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Critiques de Ignacio Del Valle (49)
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Coronado

Les fans d'Indiana Jones se souviennent sans doute de la scène d'ouverture du troisième opus de la saga, la « Dernière croisade », dans laquelle en 1912 dans l'Utah le jeune scout Indiana dérobait puis rendait à des pilleurs de tombes la fameuse croix de Coronado qu' Hernán Cortés aurait offert au conquistador en 1520, avant de la récupérer en 1938 sur les côtes portugaises.



Avec son nouveau roman, Coronado, Ignacio del Valle surtout connu pour sa tétralogie consacrée à Arturo Andrade (deux titres traduits en français, Empereurs des ténèbres et Les démons de Berlin) s'intéresse à ce conquistador qui voyagea à travers le Nouveau Mexique au XVIème siècle.

Coronado, c'est Francisco Vázquez de Coronado, gouverneur de Nouvelle-Galice (Sinaloa et Nayarit ) qui partit vers le Nouveau-Mexique, où il rencontra le frère franciscain Marc de Nice (Marcos de Niza, auteur entre autres de Relation du voyage à Cíbola ) Ce dernier lui parla des Cités d'or - Cíbola- et Coronado partit à leur recherche en 1540 avec 340 Espagnols, autant d'alliés autochtones et un millier d'esclaves.



C'est via les souvenirs vieux de vingt ans du franciscain fray Tomás de Urquiza que del Valle nous plonge dans cette odyssée débutée le 23 février 1540. Nous suivons Coronado à la recherche des Cités d'or, qui parvient à Cíbola où il y a autant d'or que de beurre en branche. A défaut de trésors cachés , il « découvre » en suivant les côtes de la mer de Cortés, ce que l'on nomme aujourd'hui le Nouveau Mexique, puis le nord du Texas, Albuquerque, des paysages grandioses et désertiques, des animaux étranges nommés bisons. La recherche du mythique El Dorado s'est transformée en authentique traversée du désert.

C'est en 1542 qu'il retourne au Mexique avec seulement une centaine d'hommes.



Coronado est un bon roman historique rédigé à la manière des anciennes Chroniques des Indes, par un franciscain humaniste que les massacres de l'expédition plongent dans les souvenirs funestes de l'Inquisition. La mort d'Indiens Otomis, Zuñis lui rappelle les juifs et les luthériens sur les bûchers. Tomás de Urquiza apparaît utopiste comme Marc de Nice, qui fut l'ami de Bartolomé de Las Casas.

Avec cet ouvrage nous réalisons que Coronado, moins connu que les autres conquistadores, effectua l'une des expéditions les plus longues de l'histoire.



Ignacio del Valle nous plonge au coeur de l'aventure et avec lui nous parcourons les chemins recouverts de poussière, assistons à la faim, à la soif, aux attaques humaines et animales qui s'abattent sur la troupe, traversons des villages misérables vidés de leurs habitants par peur de la peste ou des attaques des Indiens tepehuanes. Puis, pour la première fois, nous foulons avec les Européens les grands canyons et rencontrons des wichitas et des apaches. Car des Cités d'or il n'y en avait donc point, mais le récit des grands espaces les vaut bien toutes. Et del Valle le fait avec beaucoup de talent.
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Derrière les masques

La photographe Erin Sohr effectue un reportage dans les rues new-yorkaises lorsqu'une violente explosion retentit à proximité: le restaurant le Samovar, qui appartient à la Mafia Russe vient de voler en éclats. Cet évènement prend une nouvelle tournure lorsqu'Erin développe les clichés pris sur les lieux. Elle y reconnait un visage familier, celui de Viktor, criminel de guerre serbe. Or Viktor est décédé il y a dix ans. Erin et deux policiers du NYPD veulent retrouver sa trace, à New-York, dans les Balkans, à Tel-Aviv, et vont devoir affronter une nébuleuse versée dans la traite des femmes et le blanchissement d'argent.



J'aime lire les romans d'Ignacio del Valle, mais quelle déception avec Derrière les masques. le thème est pourtant passionnant, or il est noyé sous un flot de digressions pas toujours heureuses, de métaphores pesantes, de symboles à répétition.

Je pensais que le titre (Busca mi rostro) était une référence biblique (« Mi corazón ha dicho de ti: Buscad mi rostro. Tu rostro buscaré, oh Jehová ») mais l'auteur se réfère plutôt aux masques que l'on porte au cours de sa vie, à nos identités multiples, et nous assomme avec des notions philosophiques souvent sans lien avec l'intrigue. Idem pour les références culturelles, nombreuses, et pesantes.



Lorsque la protagoniste subit une tentative de viol, le romancier écrit: « Son cerveau terrifié cherchait désespérément comment fuir cette réalité inconcevable dure, humiliante, destructrice, quelque chose qui lui rendrait ses forces cependant que Milo la maintenait plaquée contre le couvre-lit, l'étouffant à moitié, et exerçant le droit dont disposent les vainqueurs depuis les guerres helléniques, depuis qu'Aurélien avait promené à travers Rome la reine de Palmyre enchaînée et que les Russes avaient violé deux millions d'Allemandes: profiter du butin. » Sur 392 pages, c'est looooonnnggggg, et ampoulé. L'ensemble est illisible et j'avais hâte d'en terminer la lecture. Milena ou le plus beau fémur du monde de Jorge Zepeda Patterson, qui évoque également le thème des mafias de l'Est et de l'esclavage sexuel m'avait davantage séduite. Mais depuis, Ignacio del Valle a publié Coronado, un roman historique rédigé à la manière des anciennes Chroniques des Indes, qui est une réussite.
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El arte de matar dragones

Une oeuvre médiévale italienne intitulée El arte de matar dragones, L'Art de tuer les dragons, représentant un héros, une damoiselle en danger et la bête suscite l'intérêt des autorités franquistes. En 1939, le tableau a pris la route de la frontière française lors de la Retirada, comme d'autres oeuvres du Prado, en direction de la Suisse. Ramón Serrano Súñer, le Cuñadísimo (super beauf du Generalísimo) en personne a ordonné que la toile soit retrouvée au plus vite.

