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Citations de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (217)


La Majorat

Avec quels battement de cœur, avec quels tressaillements j’ouvris la chambre où je devais la trouver !
Mademoiselle Adélaïde vint joyeusement à ma rencontre. La baronne, déjà complètement habillée pour le bal, était assise d’un air rêveur devant la caisse mystérieuse où dormaient les sons que je devais éveiller. Elle se leva dans un tel éclat de beauté que je pus à peine respirer.
— Eh bien ! Théodore… (Selon la bienveillante coutume du Nord qu’on retrouve au fond du Midi, elle nommait chacun par son prénom.) Eh bien ! Théodore, me dit-elle, l’instrument est arrivé. Fasse le ciel qu’il ne soit pas tout-à-fait indigne de votre talent !
Dès que j’en ouvris la boîte, une multitude de cordes s’échappèrent, et au premier accord, toutes celles qui étaient restées tendues rendirent des sons d’une discordance effroyable.
— L’organiste a encore passé par là avec sa main délicate, dit mademoiselle Adélaïde en riant ; mais la baronne, toute découragée, s’écria : — C’est cependant un grand malheur ! Ah ! ne dois-je-donc avoir aucun plaisir ici ?
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La vie d'artiste

Un des meilleurs tableaux du célèbre Hummel représente une société dans une locanda italienne ; une treille chargée de grappes et de feuilles voluptueusement groupées, une table couverte de flacons et de fruits, auprès de laquelle sont assises, l’une en face de l’autre, deux femmes italiennes. L’une d’elles chante, l’autre joue de la guitare ; entre elles est un abbate qui joue le rôle de maître de chapelle. Sa battuta suspendue, il attend le moment où la signora achèvera par un long trillo la cadence qu’elle fait les yeux levés vers le ciel ; la guitariste suit ses mouvemens avec attention, et se prépare à frapper fortement l’accord à la dominante. L’abbé est plein d’admiration ; il jouit délicieusement, et en même temps il attend avec anxiété. Pour rien au monde, il ne voudrait manquer le moment de frapper la mesure. À peine ose-t-il respirer, il voudrait lier les ailes à chaque mouche, à chaque insecte qui le fatigue de son bourdonnement. Aussi la venue de l’hôte affairé qui apporte dans le moment fatal le vin qu’on lui a demandé ne lui semble-t-elle que plus pénible. C’est le désespoir qui se peint pour la première fois sur ses joues vermeilles. Les accidens de la lumière se jouent à travers les pampres de la treille ; elle a une libre issue dans la campagne, et laisse voir un cavalier arrêté devant la locanda, et qui se rafraîchit sans quitter la selle.
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Marino Faliéri

Il y a bien long-temps, et si je ne me trompe, c’était au mois d’août de l’année 1354 ; le brave amiral génois, Paganino Doria, battit les Vénitiens, et surprit leur ville de Parinzo. Ses galères bien armées couraient des bordées dans le golfe de Venise, semblables à des bêtes de proie affamées qui vont et viennent pour mieux happer leur victime. Le peuple et la seigneurie de Venise étaient saisis d’un effroi mortel. Tous les hommes en état de marcher prirent l’épée ou la rame. Les troupes se rassemblèrent dans le port Saint-Nicolo. Les navires, les arbres, les pierres, tout fut employé pour encombrer la rade et empêcher l’approche de l’ennemi ; et tandis que le bruit des armes retentissait au milieu du tumulte, que les masses qu’on lançait à la mer réveillaient tous les échos du voisinage, on voyait sur le Rialto les agens de la seigneurie, le front chargé de sueur, le visage défait, offrir d’une voix tremblante des obligations à gros intérêts en échange de l’argent ; car la république était dans un état de détresse extrême.
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Antonio ne fut pas peu étonné lorsque, le jour suivant, Salvator lui décrivit dans ses moindres détails l’intérieur de Capuzzi.
— La pauvre Marianna, dit Salvator, est indignement tourmentée par ce vieil insensé. Il soupire et roucoule tout le jour ; et ce qu’il y a de pis, il chante pour toucher son cœur, et il chante des airs qu’il a composés lui-même. Outre cela, il est jaloux à en mourir, et il éloigne de cette pauvre fille tous les serviteurs qui, dit-il, pourraient se prêter à une intrigue. Chaque soir et chaque matin un petit monstre qui fait l’office de femme de chambre, se présente devant la pauvre Marianna. Ce spectre n’est autre que le petit Poucet, le Pitichinaccio, que Capuzzi force à s’habiller en femme. Quand Capuzzi s’absente, il ferme soigneusement toutes les portes, et un coquin qui a fait autrefois le métier de bravo, et qui est sbire aujourd’hui, monte la garde devant la maison. Il semble donc impossible d’y pénétrer ; et cependant je te promets, Antonio, que la nuit prochaine tu verras ta Marianna, et en présence de Capuzzi lui-même.
— Que dites-vous ? s’écria Antonio hors de lui : la nuit prochaine ! Cela est impossible !
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Le bonheur au jeu

