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Critiques de Jacqueline Harpman (279)
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Il fait beau, je suis sur ma terrasse, à l’ombre d’un parasol, et je savoure la douceur de vivre…

Je la savoure d’autant plus que je viens d’achever le roman bouleversant de Jacqueline Harpman : ‘Moi qui n’ai pas connu les hommes’. L’héroïne, elle, ne sait pas la joie des saisons, la grâce du vol d’un papillon, les rapports simples de la communauté humaine.

L’héroïne ne se souvient pas de son passé. Ses seuls souvenirs sont une cave, une cage, des gardes, et des femmes. Des femmes par ailleurs désespérées, nostalgiques d’un temps d’avant, d’avant…quoi ? D’avant l’Apocalypse ? L’héroïne n’a pas de nom, on l’appelle « La petite ».

Mais contrairement à toutes ces femmes, elle veut vivre. Elle questionne, elle regarde ; une seule femme, Théa, consent à l’aider, à lui donner quelques instants bien à elle pour l’instruire. C’est l’époque de son adolescence, sa volonté de faire face, de s’opposer se déploie….

Et puis soudain, survient « quelque chose » : une sirène d’alarme retentit, les gardes, affolés, quittent la cave, laissant la grille ouverte. Les femmes en profitent pour sortir…et là, elles ne trouvent que la solitude. Où sont-elles ? Devant elles, une étendue d’herbe pauvre, un soleil, de la pluie, et c’est tout. Leur errance va commencer. Errance qui va durer des années…

Je n’en dis pas plus pour ne pas divulguer le mystère de cette histoire, mystère qui d’ailleurs, ne sera jamais levé. Mais jamais, jamais, je n’oublierai le lent désespoir, la lente désagrégration de ces femmes qui avaient un mari, des enfants, peut-être, et qui se retrouvent inutiles, sans but. Je me suis complètement, totalement immergée dans leur esprit et dans leur coeur, mieux encore que dans celui de « La Petite », puisqu’elle, elle a toujours connu ce monde étrange.

Comment vivre en communauté, rien qu’avec des femmes ; comment vivre avec la douleur déchirante d’un passé heureux et aboli…Comment mourir, aussi, tenaillé par la désespérance ?

Une chape de plomb m’est tombée sur les épaules, m’a ensevelie, et m’a arraché des larmes d’horreur, oui, je l’avoue. C’est « La petite » qui m’a relevée, grâce à sa force de vie, à sa curiosité insatiable, à sa volonté inébranlable.

Mais les circonstances vont-elles lui être favorables ?



Je pense que c’est un des romans qui va rester à tout jamais gravé dans mon esprit et dans mon âme. Il m’a fait prendre conscience que la vie est là, simple et tranquille, et que malgré ses vicissitudes, il faut l’en remercier, car nous sommes entourés d’une communauté, nous avons un but, quel qu’il soit, nous avons un destin à accomplir.



Après « Orlanda », Jacqueline Harpman m’a transpercée avec « Moi qui n’ai pas connu les hommes »







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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Inimaginable ! Sordide ! Insensé !



Voilà ce que le lecteur a envie de hurler à la lecture de ce court roman post-apocalyptique. Roman de la stérilité et de la solitude, de l'invraisemblance qui glace le sang, "Moi qui n'ai pas connu les hommes" est une chronique futuriste qui donne à réfléchir.



"La petite", la narratrice, est une adolescente d'une quinzaine d'années, enfermée dans une cave avec trente-neuf autres femmes. Prisonnière depuis son plus jeune âge, elle n'a aucun souvenir du "monde d'avant" où, paraît-il, circulaient calmement des automobiles, où les enfants jouaient dans le square et où les amoureux se promenaient main dans la main… le "monde d'avant" où, aussi, les peuples se déchiraient en massacres nucléaires, où la consommation ne pouvait plus être relancée tant les ménages étaient équipés, où une planète phtisique se consumait à petit feu... Contrairement à ses compagnes d'incarcération, "la petite" n'a rien connu de tout ça, elle n'a connu que l'après : cette cave, cette cage, ces gardes muets qui veillent à ce qu'elles aient de quoi manger, se soigner, s'habiller, se laver, dormir, qui veillent à ce qu'elles ne se touchent jamais et qu'elles ne parlent pas trop entre elles. Par conséquent "la petite" a peu de sentiments, elle ne connait pas le sens du remord, celui du regret, encore moins celui de l'amour.



