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Critiques de Ernst Jünger (145)
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Héliopolis

Autant je suis contente d'avoir lu Héliopolis, autant je suis contente d'avoir fini et une ou deux fois, je me suis demandé ce qui m'avait pris de l'ouvrir. Dense, intense, cela ne se caractérise pas spécialement comme une lecture facile et il y a certainement bien des choses qui m'ont échappé.

Héliopolis est une cité en crise dans un monde qui a bien changé: à demi-mots, on comprend que l'humanité s'est relevée d'une guerre atomique. Lucius de Geer est notre personnage principal et il sert l'une des deux puissances qui se déchirent la cité en l'absence du Régent. Le bailli et le proconsul sont deux versions différentes de la civilisation, deux idées qui s'opposent dans le sang et la violence tandis que le Régent prépare l'avènement d'une ère nouvelle, différente. Les parallèles religieux se mélangent à la métaphysique et c'est la quête et du bonheur et d'une place sur terre pour l'homme qui finissent par être les questions de Lucius. Dans ce livre publié au sortir de la seconde guerre mondiale, on trouve même une critique étonnamment moderne de la technique et de ces dérives, entre deux réflexions philosophiques sur la nature de la violence et du chaos.



C'est superbe, l'écriture de Junger est d'une élégance rarement égalée, mais maintenant ce qu'il me faudrait c'est probablement une bonne explication de texte !
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Premier et second journaux parisiens : Jour..

La récente sortie d’une grande biographie de Jünger, par le Professeur français Julien Hervier, va relancer l’intérêt pour cet intellectuel allemand, mort à 102 ans en 1998.

Son Journal parisien, qui va du 18 février 1941 au 13 août 1944, nous offre une vue « de l’intérieur du monstre », c’est à dire de l’appareil allemand, force obscure qui exige son dû de sang et de sacrifices.

Que fait-il à Paris ?

Il prend du bon temps, multipliant les déjeuners a la Brasserie lorraine, chez Drouant, chez Lasserre, après quoi il ne rentre à son bureau de l’Hotel Majestic (Haut Etat-major) qu’après de longues promenades en compagnie de ravissantes et spirituelles compagnes françaises. Le soir, il est souvent invité par le général en chef pour discuter philosophie, métaphysique, géopolitique, botanique ou entomologie (car telle est la diversité de ses intérêts)

Au fil des années, l’aviation alliée attaquera chaque soir un peu plus les industries de guerre parisiennes , et, du toit de l’Hôtel Raphaël, il la regardera en esthète, parfois une coupe de Champagne à la main.

Il rencontre aussi, presque chaque jour Cocteau, Jean Marais, Léautaud, Jouhandeau, Guitry, et Abel Bonnard, peu recommandable ministre de Vichy, avec lequel il semble partager des idées.

Ce capitaine allemand confie à son journal des messages expliquant pourquoi Hitler et ses « lémuriens » (en gros, les Nazis) vont dans le mur ; il décrit les groupes mobiles qui massacrent sur le front de l’Est, et, une fois au moins, les camps de concentration et d’extermination.

Pourquoi, dans un pareil régime policier, ses carnets ne sont-ils pas visités, saisis, et utilisés comme preuves pour un procès qui lui serait mortel ?

Parce qu’il est un héros de la Première guerre mondiale (9 blessures, Croix Pour le Mérite) ? Parce qu’il est protégé par le Haut Etat-Major ? Quelle est sa vraie position ?

Certes il souffre, comme en attestent ses rêves noirs et brouillés, ou ses maladies ; durant l’hiver 42-43 il se fait envoyer en mission d’observation en Russie, tout près de Stalingrad. Il éprouve une légitime compassion pour ses camarades sacrifiés. Certes il est choqué par l ‘étoile jaune qu’il voit dans les rues de Paris, mais il l’est tout autant par les destructions des bombardements dans l’Ouest de l’Allemagne. Pire : l’antisémitisme affleure parfois (ainsi le 9 décembre 1943, dans une observation sur le caractère « peu juif » de l’historien Flavius Josèphe).

