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Critiques de Ernst Jünger (145)
Orages d'acier

Ou comment éviter de devenir militariste.

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Orages d'acier

Comment mieux dire qu'André Gide ? « Le livre d'Ernst Jünger sur la guerre de 14, Orages d'acier, est incontestablement le plus beau livre de guerre que j'ai lu, d'une bonne foi, d'une honnêteté, d'une véracité parfaites. »

Un avis que je partage entièrement sans que cela déprécie d'autres grandes œuvres, telles celles de Maurice Gènevoix, Roland Dorgelès, qui m'ont fortement marqué.
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Sur les falaises de marbre

Certes la prose aristocratique d'Ernst Junger est très belle, mais c'est surtout l'ennui que j'ai ressenti à la lecture de ces pages, comme si elle provenaient d'un très lointain et très ancien pays qu'on aurait dû mal à appréhender aujourd'hui. Il semble d'ailleurs que plusieurs interprétations du sens de ces pages coexistent, notamment celles de l'évocation de la montée et de la victoire du nazisme.... C'est possible, mais le monde décrit dans "sur les falaises blanches" me semblent trop imaginaire pour représenter de façon pertinente l'Europe des années 20 et 30....
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Feu et sang : Brefépisode d'une grande bataille

Quelque part sur le front, dans le triangle Aras-Cambrai-Bapaume, le jeune Jünger s’éloigne un peu de la ligne de tir pour aller marcher dans une allée forestière, histoire de retrouver un peu de sérénité dans la nature, loin du fracas et de l’horreur des combats. Il constate mélancoliquement, qu’il ne se trouve plus dans l’enthousiasme et la fureur des débuts. Non, cette guerre de 14 n’est pas fraîche et joyeuse, se dit-il en évoquant la clairière recouverte de cadavres, découverte un peu plus tôt. En ce printemps radieux, il prend conscience de l’importance du « matériel », du pilonnage, de la préparation d’artillerie qui fait de terrible dégâts pour que l’infanterie puisse avancer de quelques mètres. Et à quel prix ! Seul un tout petit nombre de ses compagnons des premiers jours reste encore à ses côtés. Et voilà que se profile pour très bientôt l’assaut final, celui qui devrait être décisif et enfin mettre un terme à cette guerre cruelle…

« Feu et sang » est un court roman autobiographique sous forme de novella. C’est un témoignage précis, circonstancié, presque décrit minute par minute de quelques jours dans les tranchées côté allemand. L’assaut des lignes anglaises d’une barbarie absolue avec le mur de fer et de feu de l’artillerie est absolument dantesque. Les soldats tombent comme des mouches, se battent comme des lions souvent à la mitrailleuse lourde et finissent au corps à corps, à la baïonnette. L’auteur finit par être touché par une balle perdue alors que son groupe s’est victorieusement emparé d’un bout de tranchée. Il le sera quatorze fois au total ce qui lui vaudra la médaille de l’ordre « Pour le Mérite », la plus haute décoration militaire allemande. Cet ouvrage s’achève avec un second texte « La déclaration de guerre de 1914 », écrit 20 années plus tard dans lequel, jeune futur bachelier, Jünger raconte comme il a appris en vacances l’ordre de mobilisation générale et comment il s’est engagé volontairement. Il dut attendre trois jours pour pouvoir le faire tant les candidats étaient nombreux ! Un texte magnifique qui ne peut que faire réfléchir sur les réalités d’une guerre qu’on croyait la « der des der » à une époque où paradoxalement, Ukrainiens et Russes en reviennent quasiment aux mêmes « hachoirs à viande » que furent les guerres de tranchées, les drônes et la technologie en plus !
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Orages d'acier

Dans les romans autour de la guerre de 14-18, il y a bon nombre de livres qui dénoncent l’absurdité et l’horreur de cette boucherie, voire le mépris dans lequel les officiers tenaient la chair à canon des prolétaires du front. Coté allemand, le célèbre "A l’Ouest, rien de nouveau" de Remarque et le moins célèbre (et pourtant remarquable) "Le cas du Sergent Grischa" d’Arnold Zweig sont au sommet de cette liste. En France, c’est évidemment les premiers écrits de George Duhamel, "Vie des martyrs" et "Civilisation".