Et puis, un jour, une alarme. Un hasard. Une porte ouverte.

Liberté. Remontée à la surface. Désolation. Paysage lunaire.

Désert. Personne. Nulle part.

Que faire désormais de cette liberté qu'on lui dit être pourtant le bien le plus précieux ?



Ce roman est court mais très intense. Il est dérangeant, et parfois carrément flippant. Quarante femmes qui errent dans une plaine désertique sans but, sans objectif, sans enjeux. Sont-elles seulement encore sur Terre ? Comment savoir ? Elles ne savent rien, ni pourquoi elles ont été enlevées ni pourquoi elles ont été enfermées sous terre pendant tant d'années. Elles ignorent où elles sont, ce qu'elles doivent faire, pourquoi elles vivent, à peine si elles se rappellent de qui elle sont.



"Moi qui n'ai pas connu les hommes" est un conte philosophie dystopique. L'auteur imagine un "après" à notre monde "civilisé". Peu d'informations sont fournies, comme un fait exprès pour nous encourager à faire jouer notre imagination et à concevoir ce rêve noir à travers un monde complètement stérile et inutile. Un roman qui cherche aussi à prouver que l'espoir reste chevillé à l'âme humaine même dans les circonstances les plus pessimistes.



Mais, au fait, s'agit-il réellement d'un rêve noir ou bien le lecteur de 2016 est-il autorisé à penser : Inimaginable ? Sordide ? Insensé ?





Challenge Multi-Défis 2016

Challenges Petits Plaisirs 2016

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En toute impunité

Pour sauver le patrimoine, tous les moyens sont bons, encore faut-il le faire En toute impunité...



En fait de patrimoine, il s'agit plutôt, ici,  d'un "matrimoine" ...



Il faut savoir que les  La Diguiere,  de la grand'mère, encore séduisante, aux petites-filles, deux étudiantes prometteuses,  en passant par les filles, toutes deux actives et salariées, et jusqu'à la gouvernante, une La Diguiere de coeur qui refuse ses gages par dévouement,  ont, toutes les six, un manoir du XVIIIe à la place du coeur.



Mais un manoir qui se délabre et se dégrade, inexorablement..



C'est un organe vital mais vorace : non content de vampiriser leurs énergies, leur débrouillardise et leurs maigres ressources, il réclame du sang neuf,  de toutes ses tuiles, lambris, salons , galeries, trumeaux et  verrières. ..



Chaque année, les six femmes se voient obligées de sacrifier pour la vendre une pièce rare du mobilier d'époque  qui y subsiste encore . Les pièces , une à une, lentement se vident. Bientôt il n'y aura plus rien ...Et il y a cette toiture à refaire...



C'est une évidence: le château a besoin d'un mécène riche, docile et,  si possible, convaincu.



Bref, amoureux.



Du château mais,  avant lui, de sa propriétaire, Madame la Diguière en personne, vieille dame indigne et tout à fait charmante,  que sa tribu envoie chasser l'oiseau rare dans le seul endroit qui  regorge encore de vieux messieurs riches et égrotants: une ville d'eau, Vichy.



On aimerait donc que l'élu ait le portefeuille bien rempli, le coeur tendre et la santé un peu fragile. Qu'il n'aille surtout pas se figurer qu'il devient le "maître du château" en épousant sa propriétaire...



Sujet léger,  presque futile , traité avec élégance et charme par une Jacqueline Harpman qui se projette malicieusement  dans cet "Arsenic et Vieilles Dentelles" à la française et dans cette vieille dame si délicieusement immorale.



Le lecteur savoure vieilles pierres, et modernes manigances sans rechigner.



Une lecture plaisante, à consommer,  à l'heure du thé , dans une vieille bergère en chintz décolorée par le soleil...
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

J’avais choisi de lire ce titre pour le Challenge Solidaire sans vraiment faire attention au thème, j’avais juste vu qu’il s’agissait de femmes enfermées par 40 dans une cave, sans pouvoir se toucher, sans savoir pourquoi et avec des gardiens qui les surveillaient sans relâche et sans parler. J’ai tout de suite pensé aux femmes qui sont enlevées en Afrique, le plus souvent, avant de comprendre que c’était une dystopie, la torture physique en moins.



Nous ne saurons rien sur la “catastrophe” qui semble avoir eu lieu, ni sur la raison de l’enfermement des femmes, adultes et qui ne se connaissaient pas, ni quels projets étaient prévus pour elles, alors qu’elles étaient là depuis des années ! Dans le regroupement une enfant est passée inaperçue et a grandi dans ce lieu. Elle est la dernière survivante et entreprend d’écrire ce dont elle se souvient avant de disparaître à son tour !



