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Critiques de Gabriela Adamesteanu (28)
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Situation provisoire

Critique de Alexis Liebaert pour le Magazine Littéraire



Prenez quelque chose d'aussi banal que l'adultère. Là où l'homme de Dieu excommunie, le serviteur de l'État inscrit en rouge dans le dossier des amants : « éléments peu fiables », voire «vipères lubriques». On comprend mieux, dès lors, que la belle Laetita et le jeune Sorin multiplient, depuis des années, les précautions visant à garder secrète leur histoire d'amour. Et comment qualifier autrement cette furie charnelle qui les jette l'un contre l'autre sur le lit de l'appartement de banlieue minable que leur prête un ami ?

Nous sommes en Roumanie sous le « règne » de Nicolae Ceaus?escu, une période qui hante tous les romans de Gabriela Adamesteanu. Rien de très surprenant : la romancière appartenait à la catégorie des « dalmatiens », ceux dont le curriculum vitæ était à l'image du pelage de ces chiens, parsemé de taches noires. Sérieux handicap, en effet, que d'être la fille d'un prêtre orthodoxe et d'une mère spécialiste d'économie dans un monde où les mots « religion » et « intellectuel » riment aux yeux du pouvoir avec « asocial » ou, pis, « potentiellement séditieux ». D'où cette entrée en littérature à l'âge de 33 ans, plus de dix ans après ceux de sa génération, pour cause de rejet viscéral du réalisme socialiste.

Mais revenons à nos deux amants et à leur clandestinité. Pour dire les choses sans fard, ils ne sont pas non plus « blanc-bleu » aux yeux des caciques de la Securitate, la redoutable police politique du Génie des Carpates. Sorin est, même s'il ne le sait pas (ses parents adoptifs lui ont dissimulé la vérité), le fils naturel d'un « légionnaire », ces miliciens fascistes qui, dans les années 1930, précédèrent les communistes dans le rôle de bourreaux du pays. Les choses ne sont pas plus faciles pour Laetitia, fonctionnaire comme lui et romancière à ses heures, dont les parents appartenaient à la catégorie honnie des bourgeois aisés, avant de se voir confisquer leurs biens par la révolution en marche. Une ascendance que lui reproche amèrement son mari, bloqué dans son ascension au sein du corps enseignant de l'université. Au pays du « Camarade », l'autre dénomination de l'ogre, on est tenu pour responsable des agissements de ses parents comme de ceux de son conjoint.

On l'aura deviné, même si la relation entre eux reste la colonne vertébrale autour de laquelle il s'organise, ce roman tire sa force de cette plongée dans la réalité quotidienne de vies soumises aux foucades du tyran et de ses sbires. Un exercice dans lequel Gabriela Adames?teanu excelle, nous racontant un monde dont la paranoïa destructrice laisse sans voix. Nous voici donc pénétrant, en compagnie de Sorin et de Laetitia, dans « L'Édifice », le bâtiment abritant « L'Institution », mystérieux service chargé de rédiger « Le Traité exhaustif de la République socialiste de Roumanie ». Ici, tout n'est que complot, chacun surveille l'autre, sous les yeux de chefaillons toujours prompts à rapporter aux « organes » les délits réels ou imaginaires de son voisin de bureau. Dans cet enfer, que Gabriela Adames?teanu raconte dans une langue d'une élégante simplicité, le bonheur n'est évidemment pas à l'ordre du jour. Nos deux tourtereaux finiront par être usés, broyés par la grisaille, la mesquinerie de ce monde sans grandeur. À l'amour succédera la lassitude, puis la rancune. Il ne faisait pas bon s'aimer au pays du Conducator.

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Une matinée perdue

Une femme âgée,pauvre depuis sa naissance,qui a dû lutter toute sa vie

contre la misère en s' usant au travail,rend visite à d' anciens riches devenus pauvres à cause du régime communiste qui les a spoliés...