Le lieutenant Arturo Andrade, ancien bibliothécaire et traducteur, alors agent cryptographe du SIPM est chargé de mener les investigations et de retracer le parcours de la toile. La République vient de tomber, les pistes sont encore fraiches, mais la quête va vite tourner à l'obsession pour le lieutenant au profil personnel et politique assez nébuleux.



En France nous connaissons déjà Andrade, héros des romans Empereurs des ténèbres (sur le Front de l'Est en 43, voir le film Front de l'Est de Gerardo Herrero) et des Démons de Berlin (Allemagne, 1945). L'Art de tuer les dragons est le premier volet de ses aventures, non traduit à ce jour (Pourquoi? Mystère.)

El Arte de matar dragones est un roman d'espionnage de bonne facture ancré dans le chaos de l'immédiat après-guerre, où l'ombre d'un mystérieux agent double perturbe l'enquêteur. La symbolique de la toile créée par un peintre italien anonyme phagocyte Andrade qui se voudrait héros dans un pays sans honneur, ange gardien d'une jeune fille en détresse, prisonnière non pas d'une tour mais d'un bordel madrilène. Si le roman ne possède pas les qualités des deux suites, lourdeurs narratives, digressions, symbolique qui pèse des tonnes, il se lit quand même avec plaisir. On a hâte de lire le quatrième (et dernier?) volume intitulé Soles negros, dans lequel Andrade, devenu depuis capitaine du SIAEM, retourne dans sa ville natale Badajoz.

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Empereurs des ténèbres

Quelque part près de St-Petersbourg, en Russie, embourbés dans la neige, quelques dizaines de milliers d’Espagnols se battent pour le 3e Reich. C’est la division Azul, venue prêter main forte aux Allemands. Cette division est composée à moitié de soldats d’expérience, quand à l’autre moitié… disons qu’elle est composée de volontaires, c’est-à-dire d’un peu n’importe quoi, incluant des éléments peu désirables. Franquistes, phalangistes et communistes, les ennemis d’hier, se retrouvent réunis dans un même combat. Assez original comme « décor ». Avant de lire cette histoire, je ne savais même pas que des Espagnol s’étaient battus aux côtés des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est là que se dévoilent les Empereurs des ténèbres.



Et c’est un étrange mélange que ces soldats espagnols au sang chaud et ces officiers de liaison allemands très droits et professionnels, bien équipés et ayant toujours une tenue impeccable (un peu stéréotypé mais bon…). Et que dire des Russes. Pas les communistes ennemis qui canardent et mitraillent tout ce qui bouge, non, on les voit à peine ceux-là. Je fais référence aux simples villageois des environs, des paysans déguenaillés et des prostituées voluptueuses que les soldats fréquentent… de bons vivants eux aussi.



Mais, au milieu de cet enfer, c’est l’ennemi intérieur que l’on craint : un soldat est retrouvé mort. Pas une victime d’une balle perdue, non, un crime odieux perpétré avec préméditation. C’est alors qu’entre en scène Arturo Andrade, que l’on charge de l’enquête. Mais, pour trouver la solution à cette énigme, il doit fouiller dans le passé de quelques uns de ses frères de combats, se mêler à certains dans leur dur quotidien et surtout bien manœuvrer entre le commandant et colonel, et les officiers de liaison allemands.



Le titre énigmatique, Empereurs des ténèbres, laisse entendre des éléments surnaturels, à tout le moins sombres et gothiques. C’est peu le cas, même si on fait parfois allusion à la franc-maçonnerie et autres saint frusquin. L’intérêt réside essentiellement dans le fait mener une enquête en pleine Seconde guerre mondiale, et en plus dans cette unité spéciale de la division Azul. C’était nouveau, rafraichissant. Et horrible en même temps. L’enquête en soi n’est pas enlevante et Arturo Andrade, même s’il a un passé trouble, ne se démarque pas particulièrement. J’ai remarqué qu’Ignacio Del Valle avait écrit une suite à ses aventures, j’espère qu’il saura rendre son personnage plus attachant. Au moins, il y avait suffisamment d’actions et de suspenses.
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Empereurs des ténèbres

On assassine. Même en enfer. "Tant que nous portons un enfant en nous, nous pouvons échapper au mal sous le manteau de l’innocence ". C’est cette conviction qui fait tenir et avancer le héros, Arturo Andrade, de cet excellent roman noir.



1943. Campement espagnol de Mestelevo, à quelques kilomètres de Leningrad. Le froid est insoutenable (il fait – 30°), la propagande allemande cache les victoires soviétiques à ses troupes, la faim et le doute sont des maux quotidiens. Et pourtant la souffrance et la barbarie engendrées par la guerre ne semblent pas suffisantes à l’Homme. En effet, le sergent Espinosa et le soldat Andrade viennent de découvrir le cadavre d’un homme égorgé et dont l’épaule scarifiée délivre un inquiétant message : " Prends garde, Dieu te regarde". Suite à cette macabre découverte, Andrade est convoqué par les hautes autorités de commandements espagnols et allemands. Dans une ambiance tendue, rythmée par les bombardements russes, il sera chargé de mener l’enquête. Les jours sont courts, la neige et le froid collent aux semelles et à l’âme, mais cet homme, au passé obscur, décide de mettre à l’épreuve son sens aigu de l’observation. Hanté par cette phrase désespérée entendue dans la bouche d’un officier "Ici les vivants ne comptent plus, alors les morts… vous imaginez… ", le ténébreux sergent Espinosa accepte de lui prêter main forte. Ce duo étrange, à la fois digne et cynique, devra affronter les remords et la folie des hommes et se demander ce qu’un mortel rituel maçonnique peut bien vouloir signifier alors qu’une guerre sans pitié bat déjà son plein.



