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Critiques de Henrik Ibsen (199)
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N’étant pas une grande adepte de théâtre, j’ai été agréablement surprise par cette lecture. J’ai été prise par le récit du début à la fin. Cette philosophie du « Tout ou Rien » portée par le protagoniste est déconcertante, d’autant plus quand elle se voit confrontée à l’amour naissant pour sa femme et son fils. Merci Ibsen de m’avoir convaincue de lire plus régulièrement du théâtre !
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Drames contemporains

Après avoir vue plusieurs pièces de théâtres dont la dernière « un ennemi du peuple » mis en scène par Thomas Ostermeier, je suis passé à la lecture de celles-ci. Et j’avoue avec beaucoup de plaisir.

Même si les situations sont toujours très datées et marquées: on est dans au XIXe siècle, dans des milieux bourgeois où l’on parle d’investissement, de mariages arrangés, de biens séances et du peuple…

Les sujets de fonds sont toujours d’actualités : A quoi cela sert d’être un « Pilier de la société » si cela repose sur des mensonges. Sommes-nous prêt à polluer les eaux d’une ville pour payer moins d’impôts ? etc…

Mais cela ne se résume pas non plus à une lecture de gauchiste… Tous les personnages (même les « amis du peuples ») ont une certaine ambiguïté. Parfois même Ibsen va plus loin : La majorité a-t-elle toujours raison ? Toutes les vérités sont-elles bonnes à lire ?

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Empereur et galiléen

Ibsen utilise l'histoire pour explorer des idées, en particulier le conflit entre déterminisme et libre arbitre. Et dans ce travail en deux parties, couvrant les années de 351 à 363 après JC, il se concentre sur Julien, que nous voyons d'abord comme un jeune homme nerveux de 19 ans vivant comme un prisonnier virtuel à la cour de Constantinople de son oncle, l'empereur Constance. .

Doutant du christianisme adopté par l'État, Julien s'échappe à Athènes, où il rejette également les philosophes païens. La révélation vient quand il rencontre le mystique Maxiumus d'Ephèse, qui voit en Julien un prophète capable de transcender le conflit entre un empire terrestre et un royaume spirituel. Dans la deuxième partie, lorsque Julien est devenu empereur romain, nous voyons comment cela fonctionne dans la pratique : dans la persécution des chrétiens, la poursuite d'une guerre en Perse et dans la croyance illusoire de Julien qu'il est lui-même un porteur de l'humain et du divin.

Mais que dit Ibsen ? Écrivant à une époque d'effervescence intellectuelle, alors que les idées de Marx, Darwin et Nietzsche changeaient le monde, Ibsen veut dire l'empire de l'Homme affirmant la validité éternelle de sa propre volonté.

Alors qu'Ibsen ne pouvait qu'être attentif aux dangers potentiels d'une telle philosophie, nous en savons un peu trop sur l'impact que la volonté triomphante aurait sur l'histoire du XXe siècle.

L'action de la pièce d'Ibsen, en fait, va à l'encontre de son idée de base. Ibsen est clairement à la recherche d'une nouvelle façon de vivre, libérée de ce que Julian appelle "les doctrines de la culpabilité, de la misère et du déni". Pourtant, ce qu'Ibsen crée en réalité est une puissante défense de l'idéalisme chrétien. Lorsque nous voyons le vieil ami de Julian, Gregory, aveuglé et torturé pour avoir créé une petite église à Antioche et défié stoïquement l'empereur fou de pouvoir, il est impossible de ne pas être ému.



L'histoire mondiale faustienne d'Ibsen est à plusieurs degrés un chef-d'œuvre.

J'ai du attendre pour la voir sur scène, et ce n'était pas en France, il m'a fallu aller à Londres. J'ai été largement récompensé par une mise en scène époustouflante de Jonathan Kent.

Cette pièce que Ibsen considérait comme son oeuvre majeure, n'a jamais été montée en France, il est vrai qu'il faut des moyens hors du commun pour la proposer.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Empereur et galiléen

Ibsen a le don pour écrire des pièces faites pour que les metteurs en scène soient créatifs et adepte des ciseaux,avec Empereur et galiléen, comme dans Per Gynt, on se trouve devant des oeuvres injouables telles quelles -- mais ce sont aussi des oeuvres très agréables à lire -même pour les gens qui n'aiment à priori pas trop lire le théâtre.