C'est un "roman-chorale",dans lequel le narrateur change à chaque

chapitre:on a donc plusieurs visions et versions des mêmes faits.Se

développe alors une étrange antipathie,mesquine et cruelle:la pauvresse

n'a que mépris pour les riches qui n'ont jamais travaillé et ne savent rien

faire de leurs doigts;ces derniers dédaignent la femme du peuple, ignorante

et sans éducation...Analyse impitoyable d'une société fragile,égoïste,

souvent corrompue,qui n'a pas encore atteint le niveau de la démocratie.

Dommage que ce commérage devienne envahissant ,interminable,

fatalement répétitif:deux cents pages en trop,hélas!!
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Vienne le jour

Un très beau roman d'apprentissage et beau portrait de femme sensible .
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Vienne le jour

Ce récit se focalise sous les yeux d’une jeune roumaine, qui grandit au sein d’une famille brisée, elle-même enfermée dans ce pays totalitaire à la société quelque peu fracturée.

Cette famille, un peu spéciale, amputée de quelques-uns de ses membres, se compose de notre narratrice Letitia, de sa mère, du frère de cette dernière, son oncle Ion. Se greffe à ce trio, le frère cadet de la mère et de l’oncle ainsi que l’ombre du père, lequel, même s’il est absent, pèse sur la relation entre la mère et sa fille. Letitia, même si elle est dépossédée de tout souvenir la rattachant à ce père inconnu, est hantée par cette figure, qui possède une aura forte puisqu’il a été emprisonné pour résistance politique. Face à l’image paternelle, qui apparaît d’autant plus héroïque et prestigieuse, que rien ni personne n’est en mesure de contester, il y l’oncle Ion, le frère, ersatz de père qui mène la famille à bout de bras, mais qui peine pourtant à se voir aussi respecté par sa nièce, par la société, par le gouvernement socialiste. L’état de cette famille n’est que le reflet de cette société écrasée par le poids de son oppresseur, son gouvernement, le contrôle obsessionnel et la paranoïa des autorités qui rendent la vie roumaine difficilement supportable.





Letitia, jeune fille puis jeune femme dans un pays qui a perdu sa raison, s’acharne à se définir, définir sa place au sein d’une société, comme d’un cercle familial qui tout deux qui ont la fâcheuse tendance à la laisser de côté en la confinant dans un état d’ignorance la plus totale. Avançant à tâtons, elle n’a d’autres choix que de progressivement faire entendre sa voix, s’affirmant peu à peu malgré la tendance de ce régime communiste à uniformiser ses membres, à anonymiser ses entités, à lisser ses personnalités et à museler ses voix. Letitia cherche sa voix, tortueusement, lentement, envers et contre le domicile familial qui ne s’avère être guère plus grand qu’une pièce, à travers le dortoir estudiantin qui accumule les lits des unes, des autres. C’est une voix, toute en douceur, qui s’élève et s’affirme peu à peu pour trouver sa place, donner un sens à une vie que sa mère et son oncle ne font que subir.



Si Letitia semble un peu mièvre et inconsistante aux premières pages de son histoire, c’est à travers la perte, et ses regrets qu’elle engendre inévitablement, qu’elle expérimentera l’accès à la connaissance. Cette jeune fille qui se trouve soudainement confrontée à ses faiblesses, son propre égoïsme, son aveuglement, son renfermement mais aussi sa solitude et son chagrin à laquelle nous nous trouvons confrontés. Et face au silence assourdissant de son entourage, sa mère et son oncle, eux-mêmes éteints par un régime qui les a anéantis, cette machine à broyer les gens qui a fini par avoir raison d’eux tous, mais pas – encore – de Letitia, se ressent péniblement. Cette autorité supérieure, inconnue, indéfinissable, désigné sous les termes de « les cadres » ou « Monsieur-des-cadres » néanmoins pesante, menaçante et omniprésente, oppressante.



Quel monde incongru, cette Roumanie désincarnée de toute âme vive, ou le mérite ne revient qu’à celui qui obéira le mieux possible aux ordres supérieurs l’auteure nous présente-t-elle. L’individu est annihilé, détruit, l’oncle Ion, après la narratrice, a été à mes yeux le personnage, à la fois dramatique et héroïque, le plus épais de la vie de Letitia, elle-même partagée entre deux tensions, la révolte du père face à la résignation fataliste de sa mère et son oncle. Tragiquement, ce roman porte également sur cet héritage moral et spirituel que l’on reçoit de ses proches, mais qui ne comprend et s’assimile que trop tard. Du temps est nécessaire à Letitia pour que l’adulte qu’elle deviendra comprenne les sacrifices de cet oncle et sa valeur, homme d’esprit, homme de lettres, homme d’honneur, homme de générosité. Héritage qui ne sera, bien heureusement, pas vain.





