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Critiques de Ezra Pound (13)
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Les cantos

"I have tried to write Paradise

Do not move

Let the wind speak

that is paradise

Let the Gods forgive what I

have made

Let those I love try to forgive

What I have made."



Je pense à toi, sombre ombre d'Ezra Pound. Où te trouves-tu, maintenant ? Dans l'Enfer de Dante, faisant un tour de hula hoop (la barbe et les cheveux dans le vent glacial) avec chacun de ses "cercles" ? Dans le Purgatoire (car tes convictions n'étaient pas toujours irréprochables), ou t'as enfin atteint ton Paradis ?

Pas facile, de parler de tes "Cantos" - c'est une hydre poétique - on coupe une tête, et d'autres repoussent aussitôt... et si on te demande les explications, tu ris et tu nous envoies au diable...



Ce qui est un savant fou à la science, Pound l'est à la poésie moderne. Il a consacré la moitié de sa vie à la rédaction des "Cantos", sans jamais pouvoir les achever vraiment. Son but ?

Une partie de l'histoire du monde est déjà symboliquement représentée par la "Divine comédie" de Dante. Tout ce qui manque va se trouver, donc, dans les "Cantos" - circa 120 "chants" (à l'instar de Dante); les histoires plus ou moins unifiées, les observations, mémoires, exhortations, rêveries...

Et je crois aussi que c'est destiné à être lu à voix haute - pour toute la peine qu'il s'est donné à reprendre la métrique anglo-saxonne, provençale; les auteurs "classiques". Pour le "clash des consonances" des langues (anglais, français, italien, latin, grec, chinois...).



C'est monumental. C'est brillant !

C'est un salmigondis décourageant et incompréhensible !



Mais Pound était spécial. Extrêmement érudit, tout en minimisant l'érudition. En lamentation constante sur l'insuffisance culturelle, notamment en Amérique. Sympathisant avec les futuristes italiens et Mussolini. Souffrant de troubles bi-polaires; enfermé pour haute trahison et libéré pour "manque de jugeote", pour ainsi dire.

Son influence est immense. Eliot, Yeats, W.C. Williams, Joyce, Hemingway - en passant par la "beat generation" - pour aboutir dans le folk de Dylan, et peut-être aussi dans le rock et le punk contestataire dans "USURA".



Mais si on veut vraiment rentrer dans ce "ramassis" ("ragbag", comme il disait lui-même), il faut peut-être devenir un peu Pound et accepter une sorte de folie...



Comment définir l'ensemble aussi hétéroclite qui forment les "Cantos" ?

Imaginez une vieille maîtresse de travaux d'aiguille, qui a l'habitude de se consacrer au patchwork. Et un jour, elle se dit que tous les ouvrages qu'elle a fait, ou qu'elle a pu voir jusque là ne suffisent plus - trop plats, artistiquement étriqués, sans couleur, ou au contraire aux couleurs trop criardes - bref, sans portée et sans fondement.

Et une idée (folle ?) lui vient de créer, en quelque sorte, un ouvrage ABSOLU et UNIVERSEL, un summum de tout ce qui existe en la matière. le reflet de l'histoire du monde en patchwork...

Que faut-il pour se lancer dans une telle entreprise ?

Primo - beaucoup de connaissances. Pour le choix des tissus et pour ce que ce choix exprime. Des vieux chiffons récupérés dans les malles ferrées de monastères anglo-saxons, lavés et repassés. Les manches de chemises de troubadours provençaux. Les morceaux de brocart (pas si brillants que ça) datant de la renaissance italienne. Les petites chutes de lin écru, venant du fin fond des âges - peut-être même de la voile du bateau d'Ulysse. de la soie chinoise - sauvage où peignée ? Les deux !

Les morceaux abîmés, imbibés de sang ( et bien d'autres liquides corporels). Les mouchoirs, les pansements usagés, les tissus brodés...

