Citations de Georges Bernanos (989)
L'humanité a été victime jusqu'à ce jour de beaucoup d'expériences, mais ces expériences étaient jadis des expériences empiriques, elles étaient faites au petit bonheur, elles se contredisaient souvent les unes les autres. C'est pour la première fois qu'elle entre dans un laboratoire admirablement outillé, pourvu de toutes les ressources de la technique et dont elle peut sortir mutilée à jamais.
"Il faut expier pour les morts. Il faut réparer pour les morts afin qu'ils nous délivrent à leur tour. La réconciliation des vivants n'est possible qu'après la réconciliation des morts. Ce ne sont pas tant les erreurs des morts qui empoisonnent notre vie nationale, que les rancunes ou les dégoûts qui leur survivent [...]"
Il n'est de véritable déception que de ce qu'on aime.
Qui jouit, craint la mort.
L’impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d’autrui.
Ce n’est pas l’usage de la force qui me paraît condamnable, mais sa mystique ; la religion de la Force mise au service de l’Etat totalitaire, de la dictature du Salut Public, considérée, non comme un moyen, mais comme une fin.
À nous entendre on croirait trop souvent que nous prêchons le Dieu des spiritualistes, l'Être suprême, je ne sais quoi, rien qui ressemble, en tout cas, à ce Seigneur que nous avons appris à connaître comme un merveilleux ami vivant, qui souffre de nos peines, s'émeut de nos joies, partagera notre agonie, nous recevra dans ses bras, sur son cœur.
Non, s’ils souffrent que vous brisiez, par une mesure inouïe, le pacte national, car des que vous aurez fait, par simple décret, des millions de français soldats, il sera démontré que vous disposez souverainement des personnes et des biens de tous, qu’il n’y a pas de droits au-dessus du votre, et dès lors où s’arrêteront vos usurpations ? N’en n’arriverez-vous pas à prétendre décider du juste et de l’injuste, du Mal et du Bien?
La tyrannie abjecte du Nombre est une infection lente qui n'a jamais provoqué de fièvre. Le Nombre crée une société à son image, une société d'êtres non pas égaux, mais pareils, seulement reconnaissables à leurs empreintes digitales.
Mais le plus mort des morts est le petit garçon que je fus...Après tout, j'aurais le droit de parler en son nom. Mais justement, on ne parle pas au nom de l'enfance. Il faudrait parler son langage. Et c'est ce langage que cherche de livre en livre.
De toute manière l’indignation, même justifiée, reste un mouvement de l’âme trop suspect pour qu’un prêtre s’y abandonne.
Le pauvre n'est pas un homme qui manque, par état, du nécessaire, c'est un homme qui vit pauvrement, selon la tradition immémoriale de la pauvreté, qui vit au jour le jour, du travail de ses mains, qui mange dans la mains de Dieu, selon la vieille expression populaire. Il vit non seulement de l'ouvrage de ses mains, mais aussi de la fraternité des autres pauvres, des mille petites ressources de la pauvreté, du prévu et de l'imprévu. Les pauvres ont le secret de l'espérance…
Extrait de "La Vocation spirituelle de la France"
La férocité du mépris que Saint-Marin témoigne aux sots étonne d'abord, car il affecte volontiers par ailleurs un scepticisme complaisant. Mais c'est ainsi qu'il peut manifester au-dehors, avec un moindre risque, sa haine naturelle des infirmes et des faibles.
En vain il s'efface, se fait plus humble, fuit toute amitié nouvelle, sa solitude même a l'air de tenter les plus indifférents, sa timidité un peu farouche les défie, sa tristesse les attire.
Il était de ces gens qui savent porter la haine, mais que la haine ne porte pas.
Comme nous savons peu ce qu'est réellement une vie humaine ! La nôtre. Nous juger sur ce que nous appelons nos actes est peut-être aussi vain que de nous juger sur nos rêves.
La réflexion lui est si peu familière qu’elle n’a aucune conscience de l’effort qu’elle fait pour comprendre. S’il lui arrive de s’échapper souvent d’elle-même, grâce au rêve, elle a perdu depuis longtemps le secret de ces routes mystérieuses dans lesquelles on rentre en soi .
Rien de ce qui arrive n’arrive en vain.
Le premier signe de corruption, dans une société encore vivante, c'est que la fin y justifie les moyens. Mais la preuve que la nôtre n'est plus vivante, c'est que les moyens sont devenus la fin. Ils n'ont ainsi besoin d'aucune justification.
"Le café au lait à Paris, l'apéritif à Chandernagor et le dîner à San Francisco", vous vous rendez compte !... Oh ! Dans la prochaine inévitable guerre, les tanks lance-flammes pourront cracher leur jet à deux mille mètres au lieu de cinquante, le visage de vos fils bouillir instantanément et leurs yeux sauter hors de l'orbite, chiens que vous êtes ! La paix venue vous recommencerez à vous féliciter du progrès mécanique. "Paris-Marseille en un quart d'heure, c'est formidable !" Car vos fils et vos filles peuvent crever : le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l'éclair. Que fuyez-vous donc ainsi, imbéciles ? Hélas ! c'est vous que vous fuyez, vous-mêmes — chacun de vous se fuit soi-même, comme s'il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau... On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas ! la liberté n'est pourtant qu'en vous, imbéciles !