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Citations de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (209)


Horloge, horloge, ne sonnez pas, ronronnez doucement. Le Roi des Rats a l’oreille fine, vous savez… 
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Nudité incongrue

«Honorable assemblée! Tout rêve est de l’écume: c’est là un vieux, très honnête et très solide proverbe allemand. Mais Ottmar l’a interprété si adroitement et de manière si subtile, que, tandis qu’il parlait, je sentais réellement monter dans mon cerveau les petites bulles dégagées de la matière et destinées à s’unir avec le principe spirituel supérieur. Toutefois, n’est-ce pas dans notre esprit que s’opère la fermentation d’où jaillissent ces parties plus subtiles, qui ne sont elles-mêmes qu’un produit du même principe? Je demande enfin si notre esprit trouve en lui seul tous les éléments nécessaires à la production de ce phénomène, ou si, d’après une loi d’équilibre, quelque mobile étranger y concourt avec lui? et je réponds à cela que la nature, secondée par tous les phénomènes qui lui sont propres, s’emploie moins à l’assister qu’à le laisser manœuvrer dans les vastes ateliers de l’espace et du temps, de sorte que, tout en se croyant son propre maître, il ne crée et n’agit en fin de compte que pour accomplir les fins qu’elle se propose. Nous sommes si intimement liés par des rapports physiques ou spirituels avec tout ce qui est extérieur à nous-mêmes, avec la nature entière, que le fait de nous en affranchir, en admettant même que ce fût possible, impliquerait la destruction de notre existence. La vie que vous nommez intensive est déterminée par notre vie expansive, dont elle est pour ainsi dire le reflet. Mais ce reflet nous apparaît comme recueilli dans un miroir concave, de sorte qu’images et figures se présentent sous d’autres proportions et offrent par conséquent des formes bizarres et inconnues, bien qu’elles ne soient que les caricatures d’originaux vraiment existants. Je soutiens hardiment que jamais un homme n’a imaginé ni rêvé aucune chose dont les éléments ne pussent se retrouver dans la nature à laquelle nous ne pouvons jamais nous soustraire.

«Abstraction faite des impressions extérieures et inéluctables qui émeuvent notre âme et la mettent dans un état de tension anormal, comme un effroi subit, une grande peine de cœur, etc., je prétends que notre esprit, sans la prétention de franchir les limites naturelles qui lui sont assignées, peut aisément extraire des manifestations les plus agréables de la vie cette essence volatile qui engendre, au dire d’Ottmar, les petites bulles dont se forme l’écume du rêve. Quant à moi, qui manifeste, surtout le soir, comme on voudra bien me l’accorder, une bonne humeur à toute épreuve, je prépare à la lettre mes rêves de la nuit en me faisant passer par la tête mille folies qu’ensuite mon imagination reproduit, durant mon sommeil, avec les plus vives couleurs et de la manière la plus récréative; mais je préfère à toutes les autres mes imaginations dramatiques.

— Qu’entends-tu par là? demanda le baron.

— Comme l’a déjà fait remarquer un auteur bien inspiré, poursuivit Bickert, nous devenons en rêvant auteurs dramatiques et acteurs par excellence dans la mesure où nous saisissons avec précision et dans leurs moindres détails des individualités étrangères qui se présentent à notre esprit avec une parfaite vérité. Eh bien, c’est la base de mon système: je pense parfois aux nombreuses aventures plaisantes de mes voyages, à maints originaux que j’ai rencontrés dans le monde, et mon imagination, en ressuscitant la nuit ces divers personnages avec tous leurs ridicules et leurs traits comiques, me donne le spectacle le plus divertissant du monde. Il me semble alors que je n’ai eu devant moi, durant la soirée, que le canevas, le croquis de la pièce à laquelle le rêve, docile pour ainsi dire à la volonté du poète, vient communiquer la chaleur et la vie. Je vaux à moi seul la troupe entière de Sacchi, qui joue la farce de Gozzi, peinte et nuancée d’après nature, avec une telle puissance d’illusion que le public, représenté lui aussi par ma personne, y croit ni plus ni moins qu’à la réalité.