Attention, si vous êtes aussi inculte que moi il serait dommage de ne pas lire avant la préface - ça débroussaille ! et ça éclaire un peu le chemin.
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Hedda Gabler

Hedda Gabler s'est mariée à un homme médiocre intellectuellement, un peu falot qui ne sait la satisfaire. Rapidement, elle s'ennuie, c'est pourquoi, certains la considèrent comme une Emma Bovary nordique. Elle est cependant bien plus intelligente qu'Emma, intrigante, manipulatrice, fière, dédaigneuse, d'un caractère fort. En outre, si comme Emma elle est en manque d'amour, elle ne rompt pas les conventions et reste fidèle (sexuellement) à son mari. Elle retrouve Eliert, son ancien soupirant (se sont-ils vraiment aimés ?), un être intelligent, séducteur mais influençable pris en main par une ancienne camarade d'Hedda, Thea. Hedda fera tout pour les séparer, jalouse de l'influence qu'a Thea sur lui. Brack, personnage cynique et sans scrupules peut, en tant qu'homme, faire ce qu'Hedda ne peut réaliser.

Hedda n'a pas la générosité de Nora dans "la maison de poupées", elle est plus ambivalente mais comme elle, elle est entière et reste victime de la condition des femmes au XIXème siècle, cause chère à Ibsen.
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Hedda Gabler

Ibsen s’ingénie comme personne à exposer les tensions interpersonnelles que peuvent causer la vacuité d’une intériorité.

Toute la consistance dramatique de la pièce, tout son dynamisme, comme pour la logique hégélienne, provient d’un néant précisément déterminé, d’un être vide.

Tout explosera de manière imminente lorsqu’un être, gonflé à bloc d’ennui, qui persiste, par une lâche et insensible indolence à sa divertir, se met à extérioriser apathiquement son désarrois. Dès lors, la souffrance guette, imminente, l’instant de tout abolir…

Une grande pièce qui vaut vraiment le détour.

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Hedda Gabler

Une pièce très accessible et très complexe à la fois, mettant en scène une sublime figure de femme, une femme qui se heurte à la pauvreté des possibles dans sa vie: être une épouse, être une mère. Et point barre. ça fait pitié, je la comprends...



Vous l'aurez compris, j'ai adoré cette pièce (même s'il semble que ce ne soit pas pour les bonnes raisons, celles des universitaires émérites, érudits, éclairés, ééé...et caetera.).

Le personnage féminin central, Hedda, est magnifique... d'une complexité dont on ne peut venir à bout, alors que l'ensemble est d'une telle limpidité... Se lit très vite, n'a pas cette pesanteur habituelle des pièces, qui nous rappelle à chaque page que ce texte n'est pas fait pour être lu mais pour être joué. Peu de personnages, une situation a priori simple. Et 3000 ambiguïtés. 10000 Interprétations. Tout ce que j'aime.



Les époux Tesman rentrent de voyage de noce. Lui est un intellectuel qui étudie l'histoire de la culture Elle, elle l'a épousé en connaissance de cause, mais ne parvient à se satisfaire de cet être terne et trop insignifiant. Elle rêve de grandes choses, mais sans parvenir à leur donner de contours précis, d'où une grande frustration...



Hedda Gabler (de son nom de jeune fille) est une femme qui ne demande qu'à vivre, mais souffre de n'avoir, en tant que femme, qu'une emprise médiocre sur le monde. Ne sachant (n'osant?) aimer, elle est en partie "défaite" du rôle type d'épouse, qui la dégoûte. Aucune autre possibilité ne s'offre à elle qu'un insatisfaisant et stérile jeu de séduction, dans lequel elle ne trouve pas son compte.



