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Citations de Ernst Jünger (511)


DANS LES JOURNAUX
" O mes petits, je vous retrouve quand même ! "
Ces paroles dites par une mère devant les cercueils de ses deux fils morts nous sont rapportées ce matin par les journaux. Je n'ai pu m'empêcher d'en être longtemps occupé, ma pensée suivant à ce propos plusieurs directions. J'admirais, entre autres, que, dans une époque où la langue est en pleine dissolution, une simple femme ait pu former une phrase d'une force aussi irrésistible.
L'événement en lui-même ne sortait pas du cadre des faits divers. Deux jeunes ouvriers, deux frères, qui, depuis un certain temps déjà, tournaient mal, avaient été pris sur le fait ; une longue chasse à l'homme avait suivi. La battue se resserrait toujours, on les avait enfin cernés dans une maison et abattus après un long échange de coups de feu. Je suppose qu'on n'avait amené cette femme devant ses fils qu'après que les autorités eurent fait les besognes qui sont d'usage en pareil cas. La maréchaussée, le parquet, les médecins avaient déjà rempli leur mission, mais quelques-uns peut-être étaient encore présents, avec les journalistes, et n'en doutons pas, les inévitables badauds poussés par la curiosité.
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SERPENTS BLEUS
J'allais le long d'une route poudreuse et monotone qui traversait un paysage de collines et de prairies. Un magnifique serpent où se mêlait le gris d'acier et la couleur du chardon bleu passa soudain près de moi ; et, bien que j'eusse le sentiment que je devais l'attraper, je le laissai disparaître dans l'herbe épaisse. Cet événement se répéta, mais les serpents étaient de plus en plus ternes, minces et décolorés ; les derniers même étaient morts et gisaient sur le chemin, déjà tout recouverts de poussière. Peu de temps après, je trouvai un tas de billets de banque répandus dans une flaque. Je les ramassai soigneusement un à un, leur ôtai la saleté et les mis dans ma poche.
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Si, un jour, on ne comprend plus non plus comment un homme a pu donner sa vie pour son pays, et ce temps viendra, alors, c'en sera fini.
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C'est au moment précis où la vie est cernée par la mort qu'elle s'illumine des teintes de la chair, comme les tableaux de Boccace aux portes de Florence envahie par la peste, comme l'amour de phtisiques, comme une bacchanale sur un vaisseau qui sombre.
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Un gosse qui, quelques jours auparavant, sous les brocards de ses camarades, avait pleuré à l'exercice, à cause des caisses de munitions, trop pesantes pour lui, traînait fidèlement ce fardeau qu'il avait sauvé de l'horrible scène, tout le long de notre cruel chemin. Ce trait me bouleversa. Je me jetai à terre et éclatai en sanglots convulsifs, tandis que les hommes m'entouraient, l'air sombre.
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Paris, 18 août 1942.

Acheté un agenda dans une papeterie de l'avenue de Wagram ; j'étais en uniforme. Une jeune fille, qui servait les clients, m'a frappé par l'expression de son visage ; il était évident qu'elle me considérait avec une haine prodigieuse. Ses yeux bleu clair, dont la pupille s'était rétractée jusqu'à ne plus former qu'un point, plongeaient droit dans les miens, avec une sorte de volupté - celle-là peut-être qu'éprouve le scorpion enfonçant son dard dans sa proie. J'ai eu l'impression qu'il y avait longtemps sans doute que chose pareille ne s'était produite chez les hommes. Le rayonnement de pareils regards ne peut rien nous apporter d'autre que destruction et mort. On devine aussi qu'il pourrait passer jusqu'à vous comme un germe de maladie ou une étincelle, que l'on ne saurait éteindre en soi-même qu'avec peine et en se faisant violence.
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Paris, 7 juin 1942.

Dans la rue Royale, j'ai rencontré, pour la première fois de ma vie, l'étoile jaune, portée par trois jeunes filles qui sont passées près de moi, bras dessus, bras dessous. Ces insignes ont été distribués hier ; ceux qui les recevaient devaient même donner en échange un point de leur carte de textile. J'ai revu l'étoile dans l'après-midi, beaucoup plus fréquemment. Je considère cela comme une date qui marque profondément, même dans l'histoire personnelle. Un tel spectacle n'est pas non plus sans provoquer un choc en retour - c'est ainsi que je me suis senti immédiatement gêné de me trouver en uniforme.
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Paris, 8 octobre 1941.