Etrange récit d’une femme qui n’a pas de souvenirs d’avant, qui n’a pas connu l’extérieur, la famille, l’amour, les relations humaines. C’est dérangeant, d’autant plus en ne sachant rien des raisons de tout ceci ! J’ai eu l’impression d’être à l’extérieur de cette histoire et je n’ai pas réussi à me sentir proche de ces femmes, ni même de la narratrice.



Je me suis régulièrement demandé comment je pourrais réagir à être dans cette situation mais, honnêtement, c’est difficile d’être certaine sur ma capacité à m’adapter, sur la force de mon instinct de survie. Le plus difficile a été d’imaginer, comme la narratrice, ne pas savoir quoique ce soit, ne pas savoir les noms des choses qu’elles verront en sortant de la cage.



Du coup j’ai été gênée par le fait qu’elle se mette à penser à des choses complexes très rapidement, à être capable de calculs avec les rares notions apprises des autres femmes. Même en ayant un QI très élevé, un cerveau non stimulé, non entrainé a peu de chance d’arriver à un tel niveau rapidement !



Il manque quelque chose pour en faire une lecture totalement poignante, n’ayant aucun ancrage dans notre réalité et mon approche a été plus intellectuelle qu’émotionnelle.



Challenge Multi-Défis 2022

Challenge Plumes Féminines 2022

Challenge Mauvais Genre 2022

Challenge Riquiqui 2022

Challenge Solidaire 2022

Challenge 20ème Siècle 2022

Pioche dans ma PAL avril 2022 par nathalou93

Lecture Thématique avril 2022 : La nature dans tous ses états
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Etrange récit.

Le roman s'ouvre sur une cave à l'intérieur de laquelle il y a une cage. Dans cette cage sont enfermées 40 femmes surveillées en permanence par trois gardiens.

Aucune interaction entre elles et eux sauf les coups de fouet pour signifier ou rappeler les interdits notamment aucun contact physique entre les détenues quelque sa nature : affrontement, réconfort…

La narratrice est différente de ses compagnes qui se sont toutes retrouvées enfermées alors qu'elles étaient déjà adultes. Elle n'était encore qu'une enfant. Aucune ne sait comment elles sont arrivées là, le pourquoi de cette détention. Ce mystère les mine. Ce qu'il est advenu de leurs proches également.

« La petite », elle, est plutôt en colère. Cette colère s'exprime à l'endroit de ses compagnes car elle ne comprend pas leur regret de leur vie d'avant, leurs rires quand elles évoquent des choses de la vie dont elle ignore tout, leurs messes basses quand il s'agit de parler d'amour.

Un jour, une sirène retentit, les gardes disparaissent et les femmes sortent. le mystère alors s'épaissit.

Elles découvrent un environnement vide, une plaine qui ne semble accueillir aucune vie. Elles entament alors un périple afin de trouver la civilisation, de trouver d'autres êtres humains. En fait, au fil de leur voyage, les seuls éléments qu'elles trouvent sont des caves comme la leur occupées par 40 femmes ou 40 hommes qui n'ont pas eu la chance d'avoir la grille de la cage ouverte quand a sonné l'alarme.

Ce roman pose les questions du sens de la vie. Une fois qu'on a mangé quand on a faim, dormi quand on est fatigué pourquoi vit-on ? L'absence de références de la narratrice permet de mettre en évidence le caractère primordial de la curiosité, des apprentissages. Dans un univers vide, n'offrant aucune distraction comment continuer à avancer, à trouver un intérêt à vivre ?

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Moi qui n'ai pas connu les hommes

5 etoiles et même plus !

Je n'oublierai pas ce livre , il figurera en bonne place en tant que livre à relire dans ma bibliothèque malgré sa noirceur.



Petite fille qui va grandir parmi 39 femmes, séquestrées dans une cave avec le minimum pour vivre "La petite" ainsi nommée nous fait vivre avec elle l'impensable jusqu'au terme de sa vie.

" Noir, c'est noir - Ne reste que l'espoir !"



Dérangeant ! Sordide ! Glauque !



Insensé ! Inexplicable !



Terriblement Déprimant !



Qui sont-ils ? Pourquoi ?



Où sont elles ?



Sont-elles encore sur Terre ?