(suite sur Tale me more)

Elle va jalouser/envier/désirer une autre femme, Théa, qui, elle, a su influencer la destinée d'un autre homme, Loveborg, en faisant d'un noceur un homme nouveau, "nettoyé", auteur d'un livre à succès. Hedda connaissait Loveborg, elle en était très proche, mais la réputation sulfureuse de celui-ci et la crainte d'Hedda de perdre en respectabilité les ont séparés (enfin, c'est un peu moins clair que ça, je sais que je me trompe en l'écrivant...).



Hedda comme elle le dit si justement elle-même en prenant place sur le canapé, va vouloir se mettre entre eux deux. Elle peut sembler méchante, froide, manipulatrice... mais ça sonne plutôt comme la rage du désespoir. Ce qui est magnifique, c'est qu'elle ne souhaite au fond que vivre quelque chose de beau.

Et quand ce beau n'arrive pas... Quand les médiocres semblent avoir le dessus et triompher sans elle...
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Hedda Gabler

L’histoire en apparence est assez simple (schéma classique du trio amoureux: le mari, la femme convoitée, le prétendant), mais le génie d’Ibsen tient dans la profondeur des personnages. En glissant des indices çà et là, il donne une véritable existence à ces êtres, bien au-delà de la pièce, il leur donne un passé, une profondeur, des caractères, et des émotions complexes. Je repense souvent à Hedda Gabler. Il m’arrive encore aujourd’hui de mieux comprendre mon personnage ou de réaliser que je le jouerai différemment. C’est donc une belle pièce, et à raison, une des plus célèbres de ce grand dramaturge norvégien. (Plus sur Instagram)
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Hedda Gabler

Tout juste revenue du voyage de noces, méprisante et dépensière, Hedda s'ennuie. Sa vie de bourgeoise en province ne lui convient guère. Quand réapparaît son ancien amoureux, elle en fait son jouet et déclenchera une mécanique qui lui échappera.



Texte joué et vu au théâtre ; mise en scène par Roman Polanski

Incarnation magnifique d'Helda Gabler par Emmanuelle Seignier

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Hedda Gabler

Voici la pièce d'Ibsen que j'ai voulu lire après Une maison de poupée.

C'est le portrait d'une femme difficile à comprendre. Après une liaison platonique avec un homme brillant mais qui se révèlera faible, Hedda fille orgueilleuse d'un général a épousé un historien assez falot qui ponctue tous ses discours de “hein !” “Dis donc” “Pense donc” et agace sa femme qui a souvent du mal à se maîtriser.

D'une façon tout à fait différente de la Nora d'une maison de poupée, Hedda est coincée dans une vie bourgeoise qui l'ennuie.

Bien qu'il semble que ce soit elle qui ait rompu elle saisit l'occasion de se venger de son ancien amoureux mais aussi d'une ancienne condisciple de couvent qui a su influer sur la destinée d'un homme, justement cet ancien amoureux devenu alcoolique et qu'elle a aidé à travailler sur un nouvel ouvrage savant. Insupportable pour elle qui souffre de n'avoir aucun rôle.

Manipulant sans scrupule son entourage elle agit sans donner vraiment l'impression d'un but clair ni à ses yeux, ni aux nôtres.



Décidément il eut été dommage de ne pas connaître Ibsen.





Challenge Théâtre 2017-2018

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Hedda Gabler

De retour d'un voyage de cinq mois, Hedda Graber, désormais Madame Tesman, prend possession de sa nouvelle maison.



Sous cette belle image, le vernis va en quelques heures se fissurer , pour faire apparaitre une jeune femme dont les attentes ne cadrent pas avec ce qu'on attend d'une jeune femme de son époque.



Mme Elvsted, Lövberg ( un amour de jeunesse), le juge Brack ont leur rôle à jouer dans l'histoire, et vont servir de révélateur à la vraie personnalité d'Hedda, mais c'est elle qui fait craquer le vernis de surface jusqu'à sa chute.



Comme le résumé une phrase de l'introduction, ''Hedda Graber où la fin du personnage romantique''.

Je ne connaissais Ibsen que de nom, l'erreur est réparée, je vais pouvoir découvrir d'autres de ses œuvres désormais.
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Hedda Gabler

« Hedda Gabler » est l’une des trois pièces les plus connues du dramaturge norvégien Henrik Ibsen avec « La maison de poupée » et « La dame de la mer ».



