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Citations de Henri Bosco (480)


Quand j'étais tout enfant, nous habitions à la campagne. La maison qui nous abritait n'était qu'une petite métairie isolée au milieu des champs. Là nous vivions en paix. Mes parents gardaient avec eux une grand-tante paternelle, Tante Martine.
C'était une femme à l'antique avec la coiffe de piqué, la robe à plis et les ciseaux d'argent pendus à la ceinture. Elle régentait tout le monde : les gens, le chien, les canards et les poules. Quant à moi, j'étais gourmandé du matin au soir. Je suis doux cependant et bien facile à conduire. N'importe! Elle grondait.
C'est que, m'adorant en secret, elle croyait cacher ainsi ce sentiment d'adoration qui jaillissait, à la moindre occasion, de toute sa personne.
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« Gatzo prit quatre éperlans et une loche. Moi, un vairon. Dès lors nous menâmes une vie passionnante. Nous avions dans nos mains la nourriture ! Quelle nourriture ! Car ce n’était pas là un aliment banal, acheté, préparé, offert par d’autres mains, mais notre nourriture à nous, celle que nous avions pêchée nous-mêmes, et qu’il nous fallait nettoyer, assaisonner, cuire nous-mêmes.
Or, les pouvoirs secrets de cette nourriture donnent à celui qui la mange de miraculeuses facultés. Car elle unit sa vie à la nature. C’est pourquoi entre nous et les éléments naturels un merveilleux contact s’établit aussitôt. L’eau, la terre, le feu et l’air nous furent révélés. »
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En août, dans nos pays, un peu avant le soir, une puissante chaleur embrase les champs. Il n'y a rien de mieux à faire que de rester chez soi, au fond de la pénombre, en attendant l'heure du dîner. Ces métairies, que tourmentent les vents d'hiver et que l'été accable, ont été bâties en refuges et, sous leurs murailles massives, on s'abrite tant bien que mal de la fureur des saisons.
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Quand j’ouvris les yeux l’aube se levait. D’abord je vis le ciel. Je ne vis que le ciel. Il était gris et mauve, et seul, sur un fil de nuage, très haut, un peu de rose apparaissait. Le vent tissait, plus haut encore, d’autres fils à travers un treillis léger de vapeurs ; et, du côté de l’aube, une buée d’or pâle se levait lentement de la rivière. Un oiseau lança un appel, peut-être était-ce une bouscarle. Son cri hardi et coléreux éveilla le coassement discret d’une grenouille. Puis un vol de plumes mouillées froissa les touffes de roseaux et tout autour de notre barque le murmure confus des bêtes d’eau, encore invisibles, monta : tous les bruits, tous les soupirs, des mouvements furtifs, un clapotis, des gouttelettes, ce plongeon d’un rat effaré, là-bas cet oiseau vif qui s’éclabousse, le choc d’un éboulis, le glissement d’une sarcelle qui se faufile entre les joncs, un rauque appel, la rousserole, tout à coup, le sifflet du loriot, et déjà, sous un saule du rivage, le roucoulement de la tourterelle… J’écoutais.
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Les jours suivants ressemblèrent au premier jour, les nuits à la première nuit. Il y avait, en nous et tout autour de nous, une grande paix. Après l'ivresse des premières heures, nous avions accordé notre vie à la vie de ces eaux dormantes. Nous réglions tous nos mouvements sur le soleil et sur le vent, sur notre faim et sur notre repos. Et il nous en venait au coeur une merveilleuse plénitude.
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Or, ceci se passait il y a bien longtemps et maintenant je suis presque un vieil homme. Mais de ma vie, fût-elle longue encore, je n'oublierai ces jours de ma jeunesse où j'ai vécu sur les eaux. Ils sont là, ces beaux jours, dans toute leur fraîcheur. Ce que j'ai vu alors, je le vois encore aujourd'hui, et je redeviens, quand j'y pense, cet enfant que ravit, à son réveil, la beauté du monde des eaux dont il faisait la découverte.
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[La lune] m'aida beaucoup cette nuit-là : sa clarté éclaira ma route et sa grande douceur m'apaisa un peu, par enchantement. Car la lune enchante les âmes bien mieux que toute autre planète. Sa lumière est si près de nous! On la sent attentive, affectueuse et, aux lunaisons de printemps, son amitié devient si tendre que toute la campagne s'attendrit. Alors il n'y a pas, pour les enfants qui s'éveillent la nuit, de plus charmante conseillère. Par la fenêtre ouverte elle éclaire leur chambre et, quand ils se rendorment, elle fournit à leur sommeil les plus beaux songes.
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Il arrive que les grandes décisions ne se prennent pas, mais se forment d'elles-mêmes.
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Le lieu était solitaire, sauvage. On entendait gronder les eaux. Qui hantait cette anse cachée, cette plage secrète ?
En face, l’île restait silencieuse. Son aspect cependant me parut menaçant. Je me sentais seul, faible, exposé. Mais je ne pouvais pas partir. Une force mystérieuse me retenait dans cette solitude.
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Un chemin moussu conduisait à la chapelle. On y accédait par un porche bas. La bise et les pluies de l'hiver avaient usé la façade de pierre tendre. Elle offrait un très vieux visage, roussi par les lichens et le long travail du soleil.
Au-dessus de la porte, on avait creusé une niche où se tenait une petite Vierge de plâtre colorié. Les couleurs en étaient parties. On devinait un peu de rose sur la robe. Une inscription en lettres bleues entourait cette modeste image.
Elle disait le nom de la chapelle, un beau nom :
Notre-Dame-des-Eaux-Dormantes.
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Je m'enveloppai d'une couverture et je me couchai au fond du bateau.
Dès lors, j'attendais mon destin. Je savais bien que c'était là ma dernière nuit de sommeil dans le monde des eaux dormantes. Aussi, je voulais la dormir comme j'avais dormi les autres, allongé sur le dos, dans le fond de ma barque, respirant à travers les planches l'odeur nocturne de l'eau douce, d'où je tirais, malgré la menace des songes, tant de paix, tant de repos.
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Henri Bosco
L'huile des moulins de janvier