Avec Ernst Junger, on est aux antipodes d’une quelconque critique de la guerre, encore moins d’une remise en question. C’est un journal de guerre, où Junger fait le récit de son expérience de jeune officier dans la guerre de tranchées et lors de ses différents cantonnements dans les villes et villages où il a dû résider chez l’habitant. Il n’est pas très étonnant qu’un officier militaire de carrière n’aille pas remettre en cause ce qui est sa raison de vivre (au même titre qu’on ne va pas demander à un évêque de répondre à la question de l’existence de Dieu).

Pourquoi lire un tel récit quand on est, comme moi, antimilitariste ? D’abord, sur la suggestion de l’un d’entre vous (que je remercie) en rapport avec ma liste « Récits liés à la guerre ». Ensuite au même titre qu’un antifasciste lira « Mein Kampf » d’Hitler ou « Socialisme fasciste » de Drieu La Rochelle. Il faut essayer de mieux comprendre l’été d’esprit de ses ennemis pour combattre leurs idées (on peut aussi, si on n’a pas le temps, se contenter de citer le point de vue incisif d’Einstein sur le militaire « Il ne mérite pas un cerveau humain puisqu'une moelle épinière le satisfait »)

Donc je lis ce récit très connu et je découvre un premier point édifiant : la première partie de la guerre, jusqu’à la bataille de la Somme, était une villégiature où l’on s’occupait en agapes en surveillant du coin de l’œil l’état des tranchées (cf ma citation). Evidemment, il y a bien quelques obus et balles perdues qui tuent le voisinage, c’est même très souvent le cas, mais pas Junger et surtout pas au point de le déranger à l’heure du café. Les troufions apprécieront.

Ensuite, c’est la bataille de la Somme. Là, on voit apparaître pour la première fois le mot « horreur », ainsi que quelques descriptions y compris olfactives qui nécessitent d’avoir l’estomac solide. On retrouve ce qu’on connait de certains récits de boucherie ignoble, mais avec la mentalité « c’est une (salle) guerre mais allez, on fait son boulot »

Ça ne va pas durer (deux longs chapitres quand même), c’est la retraite de la Somme, l’armée allemande s’enfuie – sans oublier de piéger les entrées de maison, les caves, d’empoisonner tous les puits, les sources potables, de bruler les champs, bref de laisser aux civils qui reviendront chez eux quelques souvenirs bien croustillants…

Un petit intermède de cantonnement à Cambrai où Junger loge comme toujours chez l’habitant (comme toujours aimable et accueillant…, « nous occupions nos soirées ensemble devant une tasse de thé, à jouer au jaquet et à bavarder »). A cet endroit du livre apparait pour la seule et unique fois « une question épineuse qui revenait souvent sur le tapis : pourquoi faut-il que les hommes se fassent la guerre ? » C’est tout, à la ligne suivante, on passe à autre chose. On a frôlé le hors sujet.

Enfin, le récit se conclue sur la bataille de Flandres, où Junger cite les notes de Fritz, un « bleu » gravement blessé, notes qui se concluent sur un paragraphe symptomatique de ce qui constitue la perte d’humanité du militaire pendant la guerre : « Je songeais à la mort sans que cette pensée m’inquiétât. Tous mes liens au monde me semblaient si simples que j’en étais stupéfait, et c’est en me disant « Tu es en règle » que je glissai dans le sommeil. » Comme quoi Einstein n’était pas un idiot, le règlement dans la moëlle épinière…

Enfin, lors d’un dernier assaut en Artois, Junger reçoit un éclat au poumon et va être ramené à l’infirmerie entre la vie et la mort. Partageant sa chambre avec un aviateur intrépide donc immédiatement glorifié (« l’un de ces longs corps à l’allure aventureuse que ne cesse de produire notre pays »), le livre se termine fort logiquement par la une très haute distinction de Sa Majesté l’empereur, la Croix pour le Mérite, qui conclue une première guerre très réussie et que Junger saura confirmer en étant dans l’armée d’occupation nazis à Paris pendant la suivante (tout en se prétendant anti-nazi).

Donner une note à ça est un sujet délicat : la qualité littéraire est assez médiocre, on s’ennuie ferme quand les obus, les shrapnels, les balles, les gaz, les assauts, les contre-assauts, etc occupent des pages et des pages, et pourtant, certains passages seront les bienvenus pour l’édification des masses 😉

Pas de note donc et ajout à ma liste https://www.babelio.com/liste/16991/Recits-lies-a-la-guerre
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Orages d'acier

Ernst JÜNGER, jeune universitaire, n'a pas vingt ans quand il part, simple soldat, pour les tranchées du nord de la France. Il suivra une formation d'officier, puis prendra plusieurs commandements d'infanterie, toujours en première ligne. Il sera blessé quatorze fois et décoré de l'Ordre du Mérite. "Orage d'acier" est la transcription du journal qu'il tint durant cette guerre, de janvier 1915 à septembre 1918.

