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Citations de Driss Chraibi (158)


De décennie en décennie, l’intelligence humaine s’atrophiait, se sclérosait. Toute idéologie était morte, toutes les lois étaient désormais précédées d’un fusil.
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Question : As-tu autant voyagé que ton héros et es-tu aussi polyglotte que lui ? L'inspecteur Ali fait honneur à notre pays, à la différence des détectives chauvins comme Sherlock Holmes ou Philip Marlowe qui ne parlaient que leur langue.
Réponse : Non aux deux questions.
Question : Mais alors comment fais-tu pour...
Réponse : J'invente. C'est mon métier.
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Chaudes et rayonnantes d'une joie femelle, matricielle, les étoiles frémirent d'un seul coup. Toutes. Elles se convulsèrent tels des oiseaux de lumière atteints à coups de flèches en plein vol. En pleine jouissance, elles rendirent l'âme sans un cri. Tombèrent, non en direction de la terre, mais vers là-haut, plus haut, au-delà de la Voie lactée, vertigineusement.
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Noir, froid, sans âme.
Moi l'étranger, pendant seize ans étranger, j'avais pendant seize ans tenu bon. On bâtit sa maison sur du roc, en ciment armé. Les vents peuvent souffler, les trombes d'eau tomber du ciel, rien ne pourra l'ébranler. Je vous dis que c'est du roc. Ainsi, en dépit des événements et des haines, pas un instant je n'avais perdu courage. Les événements passent et l'humain reste. Et c'était cela le pire : continuer d'avoir foi en l'homme, coûte que coûte, avec la rage de quelqu'un qui sait que tôt ou tard il va perdre la vue, continuer de disposer d'un capital d'amour envers des gens qui m'étaient hostiles, qui tuaient par bataillons, par avion, par idéal.
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Le rire est le sel de la vie
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— Comment je sais tout cela ? Je suis flic, répéta Ali. Inspecteur Ali, pour vous servir. La prochaine fois que vous vous disputerez avec votre petit ami, faites-le donc en silence. Les oreilles traînent.
Il se leva, gauche, à cran. Avant de partir, il se pencha et lui murmura à l'oreille :
— Dans le parc solitaire et glacé, deux ombres ont tout à l'heure passé. Colloque sentimental. Verlaine Paul. Et payez votre dîner. Pas le mien : je mange gratis.
Il tourna les talons et sortir en sifflotant un air guilleret. Il ressentait le goût du dernier goût, comme la lie d'une vieille bouteille. Pendant des années il avait vécu sans s'en apercevoir. On lui avait confié des enquêtes et il les avait menées à bon terme. Il y avait les lois et il avait obéi aux lois. Et maintenant, il se rendait compte qu'il avait pour le monde une suprême indifférence, sinon un suprême mépris.
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La patience peut faire germer des pierres à condition de savoir attendre.
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C'était simple, le monde des Européens, à commencer par leur langage était l'inverse du nôtre. La preuve c'est que la planisphère (...) représentait le globe terrestre à l'envers (...) : L'Europe en Haut, l'Afrique en bas alors que ça devait être le contraire
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-Savez-vous pourquoi on se marie, pourquoi on a des enfants qui à leur tour se marient et ont des enfants?
- Non, dit Moira. Le printemps, peut-être...
- C'est pour échapper à la solitude imposée par le progrès technique et la civilisation. Plus on est civilisé et moins on vit. On en arrive à perdre la notion de vie, et face à la vie, on se sent de plus en plus seul, on devient un paria de la vie. Alors on se serre les coudes, on devient grégaire et social au sein d'une nation, d'une religion., d'une idéologie ou d'un système économique donnés. La plupart du temps on n'est même pas conscient de cette solitude. On achète des meubles et on se marie. Le problème du logement, le problème du bifteck priment les problèmes de l'âme.
p.54
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- J'avais déjà ce service à thé il y a vingt ans, lança son épouse.
C'était une femme très jolie, destinée à être vue, mais pas entendue.
Un attaché d'ambassade m'avait présenté au ministre. Ce dernier c'était gratté la tête, pensivement.
- Brahim Orouke ? Ca me dit quelque chose. Il peint ?
Je lui avais répondu en marocain. Voici la traduction les gutturales en moins :
- Non, mon frère. C'est pas moi. Moi, j'ai une petite charrette et un âne. Je vends des cacahuètes dans la médina...
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— Mon âme a son secret, ma vie a son mystère :
Un amour éternel en un moment conçu ;
Le mal est sans espoir, aussi j'ai dû le taire
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.
Arvers Félix, conclut-il. Un grand poète. Vous connaissez ?
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- Driss Chrïbi, vous pensez en arabe et vous écrivez en français. N'y a-t-il pas là une sorte de dichotomie ?
J'ai vu venir le journaliste. J'aurais volontiers conversé avec lui un petit quart d'heure d'horloge, le temps que nous fassions plus ample connaissance, le temps aussi de dénicher la petite idée qu'il avait derrière la tête et qui devait avoir la forme d'une étiquette. Mais je n'étais pas seul sur le plateau. C'est pourquoi je lui ai demandé poliment :
- Dicho... quoi ? C'est un vocable qui n'entre pas dans la ligne de mes références.
Il m'a expliqué ce que l'on entendait par "dichotomie", les deux pôles d'un aimant qui se repoussent en quelque sorte. Je me suis exclamé :
- Ah bon ! Mais, monsieur, le plus grand bonheur d'un homme est d'avoir deux langues dans la bouche, surtout si la deuxième est celle d'une femme. Vous ne trouvez pas ?