La mer fraîchit, la bise est vive,
Le vent blanchit les oliviers,
Le moment est venu de cueillir mes olives,
Et de porter mon huile aux moulins de Janvier.
Tous les feux de Haute-Provence
S'éteignent un à un au flanc du Lubéron,
Et les vents de la neige ont, près de Sisteron,
Glacé les eaux de la Durance.
Ainsi l'huile, le vin, le maïs et le blé
Disparaîtront bientôt des celliers et des granges
Et l'hiver détruira l'enclos où je voulais
Planter des orangers pour manger des oranges.

Extrait du recueil Le roseau et la source
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Les jours suivants ressemblèrent au premier jour, les nuits à la première nuit. Il y avait, en nous et tout autour de nous, une grande paix. Après l'ivresse des premières heures, nous avions accordé notre vie à la vie de ces eaux dormantes. Nous réglions tous nos mouvements sur le soleil et sur le vent, sur notre faim et sur notre repos. Et il nous en venait au coeur une merveilleuse plénitude.

Tout ce que nous faisions durait longtemps ; et nous trouvions ce temps trop court. Car sur les eaux dormantes tous les gestes sont lents, et c'est avec lenteur qu'une barque s'en va d'un îlot à l'autre. On vit sans impatience, et on a de longues journées. On les aime pour leur longueur et leur apparente monotonie. Car rien n'est plus vivant, quand on sait déceler la vie, que ces lieux où l'air et les eaux semblent dormir.
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Quelle splendeur ! L'onde était devenue limpide et le bleu d'un ciel vif, lavé, où le vent poussait en riant deux petits nuages, se reflétait sur ces eaux claires qui d'un grand mouvement fuyaient vers un horizon de collines.
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C'était une vaste bâtisse construite au XVIIIème siècle .
[...]
Elle s'appuyait , d'un côté , sur les premiers plis des collines , de l'autre ,
sur une terrasse ombragée par trois platanes séculaires .

Ils répandaient dans la maison une pénétrante odeur végétale , poussée fraîche et amère d'écorce et de feuille .
[...]

le jardin , blotti sous la terrasse ,
encaissé entre de hautes murailles tièdes [...]
offrait aux rosiers , aux tulipes , aux chèvre-feuilles
et même aux folles herbes ,
une aire chaude
qui sentait à la fois l'arbre fruitier , l'aubépine et l'hysope .


P.16 et 17 Folio
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Le fait est que nos dents menaçaient de percer nos langues, tant l’appétit les avait aiguisées.
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L'immensité des eaux, la majesté du fleuve en marche vers la mer, la montée des nuages, la hauteur, l'abondance et la force des arbres, le désert de la rive et mon sauvage isolement, tout un monde démesuré s'enfonça dans mon âme, dont il dilata les limites étroites, et il créa soudain, pour vivre en moi, des espaces immenses.
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J'étais debout, près de ce lit. Et il fallait dormir ; et, pour aller dormir, se dévêtir, soulever le drap, s'allonger, poser sur l'oreiller cette tête anormalement lucide, clore les yeux. Actes simples, mais tout à coup ils devenaient surnaturels. Je doutais qu'ils fussent possibles. Et bientôt même je me convainquis qu'ils ne l'étaient pas.
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C’était une spacieuse nuit de septembre, encore assez grande pour couvrir le ciel depuis l’Alpe jusqu’aux Cévennes, mais qui se resserrait maternellement, en vue de l’hiver, sur la campagne. A la fin de ce mois si brûlant encore de feux, ce resserrement est sensible, surtout aux heures de la nuit. Car, plus les jours diminuent sur la terre, plus, avant l’hiver, la nuit se fit bonne.
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Enfin, mes plus longues stations (et cela va de soi), je les faisais devant les librairies. Là j'oubliais la pluie à regarder les livres disposés en amphithéâtre sur un plan incliné. En hautes et larges majuscules les titres rouges, bleus, saumon, des ouvrages de luxe, coloraient l'ivoire glacé des couvertures, où quelquefois luisaient des ors, jouaient des entrelacs de feuillages, et veillaient des bêtes héraldiques. De ces librairies l'une, assez modeste, m'attirait plus particulièrement, surtout les jours de pluie, car elle avait l'amour des cartes, des atlas, des gravures de voyage, dont je suis grand amateur. Cette année là, elle avait enrichi sa vitrine d'un globe terrestre de verre, éclairé intérieurement et qui tournait avec lenteur de façon à montrer les couleurs différentes des cinq parties du monde. Ce globe me plaisait beaucoup. Il était assez gros et d'une douce transparence. Les mers y étaient d'un bleu vif, rayées de courants mauves, l'Europe verte, d'un vert sombre, et l'Asie rouge brique ; l'Afrique y brûlait de soleil, l'Amérique indigo s'incurvait sur les mers ; l'Océanie n'était qu'azur, immense azur...
À la nuit tombée, par un temps humide, alors que de rares passants fuyaient la bruine glaciale, rien n'était plus beau comme ce globe, où l'on voyait tourner cinq continents, tout brillants de lumière. Sur eux, immuablement clairs, pas un nuage ; le soleil qui les réchauffait vivait au centre de la terre ; et ainsi la nuit ne les touchait pas. Ils avaient l'air d'aimer la chaleur et la vie. Comme l'aube et le soir y étaient inconnus, la chaleur y était constante et la vie éternelle... (p. 179-180)

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