Tant de questions auxquelles elles n'auront pas de réponse .



Et Nous, lecteurs aurons nous au terme de ces 191 pages

une explication à tout ceci ?



Rien dans le ciel, pas de lumières (villes ou villages) , que les étoiles et cette plaine longue, immense, infinie , vide ....



Les coeurs battent, mais une désespérance incommensurable va peu à peu toutes les conduire au terme de leur vie, malgré cette toute petite lumière que chacune garde toujours au fond du coeur.



Passionnant ce bouquin qui m'a été recommandé par un babelio ami.



L'homme, cet "animal" capable de survivre au pire, de garder l'espoir malgré les évidences, et de trouver malgré sa désespérance des ressources insoupçonnées pour avancer jour après jour.



Mais les questionnements restent encore et toujours.



L'espoir un bien joli mot qui aide tellement à continuer à vivre.
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Un livre surprenant, accaparant, et totalement anxiogène ( à ne pas lire la nuit pour les émotifs). C'est l'histoire de quarante femmes enfermées depuis de longues années dans une cage. Personne ne sait pourquoi ni comment elles sont arrivées là. Leurs gardiens ne leur parlent jamais. Parmi elles, la petite, trop jeune pour avoir conservé des souvenirs de la vie d'avant. Jusqu'au jour où une sirène retentit. Les gardiens disparaissent, où plutôt s'évanouissent. Les voilà redevenues libres. Commence alors une longue errance à travers une plaine infinie, herbeuse et caillouteuse. La petite, inculte, pauvre de tout, apprend avec avidité tout ce que les autres sont en mesure de lui enseigner. Elle essaie de comprendre à quoi ressemblait la vie d'avant racontée par les autres femmes. Une vie qui ne sera jamais la sienne pourtant, car elle est la seule à être de ce pays étrange.

La fin du roman est bouleversante. Je ne suis pas prêt d'oublier le moment où la petite découvre pour la première fois son visage en se regardant dans un miroir. Je ne sais pas s'il y a un sens caché dans ce livre si particulier (J. Harpman était une psychanalyste). Moi, je l'ai pris au sens littéral, et j'ai une profonde admiration pour la petite qui a réussi à donner un sens à sa vie.

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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Waouh, j'ai adoré ce livre. Percutant, intrigant, angoissant... et qui vous fait vous poser des questions.

40 femmes enfermées dans une grande cage, surveillées en permanence. Parmi elles la narratrice, une jeune fille, trop jeune, qui n'aurait pas dû être là. Mais pourquoi sont-elles là ? Que leur est-il arrivé ? Pourquoi la jeune fille n'aurait pas dû être là ? 13 ans qu'elles sont enfermées sans savoir pourquoi.... Elles ne savent rien, s'interrogent mais finalement préfèrent oublier. Cette dystopie interroge sur de nombreuses thématiques : la liberté (qu'est-ce qui fait qu'on est libre ? Sont-elles libres quand elles sortent de cette cage ?), l'humanité (qu'est-ce qui fait le sel de notre humanité ? Est-on humain quand on n'a jamais aimé / été aimé ou quand on n'a jamais eu de contact physique avec un autre ?).

J'ai vraiment trouvé ce roman passionnant dans son récit, mais aussi dans les questions que je me suis posées.

J'adore le challenge solidaire qui me fait découvrir des auteurs et des livres que je n'aurais sans doute jamais lus sinon. Et là pour le coup j'aurais raté un coup de coeur, un livre que je regrette de n'avoir pas connu avant....
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La plage d'Ostende

Sous les auspices du mythe de Tristan et Yseult, la désormais vieillissante Emilienne égrène ses souvenirs. Souvenirs d’une vie placée sous le signe exclusif de l’amour avec un grand « A », à la conquête duquel elle aura tout sacrifié, ou presque.

Emilienne, âgée de onze ans, est à la remorque de sa mère qui court les réceptions mondaines de la bourgeoisie bruxelloise. C’est à cette occasion que la petite fille croisera Léopold, jeune peintre encore méconnu. Elle en tombe éperdument amoureuse, et décide sur-le-champ que cet amour sera un jour payé en retour : « Dès que je le vis, je sus que Léopold Wiesbek m’appartiendrait. J’avais onze ans, il en avait vingt-cinq ». Phrase choquante, affirmation égocentrique, conviction prétentieuse, caprice d’enfant gâtée, toujours est-il qu’au prix de bien des tourments et de doutes abyssaux, au prix aussi de plusieurs destins cruellement sacrifiés sur l’autel de l’amour absolu et de manœuvres à la moralité douteuse, Emilienne parviendra à ses fins quelques années plus tard. Elle se fera aimer de Léopold, faisant éclore une passion d’abord clandestine, puis, après mariages de convenance ou d’argent, en pleine lumière, au mépris du qu’en-dira-t-on.