La pièce s’ouvre sur le retour d’un long voyage de noce. Hedda et Jorgen se sont absentés pendant 6 mois. Elle est fille de général, lui aspire à devenir professeur à l’université. Il croit la rendre heureuse en les installant dans une belle et grande maison. Ce n’est pas un mariage d’amour. Hedda croyait épouser un homme ayant une situation aisée. Mais Jorgen n’est pas à la hauteur, contrairement à un ancien amant d’Hedda qui réapparaît soudain et qui lui est en passe de connaître le succès et devient un concurrent pour le poste brigué par Jorgen, et donc un danger pour les ambitions d’Hedda. Les rivalités entre les uns et les autres, la jalousie, l’orgueil et l’ennui d’Hedda les mèneront tous au drame.



"Hedda Gabler" fit scandale à sa sortie et ne fut jouée en Norvège qu’après sa création en Allemagne en 1890. On reproche à Ibsen de dresser le portrait d’une femme trop libre, trop fantasque, trop cruelle. Voilà qui ne convient pas au puritanisme nordique. Elle est en fait le destin tragique d’une femme qui n’a pas su donner un sens à sa vie.



Ibsen a créé ici l’un des grands rôles féminins du théâtre moderne. La personnalité d’Hedda est complexe, sombre, multiple, offrant à toute comédienne un terrain fertile pour exploiter les tourments de l’âme et donner libre cours à toutes les forces de la dramaturgie. Dans une atmosphère de huis clos étouffant, Hedda se fait calculatrice, manipulatrice, enjôleuse, douce ou violente.



« Hedda Gabler » s’inscrit dans la continuité de l’œuvre d’Ibsen, analyse sociale et sociétale faite par un dramaturge classé parmi les naturalistes. Celui-ci excelle à décrire les tréfonds de l’âme tout en interpellant le spectateur sur les fondements de la société. Ici c’est de la place des femmes qu’il est question avec ce personnage qui n’accepte pas le rôle que sa condition lui impose. Si le texte prête moins à scandale aujourd’hui, il contribue à inscrire Ibsen dans un tournant dans l’écriture théâtrale et l’ancrant dans la modernité.
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Hedda Gabler

Hedda Gabler est la pièce subtile d’un auteur subtil. L’histoire est subtile, et les personnages subtils. On peut y découvrir des dialogues subtils, qui révèlent des situations subtiles. Vous allez me dire c’est un peu court.



Lire la suite sur mon site : http://chroniques.annev-blog.fr/2007/09/sous-entendus-qui-tuent/
Lien : http://chroniques.annev-blog..
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Hedda Gabler

« Nous avons tous rencontré Hedda Gabler » -Ibsen



La pièce s'articule en quatre actes. Fait déjà notable puisque le théâtre classique se compose généralement de trois ou cinq actes. Ici quatre. Cette pièce n'est pas classique. Ibsen se démarque encore en ne faisant apparaître aucune scène à l'intérieur de ses actes. Evidemment, on peut nous même les noter (les personnages sortant et entrant) mais elles ne sont pas clairement établies.

En fait, Ibsen est lui même un auteur à part. Nous n'avons aucune véritable comparaison à lui soumettre. Il est norvégien, et a écrit à une époque où la France n'a connu que peu de dramaturges : les classiques étant avant, les modernes après cette époque (Ibsen : 1828 - 1906).

Besoin de se démarquer? Envie de s'imposer? En marge naturellement? Que sais-je...



Hedda Gabler est une pièce hors-norme donc de part sa forme, mais aussi par son contenu.



Le personnage d'Hedda Gabler a un caractère difficile à cerner. Est-elle sans coeur? Je ne pense pas, bien au contraire. Pourquoi agit-elle ainsi? Vengeance? Besoin de s'affirmer? D'exister? Il est très étrange de la voir évoluer au milieu de son "salon". A aucun moment elle ne semble vraiment heureuse d'être là. Elle vit tel un automate au milieu des gens du monde (son mari, le juge, Madame Elvsted, etc). On a parfois l'impression, même si elle est le personnage principal et éponyme de la pièce, qu'elle n'est pas là. Pas présente réellement. Comme si son but premier avait toujours été de se venger de l'homme qu'elle a aimé.

