétude et de l'angoisse ?

Ce roman a été pour moi l'occasion de découvrir un auteur italien que je ne connaissais pas, Claudio Morandini.

D'ailleurs, l'auteur convie pour ma plus grande joie le grand écrivain montagnard suisse en le mêlant à l'étrangeté du récit :

« Quiconque se retrouve à Crottarda pense forcément au roman de Charles-Ferdinand Ramuz, Si le soleil ne revenait pas, où il est question d'une communauté alpine qui regrette le soleil pendant tous les mois d'hiver, et d'un vieux fou qui raconte à la ronde que le soleil est malade et ne reviendra pas, qu'il passera ailleurs pour toujours. Va savoir, en vient-on à penser, si, à l'instar des personnages de Ramuz, les Crottardais craignent pendant les longs mois d'ombre que le soleil ait disparu pour toujours. Va savoir si, au printemps, à l'instar des montagnards du roman tâchant de résister à leur angoisse devant les prédictions du vieil Anzévui, ils s'élancent, impatients, sur des sentiers impraticables pour dénicher l'astre solaire et le prier de revenir éclairer les hommes. »

On est loin ici comme chez Charles-Ferdinand Ramuz des clichés de la littérature de montagne, Claudio Morandini les fait voler en éclats et c'est jubilatoire.

Très vite alors l'effroi s'installe. La folie menace...

La trame du récit est faite d'oscillations entre deux versants d'une même vallée, entre l'adret et l'ubac, entre le ciel des oiseaux et les choses souterraines, entre chemins oniriques et mystères spongieux, entre alpages verdoyants et dolines ténébreuses, entre l'absurde et l'inquiétant, entre ce qui se dit et ce qui ne se dit pas, entre ce qu'on révèle au grand jour et qu'on enfouit de manière abyssale dans les entrailles de la terre ou peut-être encore plus profondément, c'est-à-dire en nous-mêmes... Dans ses contrepoints, des chemins se dessinent dans le fond d'une vallée oubliée du reste du monde...

Peur de trébucher, de tomber dans une de ses dolines, ces gouffres débouchant sur des boyaux étroits et tortueux où il est si difficile de s'y glisser comme de s'y extirper... On se demande bien ce qu'ils peuvent cacher.

Mais bientôt, un autre chant s'élève dans la vallée, une voix venue de sous terre que la narratrice semble seule à entendre, comme un appel dans la nuit.

« Cette voix se déplace en même temps que nous. Elle s'est manifestée depuis des espaces lointains, mais aussi depuis une proximité insoupçonnée. Peut-être qu'elle résonne le long des boyaux qui percent la montagne, qu'elle les exploite comme la coulisse d'un trombone. J'ai la sensation de plus en plus vive que c'est à nous – à moi – qu'elle s'adresse. Peut-être qu'elle me suit, me cherche. Cependant, je ne sais pas comment lui répondre. Je ne connais pas son langage, je ne peux qu'essayer de le transposer, de le mettre en musique, sans saisir son sens profond. Mais le cri qu'elle a poussé il y a peu n'a pas besoin de traduction : un cri est un cri, il ne renvoie à rien d'autre qu'à lui-même. »

J'ai aimé la singularité de ce roman. Elle est venue à moi comme un rêve éveillé, hypnotique, durant deux cent vingt-quatre pages.

Envoûtant.

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Le chien, la neige, un pied

Adelmo Farandola est vieil homme qui vit en ermite dans un misérable chalet perdu dans la montagne. Depuis combien de temps, il ne saurait le dire, mais depuis longtemps en tout cas. Et après tout, pourquoi faudrait-il qu'il s'en souvienne ? Ce qui est sûr, c'est qu'Adelmo gagne en âge mais perd en odorat. Et tant mieux, parce que la couche de crasse sur sa peau lui tient chaud. Et puis cette puanteur ne dérange pas son chien. D'où sort-il, d'ailleurs, ce vieux clébard tout pelé ? Adelmo ne sait plus. Peut-être est-il avec lui depuis une semaine, ou depuis des années. Et après tout, pourquoi devrait-il s'en souvenir ?



Adelmo gagne en âge, et ce qui est sûr, c'est qu'il perd en mémoire. Il ne se rappelle pas qu'il est déjà descendu hier (ou était-ce la semaine dernière?) au village pour s'approvisionner pour l'hiver. Mais après tout, est-ce si important ? Ca lui fera juste quelques saucissons et bouteilles de rouge en plus pour passer l'hibernation. Parce que, à ces hauteurs-là, l'hiver est long et rude, et ensevelit le chalet sous des tonnes de neige.



Mais le printemps est là, enfin, et avec lui la fonte de la neige, et avec elle un pied humain qui surgit des restes d'une avalanche. A qui appartient-il, y a-t-il un corps entier au bout, est-ce juste un membre désarticulé ? Adelmo se souvient des événements de l'an passé, il croit se souvenir, il n'est sûr de rien, sa mémoire est un brouillard...



"Le chien, la neige, un pied" est une de ces histoires étranges qu'on raconte au coin du feu, une légende de la montagne vaguement inquiétante, captivante, parce qu'on ne sait plus trop quelle en est la part de vérité. Ce court roman est un conte cruel et fascinant, un brin cocasse et teinté de fantastique, sur la solitude, la vieillesse et une guerre ancienne. Et on ne saura pas, au final, laquelle des trois aura causé la perte d'Adelmo...
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Le chien, la neige, un pied

Adelmo Farandola est un ermite.