Portée par une écriture superbe, l’histoire d’amour d’Emilienne et Léopold est captivante, magnifique, extraordinaire. Mais cette conquête, avec plan de bataille et stratégies hautement manipulatoires à l’appui, paraît aussi malsaine, et me pose beaucoup de questions. Au-delà de l’aspect moral, du caractère exclusif, égoïste et destructeur (pour les tiers) de la relation des amants, peut-on réellement tomber amoureux à 11 ans, au point d’en être obsédé à vie ? Et surtout, peut-on forcer quelqu’un à tomber amoureux de soi ? Jusqu’où peut-on aller dans la transformation, l’adaptation, la maîtrise de soi pour devenir celui/celle dont l’autre va, à coup sûr, tomber amoureux ? Jusqu’où aller dans le reniement de soi, de sa propre individualité, pour se métamorphoser en LA personne que l’autre va choisir ? En la personne que l’on CROIT que l’autre va choisir, car peut-on être sûr de savoir ce que l’autre désire, pense, aime, ou, encore plus difficile, ce qu’il VA aimer ?

Ce pari insensé n’a pas arrêté Emilienne, qui misait pourtant gros en vouant sa vie à un homme dont elle ne pouvait être certaine qu’il l’aimerait. Elle a joué, gagné contre le Destin, qui prendra sa revanche et lui fera payer sa passion, puisqu’elle survivra longtemps à son amant, dans la douleur, le désespoir et l’incompréhension de sa fille.

Honte à moi qui n’avais jamais lu un roman de ma compatriote Jacqueline Harpman. Celui-ci est magnifique, tout en subtilité et finesse psychologique. Et au-delà de l’histoire d’amour, c’est l’immersion dans l’ambiance belgo-bruxelloise des années 50 qui ajoute au bonheur de lecture…

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Du côté d'Ostende

Dans ce roman, on retrouve Emilienne Balthus, le personnage central de « La plage d'Ostende ». Nous voici bien des années plus tard, et la vieille dame vient de mourir, à son plus grand soulagement, elle qui attendait le néant depuis le décès de son cher amant, le célèbre peintre Léopold Wiesbeck. A la fin de sa vie, Emilienne n'avait plus qu'un seul ami et confident, Henri Chaumont, fidèle parmi les fidèles depuis des décennies, à qui elle a légué ses cahiers intimes. Leur lecture sera pour Henri l'occasion de replonger dans le passé, celui d'Emilienne, mais surtout le sien. En même temps que les souvenirs, émergent l'amertume et la mélancolie : Henri réalise qu'il n'a jamais réellement vécu, toujours dans l'ombre, au service des autres, dévoué au point de s'oublier lui-même. Les autres n'ont jamais connu de lui que ce qu'il voulait bien montrer, sans rien laisser deviner de ses penchants homosexuels, lui l'éternel et séduisant chevalier servant de ces dames. Un effacement et un silence qui seront la cause involontaire d'un tragique malentendu et d'un gâchis dont il portera seul le secret.



L'écriture de Jacqueline Harpman est classique et intemporelle, au point qu'on oublie souvent que le roman se déroule dans la seconde moitié du 20ème siècle. Mais ce n'est pas un problème puisque l'histoire qu'elle raconte est elle-même intemporelle : amour, passion, et les souffrances qu'ils engendrent quand ils ne sont pas (ou mal) partagés.



Une très belle écriture au service d'une grande finesse psychologique, pour un roman, certes un peu déprimant, sur l'identité, la vie, les rêves de jeunesse et la façon dont on les réalise, ou pas : « J'étais un jeune homme plein d'avenir, je suis un homme sans passé ; on se gaspille ».
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Il n’est pas étonnant que ce bouquin se soit retrouvé dans ma PAL vu son genre mais je ne me souviens absolument pas dans quelles circonstances j’en avais entendu parler. Quoi qu’il en soit, ce roman avait de quoi me plaire et n’est pas dénué de certaines qualités mais je ressors malgré tout déçue de cette lecture.