Le style du livre est d'une maîtrise parfaite, et la traduction est impeccable (Henri PLARD, Universitaire belge, félicité par l'auteur, qui parlait français couramment).

On trouve dans ce livre le même fond que dans "La peur" de Gabriel CHEVALLIER ou "Les croix de bois" de Roland DORGELÈS, les combats violents, les pluies d'obus, la mort, la putréfaction, l'ennui, la boue, les camarades, les poux, etc. JÜNGER n'épargne rien au lecteur, les morts laissés à l'abandon sur le champ de bataille, les cadavres décomposés dans lesquels on s'enfonce en traversant les terres-sans-hommes, la boue fétide des tranchées, le staccato des mitrailleuses, les crânes de camarades qui explosent sous la mitraille des shrapnells, etc. Tim WILLOCKS peut toujours se rhabiller avec les descriptions de batailles dans son roman "La Religion".

Mais contrairement à CHEVALLIER ou DORGELÈS chez qui l'humanité, la peur, la compassion, sont omniprésentes, JÜNGER prend une grande distance, et son récit paraît froid, chirurgical. L'auteur prend dans sa description des combats et des champs de bataille le même recul qu'un médecin-légiste devant les odeurs de putréfaction ou les affres des morts violentes. Pourtant, il n'est pas inhumain, aimant ses hommes, aimé d'eux, admiratif du courage et des exploits de l'ennemi, inquiet pour la population civile restée dans les villages voisins des combats, etc. Mais son ton purement descriptif, loin de toute émotivité, laisse le lecteur en proie d'un malaise d'une profonde tristesse.

Étonnamment, le récit s'achève fin septembre 1918, sans aucun commentaire sur l'issue de la guerre.

Cent ans après ces événements, ce témoignage, tout comme ceux de CHEVALLIER, DORGELÈS, REMARQUE, CELINE, etc. est de très grandes valeurs historique et littéraire.
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Le coeur aventureux

Sorte de recueil d'aphorismes, de nouvelles et de réflexions plus longues, à la compréhension difficile, mais souvent lumineux à l'issue de plusieurs lectures. Plusieurs raisonnements sur les correspondances entre les couleurs et les états d'âme. A ne pas mettre forcément entre toutes les mains, et je déconseille d'entrer dans l'oeuvre de cet auteur par ce livre.
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Sur les falaises de marbre

Fascinante parabole sur la montée de la sauvagerie dans une vieille civilisation, ou peut-être sur la fin d'un cycle - le kali-yuga, l'âge de fer. Par exemple. Car c'est le genre de texte auquel on peut trouver de multiples significations au fil des relectures. Ou encore se laisser imprégner des images qui enrichiront notre imaginaire.
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Sur les falaises de marbre

Du flot de livres dont nous submergent les éditeurs émergent de temps à autres des œuvres de prix qui appartiennent au patrimoine de l’humanité. Tel est le cas du court roman d’Enst Jünger, Sur les falaises de marbre. Œuvre littéraire au sens le plus noble du terme et qui nous réconcilie avec les livres, ne serait-ce qu’en raison de son contenu et de son style.



Ce dernier se caractérise par la sobriété et l’élégance d’un verbe poétique qui parcourt un récit tout entier, dans une attente suspendue en un monde quasi irréel. Ne serait-ce qu’en raison des descriptions où considérations météorologiques, observations ornithologiques et aperçus botaniques qui voisinent avec des réflexions sur le cours de toute vie. Il faut reconnaître que les protagonistes sont des êtres qui vivent loin du monde et de la fureur, dans un ermitage où tout ne paraît que luxe, calme et volupté. Un otium cum dignitate, comme le voulait Cicéron en son temps.