Sa dernière action est surprenante mais finalement dans la continuité de la pièce. Toute l’histoire ne pouvait mener qu’à cette délivrance finale.



Cette pièce est donc assez étonnante mais pas vraiment prenante. En effet, il ne se passe pas grand chose côté « action » et certaines répétitions sont agaçantes : Tesman ne cesse de dire "hein" ou "pense donc".

Une histoire peu trépidante, un personnage difficile à cerner. Non, cette pièce ne fut pas un coup de coeur. Mais il faut aussi dire que je ne suis pas forcément une fanatique du genre théâtral. Je dois voir la pièce mise en scène par Polanski d'ici peu... Je préfèrerai peut-être la pièce jouée?



Mon avis semble peut-être très négatif. Pourtant je n'ai pas détesté cette pièce. Elle a un certain charme, se lit rapidement, n'est pas difficile à comprendre, reste en effet abordable et permet de découvrir des personnages fort intéressants.
Lien : http://s.ecriture.over-blog...
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Hedda Gabler

Oeuvre très intéressante que cet Hedda Gabler d'Ibsen. Elle souffre de l'ennui dont a souffert parfois son auteur en Norvège.Elle a du mal à mettre en place des projets, lorsqu'elle est avec un homme, rêve d'un Autre.Pièce peu conventionnelle, assez dans la retenue mais riche de ses non-dits. Je l'ai lu dans une autre édition où l'appareil critique était assez éclairant.
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Hedda Gabler

Jørgen Tesman, historien sans grande envergure, rentre avec sa femme Heddda d'un voyage de noces de six mois, durant lequel il a surtout passé son temps à étudier. Il a choisi d'offrir à Hedda la maison, fort coûteuse, dont, croit-il, elle rêvait - on découvrira que sur ce point il se trompe lourdement -, dans laquelle ils emménagent à peine débarqués. C'est que ce mariage est quasiment une mésalliance. Si Tesman est plutôt issu de la petite bourgeoisie, Hedda appartient à la haute, voire la très haute bourgeoisie - ce qui ne va pas sans un mépris et une cruauté affichés pour ceux qui ne sont pas de sa classe. Cette union s'enracine donc dès le départ dans un différend que rendent criantes les différences sociales qui séparent les époux, ce qui ne fera que conforter le sentiment de vacuité propre à Hedda.



Chacun des personnages a un but propre : pour Tesman, c'est son travail, mais surtout la capacité à faire reconnaître les travaux d'autres chercheurs ; la tante de Tesman met toute sa vie dans son rôle de garde-malade auprès de sa soeur ; Ejlert Løvborg, ami de Tesman, est un historien qui a réussi à combattre ses démons et se voue désormais entièrement à ses travaux ; Thea Elvsted est l'amie bienveillante et la collaboratrice de Løvborg ; quant au juge Brack, son unique but est de mettre Hedda dans son lit. Hedda, elle, n'a pas de but réellement avoué, sinon la volonté d'accéder à quelque chose de pur, de beau - ce qui va à l'encontre de tout ce que lui demande la société. Or, la vie bourgeoise dans laquelle on veut l'enfermer, mais dans laquelle elle s'est également elle-même enfermée, fonctionne comme un piège. Elle n'a guère de perspective que d'être femme au foyer, mère (elle est enceinte, bien que le niant farouchement), et tout à la fois, pourquoi pas, la maîtresse discrète du juge Brack. C'est là que les didascalies d'Ibsen sont particulièrement précieuses : on va voir, au fur et à mesure des actes, l'appartement sombrer petit à petit dans l'obscurité. Les rideaux vont masquer les portes-fenêtres qui donnaient sur le jardin et laissaient passer la lumière du soleil à grands flots, la lumière des lampes va s 'amenuiser jusqu'à n'être plus qu'une très faible lueur en arrière-plan. Et les fleurs, qu'on avait parsemées à profusion dans le salon, vont disparaître.