Je me suis prise à apprécier observer le regard de cette jeune fille devenue jeune femme, qui s’éloigne, tant matériellement que métaphoriquement, de l’enfant qu’elle était, qui ne comprenait pas forcément le monde comme les personnes qui l’entourait. Une jeune adulte qui apprend à se détacher de ce qui n’est plus, à quitter les dernières traces de tout ce qui constituait son enfance, non sans mal il est vrai. J’ai suivi avec intérêt les errements de cette jeune fille, roumaine parmi tant d’autre, les évolutions de son regard qui change, qui s’aiguise, peut-être plus sensible, avec cette forme d’indépendance financière, spirituelle qu’elle acquiert avec le temps. Et, surtout, la levée des silences entre Letitia et sa mère, son oncle, son père, comme si le long récit qu’elle en fait servait à combler cette absence de communication et en éclaircir les non-dits. Car on ressent particulièrement cette volonté absolue de poser des mots sur cette histoire silencieuse en s’exprimant le plus possible. Comme si le verbiage prolixe de Letitia tentait de combler à tout prix les lacunes du silence assourdissant de son enfance.



C‘est un roman plaisant, qui fait appel à une écriture très imagée, poétique, fortement marquée par des influences visuelles, notamment celui du thème de la lumière, qui joue sur les ombres et les lumières de ses personnages, de la Roumanie et ses paysages, de Bucarest, de la lourdeur de ses étés et de la froideur de ses hivers, de la pauvreté et le besoin qui consument les Roumains, de la froideur de la vie en communauté déshumanisante. Mais la lumière de ce pays est artificielle, aveuglante; C’est ne pas un roman qui vous émerveillera, qui soulèvera joie ou de peine, qui vous transportera d’émotion. C’est un récit, en trois longues parties, dans lequel il faudra prendre le temps, et la peine, de s’engouffrer, non sans mal. Se laisser le temps de découvrir le charme simple et discret de l’histoire de Gabriela Adameșteanu à l’image de Letitia son personnage.
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Situation provisoire

La grande Gabriela Adamesteanu fut le porte-drapeau de la dissidence roumaine. Avec Situation provisoire, elle signe un récit terrible sur le viol de la vie privée en régime totalitaire.
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Une matinée perdue

Gabriela Adamesteanu est une grande voix de la littérature roumaine d'aujourd'hui. Fille de pasteur, née dans une famille intellectuelle à une époque où il fallait baisser la tête, elle dépeint la vie quotidienne avec acuité : les petites gens des campagnes, les bourgeois au ventre mou, la soumission à la Securitate ...
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Fontaine de Trevi

Ce grand classique de la littérature roumaine « Fontaine de Trevi » est une référence. Un outil majeur pour les étudiants (es), en langue roumaine et en histoire.

La fontaine de Trevi dont le symbole est la mer. Serait-ce ici, le point qui relie la Roumanie et la France ? Ou bien celui de Letitia (narratrice de ce récit) dont la photo la montre en train de jeter une pièce roumaine dans la fontaine ?

« Sur la photo qu'aurelien a agrandie on voit très bien que c'est une pièce roumaine! Des mythologies et des rites préchrétiens. L'orthodoxie roumaine ! ».

Cette épopée d'une extrême richesse est une déambulation sur cinquante ans.

C'est Letitia, roumaine le maître d'oeuvre de ce récit. Ce roman le troisième d'un triptyque, après « Vienne le jour », et « Situation provisoire », clôture le cycle de Letitia. Tous peuvent se lire individuellement.

L'autrice, Gabriela Adamesteanu a écrit ce dernier lors d'une résidence d'écriture en France.