Le charme s’accroît de l’indétermination spatiale. On ne saurait localiser précisément le cours des événements, tant Ernst Jünger joue sur le précis sur lequel le vague jette un voile qui supprime toute certitude. Certes, apparaissent avec une forte récurrence des noms comme Burgondie, Maurétanie, mais comment justifier historiquement ces rapprochements ? D’autant que le narrateur vit dans un ermitage situé dans une Marina du nord, au bord de falaises de marbre. Jeu de pistes que l’auteur brouille avec un plaisir accru en incluant son récit dans une époque aux références chrétiennes- moines, églises, monastère de la Falcifera et cathédrale-, où ne manquent pas les allusions païennes ; ainsi des dieux Lares à qui l’on sacrifie et des statues qui, dotées de lances et de boucliers, ornent les temples. Curieusement le fusil y côtoie dagues et lances dans le cadre de l’ordre chevaleresque des cavaliers pourpres. Œuvre atemporelle, donc.

Car elle se veut intemporelle. Et là réside aussi le mérite de Sur les falaises de marbre. Certes on y a vu avec raison des allusions au nazisme et à ses pratiques si particulières : intimidations et menaces, attentats et assassinats, détestation portée « aux écrivains, aux faiseurs de vers et aux philosophes ». Jusqu’au brasier final qui renvoie à la fois à une apocalypse et à la Nuit de Cristal. Mais la portée de ce texte dépasse ce cadre restreint. Il vise tout pouvoir dictatorial effréné. Il nous renvoie aussi à l’alternance de périodes où les civilisations de bel éclat cèdent le pas à la barbarie sous toutes ses formes. Tant Eros et Thanatos cohabitent en nous, pour le meilleur et le pire.

Un très grand livre, donc. Ne serait-ce que par les résonances qu’il suscite en nous et dont les échos nous hantent longtemps.

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Orages d'acier

Autant le dire d'emblée, je n'ai pas aimé ma lecture. Elle fut ennuyante, inintéressante. J'ai eu, d'ailleurs, quelques difficultés à le terminer tellement il m'a agacée. Pourtant, l'auteur a eu raison d'écrire ce témoignage et les maisons d'édition ont bien fait de le publier car il raconte, ce roman, la première guerre mondiale. L'auteur, officier allemand, écrit, en effet, la vie dans les tranchées, dans les combats. Il explique les stratégies employées pour venir, en vain, à bout de l'adversaire. Ce livre peut donc intéresser. Il peut avoir un intérêt pour celles et ceux qui s'intéressent à la stratégie militaire, pour les historiens qui étudient la période évoquée... etc. Pour moi, question de goût, il en a manqué. La guerre racontée dans ses détails militaires ne me passionne pas. Je me fous de savoir de quel côté tombent les obus, qui tirent à quel moment les shrapnels, à quelle heure et quel jour l'attaque a eu lieu. Ce livre ne me parle pas parce que le temps a passé, parce que je ne suis pas ce soldat et/ou ce citoyen qui a connu la première guerre mondiale, parce qu'entre temps des images, des films ont pu nous montrer avec plus d'efficacité ce qu'étaient la vie dans les tranchées. Ce livre ne s'adresse pas à moi parce qu'il est froid, glacial; parce qu'il parle militaire quand j'aime, moi, évoquer l'humanité. Paroles de Poilus de Jean-Pierre Guéno a eu, pour moi, mille fois plus d'intérêt qu'Orages d'acier que je ne peux conseiller qu'à celles et ceux qui s'intéressent de près ou de loin aux détails militaires de la guerre.
Lien : http://mezelamin.blogspot.fr..
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Orages d'acier

Traduit magnifiquement par Henri Plard

Ce livre fait le pendant aux écrits de Maurice Genevoix.

Et d'ailleurs, je commence à lire "L'homme de guerre - M. Genevoix face à E. Jünger" de Bernard Maris (qui n'est plus là depuis l'attentat à Charlie Hebdo), gendre de Genevoix, et qui va faire le parallèle entre les deux écrivains-guerriers d'un autre siècle ...
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Les Ciseaux

Présentation par Julien Hervier dans son livre : « Ernst Jünger: Dans les tempêtes du siècle » :