Plutôt du genre dégoûtant, habitué qu'il est à s'envelopper de ses odeurs comme d'une « aura de chaleur ». Il faut dire que son environnement immédiat l'oblige à s'organiser, pour lutter avec efficacité contre les éléments, notamment le froid. C'est dans un chalet en pleine montagne aride qu'il vit Adelmo, dans un recoin sujet aux éboulis de terrain. Tout seul. Enfin plus vraiment maintenant, depuis qu'un chien l'a suivi, au retour d'une de ses pérégrinations bis-annuelles au village le plus proche. Du coup il est moins solitaire, et peut même taper un brin de causette. Avec le chien, s'entend. Car il parle, le chien.

Adelmo a en effet ce don, d'entrer en communication avec des êtres ou des choses auxquelles on ne pense pas généralement, vous et moi. La faim, le froid, le sommeil, le chien...

Mais a-t-il encore toute sa tête Adelmo ? L'épicière du village est surprise de le voir deux fois en une semaine, le garde chasse semble douter. La 4eme de couv' aussi : « Adelmo Farandola n'a pas le souvenir très lucide ».

Alors inutile de vous dire que quand un pied est retrouvé, jaillissant des débris d'une avalanche, j'ai commencé moi aussi à me poser des questions, au vu de sa réaction.

On me l'a fait pas comme ça, à moi ^^



Voilà un court roman qui vire au mauvais rêve glauque et lancinant, une histoire frémissante comme une légende de vallée qu'on se raconterait d'un ermite, mais vécue de l'intérieur. Malgré les grands espaces enneigés alentour, l'atmosphère devient claustro, à rester en compagnie de cet Adelmo qui aime à s’encloîtrer, et dont la tête n'est plus très sûre :

« Adelmo Farandola ignore s'il a vraiment retrouvé le souvenir de cet événement dans le grand désordre de sa tête, s'il se l'est remodelé sur la base des ruminations des derniers jours, s'il a mêlé un de ses rêves avec le souvenir d'un événement réel ou s'il est encore en train de rêver – un long rêve exaspérant et pénible, qui le mettra de mauvaise humeur toute la matinée, même quand il l'aura oublié. »



Venant d'Italie où il a eu un joli prix, c'est la photo de une de ce livre qui m'a tilté en librairie, bien m'en a pris de m'être laissé tenter. En bonus « l'histoire de l'histoire » de l'auteur, une bonne idée de l'éditeur.
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Le chien, la neige, un pied

«  Faim,, Froid et Sommeil s'asseyaient devant lui dans de sombres haillons » .

«  La neige a entièrement recouvert la cabane et pèse en silence sur toute chose . »

«  Entre les feuilles de bourrache et les touffes de saxifrages , des myriades d'araignées tissent des nids velus, dont les volutes blanches enlacent l'herbe jusqu'à la cacher ou presque » .

Trois extraits de ce conte cruel , une de ces histoires à donner le frisson que l'on se raconterait tard le soir , à la veillée..



C'est l'histoire d'Adelmo Farandola, un vieil ermite ,lunatique et acariâtre menant une existence revêche dans la montagne,, aux souvenirs flous lorsqu'un chien s'approche ,bavard et pétulant , ermite encore plus perdu que lui, un solitaire auquel l'âge a fait perdre ses repères .

Sa mémoire l'abandonne , il perd son odorat ….

Depuis bien longtemps , il a arrêté de se laver, et il laisse la puanteur former une aura de chaleur autour de lui .

Sur sa peau la sueur s'agrège à la saleté , à la terre portée par le vent et la poussière qui se soulève dans l'étable, aux peaux mortes . Il est devenu brun , couleur de brume et de boue durcies par le soleil .



Il descend rarement au village afin de faire quelques provisions .

De temps en temps, un jeune garde- chasse monte voir si tout se passe bien , pose quelques questions bienveillantes . le chien montre les dents et le vieil homme lui jette des pierres.



L'hiver coupe les chemins , le chalet est compressé sous des mètres et des mètres de neige , les sons arrivent feutrés .



Lorsque la fonte des neiges survient , le dégel met à jour un pied humain et le récit prend des allures de roman noir ….

Dans l'esprit engourdi d'Adelmo s'insinue une inquiétude croissante ..

N'en disons pas plus .

L'écriture est séduisante , envoûtante , cruelle et poétique, fascinante par son réalisme teinté de fantastique, , la précision de certaines descriptions et situations tissées au petit point .



Le récit , quoique court est très riche , entre passé et présent , complexe et nébuleux, ,juste comme il faut.

Un conte cruel, parfois cocasse , une légende de la montagne vaguement inquiétante , captivante , la zone grise entre deux mondes .

Une exploration très singulière des atmosphères de l'étrange , originale , une sorte de réalisme magique à l'italienne !

Merci à mon libraire !
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Le chien, la neige, un pied

Le chien, la neige, un pied. Tout m'a attirée dans ce livre et tout m'a plu. Le chien est bien celui de la couverture, la neige a beaucoup de choses à transfigurer et que dire du pied... Nous saurons le chausser mais il faudra attendre la fonte des neiges pour restituer à chacun son vrai visage et d'antan le paysage.
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Les oscillants

C'est une étrange sensation qui m'accompagne au moment de rédiger ce billet, celle de revenir d'un voyage lointain, étrange et quelque peu inquiétant.

Dans ce récit, Claudio Morandini évoque à un grand auteur qui décrit comme nul autre pareil la montagne, c'est Charles-Ferdinand Ramuz. On retrouve dans ces deux écrivains le sens du tragique, une forme de fatalité et bien sûr l'amour de la montagne, majestueuse et toute puissante.



Vous devez vous demander où ma lecture m'a emportée.

Difficile à dire. Cet endroit paraît bien réel, à quelques heures à peine en voiture, mais en même temps, c'est un lieu reculé, inhospitalier, sombre, sauvage, impénétrable.

Un endroit hors du temps.