«Comme je vous l’ai dit, je ne comprends pas dans ces rêves, pour ainsi dire volontairement amenés, ceux qui sont le résultat d’une disposition d’esprit exceptionnelle, due à des circonstances étrangères, ni ceux qui sont suscités par une impression physique externe. Ainsi tous ces rêves, dont presque chaque individu a quelquefois éprouvé le tourment, comme de tomber du faîte d’une tour, d’être décapité, etc., sont ordinairement provoqués par quelque souffrance physique que l’esprit, plus indifférent pendant le sommeil à la vie animale et ne travaillant plus que pour lui-même, explique à sa façon ou motive d’après quelque représentation fantastique, prise parmi celles qui occupent son imagination. Je me rappelle un songe où j’assistais à une soirée de punch en joyeuse compagnie. Un fier-à-bras d’officier, que je connais parfaitement, poursuivait de ses sarcasmes un étudiant qui finit par lui lancer son verre à la figure; il s’ensuivit une bagarre générale; et, comme je voulais rétablir la paix, je me sentis blessé à la main si grièvement que la douleur cuisante du coup me réveilla: que vois-je? ma main saignait réellement, car je m’étais écorché à une grosse épingle fichée dans la couverture.

— Ah! Franz! s’écria le baron, cette fois ce n’était pas un rêve agréable que tu t’étais préparé!

— Hélas! hélas! dit Bickert d’une voix plaintive : est-on responsable des maux que le destin nous inflige souvent en punition de nos fautes? Assurément, j’ai eu, moi aussi, des rêves horribles, désolants, épouvantables, qui me donnèrent le délire et des sueurs froides d’angoisse ...

— Ah! fais-nous-en part, s’écria Ottmar, dussent-ils réfuter et confondre ta théorie!

— Mais, au nom du Ciel! interrompit Maria d’une voix souffrante, n’aurez-vous donc pas pitié de moi?

— Non, répliqua le peintre, à présent plus de pitié! Oui, moi aussi, j’ai rêvé comme un autre les choses les plus terrifiantes! Ne me suis-je pas présenté chez la princesse Almaldasongi, qui m’avait invité à venir prendre le thé, dans le plus magnifique habit galonné par-dessus une veste richement brodée, et parlant l’italien le plus pur, — lingua toscana in bocca romana? N’étais-je pas épris pour cette beauté ravissante d’un amour passionné tel qu’il sied à un artiste et ne lui disais-je pas les choses les plus touchantes, les plus poétiques, les plus sublimes lorsque, baissant les yeux par hasard, je m’aperçus, à ma profonde consternation, que je m’étais bien habillé en tenue de cour et avec la dernière recherche, mais que j’avais oublié la culotte!»

Sans laisser à personne le temps de se formaliser de son incartade, Bickert continua avec feu: «Dieu! que vous dévoilerai-je encore des calamités terribles qui ont empoisonné mes rêves? Une fois, revenu à ma vingtième année, je me faisais une fête de danser au bal. J’avais mis ma bourse à sec pour donner à mon vieil habit un certain air de fraîcheur en le faisant retourner adroitement et pour m’acheter une paire de bas de soie blancs. J’arrive enfin heureusement à la porte du salon étincelant de mille lumières et de superbes toilettes: je remets mon billet; mais ne voilà-t-il pas qu’un maudit chien de portier ouvre devant moi l’étroit coulisseau d’un poêle en me disant, d’un ton poli à mériter qu’on l’étranglât tout vif: «Que monsieur se donne la peine d’entrer, c’est par là qu’il faut passer pour arriver dans le salon.» Mais ce ne sont encore là que des misères auprès du rêve affreux qui m’a tourmenté et supplicié la nuit dernière! Ha!... J’étais devenu une feuille de papier cavalier, ma silhouette figurait juste au milieu en guise de marque filigranée; et quelqu’un ... c’était, en fait, un enragé de poète bien connu de tout le monde, mais disons quelqu’un ... ce quelqu’un était armé d’une plume de dindon démesurément longue, mal fendue et dentelée, avec laquelle, tandis qu’il composait des vers raboteux et barbaresques, il griffonnait sur moi, pauvre infortuné, et me lacérait dans tous les sens. Une autre fois, un démon d’anatomiste ne s’est-il pas amusé à me démonter comme une poupée articulée et à torturer mes membres par toutes sortes d’essais diaboliques, voulant voir, par exemple, quel effet produirait un de mes pieds planté au milieu du dos, ou bien mon bras droit fixé dans le prolongement de ma jambe gauche ? .. .»
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Spikher releva sa pauvre femme, mais elle n'eut pas plus tôt repris connaissance, qu'elle le repoussa loin d'elle avec horreur. "Laisse-moi, cria-t-elle, homme maudit! Ce n'est pas toi! tu n'es pas mon mari, non! Tu es un esprit infernal qui veut ma perte, ma damnation. Va-t'en! fuis loin de moi, tu n'as sur moi aucune puissance, réprouvé!" Les éclats de voix retentirent dans toute la maison, les domestiques accoururent effrayés; Erasme [Spikher], au comble de la fureur et du désespoir, se précipita dehors et dans son égarement se mit à courir dans les allées désertes d'un parc voisin de la ville.