Dans l’automne de l’année 182... les eaux de Pyrmont étaient plus visitées que jamais. De jour en jour l’affluence des riches étrangers augmentait, et excitait l’ardeur des spéculateurs de toute espèce qui abondent dans ces sortes de lieux. Les entrepreneurs de la banque du pharaon ne restèrent pas en arrière , et étalèrent sur leur tapis vert des masses d’or, afin d’attirer les dupes que l’éclat du métal séduit infailliblement, comme l’attrait dont se sert le chasseur pour prendre une proie crédule.
On n’ignore pas que dans la saison des bains, pendant ces réunions de plaisir, où chacun s’est arraché à ses habitudes, l'on s’abandonne à l’oisiveté, et que le jeu devient une passion presque irrésistible. Il n’est pas rare de voir des gens qui n’ont jamais touché les cartes , attachés sans relâche à la table verte et se perdre dans les combinaisons hasardeuses du jeu. Le bon ton qui veut que l’on risque chaque soir quelques pièces d’or , ne contribue pas peu non plus à entretenir cette passion fatale. Un jeune baron allemand, que nous nommerons Siegfried, faisait seul exception à cette règle générale. Quand tout le monde courait au jeu, et qu’il perdait ainsi tout moyen d’entretenir une conversation agréable, il se retirait dans sa chambre avec un livre, ou il allait se promener dans la campagne, et admirer la nature, qui est si belle dans ce pays enchanté.
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Le leçon de violon

J’étais à Berlin, très-jeune, j’avais seize ans, et je me livrais à l’étude de mon art, du fond de l'âme, avec tout l’enthousiasme que la nature m’a départi. Le maître de chapelle Haak, mon digne et très-rigoureux maître, se montrait de plus en plus satisfait de moi. Il vantait la netteté de mon coup d’archet, la pureté de mes intonations ; et bientôt il m’admit à jouer du violon à l’orchestre de l’Opéra et dans les concerts de la chambre du roi. Là j’entendais souvent Haak s’entretenir avec Duport, Ritter et d’autres grands maîtres, des soirées musicales que donnait le baron de B***, et qu’il arrangeait avec tant d’aptitude et de goût que le roi ne dédaignait pas de venir quelquefois y prendre part. Ils citaient sans cesse les magnifiques compositions de vieux maîtres presque oubliés qu’on n’entendait que chez le baron, — qui possédait la plus rare collection de morceaux de musique anciens et nouveaux ; — et s’étendaient avec complaisance sur l’hospitalité splendide qui régnait dans la maison du baron, sur la libéralité presque incroyable avec laquelle il traitait les artistes. Ils finissaient toujours par convenir d’un commun accord qu’on pouvait le nommer avec raison l’astre qui éclairait le monde musical du Nord.
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Le violon de Crémone

Lorsque j’arrivai à H…… où je devais séjourner quelque temps, toute la ville parlait de lui, car alors il était dans tout le feu de son originalité. Crespel s’était rendu célèbre comme juriste éclairé, et comme profond diplomate. Un souverain qui n’était pas peu puissant en Allemagne, s’était adressé à lui pour composer un mémoire, adressé à la cour impériale, relativement à un territoire sur lequel il se croyait des prétentions bien fondées. Ce mémoire produisit les plus heureux résultats, et comme Crespel s’était plaint une fois, en présence du prince, de ne pouvoir trouver une habitation commode, celui-ci, pour le récompenser, s’engaga à subvenir aux frais d’une maison, que Crespel ferait bâtir à son gré. Le prince lui laissa même le choix du terrain ; mais Crespel n’accepta pas cette dernière offre ; et il demanda que la maison fût élevée dans un jardin qu’il possédait aux portes de la ville, et dont la situation était des plus pittoresques. Il fit l’achat de tous les matériaux nécessaires, et les fit transporter au lieu désigné. Dès lors, on le vit tout le jour, vêtu d’un costume confectionné d’après ses principes particuliers, broyer la chaux, amasser les pierres, toiser, creuser et se livrer à tous les travaux manouvriers. Il ne s’était adressé à aucun architecte, il n’avait pas tracé le moindre plan. Enfin cependant, un beau jour il alla trouver un honnête maître maçon de H…, et le pria de se rendre dès le lendemain matin, au lever du jour, dans son jardin, avec un grand nombre d’ouvriers pour bâtir sa maison. Le maître maçon s’informa tout naturellement des devis, mais il fut bien surpris lorsque Crespel lui répondit qu’il n’avait pas besoin de tout cela, et que l’édifice s’achèverait bien sans ces barbouillages.
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Lorsque la réputation de Salvator se fut répandue à Naples, à Rome, dans la Toscane, et même par toute l’Italie, lorsque les peintres qui voulaient plaire devaient tâcher d’imiter le style étrange de son pinceau, à cette époque même de méchans envieux faisaient naître des bruits fâcheux qui devaient obscurcir la gloire divine de l’artiste. On prétendait qu’à une époque antérieure de sa vie Salvator avait fait partie d’une bande de brigands, et que c’était dans cette société maudite qu’il avait pris les originaux de toutes ces figures féroces, fières, si fantastiquement costumées, qu’il plaça plus tard dans ses tableaux. On disait que les déserts sombres et affreux, les selve selvagge, comme les nomme le Dante, où il s’était tenu caché, étaient fidèlement reproduits dans ses paysages. Mais ce qu’il y avait de pire, c’est qu’on soutenait qu’il avait été entraîné dans la terrible et sanguinaire conspiration, tramée à Naples par le fameux Mas’Aniello, et l’on en racontait les particularités avec les plus petits détails.