Un endroit où l'ombre recouvre presque entièrement les lieux et semble influencer l'humeur des habitants, les rendant moroses, taciturnes et fermés.

Un endroit où la rancoeur et une haine viscérale nourrissent les habitants de Crottarda pour le village voisin d'Autelor qui lui, situé en face, est baigné, par la lumière et la chaleur du soleil toute la journée.

Un endroit en définitive fait de contrastes, sublime et angoissant, fascinant et oppressant.



En y repensant, je trouve que le titre est bien choisi, car le récit oscille également entre rêve et réalité, éveil et cauchemars, espoir et peur, soleil et ombre, lumière et ténèbres, visible et caché, jusqu'à ce que tout se confonde dans une troublante attirance.

Mais si le décor vous semble atemporel et étrange, qu'en est-il de cette histoire ?



*

Enfant, lorsque la narratrice partait en vacances avec ses parents à Crottarda, et, la nuit, elle entendait des chants étranges, mystérieux provenant de la montagne.



« de l'extérieur provenaient des sons étranges, lointains et pourtant nets, qui pénétraient sans difficulté par la fenêtre, comme émis par un haut-parleur : ils étaient à mi-chemin entre un cri et un chant, et modulés – me disais-je alors, repensant à des documentaires sur les milieux marins – comme les longs bramements dignes d'un opéra par lesquels les baleines communiquent d'un point à l'autre de l'océan. »



Aujourd'hui adulte, elle garde le souvenir vivace de ces nuits à les écouter et si elle est devenue ethnomusicologue, c'est sûrement en raison de la fascination exercée par la beauté de ces chants et le mystère qui les entoure.

Elle décide alors, dans le cadre de ses études universitaires, de satisfaire sa curiosité et de se rendre dans ce village perdu dans les montagnes alpines pour étudier ce langage complexe et insolite que les bergers se transmettent entre eux depuis de nombreuses générations.



L'accueil des Crottardais, tout d'abord amical et facétieux, va progressivement évoluer, devenant froid, distant pour se faire franchement hostile et menaçant. En effet, la narratrice est une étrangère et ses recherches sont vécues par les villageois comme une intrusion dans leur vie privée.

Ainsi, très rapidement, elle comprend qu'il va lui être difficile de découvrir l'origine de ces chants et de comprendre leur signification.

Le récit est prenant, intrigant, l'atmosphère magnifiquement rendue pour une immersion totale.







*

Les personnages sont magnifiquement décrits dans toutes leurs particularités, entretenant une atmosphère authentique, mais aussi étrange et dérangeante autour des Crottardais.

Sa façon de décrire ses personnages comme s'ils vivaient en symbiose avec leur milieu participe à cet effet de miroir. L'auteur glisse d'un personnage à un autre avec une fluidité remarquable, les fondant dans le décor.

Ils sont tous parfaitement bien décrits, on les voit se dessiner dans notre esprit au fil de la lecture : la narratrice de plus en plus perdue dans un monde qu'elle ne comprend pas et qui la rejette ; Mme Verdiana, la logeuse, femme revêche et secrète ; ou encore, l'énigmatique Bernadetta, une adolescente candide, primesautière, effrontée et un peu tordue.



« Elle est belle, Bernardetta, d'une manière qui lui est propre : je comprends que ses amis de la forêt se la disputent quand le froid la rend vive, la colore comme le soleil colore les fruits sauvages. »



*

La beauté du récit provient en grande partie de la très belle écriture de Claudio Marandini dont les descriptions très réalistes, pleines de beauté et de poésie, saisissent avec une intensité croissante, les ombres et la froideur de cette vallée, l'atmosphère écrasante des montagnes, le vertige abyssal des gouffres sous nos pieds, ainsi que l'attitude des habitants envers la jeune femme.



L'auteur n'a pas son pareil pour nous immerger dans un environnement montagneux percé de profondes dolines, parcouru d'ombres difformes et de présences inquiétantes. Il l'esquisse par petites touches de couleurs ternes et sombres, en prenant son temps, malgré le format court du roman.

Dans ce décor gris et opaque, on ressent, au côté de la narratrice, cette impression que tout peut arriver, qu'une menace plane. Même si le danger reste flou, indéfini, le lecteur reste malgré tout sur le qui-vive, méfiant.



« J'ai déjà remarqué l'endroit de la forêt où elle m'emmène, plus touffu et impénétrable que d'autres. Pourtant, à bien y regarder, ici aussi un étroit sentier se cache sous les branches et les volutes des plantes à feuillage persistant. À chaque pas, on a la sensation d'être touché : les feuilles épaisses et humides ont la même consistance que la chair, et elles ne se bornent pas à effleurer, elles semblent palper, non contentes de vous retenir, elles vous inspectent, se faufilant entre les plis de vos vêtements, s'insinuant jusqu'à votre peau.

Bernardetta, qui me précède de quelques pas, aime cela : elle se laisse caresser par la végétation sans écarter les branches, au contraire elle se jette sur elles avec une sorte de volupté, elle recherche l'étreinte, s'y livre avec transport. »



*

Pour conclure, bercée par les chants de ces bergers d'un autre temps, je me suis régalée et je ne manquerai pas de lire les autres romans de Claudio Morandini.

Dès les premières pages, son talent de conteur et la richesse de sa plume m'ont embarquée dans ce récit teinté de réalisme magique. L'auteur entremêle subtilement l'obscurité des paysages à des personnages fuyants et taiseux, le tout dans une langue superbe, musicale, visuelle et sensorielle qui transmet de belles sensations.

Me restera « la voix dolente et secrète venue de la forêt ou des profondes cavités du sol qui continue de psalmodier dans ma tête ».