Secundo - beaucoup de temps et de patience. Cousu ensemble des années durant, retravaillé sans cesse, pour aboutir enfin à un patchwork difficilement comparable aux autres.

Peu de gens s'arrêtent devant pour le contempler, mais ceux qui se donnent cette peine en ont le souffle coupé, et ils essayent désespérément de saisir le sens de tel-quel morceau.

Cousu d'un fil lâche, magnifique d'un côté; mais si on le retourne pour voir de près comment c'est fait, on tombe sur un monstrueux enchevêtrement de fils qui dépassent dans tous les sens. Et si on commence à tirer dessus, on en ressort tellement d'autres que cela peut nous occuper pour le reste de la vie !



A vrai dire, après un coup d'oeil rapide à la face cachée, je me suis contentée d'admirer le devant.

J'en ai saisi le message, je crois... mais pour aller plus en profondeur, le courage me manque. Face à Pound, je me sens....helpless.

J'ai passé une bonne partie d'hiver avec ce recueil...

....Summer is ycomen in

Loude sing I... goddam !

Je ne m'en sors pas indemne !







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Les cantos

C'est une entreprise de longue haleine que de lire les Cantos de Pound, qui sont l'oeuvre de sa vie. Même si je n'attends pas le dernier vers du dernier Canto pour écrire cela, je m'autorise du choc profond que m'ont fait leurs lectures hasardeuses et non-suivies au long des années, grâce à T.S. Eliott son ami. Le génie absolu du poète, l'extrême intérêt littéraire de la préface d'Yves di Manno à l'édition française, permettent de dire aux amateurs de Babelio que cette poésie est l'une des plus importantes et l'une des plus belles du XX°s. La remarque n'aurait aucun intérêt s'il ne fallait ajouter que cette poésie doit se lire et s'étudier non comme je l'ai fait jusqu'à présent, en butinant, mais par une étude comparable à celle qu'exigent les Solitudes ou les Sonnets de Gongora : le lecteur français ou espagnol n'arrive à l'éblouissement des poèmes qu'au bout d'un parcours ardu, comme celui de l'alpiniste qui finit par arriver au sommet de la montagne. (Il consulte la version française, la vérifie dans le texte espagnol, en lit les paraphrases et les analyses, cherche dans l'édition Castalia augmentée les commentaires, reconstruit le texte original etc - et tombe foudroyé) ... de même, le lecteur français qui sait de l'anglais, s'il veut bien lire Pound, a besoin pour son entreprise de trois livres en même temps : celui-ci, la traduction française ; évidemment, le texte anglais, si possible dans cette belle édition américaine cartonnée, au beau papier, aux belles impressions ("The Cantos of Ezra Pound", New Directions, New York) : l'âpre anglais de Pound résonnera à ses oreilles que le français charme encore un peu trop ; enfin, grâce à Carroll F. Terrell, "A companion to the Cantos of Ezra Pound", ouvrage de 800 pages où absolument tout, allusions, références, textes étrangers, idéogrammes chinois, vers d'italien médiéval, noms propres, etc, toute la matière première est recensée et éclaircie poème après poème, et expliquée. Puis, il relira le poème. Cette littérature, comme tout ce qui a de la vraie valeur, ne se livre pas d'emblée au coin de la rue : elle doit rendre modeste, studieux, obstiné, car ce qui attend le bon lecteur dépassera toutes ses espérances.
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Poèmes

L’ultime noblesse, c’est de pouvoir utiliser des références classiques et mythologiques sans devenir plombant comme Victor Hugo, en les faisant vivre dans une geste poétique qui vous les rendra plus vivants que votre conjoint. Le ciel batifole sur terre, les bébés se réconcilient avec les anciens.