Oeuvre de renom, l'ubiquité au garde à vous, Letitia vit en France et retourne de manière constante en Roumanie pour tenter de récupérer son héritage. Petru Arcan, son mari, ressent les périples de Letitia comme autant de jours inefficaces et pointe du doigt l'idiosyncrasie roumaine. « Voilà le pays où tu fais la navette, sous le prétexte d'un héritage, sur lequel tu ne mettras jamais la main, jamais de la vie. Et tu veux encore me traîner là-bas, dans ce pays où tout le monde te jette à la figure sa biographie falsifiée… Ensuite, après 1990, même les gens remplis de bon sens ont perdu la boule ! Regarde ton ami Aurelien Morar ! L'anti communiste d'aujourd'hui, hier secrétaire de la propagande du Parti communiste … Vous ceux du « dehors » vous ne reconnaissez rien de bon ici, parce que vous ne pourriez plus justifier votre départ ».

Letitia retrouve les siens, les amis d'antan. Soulève les diktats, les faux-semblants, ce qui fut de cette Roumanie, elle Letitia Arcan en 2016.

Bucarest, 1990, la paix retrouvée. Après les drames incommensurables, les jeunes roumains, manifestants ou pas, écrasés par les chars. Jetés en prison, ou comme Serban Dumitriu, fauché par une balle le 21 décembre 1989. La fontaine de Trevi est en deuil.

Letitia rassemble l'épars. Manichéenne, lucide et la quête de son héritage pour acter la résilience. Les confiscations, les frustrations, les orphelins quasi abandonnés, la faim aux abois et les petits corps souillés par manque de froid. Les joues froides sans baisers de tendresse maternelle. Les avortements clandestins, celui de Letitia, où elle a échappé à la mort et se trouve mutilée à vie. La Roumanie est une blessure et un sanglot long. Elle dont les images pavloviennes refont surface. L'amant, les déchirures, les rencontres et les abandons. Elle revient, repart. Foule sa terre-mère et se blottie dans les draps des souvenirs. Tant d'années sont passées et tout reste. Letitia aussi écrit comme Gabriela. Serait-ce le double cornélien des héroïnes d'une écriture mémorielle et insistante ? Ne rien oublier, jamais. Le pays natal est un manteau de pluie. De noir et de blanc, précis et spectral. La métamorphose sera pour demain.

Le roman est envoûtant, tiré au cordeau. On ressent la renaissance d'une époque si près de nous encore. le poids d'un livre profond et vertigineux. Les rêves blessés, les frustrations, les déchirures irrévocables. Letitia et ses courages, Letitia et ses luttes. Elle incante l'histoire d'une Roumanie sous le joug d'une dictature cruelle, lâche et minable. Les sentiments invincibles, parfois fluctuants au gré de l'évènementiel, la chute d'Icare.

Entre le passé et le présent « Dans quel monde vous vivez, Letitia ! Qu'est-ce que c'est devenu, cet Occident ! À Nice, pareil… À Berlin...À Stockholm... ». « Mais y-a-t-il encore un endroit sur terre qui soit dépourvu de ces écervelés ? ».

L'héritage est une parabole. Ce n'est pas seulement l'argent, c'est une question d'honneur et d'intégrité pour Letitia. Et la conclusion de ce qui fut de l'adversité, de ce mal au ventre, de ce bébé perdu, arraché parce que Letitia voulait la liberté. Être son choix. Des pillages aux filatures, des tortures et des barbelés sur le coeur. Ce grand roman est une saga qui sonne juste. Sa fulgurance est une page d'Histoire dévorante et hypnotique.

« Fontaine de Trevi » superbement traduit par Nicolas Cavaillès est un grand texte mémoriel. Un livre absolu digne d'un génie évident. La Roumanie requiem. Publié par les Éditions Gallimard.



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Une matinée perdue

Un livre que j'ai lu avec beaucoup de plaisir lors d'un voyage en Roumanie. On y découvre la vie de Vica et de son entourage à Bucarest, avec en toile de fonds l'histoire du pays au début du XXième siècle et sous la période communiste. J'ai également apprécié le franc parler de Vica qui m'a fait rire à plusieurs reprises - ce qui n'est pas courant dans les livres traitant de la vie quotidienne sous le communisme.
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