Donc un témoin au cœur de l’événement, mais dont il faut souligner l’ambigüité.
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Sur la douleur

Qu’est-ce que la douleur, la peine, la souffrance ? De sa naissance à sa mort, la vie de l’homme n’en est-elle qu’une longue suite, parfois interrompue de courtes et passagères périodes de répit ? La noblesse de la condition humaine n’est-elle pas de supporter vaillamment la douleur, de surmonter les épreuves, de faire preuve de courage, de patience et d’abnégation ? La vie moderne n’a-t-elle pas tenté de masquer la douleur, de la rendre moins prégnante, plus supportable, tout en niant en contrepartie à l’homme toute identité individuelle, toute singularité et toute liberté. Comme patient entre les mains de chirurgiens et d’anesthésistes, le voilà devenu tel un morceau de viande. Comme élément d’un régime totalitaire, il ne peut plus penser que comme le veut la ligne générale. Et comme soldat, il ne peut qu’aller au combat et donc à la mort qu’en marchant au pas, sans renâcler, n’étant plus qu’un rouage d’une machine de guerre lancée par les puissants contre des ennemis qu’il ne connait même pas.

« Sur la douleur » est un court essai philosophique et politique du grand écrivain allemand Ernst Jünger. Contrairement à nombre de ses autres ouvrages, ce texte reste un peu aride d’abord, même si les considérations présentées, déjà évidentes pour son époque, le sont encore plus pour la nôtre. Le lecteur y découvrira comment les concepts de douleur, de liberté et de tyrannie sont étroitement liés. À titre d’illustration, Jünger s’élève contre la création du permis de conduire, instauré pour lutter contre la mortalité routière. Déjà le fameux principe de précaution. Que ne dirait-il pas du permis à points et de l’installation de ces milliers de radars sur les routes ? Jünger a une vision héroïque du monde ainsi qu’une conception originale, volontariste et intellectualiste de l’homme. Le lecteur s’entend dire : « Dis-moi quel est ton rapport à la douleur et je te dirai qui tu es. » Intéressant sans plus.
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Approches, drogues et ivresse

Comment résumer ce livre qui part un peu dans tous les sens ? Il porte très bien son titre. Ce sont bien des « approches », des esquisses sur le thème des drogues et de l’ivresse. La recherche de la perte de contrôle, du rêve, de l’ailleurs par toutes sortes de moyens allant des plus bénins aux plus dangereux. L’auteur y a rassemblé en un grand nombre de très courts chapitres (plus de 300), en réalité de notes, toutes sortes de réflexions, méditations, pensées diverses et variées, citations d’auteurs, extraits de poèmes. Il ne s’agit en aucun cas d’une étude circonstanciée ni d’un traité exhaustif. Par exemple, Jünger compare les ivresses obtenues par la bière et le vin en amenant sa réflexion sur les différences civilisationnelles entre les pays du nord et ceux du sud, entre les terres de houblon et celles de vignobles et les mentalités qui vont avec. Il a expérimenté sur lui-même la plupart des produits dont il parle (haschich, cannabis, cocaïne, morphine, LSD, éther, chloroforme, peyotl, champignons hallucinogènes, etc.) Dans certains chapitres, il note même heure par heure et parfois minute par minute ses impressions. Les expérimentations sont parfois étonnantes, parfois décevantes…

« Approches drogues et ivresse » pourrait se classer dans les essais, mais ce n’est pas vraiment le cas, car ce livre n’est pas vraiment une étude, ni même un véritable retour d’expérience, ni même un témoignage au sens classique du terme. C’est plutôt une conversation à bâtons rompus où le thème principal autorise toutes sortes de digressions sociologiques, ethnographiques, mythologiques, historiques, linguistiques, mycologiques, pharmaceutiques, phytochimiques, etc. L’auteur en appelle à Baudelaire, Maupassant, Hoffmann, Poe, de Quincey, Cocteau, Novalis, Goethe, Mirbeau, Loti, Nietszche, Michaux, Huxley, Orwell et tant d’autres qui y ont touché de près ou de loin. Il analyse l’attitude des états et des religions vis-à-vis du tabac et de l’alcool (Islam et prohibition aux Etats-Unis). C’est intelligent, brillant, même si ça dérive un peu beaucoup. Nul doute que le plus intéressant pour le lecteur lambda restera surtout les anecdotes de la jeunesse de l’auteur dans les années 30 et 40.
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Sur les falaises de marbre

J'ai lu beaucoup de critiques savantes sur ce livre qui est difficile à cerner tant il est riche et hermétique à la fois.