L’argument de départ de « Moi qui n’ai pas connu les hommes », relevant à la fois du post-apo et de la dystopie, est intéressant et prometteur. On suit un groupe de 40 femmes qui vivent enfermées dans une cave sous la surveillance muette de gardiens. Elles sont nourries quotidiennement, ne quittent jamais ce lieu. Jusqu’au jour où leur grille est ouverte sans que l’on sache pourquoi. Leurs gardiens ne sont plus là, les femmes vont alors entamer un périple dans des paysages désolés à la recherche de réponses. Ce point de départ promettait un récit âpre et étrange, porteur de questionnements philosophiques sur la liberté, le sens de la vie, le savoir… Les espoirs que je plaçais dans le roman n’ont pas tous été satisfaits.



La qualité première de « moi qui n’ai pas connu les hommes » est son atmosphère. Indéniablement, le roman a une ambiance singulière, un ton très personnel. L’écriture de Harpman est plutôt agréable. Le récit est suffisamment bien mené pour accrocher le lecteur, à aucun moment on ne s’ennuie. Pourtant, j’ai trouvé ce roman très creux. Il m’a semblé que, finalement, il ne racontait pas grand-chose et ne suscitait pas vraiment les questionnements philosophiques que j’en attendais. « Moi qui n’ai pas connu les hommes » m’a semblé beau mais vain. Le fait que l’on ait aucune réponse, même pas un début d’explication, participe de ce sentiment de vacuité. En général, je n’aime pas qu’un auteur cherche à tout expliquer à tout prix, bien souvent les réponses sont décevantes et je préfère souvent que l’auteur laisse planer le mystère. Ici, ce manque d’explication m’a frustrée. En fait, j’ai eu l’impression que si Harpman ne donnait aucune réponse, aucune explication c’est parce qu’elle ne savait pas vraiment où elle allait ni ce qu’elle voulait dire et raconter, qu’elle s’était entièrement reposée sur un formidable argument de départ mais sans savoir quoi en faire.

Par ailleurs, à aucun moment je n’ai ressenti d’empathie pour les personnages. Certaines des femmes du groupe sont pourtant très bien caractérisées, notamment l’héroïne. Mais malgré leur épaisseur psychologique, les personnages m’ont semblée plats, désincarnés, je n’ai jamais réussi à me sentir vraiment concernée par ce qui leur arrivait.



Si j’ai lu ce roman sans ennui et si je lui ai trouvé des qualités, un formidable argument de départ, une atmosphère singulière et une écriture plutôt belle, j’ai tout de même l’impression d’avoir perdu mon temps. « Moi qui n’ai pas connu les hommes » ne m’a pas fait ressentir d’émotions. Tout au long de ma lecture, j’ai perçu comme une distance avec le roman qui m’a empêchée de me sentir impliquée. Je suis donc restée à côté, en marge de ce récit.

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La plage d'Ostende

Le roman se situe dans la bourgeoisie empesée belge des années 1930. Emilienne a onze ans.

Enfant unique, ses parents, bienveillants, l'ont eue sur le tard et s'affolent pour un rien chaque fois qu'il lui arrive la moindre petite perturbation.

Elle est élevée dans un milieu plus que bourgeois au milieu de dames qui n'utilisent leur beauté que pour faire un beau mariage et rester à l'abri de leur argent.

Une ambition magnifique quand on y pense bien.

Notre Milienne va tomber amoureuse, à onze ans d'un peintre, Léopold Wiesbek et le seul grand désir de sa vie sera de le séduire une fois son heure venue. A-t-on idée?

Jacqueline Harpman écrit très bien, décrit magnifiquement les coins de la côte belge, du Brabant wallon et cette bourgeoisie oisive qui peuplait encore les salons à l'époque.

J'ai relevé quelques invraisemblances au fil de ma lecture mais laissons-nous faire par la fiction.

Enfin, j'aurais fait connaissance avec la plume de Jacqueline Harpman mais j'ai beaucoup plus de sympathie pour la vraie vie.

Celle-ci, j'en ai un peu pitié. Réduire son rôle de femme à dépendre du bon vouloir d'un homme. Je crois que ce n'est plus possible...enfin j'espère pour nous, pauvres femmes.

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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Jamais je n'ai lu d'histoire semblable...et j'ai été scotchée du début à la fin!