Comme il ne trouvait pas, j'ai pris mon plus bel accent de travailleur immigré pour désénerver ce cas de figure :
- Si, msiou ! Ji pense en arabe, mais ji trové machine à écrire qui écrit en francès tote seule.
L'émission a été coupée net, j'ignore pourquoi. Je me suis levé et je suis sorti, méditatif. Dans la cabine de la régie, Catherine riait avec les techniciens.
- Ça commence bien, laissa-t-elle tomber.
- A question bête, réponse idiote, dis-je.
- Tu n'as pas respecté les règles du jeu.
- Quel jeu ? Je croyais qu'il s'agissait de littérature.
- Tu aurais voulu détruire ton livre, tu ne t'y serais pas pris autrement.
- Peut-être. De toute façon, ce monsieur n'a pas lu mon bouquin, juste le prière d'insérer.
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Nous ne sommes plus à l'époque d'Omar qui était en même temps calife et marchand de vin. Nous avons évolué. Quand on devient adulte, on oublie souvent d'être soi-même, reniant du même coup nos rêves d'enfants et les idéaux de notre adolescence. Et on est plus du tout soi-même dès que l'on dispose d'une parcelle de pouvoir. La religion nous tient lieu d'humanité, avec ses interdits, ses gardes-fous et ses tabous.
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Il disait :
— Mon époque. Ton époque. Le tout, mon fils, est que ton époque soit l'élargissement de la mienne.
Il disait :
— Comme une formule de vieux cru que l'on amende, comme un patrimoine humain que l'on transforme de torche en brasier, je te léguerai à ma mort, non pas des maisons qui somme toute ne sont que de vieilles pierres, ni même des billets de banque qui ne sont que des bouts de papier, mais autre chose. Ce dont tu hériteras est beaucoup plus riche parce qu'humain : une somme d'experiences, une capacité d'aimer, une capacité de vivre et de croire.
Il disait :
— Mon époque était toute simple, basée sur une société agricole et sédentaire depuis des siècles. Ton époque sera affaire d'avocasserie et de chicane, de luttes et de courageuse. C'est pour cela que je vais t'envoyer dans le monde nouveau, mon fils. Puisses-tu tout simplement, en revenant de ce monde nouveau, être heureux, libre et digne — autant que je l'ai été, moi, sinon plus. C'est cela qu'on appelle l'évolution des êtres et des peuples.
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Nous sommes condamnés au progrès et à la civilisation industrielle.
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Cet homme à tarbouch est sûr de lui : une mouche ne volera que s'il lui en donne la permission. Il sait que chaque mot qui tombe de sa bouche sera gravé en moi. Sur son masque il n'y a pas un frisson. Je supprime ce masque et je lis : il est analphabète et partant fier de soutenir n'importe quelle conversation de n'importe quelle discipline. Je le comparerais volontiers à ces petits vieux qui savent tout et qui ont tout eu : enfants, petits-enfants, diplômes, fortune, revers de fortune, maîtresses, cuites, chancres... - s'il n'y avait, à cause de cet analphabétisme même, le facteur haine. Il sait que cet Occident vers lequel il m'a délégué est hors de sa sphère. Alors il le hait.
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Quand Barthélemy accrochait un écriteau à la porte : « Oranges, kg. 80, 3 livres : 120 », tout le monde achetait trois livres. La bêtise humaine est une monnaie forte. Et, pour Barthélemy, c'était cela la plus grande honte : être conscient de cette bêtise et la monnayer pour être un jour un homme digne et net de toute souillure.
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Vous comprenez, expliqua-t-il, les mots ne prennent leur importance que lorsqu'ils sont confrontés avec les réalités vivantes.
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Pa m’a dit :

– Prends la Bible, l’Ancien Testament, le Nouveau Testament. Prends le Talmud, le Coran, le Zohar, le livre des Hindous. Partout, dans toutes les religions, tu ne trouveras que des hommes. Pas une prophétesse, pas une seule envoyée de Dieu. Nous avons vécu avec cet ordre de choses depuis des siècles et nous n’avons pas eu à nous plaindre, nous, les hommes. Alors quand ta mère s’est mise un jour à remplacer les portes par les fenêtres, j’ai souri. Oui, j’ai souri devant tant d’enfantillage. Je me disais : c’est une mère de famille, mais elle est restée une enfant. Les enfants ont besoin de déverser leur trop plein d’énergie. […] Je me disais : ça lui passera. J’espérais même qu’elle ferait un faux pas, qu’elle se fourvoierait, qu’elle…[…] Or, rien ne lui est passé, elle a continué d’aller de l’avant et je n’ai pas eu à la consoler, à assumer mon rôle de protecteur comme je l’avais espéré. […] Non, mon fils, je n’ai pas eu à me consoler, comme tu dis. Mes yeux s’étaient ouverts, je m’étais brusquement rendu compte que ta mère était, à elle seule, la conscience d’un monde inconscient.
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On rebâtissait la vie avec n'importe quoi, à chaux et à mots réchappés. Un nouveau langage naissait à trois langues différentes qui la plupart du temps demeuraient étrangères les unes aux autres (...)
- Labès ?
- Labès, old fellow, et toi?
- Ca va, Allah akbar! Et ta famille, OK?
- Couci-couça, et les oranges, how much?
- How quoi? Les lemons tu veux dire?
- Oui, oukha. Combien price d'ami?
- goûte d'abord, c'est fabor, wallah for toi.
- Bananes too? Hmmm!
- Pas two, même pas one, mange pas all two.
- Quoi (il a la bouche pleine). Qu'est-ce que tu dis?
- Sir, va t'en de là, son of putana!
- Je comprends nothing à ce que tu baragouines, nib oualou.
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