Empereurs des ténèbres aborde un épisode dérangeant de l’histoire espagnole : la division Azul, ce détachement de 18000 soldats espagnols, tous volontaires, franquistes et phalangistes, que Franco avait dépêchés en Union soviétique pour appuyer l'armée allemande sur le front de l’est dans son offensive face à l'Armée rouge. De Valle utilise avec talent ce fond historique pour planter une intrigue minutieuse portée par des personnages authentiques rongés par leur passé. Empereurs des ténèbres est un roman crépusculaire, à plus d'un titre. Le froid extrême, la faim, l'exaltation et la folie sont palpables à chaque page. Plus que les détails de l'intrigue, c'est son côté irréel qu'on retient : la guerre est en train de basculer, la défaite du Reich presque consommée, l'armée rouge campe à quelques centaines de mètres des lignes, et pourtant Andrade et sa hiérarchie s'acharnent à découvrir un (des ?) coupable(s) qui pas plus que les autres n'échappera(ont ?) aux massacres. Empereurs des ténèbres n'est pas un de ces romans policiers qui se dévorent en quelques heures, c'est un livre âpre, un voyage aux tréfonds de l'âme humaine. Un roman captivant, passionnant et remarquablement bien écrit.

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Les démons de Berlin

J’ai lu L’empereur des ténèbres il y a quelques années. Ce ne fut pas une lecture d’un enthousiasme immédiat mais j’avais fini par bien l’aimer. Je trouvais original l’idée de suire Arturo Andrade, de la la division Azul. Vous savez, ces Espagnols qui ont pris les armes pour aider les nazis à baffer les communistes. Là, il s’était démarqué en démasquant un meurtrier en série. Dans ce deuxième tome, Les démons de Berlin, Andrade a quitté le front est et se retrouve à Berlin dans les derniers jours du Reich. La ville est constamment bombardée par les Alliés, les Russes sont aux portes de la ville. Et Ernest von Kleist, un scientifique chargé du programme atomique, est retrouvé mort assassiné. Donc, Andrade est réquisitionné par les Allemands pour aider à résoudre cette affaire et l’ambassade espagnole le pousse dans cette direction, tant pour démontrer son soutien chancelant au Reich que pour profiter des découvertes, s’il y a lieu. Et peut-être la partager aux Alliés pour démontrer sa bonne volonté…



J’ai bien aimé «déambuler» avec Andrade dans Berlin chaotique, en ruine, quelque peu apocalyptique. Une vision d’enfer ! L’auteur Ignacio Del Valle a réussi à rendre cette ville réaliste, avec moults détails, allant de la chancellerie du Reich au zoo. (Peut-être pas autant que Philip Kerr et sa Trilogie berlinoise, mais presque.) On peut même croiser quelques personnages importants du régime nazi. Mais attention, ce n’est pas un voyage touristique, c’est une guerre horrible et Del Valle n’épargne pas ses lecteurs. Des réfugiés arrivent de l’est avec des histoires terribles, beaucoup cherchent à fuir encore plus loin, ceux qui restent survivent difficilement. Aussi, l’enquête sur l’assassinat de von Kleist est plutôt réussie, développée comme un thriller, les chapitres se terminant sur une note dramatique de suspense. Et il y a de l’action à volonté, surtout à partir du moment où les Russes atteignent la banlieue.



Malheureusement, quelque chose dans Les démons de Berlin n’a pas autant opéré pour moi. Ça a peut-être à voir avec le fait que l’intrigue se complexiait un peu trop à mon goût. L’enquête criminelle, celle sur la mort de von Kleist, se perd dans ce qui devient un roman d’espionnage. Ça aurait pu être positif si ça avait été plus clair ; à un moment, je ne savais plus ce après quoi Andrade courait. Et, à partir du milieu, l’investigation tournait en rond, l’intrigue semblait s’enliser et, moi, je commençais à m’ennuyer. Peut-être quelques longueurs ? À cela s’ajoute son histoire d’amour pathétique avec une Allemande. C’est un peu comme si Ignacio Del Valle avait en tête une grande fresque mais Les démons de Berlin donne plutôt l’impression de partir dans toutes les directions. Au final, ces éléments m’ont agacé mais pas suffisamment pour me détourner de ma lecture. Je suis encore intéressé par les aventures d’un Espagnol pris dans une guerre allemande et, si un autre tome sort, je crois que je le lirai.
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Derrière les masques

Une bombe explose à Manhattan: attentat terroriste ou criminalité expéditive?



L'enquête favorise rapidement un règlement de comptes et un témoin fait un constat bien étrange par l'oeil de son appareil photo.



Mais qu'y a-t-il de commun entre une explosion dans un bar new-yorkais tenu par des mafieux russes et un criminel de guerre serbe passé pour mort?



Deux flics et une photographe de guerre vont se pencher sur cette improbable affaire, les premiers en faisant leur métier d'enquêteurs, tenaces et impliqués, la seconde en retrouvant les fantômes d'un travail de terrain dans le bourbier de l'ex-Yougoslavie. Cette quête violente et mouvementée va les affecter dans leur vie personnelle, sur fond de trafic d'armes, de drogues, de femmes et de prostitution, de blanchiment d'argent et de corruption.



Ignacio del Valle dépasse le simple exercice du polar pour une réflexion plus intime sur les fêlures des individus, sur leur aptitude au bonheur, sur leur capacité de violence innée à assouvir, quand elle n'est pas canalisée par les légalités sociétales. C'est donc un thriller, violent et rugueux, un brin lymphatique, aux êtres solitaires et tristes, à l'ambiance oppressante, car la trame narrative policière laisse souvent le pas aux introspections des personnages.



J'ai particulièrement aimé l'évocation des villes, New-York frénétique, Sarajevo résistante dans la guerre... Elles sont des personnages à part entière, et l'auteur les met en scène de façon photographique.

En revanche, j'ai eu parfois du mal à suivre la pensée de l'auteur dans les digressions philosophico-psychlogiques. Cela donne une opacité au récit qui finit par lasser et perdre le lecteur, sans apporter de force au contexte policier.



Au final, un livre parfois hermétique, élégamment écrit, hors champ du modèle policier classique, mais construit en rebondissements et points de vue variés.

Je referme pourtant sans être convaincue. J'avais vraiment préféré "Empereurs des ténèbres"et "Les démons de Berlin".



Remerciements à Masse critique et aux Editions Phébus.



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Empereurs des ténèbres

Empereurs des ténèbres a de remarquable de faire évoluer le lecteur dans un roman policier au contexte historique très original, celui de la Division Azul.