Mon ressenti de lecteur « lambda » est probablement trop simpliste car j'ai l'impression que le récit de Ernst Jünger contient beaucoup de références à l'imaginaire, au folklore, à la mythologie et au romantisme germaniques et nordiques qui m'ont échappé. Il faut posséder ce fond culturel pour appréhender entièrement ce que recèle ce roman. « Sur les falaises de marbre » raconte la fin d'un monde de façon mélancolique, poétique, onirique. La place de la Nature et des éléments y est prépondérante. Les humains sont odieux ou héroïques ; leurs destins semblent scellés d'avance. Ce roman est empreint tout à la fois d'une noirceur pesante (la montée en puissance de la barbarie) et d'une allégresse émerveillée (le travail intellectuel dans l'herbier).

La quatrième de couverture indique que ce récit est une attaque contre Hitler et le nazisme. Je ne le pense pas. Si je devais définir ce roman, je dirais plutôt qu'il est une charge contre toutes basses inclinations de la nature humaine et constitue ce que pourrait être la Fantasy à l'allemande.

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Sur les falaises de marbre

Honnêtement, je n'avais jamais entendu le nom d'Ernst Jünger jusqu'au jour où je tombe sur la vidéo du Hussard. Par cette vidéo, j'étais très enthousiaste de découvrir cet écrivain. Lien de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=3q_RvAxVSdo



Tout d'abord, je porte un grand intérêt pour tout ce qui touche aux systèmes totalitaires, c'est pour cette raison que j'ai voulu lire ce roman en particulier. J'ai aimé le roman mais il m'a manqué quelque chose que je ne saurais expliqué. Certainement qu'il me faudra le relire pour percevoir toutes ces nuances, allusions etc.



Ce qui frappe dès les premières pages, c'est le style d'écriture très poétique. Et pour ma part, je m'y perd parfois … N'étant par une grande amatrice de la poésie, j'ai dû m'accrocher. Mais avec une bonne dose de concentration, j'y suis arrivée. Pour décrire la barbarie, Jünger reste poète, il n'adopte pas un style direct comme de nombreux écrivains. Cela s'explique probablement par la phrase qu'il prononça dans un entretien : « Le poète est celui qui peut sauver le monde ».



Concernant le totalitarisme, Jünger critique clairement les dictatures. Que peuvent-elles amener de bien ? La ruine, la violence, la dictature de la pensée, pas très reluisant n'est-ce pas ? Et dire que lorsque nous regardons notre monde actuel, nous voyons ces différents éléments ci-dessus se passer.



Ce que je retiens surtout ce sont les descriptions des plantes. Les descriptions sont très minutieuses. Je pense à cette phrase de Dostoievsky : « La beauté sauvera le monde ». Décrire en parallèle l'horreur face à la beauté est une idée brillante. Elle devient surtout symbolique lorsque l'horreur réduit en cendre la beauté car l'horreur sait qu'elle est son ennemi comme elle peut être son allié.



En conclusion, le roman fut une bonne découverte mais il me faudrait une relecture et parcourir d'autres écrits d'Ernst Jünger pour me faire une opinion claire à son sujet.
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Sur les falaises de marbre

Ce texte n'a pas grand chose de commun avec l'autre immense récit de Jünger Orages d'acier.

Philosophique et contemplatif, l'intrigue ne semble pas être, à première vue, la priorité de cette lecture. Perchés sur des falaises de marbre, deux frères admirent sereinement ce que le monde offre de beau, de noble, de naturel. Rien ne semble troubler leur vie méditative...

Malgré la brièveté des pages, les ténèbres de la menace grandissent et finiront par atteindre le narrateur.

Un livre intense, passionnant. D'une rare beauté, muni d'une puissance géniale, notamment lors des dernières pages. Comment ne pas le recommander ?
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Sur les falaises de marbre

De retour de la guerre, le narrateur est venu se réfugier en compagnie de frère Othon dans un ermitage, le domaine de la Marina, au pied des falaises de marbre surplombant un très riant pays de vignobles qui n’est pas sans rappeler l’Italie. Ils y passent paisiblement leur temps à étudier, à lire des ouvrages anciens et surtout à herboriser dans la campagne alentour. La vieille Lampusa leur sert de cuisinière et de gouvernante très dévouée. Chaque soir, elle dépose au sol une jatte de lait pour nourrir tous les reptiles du voisinage, ce qui réjouit le petit Erion, lui-même fils de l’auteur et de Sylvia, fille de Malpusa, partie au loin « avec des étrangers ». Tout respirerait le calme et la sérénité si le Grand Forestier, sorte de potentat local qui tient sous sa férule un territoire voisin, n’avait eu l’intention de s’emparer de la Marina. Très vite, le pays s’embrase, il est en proie au chaos le plus total et à la violence la plus barbare. Les chiens rouges sont lâchés. Le prince est atrocement décapité. Que vont devenir les deux ermites ?