Certes, ces poèmes sont des traductions. Ezra, celui qui donna des frissons à l’Europe du siècle dernier, écrivait en anglais. Eh bien, ça ne se voit pas. Sans doute que les traducteurs sont fort bons, sans doute aussi qu’Ezra n’était pas une brêle. Lisez-moi donc un peu ce Vaucrant plein de syllabes grasseyantes qui roulent sur le palais :





« Hommes qui lamont vivez,

sur terre ferme et de liesse,

sachez que je, sur la mer gelée, vagant,

misérable soucieux, en exil miséreux,

traversai l’hiver séparé de mes frères,

grêlé par les neiges drues, triblé,

hersé par les pluies de grêle, lairré,

au ressac des lames glacées errai,

sur la mer marâtre, vaucrant ;

qu’à seule joie j’odis les cris

des pétrels et des fous

que j’eus pour vin la clameur

des frégates et des cygnes.

[…]

Bruine la nuit, druge la neige,

le frimas bruit la terre,

les grêles gâtent les fonds.

Le cœur m’étonne à vouloir

que je vaucre au maugré des marées.

[…]

Tombel voile torbel, mar est le ber.

ses pairs péris le vieil homme gémit

sur les lignages rendus à la terre

qui ne savent plus ni dolor ni joie,

le corps mort, ni manier ni juger.

Et s’il orne d’or ses frères

inhumés sous les tertres,

il dilapide ses ors. »





Faites comme moi. Apprenez de beaux poèmes par cœur lorsque vous marchez dans la ville pour vous rendre de votre piaule au centre commercial. Pashiphaée, Endymion et toute la clique n’auraient pas fait mieux.

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Je rassemble les membres d'Osiris

Au départ, il y avait le langage. Parlons peu mais parlons bien. Pas beaucoup d’hommes, la continuité existentielle, la proximité du langage et de ses origines, qu’Ezra Pound suppose essentiellement matérielles. Au fil du temps, il y a eu multiplication des hommes, des activités et des informations. Ça bruisse de partout, souvent pour ne rien dire, et le mot commence à puer. C’est le monde moderne, que voulez-vous, on ne va pas arrêter le progrès par nostalgie ?





Pour emmerder tout le monde, marchant à contre-sens sur une autoroute pleine de petites voitures affolées, Ezra Pound s’est passionné pour les chants des troubadours dans lesquels il reconnaissait une forme musicale achevée qui ne négligeait ni la mélodie, ni le rythme. La découverte de Confucius tomba à point nommé pour le confirmer dans ses impressions. Ernest Fenollosa l’introduisit à la lecture des idéogrammes et on imagine quel fut son choc lorsqu’il découvrit le signe représentant la plus haute musique :



http://i18.servimg.com/u/f18/15/43/25/84/haute_10.jpg



Il faut lire le signe comme s’il s’agissait d’un dessin. En cherchant à revenir au plus simple. La musique apparaît alors comme le portrait sur pied d’un homme. Autour de sa tête, les deux volutes rythmiques figurent la musique parfaite. Elles entourent l’homme, symbolisent un mouvement (qui ne se trouve pas forcément dans le seul mot de « musique ») qui le dynamise et le porte vers l’élévation. Le signe percute Ezra Pound plus que toute critique musicale inspirée de son époque. Il y a dans l’idéogramme un mouvement primitif et éclairé en lequel il se reconnaît. Il poursuit alors son étude des idéogrammes et confronte ses propres traductions à celles de ses prédécesseurs, débusquant les interprétations fallacieuses d’un ethnocentrisme nauséabond. La traduction du Tao par les mots « vérité » ou « verbe » lui semble ainsi incorrecte car elle oublie la notion de mouvement représentée par l’empreinte du pied à gauche (à droite se trouve la tête) :



http://i18.servimg.com/u/f18/15/43/25/84/tao10.jpg



Ezra Pound est excité : il a découvert une écriture qui se déchiffre comme un rébus. Dans son idéalisme, il la rêve transparente et affirme qu’elle ne peut pas mentir, parce qu’elle n’est pas abstraite. De même, le confucianisme –le vrai, et non pas celui que l’on coupe de ses sources pour lui faire dire tout et son contraire- représente à son avis le modèle politique parfait qui s’intéresse à la vie (au manger) plutôt qu’à la mort (aux questions métaphysiques). Il admire également sa moralité, qui ne se justifie pas par les chimères des menaces et des récompenses, qui ne connaît pas le concept de péché et qui lutte contre les superstitions de toutes formes.