1941, l’Allemagne déclenche l’opération Barberousse. Franco, sollicité par Hitler, accepte difficilement de déployer une division de volontaires espagnols au côté des forces d’invasion. Cette cohorte composée majoritairement de Phalangistes prendra le nom de la couleur de leur chemise, le bleu, Azul en espagnol.



1943, alors qu’ils sont sur le front de Léningrad, nous suivons l’enquête d’un soldat, ancien inspecteur de police, mandaté par l’état-major pour découvrir l’assassin d’un soldat de la division, où le mystère et le mystique se mélangent.



Ignacio del Valle nous fait découvrir une histoire de l’Espagne méconnue. Abordant les rivalités internes franquistes, l’auteur nous fait évoluer dans cet hiver russe terrible dans lequel notre enquêteur zigzague entre les bombes, les espions et les fous.



C’est un très bon roman que je vous conseille où l’Histoire et le Policier se marient particulièrement bien
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Empereurs des ténèbres

A mi-chemin entre l’intrigue policière et le roman historique, Ignacio Del Valle nous livre là une perle, n’ayons pas peur des mots. Il nous brosse dès les premières pages le tableau apocalyptique d’un homme égorgé, une inscription gravée sur l’épaule, pris dans la glace aux côtés d’une vingtaine de chevaux aux yeux exorbités, horreur digne de l’œuvre « Guernica » de Picasso. Et la référence à ce tableau n’est pas fortuite de ma part, car nous nous retrouvons dans ce roman aux côtés de la Division Azul, bleue comme les chemises que portaient la majorité d’entre eux, les phalangistes. Ces volontaires espagnols, envoyés sur le front russe en appui aux armées allemandes, se trouvent animés pour la plupart d’entre eux par leur volonté d’en finir avec le communisme. Mais, finie la guerre d’Espagne dont les stigmates restent malgré tout encore tangibles dans les corps et les esprits, nous sommes à l’hiver 43, près de Leningrad. Chargé de l’enquête, le soldat Arturo Andrade va mener sa propre croisade, en lutte à ses démons mais aussi confronté à la folie des hommes, depuis les joueurs de violeta aux occupants hagards et fantomatiques d’un monastère reconverti en asile, sans compter la cruauté de soldats allemands aveuglés de haine et pétris d’intolérance. Grâce à une écriture riche et ciselée, cultivée, nous sommes hypnotiquement emportés dans cette intrigue, au rythme lent, comme paralysés à notre tour par le froid, la neige, mais fascinés par ces paysages qui absorbent et qui phagocytent, par cette âme russe. Comment s’extirper de cet enfer, de cette horreur quotidienne laminante? En devenant bourreau à son tour ? En cédant aux croyances quasi primales de l’existence des vampires ou des démons ? Il ne reste à Arturo qu’une dernière conviction, qu’une seule riposte, fragile et fine comme de la glace : le recours à l’innocence de l’enfance, comme un leitmotiv entêtant : « Vous portez en vous un enfant, souvenez-vous que tant qu'il en sera ainsi, vous pourrez échapper au mal en vous réfugiant sous le manteau de l'innocence, vous franchirez des rivières, vous essuierez des tempêtes, vous pourrez même traverser les flammes de l'enfer". Prière répétée, bienfaisante, salvatrice.

Ce roman est infernal, dans tous les sens du terme ; prisonniers que nous sommes de la toile que tisse petit à petit Ignacio Del Valle, se débattre est inutile. Psychologique, horrifique, historique, nous passons par tous les états (en –ique of course) pour finir en apothéose sur un dénouement qui nous met à l’envers et encore inassouvis. J’ai lutté mais je me soumets : c’est un grand livre.

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Empereurs des ténèbres

L’hiver 43 est rude sur le front de l’Est parmi les volontaires franquistes de la division Azul. Et ce qui domine, c’est le froid, un froid polaire, le froid partout, et le froid toujours, jusqu’aux os.



Glacée l’atmosphère. Seul le café chaud paraît salvateur : « Il but une gorgée stimulante, et retint le liquide sur sa langue ; la chaleur du café mélangé à l’alcool le conforta dans son opinion que n’importe quel coin de l’univers était un peu plus fréquentable avec une tasse à la main. » Les Espagnols de la division Azul n’y sont guère accoutumés à ce froid. C’est lui pourtant qui conserve le corps atrocement mutilé d’un jeune soldat vraisemblablement assassiné, par un meurtrier qui a gravé « Prends garde, Dieu te regarde » dans la chair de son cou. Arturo, dont la présence sur le front russe demeure mystérieuse mai paraît relever de la punition, est chargé d’une enquête plus que délicate dans le contexte militaire du moment.



Glacial ensuite le cul de sac dans lequel se trouve piégée la division Azul. Ignacio del Valle entraîne son lecteur dans un voyage halluciné, sur un champ de bataille de l'absurde, au coeur de l'enfer du siège de Leningrad. « Sous son emprise, entouré d’un halo glacial se détachant sur un ciel clair, Mestelevo patientait, tendu par l’attente ; on parlait d’une concentration de plus de quarante mille Russes, de centaines de pièces d’artillerie, d’orgues de Staline, et de nombreux chars d’assaut T-34 et KV-1 dans le saillant de Kolpino près de Krasny Bor, prêts à les dévorer corps et âmes. L’imminence de l’attaque et la proportion de trois contre un se reflétaient dans l’activité incessante de la Division dont la sérénité était cependant impressionnante ; des hommes extraordinairement jeunes renforçaient les tranchées et nettoyaient leurs armes avec tout le calme dont avaient fait preuve les Spartiates au défilé des Thermopyles, du moins tels qu’Arturo les imaginait. » C’est la fin du monde ou presque, comme dans l’excellent Deux dans Berlin, mais c’est une apocalypse qui se joue dans un registre différent. Outre un contexte historique passionnant (l’enlisement des troupes alliées aux Nazis sur le front de l’est, et le début d’un retournementde situation en faveur des Russes, un de ces instants où l’histoire semble basculer), on trouvera dans Empereurs des ténèbres de vraies qualités d’écriture, empreintes d’une certaine poésie qui sait éviter avec finesse l’écueil d’une hypothétique esthétique de la violence.