Une belle découverte que je dois à Bernard (Berni_29). Je vous engage à aller lire sa superbe critique et à lire ce beau roman pour vous faire votre propre idée.
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Le chien, la neige, un pied

Adelmo Farandola vit seul dans la montagne au dessus d'un village où il se rend parfois pour y faire ses courses. Il se réchauffe avec sa crasse, l'hygiène n'étant pas son fort. Des problèmes de mémoire. Des mois sans parler, ce qui va changer un peu lorsqu'un chien l'adoptera et qu'enfin ils se parleront. L'hiver est long, la faim tenaille.Ne vous approcher pas trop près de chez lui, sinon gare aux jets de pierres. Un court roman assez curieux sur la solitude et la marginalité. L'auteur, à la fin, décrit comment lui est venue l'inspiration de cet écrit.
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Les oscillants

Quand la narratrice se rend à Crottarda, une vallée retirée de tout en Italie, elle sait qu’elle va dans un endroit où le soleil n’apparait que quelques heures par jour, et encore, pas toute l’année. En effet, la vallée (qui se révèlera être une doline effondrée) est encaissée et exposée de telle sorte que le village ne reçoit que quelques rayons de soleil alors que le village d’en face, Autélor, bénéficie d’une ensoleillement exceptionnel.

Pourtant, elle s’y rend de son plein gré pour un séjour d’études comme ethnomusicologue. Elle se souvient que lors de ses vacances d’enfant elle écoutait le chant des bergers qui, d’un sommet à l’autre, échangeaient des nouvelles, blaguaient, discutaient. Elle se souvient de l’envoutement que produisait ces chants. Elle tient donc là un merveilleux sujet d’études.



Elle trouve à se loger chez une habitante, Mme Verdiana et partage quasiment sa chambre avec une orpheline de 16 ans, Bernardetta. Sauvage, fantasque, la jeune fille court la montagne, court surtout la forêt moussue, humide, pleine de champignons, s’introduit dans des cavernes et raconte des histoires à dormir debout.

Si sa présence étonne les villageois qui ont l’habitude de se déguiser en monstres pour accueillir les rares visiteurs, on la reçoit avec de la bienveillance jusqu’à elle commette l’impair de se rendre à Autélor, chez Ceux-là.

Immergée dans cet environnement froid, humide, sombre, elle finit par ne plus savoir quoi croire. Que sont ces chants ? Si ce ne sont pas les bergers, qui est-ce ?

Voici un récit que j’ai trouvé envoutant comme le chant mystérieux qui résonne dans les nuits de Crottarda. Il est envoutant par son étrangeté, par les personnages rencontrés au fil du séjour de la chercheuse, par la complicité et peut être même l’amitié qui se noue entre elle et Bernardetta, par les querelles ancestrales qu’entretiennent les habitants des deux versants pourtant absolument isolés du reste du monde, par les non-dits et les rejets des Crottardais qu’on ne comprend pas trop et qui créent un malaise de plus en plus pesant jusqu’à laisser penser que le lieu est menaçant.



Alors des oscillations, il y en a.

Celles des chants d’abord qui semblent si beaux bien qu’inquiétants. Celles des habitants du village qui oscillent entre bon accueil et exclusion. Celles de la forêt où se balance des mousses ancestrales accrochées aux branches des arbres. Celles des expéditions vengeresses entre Ceux d’en haut et Ceux d’en bas.

J’avais déjà beaucoup aimé Le chien, la neige, un pied du même auteur mais je dois dire que le côté irréel de ce récit, sa dimension fantastique voire fantasmagorique m’ont beaucoup plu. L’ambiance est glauque au possible et pourtant il y a aussi quelque chose de féérique, de merveilleux…



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Le chien, la neige, un pied

J’ai acheté ce court roman de Claudio Morandini, pour son titre, Le chien, la neige, un pied, intriguée par la précision des articles définis et le mystère de ce fragment de corps…

C’est le premier livre de cet auteur italien à être traduit en français.



Le chien est perdu dans la montagne, au Val d’Aoste ; il se rapproche d’un vieil ermite encore plus perdu que lui, un solitaire à qui l’âge fait perdre ses repères, qui descend rarement au village pour faire quelques provisions. De temps en temps, un jeune garde-chasse monte voir si tout se passe bien et pose quelques questions ; le chien montre les dents et le vieil homme lui jette des pierres.

L’hiver coupe tous les chemins vers la vallée et la neige ensevelit le chalet ; le vieil homme sombre peu à peu dans la folie et entame un étrange dialogue avec le chien. Lorsque le dégel met à jour le pied d’un cadavre, le récit prend des allures de roman noir.



L’écriture m’a immédiatement séduite, à la fois très poétique et cruelle, fascinante même par de grands écarts entre le réalisme et la précision de certaines descriptions ou situations et l’irréalité d’autres passages. Je me suis laissée embarquer dans les échanges entre l’ermite et le chien, plein d’humour et d’humanité. Le récit est très riche malgré le format court (140 pages), mêlant passé et présent, vie et mort et la fin, qui n’en est pas vraiment une, permet toutes les extrapolations. C’est complexe, nébuleux mais j’ai adoré.

J’ai apprécié aussi l’honnêteté de l’auteur quand il évoque sa source d’inspiration et j’ai très envie de découvrir son deuxième roman paru en France, Les Pierres, qui se passe aussi dans une communauté montagnarde…



Cette lecture est une très belle découverte. Claudio Morandini a su me surprendre et m’emmener avec lui. J’aime ces auteurs qui sortent des sentiers battus et explorent des impossibles.

Du réalisme magique à l’italienne !