« Sur les falaises de marbres » est un roman poétique et onirique, parfois proche de l’hermétisme et que la critique s’accorde à considérer comme le chef-d’œuvre d’Ernst Jünger. Beaucoup de descriptions de paysages bucoliques. Une grande importance donnée à la botanique qui fut une des passions de l’auteur. Et en arrière-plan, la politique et la guerre dont Jünger fut un héros lors de la première et un observateur lors de la seconde. De là à voir dans cet ouvrage un roman à clé, à trouver tel ou tel dictateur de l’autre siècle sous le portrait du Grand Forestier, il y a un pas à ne pas franchir. Même chose pour cette étrange retour à une barbarie rouge. Est-ce l’allégorie de la montée du nazisme ou de la tentative ratée de la révolution spartakiste que combattit l’auteur ? Sans doute ni l’une ni l’autre ou les deux. Cet ouvrage doit rester mystérieux, empreint de symbolisme et de fantasmagorie. C’est d’ailleurs le point de vue exposé par Julien Gracq dans son excellente post-face où, après une brève biographie de l’auteur et un résumé quasi impossible de l’intrigue, il en arrive aux mêmes conclusions. Ce texte va bien au-delà de la réalité et des circonstances de lieu et de temps pour atteindre l’universel, la description de la fin d’un monde, d’un retour à une barbarie latente. Un conte philosophique puissant. Une fable romantique désabusée…
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Lieutenant Sturm

Dans un repli des tranchées, le lieutenant Sturm écrit. Érudit, il passe le temps entre deux accès de violence des assauts à de longues discussions avec deux autres officiers, et à coucher sur le papier une série de portraits qu'il espère réunir plus tard en un recueil, et à s'interroger sur le sens d'une vie où son cerveau peut se retrouver en miettes l'heure d'après, ce cerveau dont il tire tant de fierté.

L'alternance des textes écrits par Sturm et des scènes où les Anglais donnent l'assaut donnent une étrange tonalité au livre. On retrouve cependant dans ce petit opus tout le talent de l'auteur et ça m'a surtout donné envie de relire Orages d'acier, lu il y a si longtemps que je n'étais même pas encore sur Babelio!
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Orages d'acier

Ernst JUNGER nous livre ici "sans jugement" sa guerre de 14. Il décrit avec précision son engagement dans ce conflit meurtrier et comment il va se distinguer au sein d'une unité d'élite avec modestie. Il décrit aussi la guerre de position, les "coups", les blessures, la chance de rester vivant au milieu de ce déluge de bombes et de projectiles. Poignant.
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Sur les falaises de marbre

Cet opuscule conte la vie d'un personnage inconnu (le narrateur survivant du massacre) vivant en bonne entente avec frère Othon dans un ermitage sur les falaises de marbres. Cet endroit tranquille où respire librement la végétation et où les vipères sont reines sépare deux contrées: la marina luxuriante et la campagna marécageuse. Mais voilà des bandits sanguinaires s'emparent progressivement de la campagna avant de laisser libre court à leur violence sur la marina dans un ultime carnage. Notre survivant nous raconte le processus de destruction de la liberté et du triomphe de la barbarie sur la civilisation. Ce récit allégorique et hautement poétique publié en 1939 est en fait une critique à peine voilée du régime Nazi.
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Sur les falaises de marbre

Je n'ai pas compris ce livre, je suis idiot ou trop complaisant, j'ai lu la plupart des livres de Jünger, celui-ci a été le plus difficile d'approche pour moi.
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Journal, tome 1 : 1939-1940 Jardins et routes

Écriture très maîtrisée, montrant toutes les facettes d'Ernst Junger, noblesse du caractère, connaissance très fine et respect de la nature, ecologiste avant la lettre, sens aigu de l'observation, et de l'humain, équanimité devant les circonstances de la vie, on se promène dans ce carnet de guerre avec détachement et légèreté, ce qui est paradoxal puisque l'on traverse en quelque sorte en promeneur cette période très troublée.

