AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Driss Chraibi (158)


La première personne qu'aime un homme, c'est soi-même. Mais s'il a des enfants son plus cher désir est qu'ils soient meilleurs que lui en tout point.
Commenter  J’apprécie          510
Et ce faisant, elle soliloquait, fredonnait, riait comme une enfant heureuse qui n’était jamais sortie de l’adolescence frustre et pure et ne deviendrait jamais adulte, en dépit de n’importe quel événement – alors que, la porte franchie, l’Histoire des hommes et leurs civilisations muaient, faisaient craquer leurs carapaces, dans une jungle d’acier, de feu et de souffrances. Mais c’était le monde extérieur. Extérieur non à elle, mais à ce qu’elle était, mais à son rêve de pureté et de joie qu’elle poursuivait tenacement depuis l’enfance. C’est cela que j’ai puisé en elle, comme l’eau enchantée d’un puits très, très profond : l’absence totale d’angoisse ; la valeur de la patience ; l’amour de la vie chevillé dans l’âme.
Commenter  J’apprécie          400
C’est ainsi que le « magicien » s’installa dans la maison et l’anima du matin au soir. Déclamant, chantant, criant, riant. Ma mère était persuadée qu’il s’agissait d’un être vivant, en chair et en os, une sorte d’érudit doublé d’un devin qui avait beaucoup voyagé, beaucoup appris et, tel Diogène, se cachait dans une caisse à l’abri des horreurs de ce monde.
Commenter  J’apprécie          330
Qu'était-elle, sinon une femme dont le Seigneur [son mari] pouvait cadenasser les cuisses et sur laquelle il avait droit de vie et de mort? Elle avait toujours habité des maisons à portes barricadées et fenêtres grillagée. Des terrasses, il n'y avait que le ciel à voir - et les minarets, symboles. Une parmi les créatures de Dieu que le Coran a parquées : "Baisez-les et les rebaisez ; par le vagin, c'est plus utile ; ensuite, ignorez-les jusqu'à la jouissance prochaine." Oui, ma mère était ainsi, faible, soumise, passive.
Commenter  J’apprécie          330
Il y a l'émotion et la qualité de l'émotion. Des émotions, bien que sincères, ne nous touchent guère; d'autres, et nous savons qu'elles ne sont qu'expressions théâtrales, nous empoignent.
Commenter  J’apprécie          320
— Il me connaît, ce vieux débris ? demanda-t-il abruptement à Boutr.
Boutr ne bougea pas plus qu'une souche. Les yeux rivés sur l'homme au chameau, il dit d'une voix détimbrée, absente :
— Il… il est… il est revenu !
— Il me connaît ? répéta le général.
Boutr tourna vers son chef une face décomposée par la joie, la vénération, la crainte. Il dut s'y reprendre à plusieurs fois pour jeter en vrac des lambeaux de phrases, de l'aigu au grave :
— Tous. Il nous connaît tous. Les vivants et les morts. Chacun de nous par son nom et son histoire. Ce qu'il a vécu. Ce qu'il aurait pu vivre. Son bien comme son mal. Son squelette qui est sous terre ou le squelette qu'il deviendra un jour. Il a le temps du temps. Il y en a qui disent qu'il est de ma tribu, les Aït Yafelman. Azwaw Aït Yafelman, c'est son nom. Mais il est mort il y a longtemps. Et le revoilà debout et c'est tout à fait naturel. Il y en a qui disent que c'est le Fils de la Terre, l'ancêtre du peuple antique. Mais tous, nous croyons, nous savons que c'est le maître de la Main. Sa main peut ressusciter les morts, elle peut tout faire.