Glaçante enfin la confrontation avec l’horreur de l’extermination par balles sur le front oriental. « Tant de morts en si peu de temps … cela restait toujours aussi incompréhensible, sans pour autant exclure une fascination maladive. » Car Empereurs des ténèbres est bien plus qu’une enquête policière : celle-ci apparaît rapidement comme le prétexte d’une réflexion éthique, lucide et exigeante, envoûtante et en même temps assez terrifiante. « Dans la bulle de temps qui se forma, Arturo les observa tous, Kehren, Hilde, les SS : l’indolence de leurs regards, qu’il avaient déjà remarquée chez l’Einsatzgruppe, donnait l’impression que leur cerveau était toujours en retard sur leurs mains. Et il comprit que c’était eux, les nouveaux empereurs. Etranges pour eux-mêmes et pour le monde, n’ayant aucune notion du passé ou de l’avenir ; des enfants égoïstes et solitaires jouant sous le cil infiniment pur de la cruauté, tuant sans haine, sans raison, inaugurant ainsi pour le monde une époque implacable. »



Pas loin d’être magistral, avec une envie certaine de lire le second volet, Les Démons de Berlin.
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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Empereurs des ténèbres

Des ibériques anticommunistes dans l'enfer glacé ( image descriptive facile...) du siège de Leningrad lors de la seconde guerre mondiale. Une enquête policière prétexte à évoquer la division Azul, peu connue, formée de volontaires espagnols engagés auprès des nazis sur les champs de batailles de la seconde guerre mondiale à l'instar de la division Charlemagne côté français.



Cette trame du roman est intéressante car évoque un  aspect méconnu de la guerre, l'engagement de troupes espagnoles pro nazies.



L'enquête policière est par contre plutôt confuse, sur une grande partie du roman, mais heureusement la fin, inattendue, rattrape cette impression de délitement, évitant ainsi de gâcher un bon roman ; ainsi j'avoue ne pas avoir très bien saisi ľutilité  des us et coutumes maçonniques dans la trame du livre...

Un soldat ex-officier retrogradé est chargé d'élucider un puis plusieurs assassinats (ironiquement sur un front de guerre...), en navigant entre luttes intestines de pouvoir entre supérieurs ďobédiences différentes,  au sein de la division et survie au quotidien dans un univers réfrigéré.

L'ensemble des protagonistes sont  antipathiques, égocentrés, manipulateurs, porteurs de lourds secret,  déshumanisés de fait et très réels puisque façonnés par le contexte et l'époque, et la plume sans concessions de Del Valle,  au style et à  la forme sans reproches, rend son œuvre très prenante au final.

Je lirai avec plaisir la suite de l'épopée d'Arturo Andrade suiveur de l'agonie du régime nazi en sa capitale avec "les démons de Berlin".



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Empereurs des ténèbres

El Tiempo de Los Emperadores Extraños

Traduction : Elena Zayas



ISBN : 9782752906519



Peu importe si vous l'on soutient qu'"Empereurs des Ténèbres" est un roman policier : rien n'est plus faux. Il y a assassinats, bien sûr, et froidement prémédités, et bien sanglants dans une guerre qui atteignit des sommets de barbarie mais justement, les thèmes de ce roman, ce sont avant tout la Guerre, la Mort et la Folie.



D'origine asturienne, Ignacio del Valle a choisi de nous faire voir la Seconde guerre mondiale et, plus précisément, le moment où le vent tourne pour les troupes nazies sous l'assaut de l'Armée rouge et du sursaut patriotique impulsé par Staline à toute une nation qu'il déclarait pourtant la veille au soir la plus solide alliée du Führer, avec les yeux des Espagnols, les membres de la célèbre "División Azul" (littéralement "Division Bleue" en raison de la couleur de la chemise qu'ils arboraient), exclusivement composée de volontaires, qu'un Franco bien embêté mais ne pouvant renier l'aide apportée par Hitler et ses aviateurs lors de la Guerre civile, s'était débrouillé pour mettre à la disposition de la Wehrmacht à charge cependant pour celle-ci de les équiper.



Parmi ces volontaires, Arturo Andrade, jadis le lieutenant Andrade mais redevenu simple soldat après une condamnation pour crime passionnel. Son intelligence, profondément analytique, ses facultés de raisonnement hors de pair, qu'il a déjà exercées dans "L'Art de Tuer les Dragons", énigme bâtie autour de la disparition d'une oeuvre d'art, sortie en 2003 aux Editions Agaida, le font désigner presque immédiatement lorsque l'on découvre, dans la rivière gelée, au milieu d'un groupe de chevaux morts de froid en un plein élan qui fait irrésistiblement penser à une scène célèbre du génial "Kaputt" de Malaparte, un soldat égorgé, entièrement vidé de son sang, et sur la peau de qui on a gravé ces mots : "Prends garde, Dieu te regarde." Qu'on puisse entamer une enquête policière alors qu'on est cerné par l'Armée rouge et les partisans et que l'on mène soi-même une guerre où des milliers d'hommes tombent tous les jours, à quelque côté qu'ils appartiennent, peut paraître absurde mais la chose n'en reste pas moins nécessaire. Assurément, la victime n'est pas morte sous une baïonnette russe, les chevaux ne sont pas sortis comme ça pour se jeter dans des eaux glaciales et le mystère, si ce n'est un fou délirant, rôde non pas à l'extérieur de la Division mais bel et bien en son sein.



Andrade reçoit carte blanche de tous ses supérieurs hiérarchiques, espagnols comme allemands, pour mener l'affaire à terme. Il se lance, curieux mais prudent. Doté d'un sens logique que les horreurs vues durant la guerre, civile, puis mondiale, n'ont pas réussi à entamer, il cherche bien entendu un mobile. Mais il y en a-t-il vraiment un ? Ne va-t-il pas s'évanouir au moment même où Arturo y atteindra ?



