Citations de Eric Reinhardt (770)
Oui, c'était bien ça qui était en train de se produire dans son existence : en même temps qu'elle retrouvait la valeur essentielle d'une simple feuille de papier, la rayonnante valeur de sa personne se laissait de nouveau percevoir, sa saveur, ce par quoi elle se définissait comme un être distinct des autres, unique, indicible, estimable, au fond d'elle-même. Elle réapprît à s'aimer : d'abord timidement, comme à tâtons, sans trop y croire, puis d'une manière de plus en plus affirmée à mesure que les jours s'écoulaient, et que les pages qu'elle écrivait s'accumulaient.
Le sexe de son mari, pointu, avait l’allure d’un animal sournois qui se faufile partout, fouine ou souris, rat, renard. À l’opposé, circoncis et gland massif, le sexe de son amant était franc, attendrissant et sympathique : il lui fit penser à un moine dans une chasuble informe, doté d’une tête énorme, portant la tonsure.
C’était important d’insister sur ce point. L’amour de son mari avait sorti Sarah de son ornière, car elle eût pu continuer de s’enliser sans fin dans ses rêves, enfermée dans son bureau à forger des utopies, si aucune de celles-ci n’avait vu le jour. Sarah eût pu se détacher peu à peu du monde réel et s’isoler sans s’en rendre compte dans une activité stérile et illusoire de sécrétions fantasmatiques.
(page 33)
Si les télécoms, grandes spécialistes des réseaux commutés, récusaient avec autant de virulence le projet développé par la Délégation générale à l’informatique, c’est que ce projet, conçu par des savants extravagants déconnectés des réalités du terrain (pensez donc, des informaticiens), était selon eux bien trop risqué et hasardeux, flou, irréaliste – en particulier sur le plan industriel, opérationnel et commercial – et n’aboutirait jamais à rien d’autre qu’à des élucubrations de doux rêveurs. (pages 282-283)
Pollock se sentait sans cesse au bord de l’inouï, mais cet inouï n’advenait jamais dans le sillage de ses brosses et cette impuissance le mettait dans des états de rage phénoménale. (page 171)
Rien n'est pire que le dur des surfaces planes, que le tangible des surfaces dures, que l'obstacle des écrans qui se dressent, sauf si des films y sont projetés. Je préfère le profond, ce qui peut se pénétrer, ce en quoi il est envisageable de s'engloutir, de se dissimuler : l'amour et les forêts, la nuit, l'automne, exactement comme vous.
Son ventre était comme le tambour d'une machine à laver, aussi chargé, aussi dense, aussi sinistrement cadencé...
Bénédicte Ombredanne prenait conscience de cette complexité par le hublot de ce présent ô combien terrifiant, nouveau pour elle, auquel les circonstances la confrontaient, elle qui n'avait jamais trompé son mari.
C’est qui, ce type ? Où est-ce que tu l’as rencontré ? Où il habite ? Ce n’est pas la peine de te remettre à pleurer, c’est trop commode les larmes et les sanglots, il aurait fallu y penser avant aux conséquences de ta trahison, enlève cet oreiller, montre-moi ton visage, mieux, encore, redresse la tête, arrête ces simagrées immédiatement. Reprenons.
C’était un peu comme une forêt profonde et angoissante, constituée par les phrases que son mari lui adressait continuellement, qui toutes semblaient se reproduire à l’infini comme des centaines de troncs, jour après jour, serrées les unes contre les autres, sans issue perceptible, absolument jamais, en aucun point de ces ténèbres où Bénédicte Ombredanne se trouvait prisonnière, soumise à la fureur inquisitrice de son mari. P 137
Le sexe de son mari, pointu, avait l'allure d'un animal sournois qui se faufile partout, fouine ou souris, rat, renard. A l'opposé, circoncis et gland massif, le sexe de son amant était franc, attendrissant et sympathique : il lui fit penser à un moine dans une chasuble informe, doté d'une tête énorme, portant la tonsure.