Chapitre 7.
Commenter  J’apprécie          260
Au revoir, monsieur. Désolée, mais vous comprenez ? Je veux la vie et non les aéroplanes. A la porte, Tolstoï ! S' écriait elle en lançant à la volée des volumes à la tranche dorée. Tu as écrit des choses merveilleuses sur l amour et les femmes, mais tu as été un tyran dans ta vie privée, j ai contrôlé. A la porte, ouste ! A la porte , les poètes arabes à la poésie de cendres! Vous m avez fait pleurer en chantant le romantisme et parce que je ne savais rien du monde. S' il en ainsi, si vos vers sont vrais, pourquoi diable notre société est elle malade ? Pourquoi a-t-elle cloîtré les femmes comme des bêtes, pourquoi les a-t-elle voilées, pourquoi leur a-t-elle coupé les ailes comme nulle part ailleurs ?
Commenter  J’apprécie          260
La première personne à qui tu mens, quand tu mens, c'est toi-même. Et pour que tu te mentes c'est pour te leurrer toi-même. Et pour que tu te leurres il faut qu'à tes propres yeux tu ne vailles pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          250
Fais nous entendre la voix de la vie. La chanson de l'arbre, par exemple, du regretté Omar Naqishbendi. Tu connais ? [...]
Le luth, il le fit glisser sur ses genoux en un geste très lent, comme s'il se fût agi d'un enfant endormi. Les cordes, il les effleura du bout des doigts pour les réveiller. Puis il leur fit donner de la voix, à plein. Et voici : le passé rejoint le présent, l'instrument devient aussi vivant que l'arbre plein de sève qui lui a jadis offert son bois. Quatre cordes en boyau de chat, tendues à rompre. Placée au centre, la cinquième est en crin de cheval tressé : le bourdon. Naissant à partir de ce bourdon et y revenant à intervalles régulier, à la fois pour y mourir et pour en renaître, monte langue de la vie, musicale charnellement ; monte, scande et bat selon l'alternance du jour et de la nuit, selon le déroulement des saisons, le flux et le reflux de tous les océans du monde, le déferlement des vents issus des quatre horizons du ciel, la fulgurance des étoiles filantes par les soirs d'été ; danse le mélodie de l'arbre du Destin ...
Commenter  J’apprécie          240
Et tous deux, par-delà la Méditerranée, les confessions, les idéologies, l'espace et le temps, avaient en commun le bien le plus précieux de la vie : l'amitié.
Commenter  J’apprécie          190
Quand le soleil fut englouti, quand il n'y eut plus à l'horizon qu'un sillon d'émeraudes, de rubis et d'opales, Madini poussa un soupir et dit :
- Les morts sont morts, Driss. Et, ceux-là, personne ne songe à les interroger. Ils sont morts, tu comprends?
Il se tourna vers moi avec des yeux de chien battu.
- Mais il y a ceux qui restent, reprit-il, ceux qui sont encore vivants et qu'on peut interroger. Explique-moi, Driss. Je voudrais savoir pourquoi tous ces gens qui étaient là tout à l'heure et qui savent ce qu'est la souffrance humaine, je voudrais juste savoir pourquoi ils deviennent des animaux. Si tu m'expliquais cela, je te jure que je me coucherais ici et que je n'en bougerais plus jusqu'à ce que je devienne un squelette.
Il saisit mon bras à deux mains et il se mit à le secouer comme un levier de pompe.
- Je voudrais comprendre, comprendre, comprendre pourquoi ces gens, il n'y a pas si longtemps, ont attrapé un vieux Juif dans la rue, un pauvre type qui passait par là, l'ont arrosé d'essence et l'ont brûlé vif. Tu comprends, Driss? Ce ne sont pas les conseils de mon père que j'ai dans la tête, c'est le cri atroce de ce Juif. Dis, mon frère, toi qui es instruit, toi qui a lu beaucoup de livres, tu peux m'expliquer, dis?
Je n'ai jamais su répondre. Je suis resté là, à regarder ses yeux suppliants.
Commenter  J’apprécie          180
- Xactement. Tu ne comprends pas. Tu n'as jamais rien compris à la boulitique ou la filousophie. C'est pour ça que tu est resté un sans-grade durant toute ta vie. [...]
Un fonctionnaire dans ta position, avec ou sans diplôme, aurait gravi les échelons quatre à quatre en délogeant les collègues à coups d'intrigues et à coups de pied. Et, arrivé tout en haut, il aurait tiré l'échelle pour empêcher quiconque de monter. L'arabitude a du bon.