Plus que l'intrigue policière, dont on comprend très vite qu'elle n'ait qu'un prétexte, c'est la guerre et tout ce qu'elle renferme en elle, aussi bien de parfois comique que de franchement atroce, qui retiennent ici notre attention. On en apprend beaucoup par exemple sur les rivalités qui s'exerçaient, au temps de la Phalange, dans le camp de Franco. On découvre, si on ne le savait déjà, en parallèle des dissensions favorisées par les Staliniens au sein des Républicains espagnols, la haine que portaient Phalangistes et Franquistes aux francs-maçons alors que ceux-ci conservaient leur sphère d'influence. Et, très vite, la haine et le mépris des Phalangistes purs et durs envers Francisco Franco. Même après ce que l'on voit de nos jours, en particulier sur le Net, on reste stupéfié par le fanatisme, religieux, politique, pour ne pas dire les deux, inextricablement mêlés à la soif du pouvoir, de certains. Quant à l'arrivisme, froid et qui ne se pose guère de questions, des autres, il parvient encore à nous ahurir. Dans le fond, rien ne change ... Une fois ou deux, apparaissent, hallucinants et eux-mêmes zombifiés par leurs credo d'hygiène raciale, deux S. S. - un homme et une femme, celle-ci, Hilde, n'étant pas sans évoquer, en tous cas par son physique, Ilse Koch, surnommée "la chienne de Büchenwald". Il n'est pas sans un malheureux berger allemand, dressé pour la haine et l'attaque, qui ne tienne ici son rôle de monstre parce que la Guerre et les hommes rendent monstrueux.



Des lecteurs mieux au fait en matière d'Histoire de la Guerre civile espagnole et de la "División Azul" repèreront peut-être pas des invraisemblances mais certaines libertés prises par la fiction sur les faits. Le récit n'en reste pas moins hypnotique tant il déborde à la fois d'humanité désespérée, d'inhumanité formatée, de cruauté dictée par le seul instinct de conservation, et de folie, une folie absolue qui hante à peu près tout le monde, qu'elle se dévoile lors d'un crime, d'une séance de "violeta" (variante espagnole de la roulette russe qui confère au roman l'une des ses scènes les plus fortes), d'un corps-à-corps entre deux hommes ou entre un chien et un homme, ou même de simples rapports sexuels (Zira et Arturo).



A l'issue de ce livre, on serait tenté de conclure : "La Guerre rend fou." Mais, à bien y regarder, n'est-ce pas notre folie à tous qui provoque la Guerre ? ... Certes, Hitler, Staline, ... furent des "Empereurs des Ténèbres". Mais n'en portons-nous tous pas un au plus profond de notre être, qui ne demande qu'à se révéler si le Destin et la "Chance" s'en mêlent ? L'assassin que traque Andrade se veut un justicier mais, finalement, n'est-il, pas lui aussi, qu'un "Empereur des Ténèbres" qui s'est longtemps ignoré et qui, quand il le comprend, n'éprouve plus le besoin de survivre ? ...



A lire mais avec l'esprit reposé et porté à la réflexion. "Empereurs des Ténèbres" est un roman plus complexe que ne le laisse supposer sa quatrième de couverture. ;o)
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Empereurs des ténèbres

1943 L’armée allemande affronte l’hiver russe, à ses côtés la Division Azul et ses volontaires franquistes qui croyaient ainsi lutter contre le communisme.

Hommes et bêtes meurent de froid parfois même de faim.

On découvre le cadavre d’un homme égorgé dans la rivière prise par les glaces et l’homme porte gravé dans sa chair « prends garde Dieu te regarde »

Pour le moral des hommes et la discipline il faut trouver l’auteur de ce meurtre, le lieutenant Arturo Andrade est chargé de l’enquête.

Ce n’est pas un enfant de choeur, il a perdu ses galons et même s’il ne partage pas le fanatisme des hommes de la division il a derrière lui un passé très trouble.

Il va se faire aider du sergent Espinosa, n’accorder sa confiance à personne et tenter de comprendre où se trouve l’ennemi : côté russe ? parmi les SS qui assassinent Juifs et Tziganes ? ou dans la division même ?

Son enquête va se révéler longue, difficile.

Des scènes hallucinantes de folies et de cruauté, le froid, la neige, la nuit pendant laquelle les partisans de l’Armée Rouge attaquent sans relâche, la folie ambiante, la débâcle de l’armée allemande, tout est rendu avec un réalisme impressionnant.



Un polar qui choisit une période sinistre de l’histoire et qui parvient à nous intéresser au sort de ses hommes qui sont en proie à la haine, à la violence, à leurs démons intérieurs, où le mot civilisation est balayé pour le chaos de l’Histoire.

Un polar que je trouve réussi même si l’intrigue est un peu trop tortueuse, je le rapprocherais de La tristesse du samouraï, des romans qui mêlent réalité et fiction avec beaucoup d’efficacité.


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Les démons de Berlin

Berlin, 1945. La ville peu à peu s'anéantit dans le feu et les bombes. Les Russes approchent, précédés de rumeurs de pillage, de meurtre et de viol. Le grand rêve inhumain du Troisième Reich s'apprête à s'effondrer. Dans cette apocalypse en devenir, Arturo Andrade, ancien de la División Azul désormais dissoute, a choisi de rester, fasciné par le désastre en devenir, investi aussi de deux missions. Pour l'ambassade espagnole : renseigner. Hitler a-t-il encore une chance, ou la diplomatie doit-elle pour de bon se tourner vers les Alliés ? Pour les autorités allemandes : élucider. Le corps d'un savant de renom vient d'être retrouvé à la chancellerie, poignardé sur une grande maquette de Berlin. On suspecte un commando américain infiltré, qu'il faudrait retrouver, mais dans ce contexte les jeux d'alliance sont plus complexes que jamais. Les fidèles indéfectibles, modelés jusqu'au fond de l'âme par la propagande du régime, ceux qui mourront plutôt que d'abdiquer, sont faciles à reconnaitre - mais les autres, tous les autres, que ne feraient-ils pas pour sauver leur peau, leurs proches, leur pays ?

Seulement, se murmure dans l'ombre ce mot : Wunderwaffe, l'arme miraculeuse promise par Goebbels, qui pourrait anéantir l'armée russe, renverser la situation, assurer la victoire. Le savant mort à la chancellerie travaillait justement là-dessus, il a certainement été tué pour ça... mais pourquoi et par qui ? Cette promesse ultime de victoire n'est-elle qu'une illusion ou faut-il la prendre au sérieux ? Jusqu'où pourront aller les Furies, les démons du chaos qui étendent leurs ailes noires sur Berlin ?