Au début de 1990, Jünger publie encore un ouvrage important, Les Ciseaux, recueil très homogène de textes plutôt brefs, tournant parfois à l'aphorisme. Il y adopte une forme inspirée de Nietzsche et qu'il a souvent utilisée dans son refus des constructions systématiques. le 18 juillet 1988, il écrit à son traducteur Julien Hervier : « le titanisme constitue la conclusion normale du Crépuscule des dieux. Cette attente est aujourd'hui très actuelle au dernier étage de la tour de Babel. Par exemple chez Heidegger. Moi aussi je m'intéresse depuis longtemps à ce sujet - entre autres dans un texte intitulé Les Ciseaux. On pourrait dire qu'il s'agit d'une théodicée. Depuis Nietzsche, à vrai dire, ce terme ne possède plus seulement une signification spécifique mais existentielle. Cela me suggère l'idée que nous devrions peut-être, quand la traduction du Travailleur sera achevée à notre commune satisfaction, la compléter par la version française des Ciseaux – nous pourrions ainsi faire voir la coupole, indispensable pour qu'il cesse de pleuvoir dons l'édifice.» Les théodicées sont des entreprises fort anciennes pour justifier la bonté et même l'existence du Dieu créateur, dont la cruauté du monde pourrait aisément faire douter. Mais Jünger en dépasse la signification spécifiquement théologique pour viser surtout une acceptation de l'existence humaine, si douloureuse soit-elle, dans un monde qui n'a pas cessé d'être pour lui un sujet d'émerveillement.



Le titre se réfère à l'image mythologique des ciseaux, qui séparent deux univers temporels : celui dont la mort constitue la conclusion abrupte, lorsque Les Ciseaux de la Parque ont tranché, et celui d'un au-delà concret, approché dans le rêve, le mythe et le don de seconde vue, ou la mort perd ses terreurs, car Les Ciseaux de la Parque s'y referme à vide sur l'intemporel. Dans cette perspective, Jünger mentionne les récits de « survivants», ces personnes qui, à la suite d'un accident brutal ou elles ont cru franchir le seuil de la mort, sont sauvées au moment ultime et retrouvent l'univers de la vie. Elles ont souvent l'impression d'être sorties de leur corps et de le survoler, sensation qu'a connue l'écrivain. Mais surtout, loin d'être en proie à l'angoisse et à la souffrance, elles éprouvent généralement un sentiment d'euphorie extrême, il leur semble qu'elles empruntent un long tunnel qui les mène vers une merveilleuse lumière dans laquelle elles aspirent à rentrer. Il y a quelque chose d'extrêmement rassurant pour Jünger qui voit s'approcher le terme inéluctable avec une grande confiance : il n'est surement pas loin ici de Léon Bloy, auquel on demandait ce qu'il ressentait sur son lit de mort. Jünger a souvent cité sa réponse : «Une immense curiosité».



L'ouvrage suscite l'approbation du pape Jean-Paul II qui charge un ecclésiastique tchèque, Mgr Kubovec, bien en cour à Rome et curé de la paroisse de Dürrenwaldstetten, proche de Wilflingen, de transmettre à Jünger la bénédiction papale pour son quatre-vingt-quinzième anniversaire“. Mais Jünger est certainernent encore plus heureux d'apprendre que son livre a pu venir en aide à des lecteurs sur le point de franchir le seuil, de passer à la douane, comme il l'écrivait dans le Coeur Aventureux pour évoquer l'heure du bilan, le moment où l'on passe la frontière décisive entre deux mondes.





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Carnet de guerre 1914-1918

L’intérêt des quinze carnets d’écolier remplis dans les tranchées entre les assauts, pendant les pilonnages d’artillerie ou au fil des lectures [...] relève moins d’un travail littéraire que documentaire.
Lien : http://www.lalibre.be/cultur..
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Orages d'acier

La guerre 14/18 vécue et vue du côté allemand.

J'aurai aimé mettre une note plus proche de 3.5 à cette oeuvre.

J'ai trouvé moins de sentiment et d'humanité dans ce récit que dans le livre de Erich Remarque, A l'ouest rien de nouveau auquel j'ai été plus sensible.
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Exposition

5 toiles d'un grand maître impartial, 5 toiles rayonnantes de couleur pour cet orfèvre qui ravive notre époque de sa lumière et de son art de la nuance. Le clair obscur.

C'est avec cette palette que junger peint ses toiles avec finesse. La réflexion de junger se rapproche de la science et de l'art poétique, elle s'affranchit des codes et dans ce musée de la littérature se dresse maintenant ces instantanés, qui nous parlent si bien de la vie en général.

Comment ne pas ressentir alors l'acuité visuelle d'un homme presque centenaire, qui ciselle avec ferveur les mots pour en extirper toute la substance, la vie si je puis dire ?