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Le chien, la neige, un pied

Je ne sais d’où me vient ce goût pour les textes qui évoquent la vie d’hommes volontairement coupés du monde, dans les alpages, bloqués l’hiver et profitant de la belle saison pour faire des réserves. Moi qui aime la ville et les gens, me voilà fascinée par les ermites perdus au beau milieu de nulle part… Et à tous les coups, ça marche ! J’avais adoré le très beau livre de l’italien Paolo Cognetti Le Garçon sauvage (Carnet de montagne) qui raconte l’histoire d’un garçon de la ville qui décide de tenter l’expérience de la solitude dans les hauteurs de la Vallée d’Aoste.

C’est encore d’un livre italien dont je vais vous parler et qui porte un titre qui m’a tout de suite conquise (pourquoi ? mystère !) : Le chien, la neige, un pied de Claudio Morandini chez Anacharsis. Comment définir ce texte ? L’auteur raconte dans une postface que l’œuvre est née d’une rencontre dans la montagne : en effet, un jour qu’il grimpait, il reçut soudain une volée de pierres et de pommes de pin. Il leva la tête et découvrit un homme au regard sombre qui l’observait d’un air pas très aimable. L’homme était accompagné d’un chien. Au retour de son excursion, l’auteur interrogea les villageois de la vallée : qui était cet homme, comment vivait-il ? Personne ne semblait le connaître ni même se préoccuper de lui. L’année suivante, l’auteur suivit le même sentier en espérant rencontrer l’homme qui l’avait intrigué. Mais il ne vit personne.

De cette singulière expérience naquit une fiction : l’histoire d’Adelmo Farandola, un vieil homme qui, il y a bien longtemps de cela, avait voulu échapper à des militaires pendant la guerre. Alors, il s’était caché au cœur de la montagne, dans une espèce de galerie à peine plus large que son corps et avait attendu que les hommes en pardessus quittent la région. Et il n’était plus jamais redescendu.

Chaque année, avant l’hiver, Adelmo a pris l’habitude de se rendre à l’épicerie du village. On se moque de lui car il perd un peu la boule et traîne une sacrée odeur. Il ne s’est pas lavé depuis un bon bout de temps. La crasse tient chaud…

Il se charge de viande séchée, de saucisses, de vin et de beurre et remonte, lentement, jusqu’à son vieux chalet.

Un jour, il sent une présence à ses côtés : c’est un pauvre chien affamé et infesté de tiques qui le regarde. Adelmo le chasse et finit par le laisser entrer. S’il crève de faim cet hiver, il pourra toujours manger le chien. Finalement, l’homme et l’animal se trouvent bien ensemble : ils marchent, sont à l’affût des moindres odeurs, observent la vie qui grouille sur la montagne. Un soir, le chien se met à parler à Adelmo. Il a faim et demande à manger.

Le roman se fait conte ou l’homme devient fou. Peut-être bien les deux… On ne sait pas. J’aime bien cette hésitation.

La nuit, tandis que le chalet est recouvert de neige, le bois craque, les bêtes hurlent, le silence est criblé de mille bruits inquiétants. « Les gens imaginent que la montagne enneigée est le royaume du silence. Mais la neige et la glace sont des créatures bruyantes, éhontées, moqueuses. » Adelmo parle aux bruits, se moque d’eux, les insulte…. Pour se rassurer certainement…

L’hiver est long : « Suis-je fou ? » demande Adelmo à son chien. « - Disons que tu es un peu bizarre, oui. - C’est à cause des lignes à haute tension. Le chien lève la tête, ne les voit pas « Quelles lignes ? - Celles de quand j’étais petit. »

Le printemps arrive, homme et bête sortent respirer un peu, observer les têtards, chasser le chamois. Le chien se plaint d’une odeur un peu forte. Un jour de dégel, sous un amas de neige, apparaît… un pied. Il faudra attendre encore quelques jours pour savoir à qui il appartient. Dans tous les cas, un pied, c’est toujours un peu embarrassant surtout quand on ne sait pas comment il est arrivé là…

Le chien, la neige, un pied est une histoire étrange et fascinante, de celles que l’on se racontait autrefois le soir au coin du feu : une légende de la montagne et des êtres solitaires qui l’habitent. C’est un texte qui tient du conte et du récit fantastique. L’écriture (et sa merveilleuse traduction) évoque très subtilement ce monde fait de silence et de bruits ténus, la poésie qui émane de la beauté sauvage de la nature.

Les dialogues entre l’homme et le chien sont à la fois irrésistibles de drôlerie et empreints d’une immense tendresse. C’est désespéré et cocasse à la fois.

Un grand plaisir de lecture…


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Le chien, la neige, un pied

Un clébard, de la peuf et un yep.



Et aussi un ermite, retranché dans sa vallée caillouteuse et encaissée. Las de la société qu'il doit toutefois rejoindre de temps en temps histoire de remplir sa musette d'un bout de sauciflard et d'une dame-jeanne le mec vit en retrait. Jusqu'à ce que...



Conte nébuleux et reminiscent, mâtiné de réalisme magique avec ce qu'il faut d'intrigue pour faire chauffer l'index et se l'envoyer d'un coup sec.



Je me suis laissé baguenauder en compagnie de cet ermite chelou qui communique ou soliloque c'est un peu flou..



Comme un trip sous champignons magiques j'y ai vécu des moments poétiques, une communion puissante avec une nature brute, il y a eu des phases de rêveries contemplatives et puis cet arrière goût de bad trip comme quand on décroche de la réalité en y restant accroché par les bretelles, moitié perdu moitié toujours la, un pied dans l'onirique et l'autre dans l'ici-bas. Je sors quelque peu mitigé de cette expérience, vision illusoire qui me laisse grogis et pantois.