Les Démons de Berlin est de ces romans où l'intrigue criminelle, bien que tout sauf inintéressante, vaut surtout pour ce qu'elle permet d'évoquer. Cette ambiance de ville en guerre, ravagée, où tout se délite peu à peu, les bâtiments, les hommes, les repères, les espoirs, de plus en plus fascinante à mesure que se précise l'apocalypse. Cette grande tragédie de l'histoire, mille fois répétée : la chute de quelque chose qui s'est voulu immense et s'effondre à la profondeur de sa démesure. Une réflexion très intéressante sur les ressorts et la banalité du mal, l'éternelle dualité du désespoir et de l'illusion, les outils fabuleux qu'y trouve la manipulation politique, les ferments du fanatisme, la difficulté immense à trouver sa voie face à la tentation du nihilisme... L'intrigue criminelle se perd un peu là-derrière, oui, c'est voulu et c'est tant mieux, c'est ce qui donne au roman sa profondeur et sa force percutante.
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Empereurs des ténèbres

En exergue:

"Un jour les hommes se tourneront vers leur passé et diront que le XXéme siècle est né avec moi." Jack L''Eventreur 1888



Et la première phrase:

"- Ici les vivants ne comptent plus , alors les morts...vous imaginez ..."

Ce roman commence par une image , celle d'une vingtaine de chevaux morts, pris dans les glaces d'une rivière gelée près de Leningrad. C'est l'hiver 1943, et les Russes commencent à résister sérieusement .. A côté de ces chevaux, le corps d'un homme , également pris dans la glace, auquel on a tranché la gorge . Sur son torse, écrits au couteau , ces mots: « Prends garde, Dieu te regarde ».

Cet homme appartient à la division Azul , un corps de volontaires ( ou non...) espagnols intégrés à l'armée allemande à partir de juillet 41 .



Va commencer une enquête pour retrouver l'assassin , car même si les morts ne manquent pas en ces temps et lieux, c'est le moins que l'on puisse dire, justice doit être faite .

Elle est confiée à un ex- lieutenant, Arturo Andrade , qui semble être un personnage récurrent des romans de cet auteur. Le problème est que les romans précédents ne sont pas traduits, et que l'on sait simplement qu'Arturo Andrade a été lui-même condamné à mort, finalement gracié et envoyé se rafraichir dans la division Azul.



C'est évidemment beaucoup plus qu'un polar, mais un roman d'ambiance -et quelle ambiance.. -, touffu, très noir et passionnant. On peut sans doute lui reprocher quelques envolées métaphysico-lyriques un peu longues , mais l'ensemble est de qualité.

Ah, j'ai découvert un jeu encore plus amusant que la roulette russe, la violetta, c'est la même chose, sauf qu'à chaque tour, les participants restants ont une chance de moins( et même plus de chance du tout, caramba, encore raté!) jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un pour gagner la mise..



Viva la muerte sur le front russe était le titre de la critique de Libération, c'est tout à fait cela.

Adapté au cinéma ( Silencio en la nieve), mais j'ai trouvé le film bien inférieur à ce très puissant roman.



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Les démons de Berlin

J’avais particulièrement bien accroché à son roman précédent alors je me suis laissée tentée cette fois encore par un roman d’Ignacio del Valle et du coup je passe du Berlin de 1933 à celui de 1945



J’avais laissé le héros, Arturo Andrade avec la Division Azul dans le froid de l’hiver Russe.

Les Allemands ont fait retraite et le voilà dans Berlin qui ne va pas tarder d’être assiégé par les Russes. Le Reich vit ses dernières heures et c’est à une peinture de l’apocalypse que l’auteur nous convie.

Sujet difficile qui pourrait être même scabreux sans le talent d’Ignacio del Valle

Berlin 1945, chacun cherche à survivre, le commandement allemand se délite et le danger est partout. Un chercheur allemand E Von Kleist a été trouvé assassiné. Arturo Andrade est sollicité pour expliquer ce meurtre et mettre la main sur son auteur.

Très habilement on voit émerger le programme de recherche allemand vers l’arme atomique et la bataille des alliés pour le récupérer et mettre la main sur les savants qui en sont à l’origine.

Arturo va devoir piloter à vue pour éviter tous les pièges. Toutes ses recherches se font alors que les alliés sont aux portes de la ville et qu’Hitler vit enfermé dans son bunker.

« Les Anglais progressaient vers Hambourg, les Américains avançaient vers la Bavière, les Français étaient arrivés dans le haut Danube, les Russes cernaient Berlin et menaçaient Vienne »



C’est habile, intelligent, le tableau de la ville et de ses dernières heures est saisissant et j’y ai pris le même intérêt que dans le polar précédent.

J’ai aimé les clins d’oeil littéraires comme celui là « A l’instar des familles heureuses, toutes les armées en déroute se ressemblent » qui permettent d’esquisser un sourire alors que l’atmosphère est lourd.

je vous recommande le dernier chapitre qui est assez somptueux, un mélange de terreur et de beauté.
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Les démons de Berlin

Le crépuscule de ceux qui se sont pris pour des dieux.

C'est sur le front de l'est, près de Leningrad, qu'on avait laissé le soldat Arturo Andrade, un espagnol de la Division Azul qui fut envoyée par Franco pou prêter main forte aux allemands durant la dernière guerre.

Après les Empereurs des ténèbres, voici donc : Les démons de Berlin du même Ignacio del valle.

Le Reich vit ses derniers jours et comme tant d'autres, Arturo erre dans un Berlin qui courbe l'échine sous les bombes, en espérant que les américains arriveront avant les russes, les Ivans, les terribles Ivans qui réussirent à terroriser les nazis.



[…] Le Reich offrait son visage le plus terrible dans le chaos des routes, bloquées par un flot gris de véhicules et de réfugiés faméliques, exténués et terrorisés par les cris de Der Iwan kommt !