Ce qui mettra le feu aux poudres dans l'existence de femme mariée, qui s'annonce très morne, de Hedda Tesman, ce seront les arrivées successives de Thea Elvsted et de Ejlert Løvborg. Lui, qui a longtemps gâché son talent en beuveries et autres excès, a enfin écrit un livre à succès et est sur le point de publier ce qu'il considère comme son chef-d'oeuvre. Elle, l'a pour ainsi dire accouché et s'est émancipée au point de quitter mari et enfants pour le suivre. Lui est un ancien amoureux de Hedda du temps où il ne produisait rien de bon, elle une ancienne condisciple de collège, que Hedda aimait particulièrement persécuter. Ces deux-là mettent Hedda face à sa vie bourgeoise vide de sens. La réponse sera à l'image de ce que fut la jeune Hedda Gabler et à ce qu'est toujours Hedda Tesman : cruelle. Pour autant, il lui faudra encore aller plus loin pour faire complètement fi des concessions et choisir une solution irrémédiable pour échapper à un destin médiocre. Mais la pièce ne donne pas dans les longs dialogues, ni dans les explications psychologiques. Plutôt axée sur des échanges brefs, des phrases interrompues ou allusives, elle nous emmène du côté du symbolisme avec l'aspiration à la beauté - jusque dans la cruauté - exprimée par Hedda, tout en s'insérant dans un cadre réaliste, mettant en scène non seulement des désirs et des attentes contraires et contrariés, mais prenant également racine dans une tension sociale insoluble.



Ibsen, on le sait, est toujours allé à contre-courant des idées-reçues de la société de son temps. Hypocrisie des élites, euthanasie, inceste, émancipation des femmes : il a traité de tout cela, et plus encore. Ici, il attaque un autre tabou, celui de la maternité, qui n'est vécue comme Hedda que comme un carcan supplémentaire que lui impose la société, et non comme une occasion d'épanouissement. Il y avait là de quoi déranger à une époque où les femmes étaient avant tout considérées comme des mères - mais je suis persuadée qu'Ibsen dérange encore beaucoup de nos jours. Son sujet fut toujours la question de l'émancipation de l'individu, et Hedda Gabler ne fait pas exception à la règle.





Challenge Théâtre 2017-2018
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Hedda Gabler

Un très beau personnage, Hedda Gabler, trouble, complexe, surprenant, plein de recoins obscurs et de braises, qui nous bringuebale d'un sentiment à l'autre. Hedda Gabler est terrible, cruelle, destructrice, mais on la comprend, elle nous touche, son incapacité à supporter la médiocrité, la laideur, le ridicule de la vie. Elle s'ennuie Hedda, elle s'ennuie à mourir, coincée dans une vie qui ne lui va pas, qui n'est pas à sa taille, elle part en vrille. Il y a en elle des aspirations, des exigences qui se heurtent violemment au monde qui l'entoure, elle est à la fois bourreau et victime, elle nous choque par sa noirceur mais on la plaint. Comme si sa conviction que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue la plaçait au-delà du bien et du mal. Comme si les tensions entre les carcans des conventions, l'étroitesse de ce que la vie lui propose, et ses désirs profonds ne pouvaient que produire une force explosive.



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Hedda Gabler

Après - Une maison de poupée -, j'avais envie de retrouver l'univers de Henrik Ibsen, "inventeur" du théâtre moderne.

Ce dramaturge norvégien nous livre dans - Hedda Gabler - un drame en quatre actes dans lequel on retrouve quelques-uns des thèmes qui lui sont chers : l'image de la femme, le rapport très patriarcal entre les deux sexes, la volonté émancipatrice de celui qu'on qualifie à tort de faible, les hypocrisies de la société bourgeoise, la sauvegarde à tout prix des apparences, le rôle déterminant de l'argent et celui non moins prééminent du pouvoir. Sans oublier la volonté du dramaturge de s'inscrire dans un réalisme, un rapport au réel que l'on retrouve dans les dialogues, dépourvus de tout lyrisme, de toute emphase et des personnages en symbiose avec la vérité de leur être.