Je l'avoue, il m'arrivait de décompter les années de vigueur et de supposée créativité littéraire qu'il me restait à assumer avant d'atteindre un âge où je pourrais me considérer comme dispensé de délivrer une performance artistique rémunératrice.
... soudain ce glas sonné pour un autre que moi m'inoculait le réconfort que mourir n'est pas si grave, que mourir n'est pas si triste, que mourir est peut-être agréable et paisible si ça se trouve, comme une libération... et qu'on a toujours le recours de la mort pour se sortir d'une situation sans issue...
Attirante ? Vous me demandez, Eric, pourquoi je trouve cette mer hostile attirante ? Je vais vous dire : en raison de ces lointaines profondeurs invisibles, noires, épaisses, où peuvent s’entendre les échos de nos rêves. Rien n’est pire que le dur des surfaces planes, que le tangible des surfaces dures, que l’obstacle des écrans qui se dressent, sauf si des films y sont projetés. Je préfère le profond, ce qui peut se pénétrer, ce en quoi il est envisageable de s’engloutir, de se dissimuler : l’amour et les forêts, la nuit, l’automne…
L'arrière-saison. La beauté déchirante du concept d'arrière-saison. J'ai adoré survenir à Paris un mois après la rentrée, quand la machine tournait déjà à plein régime, et me glisser à pas de loup dans le spectacle déjà commencé, me trouvant un siège libre d'où tout observer, à l'écart, affranchi des injonc- tions raisonnables, des contraintes du devoir. Cet écart-là, la perception de ce décalage entre soi et les autres, entre soi et la ville, entre soi et la réalité sociale et sa tempora- lité conventionnelle, ce n'est rien d'autre que l'espace qui rend possible la vie poétique.
Les gens qui ont manqué de reconnaissance dans leur enfance, j'ai remarqué une chose, ils aspirent adultes, à toujours plus de reconnaissance, ils sont insatiables, au travail, comme dans leur vie intime, et ça donne de grands malades, de grands pervers. (P311)
[...] elle réclamait [...] de chaque journée qu’elle lui prodigue une minute irradiante, une heure miraculeuse, une enclave d’émerveillement, un grand soupir extatique oublieux des tristesses de l’existence.
On est tous divisés, on est intérieurement plusieurs personnes contradictoires qui se combattent ou dont les intérêts se contredisent, on est tous amenés à jouer des rôles qui en définitive sont des facettes d'une vérité unique qu'on passe son temps à intérioriser, à travestir, à protéger du regard d'autrui et finalement à trahir, parce qu'on a honte de s'avouer aussi complexe, pluriel, tiraillé, contradictoire et donc essentiellement infini, alors que c'est précisément notre force.
Elle n’existe plus. Elle leur est complètement sortie de l’esprit.
Comment peut-on disparaître aussi vite de la vie de ceux que l’on aime ?
C’est comme si elle était morte de son cancer et qu’elle avait eu la faculté de revenir les voir vivre une fois décédée. Ils ont fait disparaître Sarah de leur vie aussi sûrement que l’eût fait la maladie si elle s’était révélée fatale.
Le datagramme permet lui aussi d’effectuer la commutation de paquets, mais de façon beaucoup plus astucieuse, grâce à un réseau maillé d’ordinateurs – et non plus en se fondant sur le sacro-saint principe du point à point. (page 292)
Quelle est l’issue ? Comment va-t-on s’en sortir ? L’idée fixe des actionnaires, des financiers et des fonds d’investissement est devenue le profit, au détriment du bien public, de l’intérêt général, du facteur humain, de la question sociale. Les dégâts occasionnés par cette logique sont considérables. Et sont perçus comme secondaires, anecdotiques, par ceux-là mêmes qui les produisent. La question de l’intérêt général est désormais totalement subordonnée au rendement du capital.