Au détour de chaque pensée, l'on sent la rigueur peut être d'un militaire mais surtout d'un créateur. Un createur qui en visionnaire sent les jours à venir. Des jours à venir aux sons des bottes des titans. Les titans tyrans. Dans l'entre deux il y'a et il y'a aura notre époque aussi imparfaite soit elle. Si peu spirituelle. Si peu poétique. Exaspéré de cet matière sans vie qui jonchent nos tombes, on peut s'interroger sur ceux qui vivent vraiment. Les morts dans nos cœurs et esprits !!
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Sur les falaises de marbre

Livre très dense assez pessimiste, écrit avant la deuxième guerre mondiale, c'est l'histoire d'un oasis de calme où vivent le narrateur et Frère Othon. Ils herborisent, admirent la nature, ont pactisé avec leurs voisins qui ne sont pas forcément des tendres. D'ailleurs tout n'est que violences et atrocités un peu plus loin.

Il y a d'assez nombreux protagonistes et je me suis un peu perdue.
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Voyage Atlantique

Agréable et divertissante, la lecture de ce recueil de carnets de Jünger, spécialiste en la matière, montre au lecteur que l'on peut voir le monde différement lorsqu'on a un sens du regard aiguisé. On accompagne l'auteur à bord d'un navire voguant en Méditerranée, en Sicile, Rhodes et même Izmir (Smyrne) ; au Brésil le long de l'Amazone puis dans de vastes étendues blanches de Norvège. Chaque plante, poisson, fleur et biensur les insectes qu'il aimait tant sont pour lui sujets à une analyse esthétique et philosophique, de la vie, de l'indépendance et autres sujets auxquels il tenait ; et chaque marché, quartier populaire ou encore chaque cimetière sont pour Ernst Jünger, grand intellectuel et (d)écrivain, de formidables mines d'inspiration pour réflexion sociologique et/ou anthropologique.



Un livre qui donne donc au lecteur, à travers une remarquable plume, un aperçu soigné d'un monde de la fin des années 20 et du début des années 30 encore épargné par la mondialisation et de la technique envahissante qu'il connaît aujourd'hui.
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Sur les falaises de marbre

Ernst Jünger: je ne connaissais pas cet auteur allemand du vingtième siècle. En revanche je connais Thomas Mann que Jünger ne semblait pas porter dans son coeur. J'apprécie énormément Stefan Zweig qui voit dans le meurtre de Rathenau le basculement de l'Allemagne vers la barbarie alors que Jünger légitime cet attentat dans un de ses écrits.



E. Jünger semble avoir dans sa vie la même ligne de conduite que le narrateur de " sur les falaises de marbre": Ne pas trop se mouiller. Il est préférable d'habiter l'Ermitage, sur les hauteurs, à s'y occuper de la bibliothéque et de l'herbier, loin de la fange, plutôt que de mettre les mains dans le cambouis de la marina, en d'autres mots dans le merdier du bas peuple.



E. Jünger fut très combatif pendant la première guerre mondiale, peut-être emporté par la fougue de la jeunesse. Au cours du troisième Reich il a été très conciliant avec les Nazis. A Paris pendant l'occupation il a eu une vie cool. C'est pour cela que je suis passé à côté de l'allégorie dénonçant la barbarie du peuple allemand que d'autres voient dans ce livre.



Je ne vois pas non plus comment on peut comparer le Grand Forestier, der grosse Förster, au Kanzler du troisième Reich: der grosse Hitler.



Ce n'est pas un livre dont je recommande la lecture aux jeunes générations cherchant à percer le mystère du troisième Reich et de ses atrocités.







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Sur les falaises de marbre

Roman qui m'a été présenté comme une allégorie de la montée du nazisme et LE chef d’œuvre de l’auteur par mon libraire, j’étais plutôt curieuse de le découvrir.



Dans la Marina, contrée imaginaire située entre mer et falaises de marbre, fière de ses vignobles et de son raffinement, le narrateur et son compagnon, frère Othon, vivent un quotidien paisible à l’Ermitage. Ils y étudient la nature et les plantes, travaillent à l’élaboration d’un herbier. Et assistent en spectateurs avisés qui ont déjà connu la guerre à la montée en puissance du grand Forestier, seigneur d’un pays de forêts dont l’ambition est de redonner à la nature domestiquée son côté sauvage.



Au risque de me faire des ennemis, je dois avouer que j’ai eu beaucoup de mal à accrocher au texte de Ernst Jünger.