Extrait de Salvator Rosa
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Maintenant, bien aimé lecteur, je pourrais bien à propos terminer là mon récit […] tes exigences ne vont pas sans doute jusqu’à vouloir savoir quelle était la parure de la mariée, ni combien d’enfants l’heureux couple a procréés jusqu’à ce jour.
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Que sont nos efforts et nos élans vers l’infini ? Rien d’autre que les mouvements inconscients et maladroits du nourrisson qui meurtrit le sein de sa bonne nourrice.
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Dans mon imagination enfantine, je devinai que ma mère ne me niait l'existence de l'homme au sable que pour ne pas nous effrayer. [La mère du narrateur vient de lui révéler que l'homme au sable n'est qu'une façon de parler].
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[Olimpia] dit un air de bravoure d'une voix si claire et si argentine, qu'elle ressemblait au son d'une cloche de cristal. [Cet air sera composé par Offenbach dans les Contes d'Hoffmann, "les oiseaux dans la charmille".]
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L Esprit Éternel à créé un géant capable de dompter et de enchaîner cette bête aveugle qui fait rage en nous .Conscience est le nom de ce géant. Et de sa lutte avec la bête qui nous habite nait le libre arbitre. Sa victoire s appelle vertu, celle de la bête, péché.
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Quel est l homme dont le cœur n est jamais assailli parl Esprit qui vient s opposer celui du bien.Mais sans cette lutte il n y aurait pas de vertu,car celle-ci est tout simplement la victoire du bien sûr le mal,de même qu inversement le péché nait de sa défaite.
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Il est certain que le moindre espace nous éloignant du lieu où vivent ceux nous aimons paraît à la douleur de l adieu la distance la plus immense.
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Au vingt-quatre décembre, la chambre du milieu et bien plus encore le salon qui y donnait furent formellement interdits aux enfants du médecin consultant Stahlbaûm.
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Extrait de la Maison Sinistre: « L’Etrange » veut dire toutes les manifestations de la connaissance et du désir, dont on ne comprend pas les raisons alors que le « fantastique » veut dire ce qu’on tient pour incompréhensible, ce qui semble dépasser les forces connues de la nature, ou, ajouterais-je, ce qui va à l’encontre de la marche du monde. (…) Quoiqu’il en soit, dans l’histoire que je vais vous conter, l’étrange et le fantastique se mêlent d’une inextricable façon. »🖤
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12. (Pag. 51.) La fiole de Dapertutto contenait sans doute de l’eau rectifiée de laurier-cerise, autrement dit acide prussique. L’usage d’une très-minime quantité de cette eau (moins d’une once) produit les effets qu’on vient de décrire. (Note d’Hoffmann.)

L’extraction de l’acide prussique des feuilles de laurier-cerise, ou de certaines autres substances végétales, où il existe au dire de quelques chimistes, est un fait très-exceptionnel. Découvert par Scheele en 1780, l’acide prussique, ou hydrocyanique, n’a été obtenu pur que par M. Gay-Lussac. En cet état il est liquide, transparent, incolore. Sa saveur est fraîche d’abord, mais elle devient bientôt âcre et irritante ; son odeur seule cause sur le champ des étourdissements et des vertiges. Loin qu’il en faille près d’une once pour produire les plus fatals résultats, une goutte suffit pour donner la mort instantanément et sans laisser de traces dans l’organisme. Son influence délétère surpasse enfin celle de tous les autres poisons connus. – C’est de sa combinaison avec le peroxyde de fer que résulte la belle couleur appelée bleu de Prusse.
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il n'en faut pas accuser mes yeux si tout me semble décoloré dans la vie ; car un nuage sombre s'est étendu au-devant de moi sur tous les objets, et ma mort seule peut-être pourra le dissiper.
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Nous sommes deux races sur la terre. Ceux qui ont besoin des autres, que les autres distraient, occupent, reposent, et que la solitude harasse, épuise, anéantit, comme l'ascension d'un terrible glacier ou la traversée du désert, et ceux que les autres, au contraire, lassent, ennuient, gênent, courbaturent, tandis que l'isolement les calme, les baigne de repos dans l'indépendance et la fantaisie de leur pensée.
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