Dans cette pièce que l'on peut lire en faisant appel ( pour les têtes bien pourvues ) à plusieurs clés de lecture, je me suis pour ma part contenté d'en utiliser deux ... faute d'en avoir davantage.

La première, très littérale, est la vengeance d'Hedda Gabler.

La seconde, un petit peu plus "subtile", tient dans l'opposition entre un romantisme qui n'a plus sa place face à un réalisme qui impose l'évidence de sa domination sur le passé et le recours à une vie plus rêvée que vécue.

En dehors du fait que la pièce est séquencée en quatre actes, ce qui n'est pas le cas dans - Une maison de poupée -, les ressorts auxquels Ibsen a recours sont à peu près identiques.

À l'exception de l'absence d'enfants - et pour cause...- et de leur nounou, les personnages sont ici à peu près au même nombre que dans - Une maison de poupée -, et leurs "fonctions", pas leurs rôles sont les mêmes.

Il y a Hedda Gabler, épouse Tesman. Jeune et belle femme, brillante, forte personnalité, passionnée ou exaltée... choisissez l'adjectif qui vous convient. Elle a fait un mariage de "raison", une mésalliance, elle fille d'un général, habituée au luxe, à l'argent, à un monde où tout vous est donné sans qu'on n'ait rien à payer en retour a épousé un terne professeur désargenté. Hedda aime monter à cheval et tirer au pistolet...

Son mari, personnage falot, besogneux ambitieux, un médiocre de bonne volonté, est un spécialiste de l'histoire des civilisations.

Pour offrir à sa femme le train de vie qu'exige une femme de son rang, il compte sur l'obtention d'une chaire universitaire qui lui semble ( semblait...) promise.

Il a été élevé par ses deux tantes : Julianne Tesman, soeur de Jochum, père de Jörgen, ( mari d'Hedda ), une femme de 65 ans qui vit avec sa soeur Rina, impotente, dont elle s'occupe avec dévouement.

Le juge Brack est l'ami de la famille. Naturellement sa présence dans la pièce est multifonctionnelle - c'est l'intrigant au service de l'intrique - mais vous dire qu'il veuille faire d'Hedda sa maîtresse ne surprendra personne.

Ejlert Lövborg est, comme Jörgen Tesman, un spécialiste de l'histoire des civilisations. Lui et Hedda ont été naguère très proches. De grands amis ; Hedda ayant rompu avec l'homme qu'elle avait idéalisé pour ne pas gâcher l'idéal romantique que ce dernier incarnait et qu'il risquait de trahir en pressant Hedda de franchir le seuil au-delà duquel l'amitié entre un homme et une femme... "s'altère"(?). Lövborg n'est pas un idéaliste, c'est un sensuel, un jouisseur, un débauché, un ivrogne... repenti(?), qui vient de connaître un grand succès de librairie après avoir écrit un livre dont tout le monde parle.

Mme Elvsted, une jolie petite blonde aux yeux bleus, est la femme du préfet.

De condition sociale inférieure à Hedda, d'une personnalité moins flamboyante, elle va en être à son insu la rivale... Car elle vient de quitter son mari, après avoir été la secrétaire de Lövborg, que le couple a longtemps hébergé. Elle est tombée amoureuse de l'idéal masculin d'Hedda.

Aucune pièce de cette époque, ne pourrait se passer d'une Berte, la domestique du couple Tesman... réalisme et théâtre obligent...



La pièce se déroule dans l'appartement des Tesman.

Le couple rentre d'un voyage de noces de six mois.

L'un et l'autre n'ont évidemmet pas vécu le même voyage.

Jörgen a passé son temps dans les bibliothèques.

Hedda a passé le sien à s'ennuyer.

La tante attend avec impatience le récit de son neveu... auquel elle a rapporté ses chères pantoufles.

Elle questionne Jörgen sur leur voyage... espérant l'annonce d'un "heureux évènement".

Suite de quiproquos, le pauvre garçon est un "pantouflard", un "mari"...

Hedda de son côté a la gâchette leste et la malheureuse tante est la première à y goûter.