La nuit de la Saint-Sylvestre
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Et voilà pourquoi, chère Lucile, nous nous tenons, nous aussi, là où les hommes aiment nous voir. Accordons-leur cette petite joie! Laissons-les régner sur la terre comme ils l'ont fait jusqu'à ce jour. Et nous, parcourons les espaces célestes et laissons loin derrière nous la masse inerte de la terre, au mépris de toute sa force d'attraction.
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- (...) Suivez mon conseil, Elis Froebom, faites-vous mineur.
Elis Froebom fut presque effrayé des paroles du vieillard.
-- Comment, s'écria-t-il, que me conseillez-vous ?
Qui! moi! que je quitte cette terre si belle, si vaste, ce ciel limpide inondé des clartés du soleil, qui m'environne, qui me délecte et me recrée! que je me plonge dans les gouffres effrayants de l'enfer, pour y remuer incessamment la terre, comme la taupe, et rechercher avidement des minerais et des métaux pour un vil et misérable gain!

Les mines de Falun
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"Cher maître, auriez-vous la bonté d'éloigner cette bestiole ?
-- Pourquoi donc ? fit mon maître. Vous avez toujours toléré les chats, Monsieur le professeur, et vous aimez bien mon favori, le gracieux et intelligent Chat Murr.
-- Oui, reprit le professeur sur un ton de sous-entendu, et avec un rire mauvais. C'est vrai, mais faites-moi le plaisir d'éloigner votre protégé, car j'ai à vous entretenir de certaines choses qu'il ne doit point entendre.
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Tous regardèrent avec curiosité l'étranger et convinrent que, dans les traits de son visage, au demeurant plein d'esprit, il y avait quelque chose d'incertain et de trouble permettant de supposer l'existence d'une maladie dangereuse, laquelle consistait, en somme, dans un délire caché.
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Bref, il ne me venait à l’esprit aucune tournure de phrase qui me parût refléter le moins du monde l’éclatant coloris du tableau que j’imaginais en moi-même. Je pris le parti de ne pas commencer du tout.
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Le sage doit avoir la faculté de donner à tout ce qu'il fait par égoïsme l'apparence d'un acte accompli pour d'autres; ceux-ci, alors, se sentent obligés par un noble devoir et bonnement enclins à faire tout ce que l'on voulait obtenir d'eux.
Bien des gens paraissent serviables, complaisants, soucieux seulement des désirs de leur prochain qui n'ont en vue que leur propre moi; et les autres, sans s'en douter, servent ce moi.
Ainsi, ce que tu te plais à nommer servile flatterie n'est rien autre qu'une sage conduite qui trouve son fondement dans la connaissance et l'habile utilisation de la folie d'autrui.
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Voilà donc, me dis-je plaintivement et tout haut, voilà ce monde où, du haut de ton toit natal, tu désirais pénétrer ! Oh les barbares sans cœur !... Quelle force ont-ils, à part celle de donner des coups ? Quelle intelligence, sinon celle d'une raillerie mauvaise ? Qu'est-ce que leur activité, sinon la persécution envieuse des tendres cœurs ?... Oh, partir! quitter ce monde d'hypocrisie et de fausseté...
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Pour un peu, fit Julia, j'envierais le talent qui te permet de reproduire d'après nature les arbres, les buissons, les monts et les lacs. Mais je sais bien que, quand je dessinerais aussi joliment que toi, je n'arriverais pas à croquer un paysage après nature, que j'y réussirais même d'autant moins aisément que la vue serait plus belle. La joie, l'exaltation de contempler m'empêcherait de me mettre à l'œuvre.
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Le fils du cousin en effet était un joli jeune homme, bien bâti, qui n'avait pas encore été rasé et n'avait jamais porté de bottes. Dans les jours de Noël il mettait un bel habit rouge avec de l'or, et puis avec l'épée au côté, le chapeau sous le bras et une belle frisure avec une bourse à cheveux, il se tenait dans cette tenue brillante dans la boutique de son père, et cassait, par l'effet d'une galanterie naturelle en lui, les noix des jeunes filles, qui à cause de cela l'appelaient le beau Casse-Noisette.
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« Ô toi ! ma sublime étoile d’amour ! ne m’as-tu donc apparu que pour t’éclipser aussitôt et me laisser perdu sans espérance dans d’épaisses ténèbres ! »
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« Hélas ! disait-elle, il ne m’a jamais aimée, car il ne me comprend pas. » Et elle continuait de sanglotter amèrement.
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Après avoir lu avec un soin extrême les papiers du capucin Médard - et ce ne fut pas chose facile, car le défunt avait une écriture de moine, très petite, illisible - il m'apparut encore que ce que nous appelons généralement rêve ou fantaisie de l'imagination devait être la révélation symbolique du fil secret qui, la bridant étroitement dans toutes ses modalités, est tendu d'un bout à l'autre de notre vie. Mais je compris aussi que quiconque, après avoir eu cette révélation, croit avoir acquis la force de briser ce fil et d'engager la lutte contre les sombres puissances qui règnent sur nous, oui, celui-là peut être considéré comme perdu !
Peut-être auras-tu le même sentiment que moi, cher lecteur ; je le souhaite du fond du coeur, pour mille importante raisons.