Dans le bunker de Hitler, un haut gradé est assassiné, Arturo enquête. On parle d'espionnage. Les américains seraient à la recherche de mystérieuses WuWa, les WunderWaffe, les armes miracles que les nazis seraient sur le point de lancer ... Délire SS ? Propagande nazie ? Ou réel danger atomique ?

Arturo et quelques rescapés de la division Azul se lancent sur les traces des espions Alliés, des scientifiques allemands et d'une mystérieuse confrérie nazie, ...



[…] - Stratton en a-t-il dit plus ?

– M. Stratton est décédé ce matin, répondit Bauer avec une froideur notariale. Arturo écarquilla les yeux.

– Que s’est-il passé ?

– Crise cardiaque. C’était un homme sain et robuste, et ceux qui étaient chargés de l’interroger étaient des gens compétents… C’est un coup de malchance.

Un sentiment diffus de solidarité crépita dans le sang d’Arturo à l’évocation du corps du commando américain roué de coups, couvert de plaies et électrocuté : ce n’était pas une mort pour un soldat.

– Toutefois, il nous a livré une dernière chose intéressante avant de nous quitter.



Comme d'habitude, Del Valle convoque tout un ensemble de personnages et de faits réels, même si c'est sans grand souci de vraisemblance, pour les mélanger habilement, ici dans le chaudron infernal de Berlin en 1945 : l'ordre de Thulé par exemple a bel et bien existé, tout comme le baron Von Sebottendorf ou encore la division Charlemagne, l’équivalent français de la division Azul.

Tout cela est instructif mais les quelques dérives qui parsemaient l'épisode précédent prennent ici une importance beaucoup trop grande. Dans cette ambiance de fin de règne, de déroute militaire, la fin du monde est si proche, Berlin ressemble tellement à l'enfer, que Del Valle se laisse emporter par ses propres démons. Ses envolées philosophiques ou lyriques, ses digressions romantiques ou mystiques, prennent beaucoup de place et de pages, pour finir par dévorer l'intrigue policière.



[…] Et partout, des cadavres atrocement déformés, tordus dans les flaques de leur propre graisse, réduits à un tiers de leur taille normale, et sur certains, de petites flammes de phosphore bleutées et tremblotantes.



Tel un Néron pyromane, l'auteur se perd (et nous avec) dans les descriptions flamboyantes de la ville en proie aux bombes et aux flammes.

Il faut dire que tandis que les allemands courent après l'arme atomique, les américains quant à eux peaufinent encore, quelques mois seulement après les terribles bombardements de Dresde et Hambourg, leurs techniques d'extermination massive. Et l'artillerie russe est toute proche.

Tout cela est décrit avec une fascination morbide et disons-le, parfois trouble et inquiétante, pour la folie suicidaire des soldats du Reich : le crépuscule de ceux qui se sont pris pour des dieux.

Pour celles et ceux qui aiment les fins du monde.




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Les démons de Berlin

Déjà très impressionnée par le premier livre de Ignacio del Valle "Empereurs des ténèbres", j'ai retrouvé avec grand intérêt, dans cette nouvelle enquête, Arturo Andrade, officier espagnol de la division Azul démantelée, sorti indemne de l'enfer du front russe. Le voici en nouvelle affectation, guère plus confortable, dans une ville de Berlin exsangue sous les bombes des fronts russe et alliés, à l'agonie du régime nazi.

On est en 1945, une quinzaine de jours avant le suicide d'Hitler.



Entre disparitions de savants, course à l'armement nucléaire, espionnage et querelles de boutiquiers des différents services de l'Etat allemand en décomposition, c'est un contexte quasi documentaire qui illustre le roman, dans une vision d' enfer et de violence : Berlin en ruines, couleur sépia, fumées des incendies et bombardements, cacophonie et fureurs des armes, odeurs pestilentielles dans l'air calciné, misère et famine des berlinois. Des images très fortes!



Si l'enquête soulève de façon improbable l'existence de sociétés occultes et une trame policière un peu incongrue et compliquée, le contexte de guerre citadine est impressionnant de réalisme.

Et comme en cadeau, l'amitié et la confiance entre combattants, la douceur d'une femme aimée, la compassion envers les plus damnés, la survie possible malgré toute l'horreur, par ce que la Vie apporte de plus lumineux.

C'est un thriller historique, nihiliste, au plus près d'une réalité brute et âpre, aux envolées lyriques wagnériennes pour décrire l'Apocalypse.
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Empereurs des ténèbres

Remarquable ! C'est un roman qui nous entraîne dans l'URSS glacée de l'hiver 1943, au sein de la Division Azul. Ignacio del Valle imbrique avec facilité la petite histoire dans la grande, soit la recherche d'un tueur en série au coeur de la débâcle attendue de l'armée allemande et des fanatiques espagnols. L'intrigue est prenante, le décor est réaliste, et ce que j'ai préféré, ce sont les personnages : des saletés de phalangistes et franquistes, mais d'abord des hommes, portant en eux toutes les nuances de l'humanité. J'ai bien aimé la façon dont l'auteur m'a fait éprouver de l'empathie, parfois même de la sympathie, pour eux -malgré moi. En outre, j'ai appris beaucoup de choses -mais sans que ce soit barbant- sur les rivalités entre alliés fascistes. Ce roman est donc très riche, tant sur le plan littéraire qu'historique, tout en maintenant son suspense jusqu'au bout. Brillant.

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Empereurs des ténèbres

Nous sommes aux portes de Leningrad, à l’hiver 1943. Les morts se comptent par centaines, par milliers. En fait, ils ne se comptent plus. On vient pourtant de retrouver le corps d’un militaire enfoncé jusqu’au tronc dans les glaces de la Slavianka. Il s’agit d’un membre de la Divizion Azul, un détachement de phalangistes espagnols que Franco, par calcul politique, a dépêché en Russie pour appuyer l’armée allemande dans sa guerre contre le communisme. Une coupure nette à la gorge du cadavre ainsi qu’une phrase gravée sans doute à l’aide d’un couteau au niveau du cou « Prend garde, Dieu te regarde » ne laisse aucun doute sur les circonstances de sa mort. C’est bien d’un assassinat qu’il s’agit.



(Lire la suite...)
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