Ce n’est pas tant l’histoire qui a du mal à démarrer – ça j’ai l’habitude avec certaines séries de fantasy ! – ça tient surtout au style. Je ne sais pas si ça vient de la traduction qui date de 1942 ou de la plume de l’auteur, mais personnellement, quand j’ai besoin de relire quatre fois la même phrase de seulement deux lignes pour comprendre ce qu’elle veut dire, ce n’est pas bon signe.

Et encore, ce n’est qu’après avoir découpé mentalement et remis dans l’ordre les divers morceaux de phrase que les mots prennent enfin un sens.



Mais j’ai persisté. Au rythme de deux chapitres à la fois, pour pouvoir reprendre ma respiration.

Et malgré la difficulté, je ne le regrette pas. Oh, ce n’est pas que ça devienne plus fluide. Mais une fois le roman terminé – et heureusement il est court – j’ai réussi à me concentrer uniquement sur l’histoire, à me reconnecter à elle.

Le paisible bonheur quotidien d’avant. Les touches légères du passé de l’auteur – lui n’est pas important, il n’est que le vecteur des événements qu’il voit, vit et décrit. La montée en puissance subtile et progressive du grand Forestier, de ses méthodes.

De sa violence barbare aussi dans les actes commis. Certains passages nécessitent de poser le livre et de s’en éloigner un moment. Ce qui, à mes yeux de « lectrice loisirs », est une réussite de la part de Ernst Jünger.
Lien : http://sylviebeillard.fr/202..
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Sur les falaises de marbre

Les experts ne sont pas d’accord entre eux quant au sens réel à donner à ce livre. Certains en font un véritable acte de résistance au nazisme, courageux et profond ; certains lui attribuent une force visionnaire, le prince de Sunmyra, échouant à abattre le Grand Forestier, pouvant évoquer le comte Stauffenberg ; d’autres enfin semblent considérer que le côté éminemment cryptique du roman autorise toutes les interprétations, sans qu’aucune certitude ne puisse être validée.



Et, effectivement, le roman est cryptique. Dans un lieu imaginaire, une sorte de marina qui serait au cœur de la Burgondie, deux anciens soldats tentent de reconstruire leur vie, ou, du moins, de lui redonner un sens.



Et, quoi qu’il en soit, que le Grand Forestier soit une allégorie d’Hitler, de Staline, une préfiguration visionnaire de Pol Pot ou une critique de Napoléon – après tout, le romantisme allemand s’est, en partie, construit en opposition au rationalisme des Lumières et à la tyrannie incarnée par la Terreur révolutionnaire et par Napoléon -, l’intérêt de ce livre est son universalité. En effet, le phénomène décrit – la montée d’une tyrannie – peut finalement s’appliquer à toutes les époques, à tous les espaces géographiques…



Le narrateur et frère Othon recherchent, au début du livre, l’ordre. Leurs activités respectives – bibliothécaire et botaniste – sont typiquement des activités d’ordre, d’organisation, dans lesquelles la rationalité et la classification – Dewey d’un côté, Linné de l’autre – proposent un cadre strict, qui constitue plus largement une vision d’un monde cohérent, accessible, compréhensible. Mais l’ordre finit par céder, face aux attaques insidieuses du chaos, représenté ici par les hordes du Grand Forestier, une sorte de force brutale, naturelle, non disciplinée.



Cette opposition entre l’ordre et la nature, c’est également celle de la connaissance et de la force. Et l’équilibre qui s’instaure entre ces deux forces demeure toujours instable.



On peut d’ailleurs se demander si les falaises de marbre qui figurent dans le titre du roman – et dont on aurait pu, très probablement, se dispenser, car elles ne jouent qu’un rôle très limitée et assez dispensable dans l’histoire – ne seraient pas une référence additionnelle à cette notion d’ordre. En l’occurrence, ici, un ordre vertical. Un ordre vertical irait de la noblesse, représentée ici par le prince Sunmyra – qu’il soit ou non une évocation anticipatoire du comte Stauffenberg -.



L’écriture est belle, le sujet abordé important. La seule raison de ne pas lire ce livre, c’est lorsque l’on veut se cantonner à lire pour un divertissement pur. Ce livre fait réfléchir, il est probablement fait pour cela, et ce serait passer à côté que de le lire sans se poser de questions…
Lien : https://ogrimoire.com/2019/1..
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