E.T.A. Hoffmann
préface de l'éditeur
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Il se peut aussi qu'à regarder avec plus d'attention tout ce qui à première vue, te semblera informe, tu en distingues bientôt plus nettement les contours. Tu y découvriras le germe caché qu'enfanta une sombre fatalité ; il s'élance et devient une haute plante luxuriante qui, sans cesse grandissant, s'accroît de mille rameaux jusqu'au jour où une unique fleur, devenue fruit, attirera à elle toute la sève génératrice de vie ; le germe lui-même alors disparaîtra.

Préface de l'éditeur
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Mais si tu te décides à parcourir avec Médard, en fidèle compagnon les cellules, les sombres dédales, tout un univers aux nombreuses, aux multiples couleurs, si tu consens à supporter avec lui tout ce que sa vie comporta d'effrayant, d'horrible, d'insensé, de grotesque, peut-être alors prendras-tu plaisir à voir défiler sous tes yeux les mille tableaux de cette camera obscura qui se sera entrouverte pour toi.

Préface de l'éditeur
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Les chuchotements, les bruissements de voix mystérieuses animent les arbres jusqu'à devenir des cantiques accompagnés du son des orgues. Des hommes graves, drapés dans de larges vêtements, le regard pieusement levé vers le ciel, s'avancent en silence sous les charmilles du parc. Les saintes images auraient-elles pris vie ? Seraient-elles descendues du haut des cimaises ?
Le souffles mystérieux des légendes et des histoires extraordinaires qui se trouvent là-bas représentées te pénètre d'effroi ; il te semble que tout ce passé se déroule sous tes yeux ; tu te plais à croire. L'esprit ainsi disposé, tu commences à lire l'histoire de Médard.

Préface de l'éditeur
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Comme j'aimerais, aimable lecteur, te conduire sous ces platanes sombres où, pour la première fois, je lus l'étrange histoire du frère Médard ! (...) Comme moi, tu contemples avidement les montagnes bleutées dont les silhouettes fantastiques se dressent au fond de la riante vallée qui s'étend devant nous au sortir du berceau de verdure. En te retournant, tu aperçois, à vingt pas à peine, un bâtiment gothique au portail abondamment orné de statues.

Préface de l'éditeur
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Hoffmann s'est un peu projeté dans un aspect de chacun des personnages principaux : il est un peu Médard, et il est un peu Victorin ; il est un peu Belacampo, bouffon et artiste, véritable personnage d'opéra ; comme Hoffmann, l'Abesse, la Peincesse, le Père Cyrille, Médard ont des pressentiments ou des rêves prophétiques. Comme lui, ils ont des visions : de même qu'Hoffmann voyait parfois la nuit apparaître de petits personnages dans un coin de la pièce où il travaillait, et alors réveillait sa femme pour qu'elle la rassure et reste à ses côtés, de même Médard voit apparaître sa mère, le vieux peintre, Aurélie, la Vierge, Victorin. et la force de ces apparitions est si grande que l'action même est orientée par elles.

Les démons de la nuit
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