Un Into the wild sous mauvais champignons cuisiné à la sauce malsaine de Maurice Pons dans les saisons.
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Les pierres

Des chroniques sur des villages de montagne, j'en ai lu un bon nombre et, si l'univers de la montagne se prête bien à celui du mystère, du divin, du surnaturel, voire du fantastique, grande déception pour moi à la lecture rapide (pour aller plus vite que les pierres) de cette histoire racontée en de courts chapitres tous plus lassants les uns que les autres.



Alors, les pierres bougent en montagne? Qui l'ignore? Mais dans ce village, elles entrent dans une maison, au grand dam du couple qui l'habite. Seulement, de cet événement mystérieux, qui va s'amplifier au fil du roman, l'auteur développe sans cesse la même ritournelle autour des pierres, émaillée de quelques personnages présumés capables de les dompter : curé, mage, etc. Si bien qu'il finit par ne rien se passer hormis l'empilement des pierres... et des pages.



Je n'ai vraiment pas accroché à cette histoire dans laquelle le fantastique rivalise avec l'absurde, et même avec la réalité des jeux de gamins, sans provoquer le moindre frisson, ni la moindre empathie à l'égard des protagonistes.



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Le chien, la neige, un pied

Livre acheté en flânant dans une librairie et je me suis senti attiré par le titre ( et aussi parce qu'il me venait une envie de littérature italienne)....Drole de livre, drôle de personnage, drôle de dialogues entre l'homme et le chien...on s'y fait bien et voila une histoire attachante...qui n'a jamais revé de vivre pour un temps donné ou plus en ermite quelquepart? Interessant en tous cas....et le dernier chapitre en explication de la genèse du livre est précieux.
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Les oscillants

Dans le cadre d'un travail universitaire à présenter, Une jeune ethnomusicologue décide de retourner à Crottarda, un village de montagne, où elle passait des vacances très tristes et sombres étant enfant.Lors de ses divers séjours, la jeune femme est persuadée d'avoir entendu les bergers exercer un type de chants très particuliers et jamais étudiés à ce jour. Elle part donc à Crottarda, avec son magnétophone et ses stylos et carnet de notes. Elle trouve un hébergement chez Madame Verdiana chez qui cela pue, la nourriture est dégoutante et en plus elle doit partager sa chambre avec une adolescente au comportement limite désocialisée appelée Bernardetta.

Au début tout se passe bien, les gens du village s'intéressent à son travail et à elle. Puis autre chose commence à se dessiner et à se mettre en place à travers des plaisanteries montées par les habitants, jeunes et moins jeunes. La jeune doit apprendre à composer avec la haine de Crottarda pour le village d'Autelor. Crottarda vit dans le froid, l'obscurité, l'humidité, la moisissure tandis que Autelor vit au soleil, à la lumière. Et Bernadetta, envers laquelle elle montre une forme de condescendance au début, commence à prendre une place très singulière et quelque peu perturbante dans ce séjour de plus en plus bizarrement angoissant.

Progressivement la jeune fille s'enfonce dans un lieu, une histoire, une géographie, une sociologie, un mauvais esprit qui lui pompent tout.



C'est un roman qui nous parle d'étrange, sans tomber dans le fantastique ou l'horreur facile mais qui vous interroge sur la notion de malaise voire de malveillance insaisissable. Un quelque chose qu vous percevez mais qui ne se concrétise pas ouvertement et pleinement sous vos yeux et dans vos oreilles. D'où la question : la jeune ethnomusicologue arrive bien dans sa tête mais ne finirait-elle pas par sombrer à cause de cette malveillance grasse qui vous colle quand vous êtes à Crottarda ? Car Claudio Morandini ne donne pas de réponse nette, claire et précise, non jamais. Cela oscille en effet. Et j'ai aimé cette question et les oscillations autour car j'ai pensé par certains aspects 2 références : une cinématographique, Rosemary's baby, une littéraire, le horla.



Alors je m'arrête à 3.5 étoiles car j'avoue quand même que par moments cela oscillait un peu trop et du coup j'ai eu un peu de mal à avancer vers la fin de l'histoire. Mais une découverte, je recommande.
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Le chien, la neige, un pied

Le titre et la couverture de ce livre ont attiré mon regard et j'ai fait confiance au hasard. Et j'ai bien fait !



Le chien, la neige, un pied est un conte à la frontière du réel et du fantastique.

Adelmo Farandola vit en ermite dans la montagne. De plus en plus acariâtre, Adelmo ne supporte plus grand chose. Pour s'économiser il a décidé il y a quelques années de ne plus se laver, de ne plus changer de vêtements, et de limiter au strict minimum ses passages au village dans la plaine pour remplir son garde-manger.

Mais cet automne là un chien pointe son nez et cherche à trouver refuge dans le chalet d'Adelmo. D'abord très en colère, Adelmo refuse cette compagnie et va jusqu'à menacer le chien. Puis la persévérance du chien paie et Adelmo finit par s'habituer. Le chien fait la conversation à Adelmo et tous les 2 philosophent sur la vie, la montagne et la solitude.

L'hiver prend place et la faim aussi car les réserves de nourriture sont épuisées. Avec la faim, la lucidité d'Adelmo est de plus en plus vacillante. Jusqu'au jour où les premières fontes des neiges révèlent un pied.. Mais à qui peut bien appartenir ce pied ? Adelmo devra chercher aux confins de sa mémoire pour faire surgir la vérité ? Mais est-ce bien la vérité ?



L'écriture de Claudio Morandini est fluide, légère et vous embarque dans ce conte en quelques lignes.

En toute fin de récit, l'auteur explique la génèse de ce conte, ce qui le rend encore plus réel.