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Orages d'acier

Un témoignage sur la grande guerre de 14-18 comme il en existe tant. C'est intéressant de voir comment elle fut perçu par certains allemands pour autant, en ce qui me concerne, ça ne vaut pas un Roland Dorgelès.
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Abeilles de verre

Pour ceux qui ont lu les deux chefs d'oeuvre de Jünger Sur les falaises de marbre et Orages d'acier, cet ouvrage peut surprendre. La forme est plus légère, la construction est originale et le résultat est aérien, onirique : les pensées d'un jeune homme, s'évadant lors d'une rencontre avec un étrange industriel.

Toutes ces divagations sont traversées de messages très actuels sur les débuts de la mécanisation face à la poésie d'une société naturelle, poindrait presque un sentiment écologique d'avant l'heure.

A lire !
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Le Lance-pierres

Ernst Jünger, né et mort à Heidelberg (1895-1998), est un écrivain et essayiste allemand. Il se porte volontaire lors de la Première Guerre mondiale, puis entreprend des études de sciences naturelles et de philosophie jusqu'en 1925. Bien qu’officier de la Wehrmacht, il ne cautionne pas les théories du national-socialisme. Après avoir effectué de nombreux voyages en Asie, en Afrique et aux Etats-Unis, il s'installe dans un petit village du pays de Souabe où il s'est éteint à l'âge de 102 ans. Son roman, Le Lance-pierres, qui date de 1973 vient d’être réédité.

Un petit village d’Allemagne durant les premières années du XXe siècle, avant la Grande Guerre. Clamor Ebling, gamin héros du roman, se retrouve orphelin après le décès de son père, meunier. Poussé par le pasteur du village, l’enfant est envoyé à la ville pour suivre des études au lycée. Logé chez un professeur qui tient une pension et par ailleurs frère du pasteur, Clamor partage sa chambre avec deux autres « pays », Théo le fils du pasteur et Buz, le fils du maire de leur village.

Immédiatement Théo s’avère le leader du trio : plus âgé que les deux autres, instruit et intelligent, c’est un meneur naturel, toujours dans le calcul, « un impatient, ce qu’il désirait, il le lui fallait tout de suite, et ce qu’il y avait de mieux. » Manipulateur, il épie ou fait épier tel ou tel pour recueillir les renseignements qui lui permettront de mener sa barque à sa guise, proche du chantage parfois. Buz, lui, c’est le campagnard, lourdaud, l’homme de main par excellence. Quant à Clamor, comme un poussin tombé du nid, toujours sous le joug d’une angoisse permanente, il découvre un monde qu’il n’imaginait même pas et des gens qui agissent sans qu’il en comprenne toujours les raisons ou le sens.

Théo va faire l’éducation de Clamor, « tu es trop craintif, tu te laisses faire trop facilement. Nous allons gommer ces défauts. » Il en passera par une sorte de bizutage, poussant l’enfant à faire des choses dont il n’aurait jamais eu l’idée tout seul. Roman initiatique, Théo trouble la conception du bien et du mal pour Clamor et l’incitera à commettre, à l’insu de son plein gré ( !), un acte lourd de conséquences, « on ne pouvait même pas parler de mauvaises influences auxquelles il aurait succombé, mais bien plutôt d’une étonnante ignorance du monde et des règles qui en régissent le jeu. »

Pour le fond réel du roman, l’écrivain s’attache plus particulièrement à jouer sur l’ambigüité ou l’ambivalence. Théo c’est l’exact contraire de Clamor, à tout point de vue. Opposition identique entre les deux frères, le pasteur et le professeur, deux caractères bien différents. Et ces extrêmes sont multipliés à travers d’autres personnages ou situations tout au long du récit.

On notera aussi la trace diaphane d’une certaine perversité, ou de faits plus ou moins louches, une homosexualité et du sexe en filigrane, « le problème de l’élève favori, dont les dangers intérieurs se transmettent à son maître. Tout cela aboutit aux mystères d’une complicité secrète, souvent nuancée d’érotisme. » Enfin, j’ai bien ri une courte seconde, quand l’écrivain introduit une brève scène avec la fameuse « pelle à caca » (p. 181) vue dans le film de Pascal Thomas, Les Zozos en 1973. Coïncidence de dates pour le film et le livre ?

Un bien bon roman donc, fort bien écrit, dans cette langue qui n’existe plus que dans les textes des écrivains aujourd’hui décédés.