Difficile de ne pas espérer autant que ces femmes, de ne pas perdre espoir parfois, de ne pas attendre impatiemment, à la découverte d'une autre "guérite", s'il y a d'autres "vivants". Mais est-ce être vivants que de se retrouver seule dans un monde inhabité, sans végétation, sans faune? Avec juste ces caves remplies de vivres et qui, bizarrement, restent alimentées par l'électricité pendant plus de quarante ans.

Une question m'est souvent revenue : Peut-on, d'instinct, ressentir des sentiments quand on n'en a pas bénéficié?

Comment s'imaginer l'Amour quand on a grandi sans le moindre contact physique? A méditer...

Un livre prenant, inclassable, superbe.
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En toute impunité

Un roman au charme féminin entêtant et immoral.

Jean, le narrateur, tombe en pleine nuit en panne de voiture. Il est accueilli par Sarah et hébergé en toute simplicité à la Diguière, un domaine ancestral qui tombe en ruines. Les dames de la Diguière, mère, fillesjet petites-filles sont d'ailleurs prêtes à tout pour le sauver.

Très vite, il tombe sous le charme des propriétaires en partageant quelques jours leur quotidien. Il sera le témoin privilégié du plan de sauvetage ultime du domaine : Madame de la Diguière prend les eaux à Vichy, à la recherche d'un mari au portefeuille bien garni.

Quelques mois plus tard, Jean rend visite à cette famille qu'il n'a pu oublier : le domaine et les perspectives ont bien changé. La fidèle Madeleine lui contera une nuit toute l'histoire...



Jacqueline Harpman nous offre un récit à l'écriture ciselée, au ton léger, drôle et cynique, à l'immoralité assumée; Elle joue avec les codes pour notre plus grand plaisir à travers ces portraits de femmes libres, sensuelles, fières et décidées.



Une très jolie découverte, grâce au challenge solidaire.
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La plage d'Ostende

Quand Emilienne rencontre le peintre Léopold Wiesbeck, elle sait au premier regard qu'il sera l'homme de sa vie. Elle a 11 ans, il en a 25. Qu'à cela ne tienne! Emilienne l'approche, l'apprivoise, sait se rendre indispensable à ses côtés et attend patiemment son heure. Pendant que Léopold fait un mariage d'argent pour pouvoir se consacrer à son art, Emilienne affûte les armes de la séduction. Elle grandit en prenant l'apparence et le caractère de la femme idéale. Quand le peintre découvre que la petite fille a grandi, il succombe, et enfin peut commencer la passion partagée que rien ne pourra détruire, ni les souffrances de leurs conjoints, ni la distance, ni le temps.





Beaucoup de charme et une atmosphère"cosy" pour un roman envoûtant où la peinture des sentiments dévoile tout ce que l'amour recèle d'égoïsme et de violence. Même dans l'univers feutré des salons de la bourgeoisie bruxelloise, le feu de la passion dévore tout sur son passage. Emilienne, héroïne patiente et obstinée, vit son amour sans se soucier des convenances et lui sacrifie tout: son mariage, sa fille, sa réputation. Elle peut paraître cynique parfois, monstrueuse par moment, mais, toujours, c'est l'amour qui la guide et c'est pour cela que finalement on s'y attache et on la soutient. Comme elle, on devient sans pitié pour l'épouse délaissée de Léopold, comme elle, on se prend à espérer les retrouvailles, les moments volés, la parfaite communion des corps et des esprits. La plage d'Ostende est l'histoire d'un amour absolu, où les amants sont seuls au monde, où le coeur est engagé jusqu'à la mort, où les sacrifices consentis ne pèsent rien, où la raison n'a plus son mot à dire, un amour dont on rêve même si on se demande si on aura le courage de le vivre...Passionnant, ensorcelant, extrêmement bien écrit, ce roman laisse une marque indélébile dans la tête et dans le coeur.
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Dans une cave, quarante femmes sont emprisonnées et leur quotidien est rythmé par le passage des gardes et par les repas. « Nous étions toutes mêmement enfermées sans savoir pourquoi, gardées par des geôliers qui, soit par mépris, soit par ordre, n’adressaient la parole à aucune d’entre nous. » (p. 21) Parmi ces femmes, la plus jeune se rebelle. « Ma mémoire commence avec ma colère. » (p. 12) Elle n’a pas connu le monde d’avant et elle écoute les récits des autres femmes avec curiosité et étonnement. Elle refuse d’attendre sans rien faire, contrairement aux autres femmes qui sont plus résignées. « Les révoltes sont inutiles. Il faut attendre de mourir. » (p. 35) La première des rébellions de la petite, c’est de compter le temps : elle dénombre les heures à l’aide des battements de son cœur, devenant une horloge vivante.