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Le chien, la neige, un pied

Adelmo Farandola est un vieil homme qui depuis des années vit tel un ermite dans son chalet. Il n'aime pas trop la compagnie, allant même jusqu'à s'installer dans une petite cabane perdue dans la montagne pour fuir les randonneurs l'été. Sans parler de cet enquiquineur de garde-chasse avec sa fausse sympathie et ses questions indiscrètes. Adelmo Farandola quitte sa solitude le temps d'une journée où il descend au village. Il doit faire des provisions pour tenir tout l'hiver. Il ne fait guère attention à la gérante du magasin qui lui affirme l'avoir vu la veille. Alors qu'il regagne sa tanière, il se rend compte que la grange est pleine de vivres et que la femme ne lui a pas joué un mauvais tour.



"Oh Adelmino tu perds la boule" voilà ce qu'on pourrait lui dire si seulement il avait un ami. Mais j'y pense, il n'est plus seul ! Entre-temps, il a rencontré un vieux chien, qui l'a suivi, bravant les interdictions du vieil homme, les jets de cailloux et les coups de pieds. Ce chien va devenir son compagnon pendant de longs mois, au fil du temps, le chien aide l'homme à se souvenir des événements de la veille qui sont de plus en plus confus dans son esprit. Ils entretiennent même des conversations tous les deux et partagent le triste sort que leur fait endurer cet hiver interminable.



Jusqu'au jour où le printemps pointe le bout de son nez, amenant avec lui, une découverte bien étrange : celle d'un pied humain dans la neige. A qui appartient t-il ? Adelmo Farandolo est-il le responsable ? Un roman court mais puissant sur la condition de l'homme et la solitude qui peut parfois le faire sombrer dans la folie. Bien que l'histoire et le sujet ne soient pas les mêmes, ce petit conte m'a étrangement fait penser à l'excellent Les jours, les mois, les années de Yan Lianke.
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Le chien, la neige, un pied

L'intérêt du livre réside dans le sujet et dans la façon de dire la démence du vieillard.

C'est un conte inspiré d'une « rencontre » avec un homme solitaire, asocial croisé lors d'une randonnée en montagne, enrichi par « la foire aux peut-être » alimentée par les hypothèses faites par les habitants de la vallée lorsque l'auteurr raconte ce qu'il a vu.

Un vieillard vit seul dans la crasse dans un vallon perdu en pleine montagne.Il dit avoir le cerveau troublé depuis son enfance parce qu'il a grandi dans un village traversé par des lignes haute tension. L'on sait aussi que le goût de la solitude dans la montagne lui vient de la guerre qui l'a contraint à se cacher dans les galeries d'une mine de manganèse.

Un chien force sa solitude et avec beaucoup d'humour , l'auteur donne la parole à l'animal, chien qui a le pouvoir de faire renaître un peu de sensibilité chez le vieil Adelmo Farandola.

Adelmo a perdu la mémoire,il se rappelle vaguement un frère, des vaches peut-être volées.

Le garde-chasse le surveille, oui Adelmo se nourrit de chamois dont il fait sécher la viande.

L'hiver est long, la neige épaisse. Quand vient le dégel, Adelmo découvre un pied d'humain puis un autre. Il semble alors la proie d'hallucinations…
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Le chien, la neige, un pied

Première incursion dans la littérature Italienne, premier coup de coeur (enfin, après les pasta, les matîns et canés, Négazione♪, ma cafetière Bialeti, et le belle ragazze :)



Il aura suffit d'un chien au regard ahuri sur la couv', pour retenir mon attention (un air de famille?). La quatrième a fini de me convaincre :

_un ermite acariâtre, perché dans sa montagne ; un chien qui surgit d'on ne sait où, et qui adopte notre reclus ; un pied qui apparaît à la fonte des neiges, non loin de la cabane...

Une petite note sous le résumé, qualifie l'auteur : Claudio Morandini, d'explorateur des atmosphères de l'étrange ...

....♪ton tin ton tin ton tin ton......(♪dents de la mer♪)...ton tin........(poils hérissés) ensuite, qu'il est reconnu comme étant l'une des voix les plus originales de la littérature Italienne :-0 (bouche bée)

De plus, j'apprends qu'il enseigne au lycée "Édouard Bérard", a Aoste. Établissement que je ne connais pas, mais qui d'après son nom, me paraît plus qu'honorable :)

Allez hop! Je prends. Je me suis encore fait eu :))



Durant la lecture, plusieurs questions viennent s'imposer, ou se poser, c'est pareil je suppose...

. D'où vient ce chien ? A qui est-il ?

. Que veut ce garde-chasse ?

. C'était quand la dernière fois que je suis descendu au village pour mes provisions d'hiver ?

.À qui est ce chien ?

.À qui est ce pied ?

.Ah oui...les provisions d'hiver...

. Depuis quand ce chien est-il là ?

.Quel chien ?.....

Oui, notre ermite a la mémoire qui flanche, sérieusement même...(p17)Il ne se souvient pas qu'il à oublier.

La mémoire ? La folie ? La solitude ? Lui pense que ça vient des lignes à haute-tension qui traversaient son village, lorsqu'il était enfant..... Allez savoir !

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Claudio Morandini, est devenu en un roman (ou conte, puisque chez lui, tout le monde est doué de la parole) un auteur-copain.

De ceux à qui je prendrai des nouvelles chez les libraires du coin, de ceux chez qui j'irai me replonger en toute confiance et la bave aux lèvres (c'est une image) dans de prochaines aventures.

Claudio (mon copain) a su me transporter là-haut, tout là-haut, loin du tumulte et des touristes, dans son petit coin inhospitalier, domaine des avalanches, des glaciers et des roches.

(p66)"Les gens imaginent que la montagne enneigée est le royaume du silence. Mais la neige et la glace sont des créatures bruyantes. Tout craque, sous le poids de la neige, et ces craquements coupent la respiration, car ils semblent préluder au fracas d'un effondrement".