Il avait les larmes aux yeux, le foie gorgé d'émotion. Et, sans transition aucune, il posa une petite question : Et le nouveau, comment est-il ?
Commenter  J’apprécie          180
Etendu sur le dos entre deux massifs de fleurs, l'inspecteur Ali contemplait les étoiles ... ces fleurs du ciel que l'homme essayait vainement de reproduire dans ses jardins. Elles étaient amicales et chaudes. Chacune d'elles à la fois un point obscur et un point lumineux du cœur humain, sans commencement sans durée sans fin. De l'une à l'autre, le temps remontait vers le passé et revenait pour aller à la recherche de l'avenir. Elles étaient si lointaines, si proches. Ali n'avait que huit ans lorsque son père s'était rompu le cou [...] Huit ans, l'inspecteur les avait encore à l'âge adulte, ici et maintenant. Prosaïque , le téléphone portable des temps présents se mit soudain à vibrer. C'était le ministre. Ali retrouva aussitôt sa réalité de flic et la vacuité des mots.
Commenter  J’apprécie          182
Une fois , les soleils rougis battaient les tempes des poètes et des conquérants .Et comme l' eau valait plus cher que l' or
ils buvaient leur sueur et remerciaient la Providence .Mais la mer elle-même n' eût pu les apaiser .
Commenter  J’apprécie          160
Une appartenance ethnique —voire un patronyme— n’est qu’une étiquette du langage, il me semble. Ce n’est pas une identité. L’identité est ce qui demeure primordial le long d’une existence, jusqu’au dernier souffle : la moelle des os, l’appétit flamboyant des organes, la source qui bat dans la poitrine et irrigue la personne humaine en une multitude de ruisseaux rouges, le désir qui naît en premier et meurt le dernier.
Commenter  J’apprécie          160
Il marqua une légère pause, puis ajouta :
- ”L’univers à été créé par Dieu, selon des lois que l'homme suit plus ou moins. La religion a été créée par l”homme, selon des lois que Dieu doit suivre. Il ne faut pas confondre l’Islam avec le Coran, n’est-ce pas ?
Commenter  J’apprécie          150
Ai-je dit que maman avait peur de qui que ce fût au monde ? Non, n'est-ce pas ! Elle n'avait pas peur non plus des mots. Derrière les mots, elle cherchait la vérité et, derrière l'altruisme, elle ne trouvait personne. Elle frappait comme un sourd à la porte des politiques : "Holà ! Il y a quelqu'un ?" On était obligé de lui ouvrir et, la porte ouverte, il fallait répondre à ses questions. Elle était capable de retourner les mots jusqu'aux entrailles, comme des peaux de lapins.
Commenter  J’apprécie          151
La chasse d'eau donnait des signes de sénilité - l'un de ces mastodontes en fonte qui avaient survécu aux deux guerres mondiales et à la décolonisation. ou bien elle se remplissait sans se faire prier, comme ses congénères des cafés maures. Ou bien elle était à sec, pas une goutte. Parfois elle débordait sans crier gare. Je la connaissait de longue date, la traitais avec ménagement, eu égard à ses fuites incontinentes de vieille dame très âgée.
Commenter  J’apprécie          150
« Épouse, le seigneur l'avait enfermée à clef, d'abord. Ensuite l'avait engrossée, sept fois coup sur coup. de sorte que, privée de bonne et allaitant- ou enceinte- la porte ouverte n'avait plus d sens pour elle. Son dernier voyage datait du dernier jour de ses noces. »
Commenter  J’apprécie          140
Pour peu qu'il se souvienne et aussi loin qu'il se souvienne, c'est toujours son "orphelinage" qu'il revit, la figure de Halima la Bédouine, sa nourrice, qu'il revoit. Franchi le temps, il revoit encore les mots qui se formaient sur les lèvres de Halima, les premières syllabes de lait qu'elle lui offrait en même temps que son sein généreux. Il avait soif, une soif d'incendie.
Commenter  J’apprécie          130



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Driss Chraibi (1067)Voir plus

Quiz Voir plus

Un quiz qui n'est pas littéraire

Parmi ces trois métaux, lequel se trouve à l’état liquide dans les conditions ambiantes ?

le manganèse
le mercure
le béryllium

10 questions
14 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..