Le juge Brack rend visite au couple et leur donne des nouvelles de Lövborg. Le succès de son livre paru et son séjour chez les Elvsted.

Hedda est contrariée.

Elle va l'être davantage encore lorsque Madame Elvsted va lui rendre visite, lui confier que Lövborg a écrit un manuscrit révolutionnaire... qui traître du futur de la civilisation et que ce manuscrit est appelé à devenir un énorme succès. Elle a été celle à qui Lövborg a dicté le manuscrit en question ; c'est "leur enfant". D'ailleurs ne s'est-elle pas enfuie de chez elle pour suivre Lövborg dont elle est amoureuse !...

Hedda fulmine.

Jusqu'à la rencontre avec son ancien ami... qu'elle continue à idéaliser mais à opposer à son réalisme qui ne mène qu'à la déconvenue, son romantisme, son idéal d'une vie rêvée.

Ces deux mondes sont-ils réconciliables ? Sont-ils compatibles ?

Une nuit et un manuscrit plus tard, vous aurez la réponse à ces questions...



Il y a un peu d'Emma Bovary et un peu d'Antigone dans le personnage d' Hedda Gabler.

Il y a aussi bien d'autres facettes que chacun interprètera selon sa sensibilité et ses connaissances.

On ne peut certes pas rester insensible à ce personnage... même de manière symbolique.

La pièce d'Ibsen est de qualité.

La lecture est plaisante.

Jörgen Tesman et ses "hein ?" innombrables, ses " pense donc..." font "regretter" de lire plutôt que d'écouter assis dans un fauteuil au théâtre les répliques de ce peronnage particulièrement bien travaillé par l'auteur.

J'ai moins aimé que - Une maison de poupée -... mais ça reste du grand Ibsen.

Et puis je me sens bien en compagnie de ces gens qui, comme moi, pensent que la vie est plus ridicule que désespérante.

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Hedda Gabler

Écrit en 1890, Hedda Gabler est un moment fort de la vie créative d'Ibsen. Bien que les "drames sociaux" de sa période de prose dépeignent des personnages corsés et crédibles, Ibsen a atteint une profondeur psychologique dans Hedda Gabler que ses œuvres ultérieures n'ont jamais dépassée. Après avoir enquêté sur le caractère féminin dans une société orientée vers les hommes dans Une maison de poupée, Ibsen a élargi son examen pour englober toute la pathologie de la femme sociale. Bien que Hedda Gabler soit un exemple de féminité pervertie, sa situation éclaire ce qu'Ibsen considérait comme une société dépravée, résolue à sacrifier à son propre intérêt la liberté et l'expression individuelle de ses membres les plus doués.



Le problème de Hedda Gabler éclaire le problème universel de la femme dans une société construite par les hommes. Comme Mme Alving et Nora Helmer, Hedda doit prendre une décision indépendante sur sa vie. Les femmes, cependant, dans toutes les sociétés sauf les plus progressistes, sont empêchées de participer au monde en dehors de leur foyer et ne sont pas équipées pour l'indépendance en dehors de leur famille. Ainsi, Hedda Gabler, malgré un profond désir d'indépendance, n'a aucune ressource personnelle pour réaliser sa propre responsabilité.



Ayant le désir, mais pas la capacité, d'un effort constructif d'autodétermination, Hedda devient une Médée moderne, exprimant sa frustration dans des tentatives destructrices de réalisation de soi. N'ayant aucune influence positive dans le monde, Hedda Gabler ne peut se définir que négativement : elle détruit ce qu'elle ne peut accepter. Saper son mari avec sa froideur, nier sa grossesse, détruire l'œuvre de la vie de Thea, brûler le produit créatif de Lövborg, ruiner le manuscrit de l'enfant et enfin, se suicider sont autant de tentatives perverses pour satisfaire son "envie de vivre". En dépeignant la pathologie d'une femme frustrée dans Hedda Gabler, Ibsen proclame sa protestation la plus puissante contre la société du double standard.

Une pièce de plus qui fait d'Ibsen un des grands dramaturges de notre histoire, à côté des tragiques grecs et de Shakespeare...
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