En l'espace de ... deux, trois crapahutages, je me suis attaché à ce drôle de bonhomme ; et pourtant, avec son caractère de...... c'était pas gagné d'avance.

Mais en avançant dans son histoire, en remontant vers son passé, on apprend à un peu mieux le connaître...ses blessures, ses traumas, son silence, et finalement, on comprend son besoin d'ensauvagement.

Quand au toutou, grand sage, fidèle et plein d'humour, sous son air si peu finaud, il est criant de vérité malgré le don que Claudio lui a octroyé.

La montagne aussi est un personnage. Sans pitié, authentique. Elle dégage cette ambiance étouffante qui rend claustro malgré l'air libre.

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Parenthèse vie privée :



Grazie Claudio !

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Conclusion :

. pas tout à fait un roman

. pas tout à fait un Conte non plus

. pas tout à fait un récit de montagne

. pas très loin d'un monologue

. presque autobiographique

. mais qu'à demi-vécu

. complètement une réussite

.un véritable coup de coeur !



Le bonus ultra sympa, ce dernier chapitre qui se nomme :

______"CHAPITRE ULTIME"______

......... "histoire de cette histoire".........



. A PRESTO, CLAUDIO ! .

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Les oscillants

Avant tout, je tiens à vivement remercier Babelio et toutes les personnes qui y travaillent, puis les éditions Anacharsis pour ce livre que j'ai pu découvrir grâce à la Masse Critique du mois de janvier.



L'histoire se déroule presque intégralement dans le village de Crottarda, au pied des montagnes, dans une ombre et une humidité quasiment constante. On suit les travaux d'une jeune ethnomusicologue qui s'intéresse aux chants de bergers. Elle va ainsi découvrir ce village et ses habitants aux manières étranges...



J'aurais bien aimé que ce livre soit un peu plus long et continu dans ce mystère palpable et cette ambiance qui nous enveloppe d'ombre et d'humidité.

De par son style d’écriture, l’auteur retranscrit très bien l’atmosphère lugubre qui règne dans ce village. Les descriptions des lieux sont toujours très importantes pour moi dans mes lectures, que ce soit dans une pièce ou un lieu naturel, etc. Et dans ce récit, c’est vraiment réussi. Cela participe grandement à rendre palpable, comme je le disais plus haut, cette ambiance particulière, qui contraste avec le village d’en face, Autelor toujours ensoleillé.

Les personnages sont plutôt bien travaillés et j’ai apprécié l’excentricité de Bernardetta et suivre la curiosité de la narratrice. Les habitants ont l'air de cacher beaucoup de choses et il est difficile de savoir s'ils sont bons ou mauvais, à la fois accueillant et menaçant. Malgré tout, un peu plus de détail sur la vie des villageois aurait été appréciable mais cela laisse une par de mystère quant à leur vrai nature.

L'histoire est à la limite de la science-fiction par certains aspects. Ce flou, créé par l'auteur dans la narration, est tout bonnement extra ! Plus j’avançais dans la lecture, plus je me posais de questions et me demandais ce que j'allais trouver à la page suivante. Du moment où j'ai commencé le livre, je ne l'ai pas lâché avant de l'avoir fini.



Grâce à ce roman j'ai pu découvrir un auteur dont je n'avais jamais entendu parler et cela m'a donné envie de découvrir les deux autres romans de Claudio Morandini traduits en français.

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Le chien, la neige, un pied

Il est des petits livres, 140 pages, qui sont des merveilles. Claudio Morandini est un auteur italien né en 1960, né en Val d'Aoste, donc en Italie montagnarde et Le chien, la neige, un pied ne quitte pas non plus les hauteurs alpines. Evidemment j'ai pensé à Dino et Mario, deux de mes auteurs de chevet. Et je trouve que c'est assez cohérent, Morandini peut apparaître partiellement comme un héritier de ces conteurs hors pair, Buzzati et Rigoni Stern. Avouez que la barre est haut placée, normal pour ces écrivains alpinistes.



Adelmo Farandola vit seul, âgé, reclus, mémoire défaillante, dans un chalet perdu avec son fusil et quelques fruits dans l'étable. Dans cette totale solitude sa misanthropie était prévisible. Ce vieux ronchon, plutôt muré, d'ailleurs il descend à peine au bourg pour quelques modestes provisions. Les très rares visiteurs sont mal reçus. C'est qu'il a la grisaille agressive, l'Adelmo. Si je me souviens bien Mario Rigoni Stern c'est tout à fait le contraire, ses montagnards (souvent inspirés de lui-même) cultivent encore le goût des autres et un certain parfum d'humanité.



Mais voilà que l'arrivée d'un chien, plutôt moche, vieux lui aussi, change un peu la donne. Un peu seulement car Adelmo n'est pas dans le genre bras ouverts et le quadrupède aura plus de coups de pied que de d'os à ronger. Qu'importe car il est bavard ce chien (Buzzati aussi a mis en scène des chiens, parfois dotés de la parole). Ils passent comme ci comme ça le plus gros de l'hiver. La crasse tient lieu de manteau à Adelmo et le chien finit par obtenir quelque pitance.



Troisième intervenant, à la fonte des neiges, un pied. Un pied humain qui dépasse du sol. Ce peid appartient bien à quelque corps. Et quel corps? Mémoire défaillante Adelmo aurait-il tué un garde ou un randonneur? Curieuses interrogations du vieillard presque sénile et du chien disert. Vous croyez au moins à une histoire d'amitié entre l'homme et l'animal? Avez-vous raison? C'est un joli conte assez cruel, en absurdie, qui s'accomode fort bien de la concision. Et qui frôle bien souvent la poésie et le surralisme. Un très beau moment. Je vais me renseigner sur ce Morandini.

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