Si nous avions encore un Confucius, le flot des « immondes écrivains » qui ne font rien d’autre que « répandre la confusion dans l’esprit de leurs lecteurs en parlant des « systèmes » d’inflation, de résiliation, des problèmes du crédit » et qui produisent des « œuvres qui ne servent à rien », une « moisissure de livres qui n’aboutissent à rien » - ce flot-là serait bien vite jugulé. On arrêterait de se croire à la foire, on deviendrait un peu moins bouffon. On a souvent expliqué la vénération qu’Ezra Pound éprouvait vis-à-vis de Mussolini en invoquant son intérêt pour la Renaissance italienne dynamique et la continuité des dynasties chinoises. C’est peut-être vrai, mais pas seulement. Si on se prend à spéculer, on peut dire qu’Ezra Pound n’aimait pas cette société moderne qui avait réservé les choses artistiques à une élite avinée et remplie de petit-four jusqu’aux amygdales. Son crime le plus abject : avoir fait naître la notion de « culture » comme élément de distinction. Avoir gardé jalousement les belles choses, faisant croire aux autres qu’ils ne pouvaient pas les comprendre. « Pourquoi les belles choses se passent-elles toujours seules dans leur coin ? Faut-il en rendre responsable la démocratie ? »





En contrepoint, Ezra Pound montre l’exemple du chant du Laboureur, daté du 16e siècle et qui, selon lui, nous rappelle que « la démocratie n’a pas commencé avec la Révolution française ; et que des auteurs plus anciens ont pensé au problème du travail, car ce chant n’est pas fait par un travailleur mais par un poète attentif et indigné, et d’une réussite estimable ». La démocratie serait donc une tyrannie comme les autres et si elle convient à certains, Ezra Pound et son besoin d’une âme vive, concrète et sincère ne peut s’en satisfaire.





De toutes les considérations précédentes, on comprend mieux l’œuvre de traduction d’Ezra Pound. Son objectif était de rendre accessibles les classiques relégués aux oubliettes à cause des intellectuels, professionnels des langues anciennes, garants d’un langage inerte mais reconnu dans le monde clos des doctes. Pour Ezra Pound, il est moins important de respecter mot à mot le texte original que d’en restituer la valeur dynamique, de faire réapparaître toute la vie qui en fut à l’origine, comme on ranimerait un mort jamais décomposé. Sa méthode relève de l’infusion, procédé télépathique vers l’au-delà, résurrection d’un homme et de son monde, télescopage schizophrénique dans une autre peau, des autres mœurs, d’autres façons de penser. Il faut se laisser imprégner par les enjeux vivants de la pièce, imaginer un Sophocle fait de chair, de sang et d’os, qui bande et qui pleure, pour le comprendre dans l’âme. Il faut comprendre la pièce elle aussi, découvrir la « phrase clé pour laquelle existe toute la pièce » (dans les Trachiniennes : « Tu ne peux plus aller contre, mon fils, quelle SPLENDEUR, TOUT S’ACCORDE !") afin de broder un cheminement littéraire qui gravira des sommets avant de s’apaiser lentement vers son dénouement. Tout autre mouvement est bien entendu envisageable, personne ne respire exactement comme son voisin.