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Orages d'acier

Si ce livre d'Ernst Junger est, à l'instar de Ceux de 14 de Genevoix, auquel il est souvent comparé, un témoignage essentiel sur la Grande Guerre, il m'a pourtant moins enthousiasmé, et cela ne tient pas au fait qu'il soit vu du côté allemand (car j'ai adoré "À l'ouest rien de nouveau" de Erich Maria Remarque), mais au fait qu'il soit - paradoxalement - au ton plus martial, plus patriotique. Là où on sent Genevoix, Remarque, Barbusse, Chevallier faire leur devoir avec plus ou moins de fatalisme, on sent chez Junger davantage d'enthousiasme guerrier. De tous ceux que j'ai lus, il me semble que c'est celui qui a pris le plus de plaisir, ou tout du moins qui a manifesté le plus d'enthousiasme patriotique. Il ne nie pas les horreurs de la guerre, mais il en fait malgré tout une aventure qui mérite d'être vécue, c'est ce qui fait que j'ai eu davantage de mal à adhérer au propos. Il a aussi, il faut le dire, un style très littéraire, pour ne pas dire ampoulé, qui s'accommode parfois assez mal avec les choses qu'il décrit.
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Orages d'acier

Ernst Jünger , jeune allemand, raconte son aventure lors de la Première Guerre Mondiale. Il ira d'Orainville à Guillemont en passant par Les Eparges. Plusieurs fois blessé (14 fois au total), il montera en grade, pour finir lieutenant dans les Sturmtruppen. C'est un héros militaire qui recevra la décoration de l'Ordre Pour le Mérite. Durant sa campagne, il a tenu des carnets de description sur lesquels il s'appuie pour nous donner ce récit.



On ressent avant toute chose que Jünger fait partie de cette race d'aventuriers qui n'a pas froid aux yeux, il fait preuve d'un grand courage au front où il se lance avec passion et ardeur. Il s'est d'ailleurs engagé volontairement dans cette guerre. Pour passer l'ennui lors de ses longues heures de garde, il se lance dans des patrouilles et fait face à un danger permanent qui le stimule. S'il est intrépide, il est aussi une personne cultivée, intelligente, qui parvient à prendre de la distance par rapport à ce qu'il voit et ce qu'il décrit. Son récit est une description assez froide de la guerre, on ressent assez peu d'émotions : que ce soit de la tristesse envers ses camarades morts au combat ou de haine vis-à-vis de l'ennemi, il n'est pas ici question. Non, Jünger nous décrit ses aventures dans les tranchées, les impacts des obus, les tirs de shrapnells, les blessures au combat, les corps en charpie, la boue qui se transforme en piège, les gaz qui s'insinuent malgré les masques.



Il faudra attendre le chapitre « La Grande Bataille », envolée magistrale dans laquelle on découvre plus de sentiments, une ardeur au combat qui se transforme en joie lors de l'assaut mais aussi de la tristesse de voir tant de morts. Ce chapitre nous montre que Jünger est à la fois un vaillant soldat, téméraire, courageux, mais aussi un homme courtois et respectueux. En effet, lors de la fureur de l'assaut d'une tranchée, il épargnera un ennemi anglais qui lui montrera une photo de sa famille.



Le livre est parfois répétitif, et l'on peut avoir l'impression de relire les mêmes passages : description de la tranchée et des abris, effets des obus et des mines, corps mutilés, cadavres qui jonchent le sol… Mais il s'agit de la Grande Guerre et l'on ne peut pas faire l'impasse sur ce qu'elle fut : un massacre. C'est en tout cas un témoignage passionnant qui change de certains récits sur la guerre : on sent que pour Jünger, la guerre révèle les hommes et parfois les élève au rang de héros. La fierté, le courage, la virilité sont mis en avant, il n'y pas de lamentation. Pour autant il ne nie pas la réalité de la guerre et son horreur et admet que, parfois, seule la chance (ou le destin ?) détermine la survie ou non d'un homme. Un livre d'une grande lucidité.





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Héliopolis

J'avais surtout retenu d'Héliopolis le souvenir d'un roman raté, ennuyeux, où la thèse et la volonté démonstratives étouffent la narration et la liberté de l'histoire, sans parler du plaisir. Mais la lecture des critiques déjà écrites sur ce roman, dues à la plume de passionnés, me fait revenir sur ce jugement trop purement subjectif et trop étroitement romanesque, et me persuadera peut-être de relire cet ouvrage.
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Les Ciseaux

ouh la la!!! dans quoi me suis-je lancée???? abandonné au bout de quelques pages... trop compliqué pour moi...!!!!
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