Je me suis entretenu avec Sacha Guitry de Mirbeau, dont il m'a raconté qu'il était mort dans ses bras, lui chuchotant à l'oreille dans un dernier souffle : "Ne collaborez jamais !", ce que je note pour ma collection de dernières paroles. Mirbeau voulait parler des pièces écrites en collaboration - un mot qui, de son temps n'avait pas les relents faisandés d'aujourd'hui.
Assis à table, à côté de l'actrice Arletty, que l'on peut justement voir en ce moment dans le film Madame Sans-Gêne. Pour la faire rire, il suffit du mot cocu ; aussi ne cesse-t-elle guère, ici, d'être en joie.
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Une oeuvre d'art meurt, pâlit dans les pièces ou elle a un prix, mais non une valeur. Elle ne peut luire qu'entourée d'amour. Elle est condamnée à dépérir dans un monde où les riches n'ont pas de temps, ni les amateurs éclairés n'ont d'argent. Mais jamais elle ne se livre à la grandeur empruntée.
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Nous reprenions de vieilles lettres, et ouvrions, afin d’y puiser courage, les livres éprouvés, où des cœurs depuis bien des siècles tombés en poussière nous dispensaient leur chaleur.
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La santé peut être bonne. La maladie peut parfois être meilleure. Les maladies sont des questions posées. Ce sont aussi des tâches à remplir, et même des distinctions. Le fait décisif, c'est la manière dont on les supporte.
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Lorsque le soleil se posait sur eux, comme en cet instant même, il éveillait les reflets de rouilles chatoyantes, le velours violet des druses et la somnolence du cristal. De même que le charbon mire dans sa rougeur l'éclat d'étés que jamais oeil d'homme n'a vus, la vie d'âges oubliés du monde sortait ici de son sommeil, comme dans une grotte merveilleuse.
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Il n'y a qu'un amour, par-delà l'espace et le temps; toutes les rencontres sur terre sont des symboles, sont des colorations de la lumière une et indivisible.
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Le tonnerre du combat était devenu si terrible que personne n'avait plus l'esprit clair. Il avait une puissance étouffante, qui ne laissait plus de place dans le coeur pour l'angoisse.
La mort avait perdu ses épouvantes, la volonté de vivre s'était reportée sur un être plus grand que nous, et cela nous rendait tous aveugles et indifférents à notre sort personnel.
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La poésie va plus avant que la connaissance. Des esprits enfantins supportent mieux la vue de ces empires. Les chercheurs de trésors, s'ils sont de nature supérieure, gardent encore leur insouciance, quand le plus savant est saisi d'épouvante.
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Vous connaissez tous cette intraitable mélancolie qui s'empare de nous au souvenir des temps heureux. Ils se sont enfuis sans retour ; quelque chose de plus impitoyable que l'espace nous tiens éloignés d'eux. Et les images de la vie, en ce lointain reflet qu'elles nous laissent, se font plus attirantes encore.
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Vincennes, 30 mai 1941 - A midi, au Ritz, avec le colonel Speidel, Güninger et le comte Podewils. Güninger, qui fait depuis longtemps partie de mes lecteurs, je dirais même de mes disciples les plus doués, tient que vivre à Paris m'aide à me maintenir plus que ne le feraient mes occupations habituelles. Et il est bien possible, en effet, qu’il se cache pour moi dans cette ville non seulement des dons particuliers, mais aussi des sources de travail et d'activité efficace. Elle est toujours, et dans un sens presque plus essentiel encore que naguère, la capitale, symbole et citadelle d'un grand style de vie transmis par les siècles, et aussi de ces idées qui rallient toutes les intelligences, et qui, de nos jours, font défaut précisément aux nations.

669 - [Le Livre de poche/biblio n° 3041, p. 30]
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incipit :
Ce n'est pas dans un monologue que l'entendement prend sur la matière la mesure de lui-même, monologue qu'il poursuivrait sans égard à elle... non : la matière répond. La main façonne l'outil, et l'outil façonne la main. Un tiers principe y intervient toujours. L'appel et son écho ; ils seraient impossibles sans la paroi rocheuse et l'air.
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On ne connaît l’ordre social que lorsqu’on en est sorti, les choses auxquelles on fait d’ordinaire à peine attention nous lient bien davantage qu’on ne pense.
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Le poêle en tôle qui me chauffait dans la hutte aux roseaux était en métal très ordinaire. Mais l'ardeur du feu faisait virer sa couleur à un rouge transparent et fort beau. De même, la vie et les choses recèlent des vertus que le cours ordinaire ne nous dévoile pas, mais qui se révèlent à l'instant où nous nous élevons d'un degré ou accedons à un temps nouveau.
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