Ezra Pound détestait que la tête et le corps soient coupés. S’il considérait que le fascisme pouvait réaliser la réconciliation, c’est parce que la démocratie l’avait déçu. On a enfermé Ezra Pound pendant trente ans dans un asile psychiatrique, préférant faire croire qu’il était fou plutôt que de se demander s’il n’avait pas raison de remettre en cause un système qui drague sa foule pour mieux la maintenir à distance des belles choses. Tout ça parce qu’ils se prennent pour la tête, et parce qu’ils méprisent le corps.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Des imagistes : Anthologie 1914

On sait qu’Ezra Pound considérait que notre société ne méritait que la mort à cause de l’usure qu’elle nourrissait. C’est sans doute pour cette raison que son anthologie imagiste comporte si peu de poèmes. Sait-on jamais, faudrait pas qu’ils pourrissent trop vite eux aussi, comme tout le reste, les salauds.





Cette mince anthologie regroupe donc des poètes anglo-saxons du début du 20e siècle. Ezra les a sélectionnés parce qu’ils répondent aux critères du mouvement de l’Imaginisme (intérêt le plus strict pour la poésie et sa forme). Bordel, si je l’avais su, j’aurais peut-être veillé à deux fois avant de me jeter dedans, mais que voulez-vous, Ezra me suffisait comme argument publicitaire.





Au programme de l’imaginisme, des aspects positifs (liquidation de l’héritage victorien et du romantisme de l’époque edwardienne, disparition des adjectifs ornementaux, traitement direct de la chose), mais aussi des aspects un peu plus barbants (défense du mot juste, inspiration bucolique, élitisme genre private jokes avec le monde de l’antiquité).





Les aspects positifs n’apparaissent pas forcément dans les poèmes de cette anthologie. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant des aspects chiants.



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Les cantos

Voilà que la littérature devient moderne. Nous crûmes trop longtemps les lettres et les poèmes expression d'un moi prétentieux et, il faut le dire, très inutile. Et voilà que Pound et toute la galaxie des objectivistes renie ce je, retourne ce je, pour faire venir la poésie du monde et restitué, de la plus neutre façon par la plume d'un auteur. C'est alors que vraiment le poète devient medium et non ces satanés vers idiots et tremblants d'un Musset très crétin
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ABC de la lecture

C'est en écoutant la chanson Desolation row de Bob Dylan (Album Highway 61 revisited) que j'ai entendu le nom Ezra Pound Pour la première fois.And



Ezra Pound and T. S. Eliot

Fighting in the captain’s tower

While calypso singers laugh at them

And fishermen hold flowers



Le poète américain fut le premier à utiliser la versification libre, et, selon certains dylanologues avertis, aurait été à l'origine du choix de la technique d'écriture du chanteur.



" Si Ezra Pound n’avait pas existé, écrit Humphrey Carpenter dans sa monumentale biographie.....il aurait été très difficile de l’inventer. "

Et Bob Dylan, non plus ?



Dans ABC de l'écriture, Ezra Pound démontre sa grande connaissance et sa grande maîtrise des oeuvres poétiques et littéraires du monde entier.



Ouvrage d'initiation, ouvrage initiatique, pour l'auteur débutant, ou le lecteur avide de découvertes.

Pound ne se limite ni aux classiques ni à la période contemporaine.




Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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Le travail et l'usure

À la mort de Lincoln, le véritable pouvoir passa des mains du gouvernement officiel des Etats-Unis à celles des banquiers. Le système démocratique commença à périr. Depuis, il est dérisoire de parler de ce pays comme d’une puissance véritablement autonome. La fortune de Morgan débuta lors de la guerre de Sécession quand il acheta à crédit au ministère de la guerre à Washington un lot de fusils déclassés qu’il vendit à un commandant texan lequel les paya avant même que Morgan fut obligé de rembourser le ministère. Morgan en tira 75 000 dollars de bénéfice net ! En 1694, dès sa fondation, la Banque d’Angleterre se mit à pratiquer l’usure sur de l’argent créé à partir de rien. Un des Rothschild disait lui-même : « Il y en a peu qui comprendront ce système et ceux qui le comprendront seront occupés à en jouir. Le public ? Comprendra-t-il jamais que ce système est contraire à ses intérêts ? »

