Citations de Harry Crews (136)
Ce n'était pas un môme, à proprement parler, mais George le considérait toujours comme tel. C'était le fils de sa soeur. Vingt-deux berges, d'un vocabulaire et d'une intelligence très limités, mais beau dans son genre, grand, mince, la bouche molle mais parfaitement dessinée, et les cheveux couleur des blés. C'était un enfant unique. Le mari de sa frangine s'était fait la malle dès qu'il avait repéré que le gosse n'était pas normal – comme on fuit les lieux d'un crime.
Les caribous, par exemple. Tout le monde a entendu parler de l'oléoduc et du caribou – ce magnifique troupeau de bêtes, en juste équilibre sur la courbe du progrès, face à ce magnifique troupeau de gens, vous et moi. Nous sommes plus de 205 000 000 ; ils ne sont que 450 000. Chacun de nous – homme, femme, enfant – utilise en moyenne un peu plus de onze litres de pétrole par jour. Les chiffres ont une signification, bon dieu. Alors qu'a l'intention de faire Alyeska* vis-à-vis des 450 000 caribous qui grimpent chaque été au versant Nord pour mettre bas, puis migrent par la chaîne de Brooks où ils sont assurés de rencontrer l'oléoduc ? Aux endroits où des sections émergeront à la surface et risqueraient d'interférer avec le parcours naturel de migration du caribou, Alyeska construira des souterrains pour permettre le passage des animaux. Si si, des souterrains. Les caribous emprunteront-ils les souterrains ? Ils ont foutrement intérêt s'ils veulent aller là où ils vont depuis des centaines d'années.
* Alyeska Pipeline Service Company : regroupement de compagnies pétrolifères exploitant les oléoducs en Alaska.
Le whisky avait rendu Joe Lon amer. Enfin, il supposait que sa mauvaise humeur était due au whisky. Il rota et fixa Willard. "Bon, et pis d'abord comment on y joue à ce truc de débat ?"
Willard cessa immédiatement de rire, il prit d'abord une mine sérieuse puis dit sur un ton mauvais : "Tu serais malade si tu voyais ça, Joe Lon. Ils jouent ça avec une petite bague en caoutchouc.
- Une bague en caoutchouc ? répéta Joe Lon, sentant immédiatement la charge de bile outragée que lui pompait son coeur.
- C'est avec ça qu'on y joue. Ces deux types ont des petits chaussons blancs et ..."
La voix de Joe Lon monta d'un cran, incrédule.
" Chaussons blancs !
- Des petites saloperies pointues. Ils s'envoient les petits anneaux de caoutchouc, et le but du jeu c'est de l'attraper avec la bouche.
- Dans la bouche ? brailla Joe Lon en quittant brusquement la table. Dans la bouche !
- En plein dans les dents", confirma Willard.
Joe Lon leva la main, les doigts épais bien écartés, et la contempla un moment. " Bérénice a fait venir ce connard jusqu'à Mystic pour qu'y me serre la main.
- On dirait bien, fit Willard.
- Cette nana est tarée.
- Si je me souviens bien, elle était déjà tarée en partant."
"C'est rapport à ce qu'il est tellement vilain, avec ces foutues jambes ficelées à son cul comme il a".
Ça, c'est Russel Muscle tout craché. C'est pas la gentillesse qui l'étouffe. C'est pas l'intelligence ni la finesse non plus, remarquez. Russel c'est tout du muscle. Tout du Russel Muscle, si vous saisissez ce que je veux dire.
Quand je m'allongerai pour mourir, je n'aurai souvenir plus beau à convoquer que n'importe laquelle de ces journées où j'emmène mon golden retriever et de quoi écrire à la main au promontoire dominant la Suwannee...
— Il ne te restait qu'à espérer que quelqu'un passe et aille chercher du secours.
— Espérer ? Comme je dis toujours, espère dans une main et chie dans l'autre, tu verras laquelle des deux se remplit le plus vite.
(Ce qu'elle pouvait être vulgaire, parfois. Et fielleuse aussi. Ne leur avait-elle pas dit, un jour, à lui et à sa soeur : « Vous êtes les deux moutards les plus piteux qu'une mère a jamais chiés par son trou de cul. »)
Il savait aussi que la folie était plus contagieuse que la grippe porcine. Tout homme doué de bon sens devait se garder de l'attraper.
Avez-vous déjà mis le nez dans un livre? Je veux dire vraiment mis le nez? Tous ses petits mots qu'il y a dedans. Toutes ses lettres. Vous êtes-vous jamais demandé ce que ça implique pour un homme?
George avait quarante-trois berges. L'idée qu'on puisse être déjà vieux après un temps aussi ridiculement bref le fit frissonner. Quarante-trois berges, c'était à la fois moins que rien et la moitié d'une vie d'homme.
— Fils, dit-il, le monde est un tas de merde. Retiens bien ça. Le monde est un tas de merde.
Mais il n'y avait rien à faire. J'avais déjà commis ce qui à Bacon County était l'impensable. J'avais maudit le soleil. Et à Bacon County on ne maudit pas le soleil ni la pluie ni la terre ni Dieu. Elles sont toutes la même chose. Maudire l'une ou l'autre de ces choses, c'est le blasphème ultime.
Les gens pensent que les badauds ne font rien parce que ce sont des trouillards, parce qu'ils ne veulent pas se mouiller. Ce n'est pas vrai. Ils ne font rien parce qu'ils ne remarquent rien, parce qu'ils ne voient pas ce qui se passe. Ça serait complètement différent avec une cage. Ils viendraient en aide à un dresseur de lions si le lion lui sautait dessus. Bon sang, ils fonceraient là-dedans et l'en arracheraient. Ecoutez, je le sais,et je vais vous le prouver.
"c'est ça l'ennui de parler avec les mains. N'importe quel enfoiré avec des yeux pour voir peut écouter"
J'ai avancé la main dans la lumière et j'ai fait :
"Que encuentres un coño a tu medida"
- Hein ?
J'ai répété la même phrase.
- J'y comprends rien, elle a dit.
- Ca s'appelle la malédiction du gitan.
- Dis-le encore.
Je l'ai refait, ajoutant : C'est de l'espagnol.
- Savais pas que tu parlais espagnol.
- J'y connais rien, j'ai fait, mais ça je le sais parce que je l'ai chopé. J'ai la malédiction du gitan. C'est pour ça que je peux le dire.
Deux nichons qui me pendaient devant les yeux comme des glaces à la vanille.
La foule était là, répandue tout autour, son visage blanc tourné vers lui comme un seul homme, implorant la victoire de l’étalon noir.
La vérité, c'est que j'ai jamais aimé rien d'autre que gagner. Autrement dit, vaincre les autres. Dans la vie, il y a les vainqueurs et les vaincus. J'ai pas fait souffrir ma mère à la naissance pour faire partie des vaincus.
Dans ce monde, il y avait une pénurie d'un paquet de trucs, mais les connards pleins aux as, on n'était pas prêt d'en manquer.
Pete était le dernier boxeur à l’avoir mis K.O., le K.O. qui avait fait que Budd l’avait planté à la Nouvelle-Orléans. Quatorze mois plus tard, Pete était septième au classement mondial, une progression fulgurante, mais pas rare en boxe. Et six mois après avoir été septième, il se retrouva projectionniste au Flesh and Flash, ce qui était une dégringolade spectaculaire, mais pas rare en boxe.
C'est un taré de première, un abruti vingt-quatre carats.