« Le travail et l’usure » se présente comme un essai en trois parties écrit en 1944 dans un but didactique et pédagogique. Pound veut montrer au lecteur les coulisses de l’économie. Il dénonce les dangers de l’usure, les intérêts d’une dette qui finit par ne plus être remboursable au fil des ans. Bien avant Sylvain Laforest (« Guerres et mensonges »), il démontre que ce sont les ploutocrates qui suscitent les guerres en série avec l’intention de créer toujours plus d’endettement et donc de s’enrichir toujours plus. L’intérêt de cette œuvre brève et aisée à lire et à comprendre, réside dans l’énoncé d’une possible solution par l’interdiction de l’usure (écrite en toutes lettres dans toutes les grandes religions et mise en place pendant un temps en Allemagne) et le remplacement de l'argent classique par une monnaie « franche » ou « fondante », c’est-à-dire dépréciable à intervalle régulier, concept prôné par Silvio Gesell (1862-1930), réformiste allemand, proudhonien, théoricien de l’économie, admiré par Keynes et parfois repris de nos jours pour certaines monnaies locales. Que se passerait-il si nos billets avaient une durée de vie limitée par exemple à 100 mois ? L'argent circulerait plus et mieux. « Le peuple aurait une plus saine idée des valeurs. Il n’adorerait plus l’argent et ne serait plus aux ordres des banquiers. » L’économie ne risquerait plus l’inflation, la déflation, les krachs boursiers, et les guerres deviendraient beaucoup plus rares. Rien que pour ce concept, le livre mérite d’être lu !
Lien : http://www.bernardviallet.fr
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Les cantos : [extraits]

Pour moi c'est du chinois. Ce mélange de langues, ces sortes d'idéogrammes latins, ces fractions de phrases accolées les unes aux autres, cet hermétisme volontaire ou non ne me dérange pas, il faut croire qu'il y a dans la poésie une syntaxe libre comme des vers libres. Je trouve même une sagesse particulière à la tradition du trobar clus. Elle demande adaptation et intérêt. Un intérêt à taux élevé, j'imagine, et usant, si l'on est impatient (un paradoxe pour une écriture aussi nerveuse). C'est différent si l'on s'arrête sur ces Cantos comme devant un paysage, un tableau ou un concert.

Qui peut les comprendre ? D'abord, qui lit le latin, le grec, ou même l'occitan (je crois qu'il y en a quelques phrases) avec suffisament d'aisance pour goûter la créativité de Pound, pour ressusciter ces langues qui ne sont pas mortes pour lui. Mais même avec cela, qui possèderait l'exacte culture de l'auteur, accumulée sur des dizaines d'années ? Il faut être serein face à cette multiplication de noms propres, face à cette solitude de la mémoire, et ne pas chercher dans cette traduction partielle autre chose qu'une initiaton partielle. J'ai lu les Cantos proposés dans cette édition plusieurs fois et je les relirai encore longtemps et peut-être avec les autres et dans l'ensemble de leurs langues originelles, c'est-à-dire que bizarrement il en manque ici une seule, la principale.
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Les cantos

Difficile de mettre des étoiles à tel texte comme si l'on notait une chambre d'hôtel ou un restau.

L'Odyssée, la Divine Comédie, les idéogrammes chinois, des siècles d'Histoire, tout cela ramassé dans des Chants au souffle épique.

Dans la même famille de T.S. Eliot (Pound l'a aidé à composer The Waste Land), voilà de la poésie qui se lit avec un mode d'emploi, tant les références littéraires, culturelles, historiques, affleurent à chaque vers. Pound est un peu le Joyce de la poésie du XXème siècle.
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Poèmes

Imagination au RDV
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Le travail et l'usure

Le top
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La kulture en abrégé

Incisif mais daté
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