Un jour, une sirène se déclenche et les gardes disparaissent en laissant la clé sur la serrure. Livrées à elles-mêmes, les femmes quittent la cave, sortent à la surface et découvrent une immense plaine qui s’étend à perte de vue. Le paysage ne ressemble pas à la Terre, ni à aucun pays des prisonnières. À l’air libre, les quarante femmes s’organisent et décident d’explorer ce territoire inconnu. Parmi elles, la petite est avide de savoir, de découvrir et d’apprendre, même si ses compagnes n’en voient pas l’intérêt. « Comme si elle n’arrivait pas à se rendre compte que pour moi, rien n’était banal, puisque rien ne m’était arrivé. » (p. 119)



Cette dystopie est particulièrement angoissante. Le monde ne ressemble à rien de connu, ce n’est qu’une plaine sans fin et tous les lieux se ressemblent. Les femmes qui se souviennent de la vie d’avant ne peuvent parler que d’insensé. Ce monde n’est pas le leur, mais l’espoir du retour est vain. Et les questions ne cessent de s’accumuler : où sont-elles ? Pourquoi sont-elles là ? « À quoi servions-nous, ici ? » (p. 31) À mesure des années, la petite comprend qu’elle ne saura jamais. Elle fait siens l’incertitude et l’improbable. « Voilà encore une question qui restera sans réponse : il me semble que je ne suis que de cela. » (p. 122) La petite devient peu à peu la seule dépositaire d’un univers où l’humain a disparu, où la vie même se résume à des caves où la lumière ne s’éteint jamais. Mais la petite, devenue adulte, ne regrette pas le monde d’avant. « Je n’ai pas connu ce que vous regrettez tant. » (p. 130) Pour elle, cette plaine immuable est un monde suffisant, le seul qu’elle habitera jamais.



Chez la petite, la volonté farouche d’imaginer et de connaître m’a vraiment rappelé le mythe de la caverne selon Platon. Elle ne dispose que des récits de ses compagnes pour tenter de concevoir ce qu’elle n’expérimentera jamais. Ce qu’elle projette sur le pauvre monde qu’elle parcourt n’est que l’ombre d’une civilisation qu’elle n’a jamais habitée, ce ne sont que les pensées reliques d’autres personnes qui n’ont pas su se couler dans un nouvel univers. Les questions se bousculent à l’issue de la lecture, mais il ne faut pas chercher à les résoudre. Jacqueline Harpman offre un monde clos sur lui-même, sans équivalent et sans comparaison. Il est vain d’y projeter un sens venu d’un autre monde. Le lecteur, comme les personnages, ne peut que se cogner aux parois d’un univers inepte.

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Jusqu'au dernier jour de mes jours

Ces douze nouvelles de Jacqueline Harpman sont toujours singulières, elles révèlent chez cette autrice une imagination certaine voire inhabituelle.

Les histoires sont en effet souvent surprenantes, et l’autrice est douée pour nous les présenter, dans ces textes courts, elle nous entraîne dans des situations inquiétantes et maîtrise l’art du suspense.

Il en est qui m’ont moins intéressé mais ce ne fut heureusement qu’une minorité.





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En toute impunité

Il est des romans qui commencent sur un coup du sort quand, après avoir acheté en librairie « le bonheur est dans le crime », un architecte tombe en panne vers minuit au bord d'un mur longeant une vaste propriété pour, par la suite, découvrir peu à peu son état de décrépitude, ses habitants et familiers. Celle-ci s'avèrera s'appeler la Diguière, seul lieu d'hébergement à la ronde. Mais le hasard existe-t-il ?



Une connaissance à qui j'ai offert l'autobiographie d'Irvin Yalom, car elle-même fait partie des psy-quelque-chose, m'a conseillé en retour de découvrir un ou l'autre des romans d'une psychanalyste belge, Jacqueline Harpman. J'avais le choix, parcourant rapidement ses titres sur notre site, je reconnus immédiatement Magritte en couverture d'En toute impunité. Or, j'aime beaucoup Magritte et L' empire des lumières. Alors qu'il fait plein jour, seuls quelques blancs nuages ornent un ciel inhabituellement bleu pour notre petit pays, rien en apparence ne peut expliquer cette pénombre recouvrant la maison et ses abords au point de nécessiter éclairage à l'extérieur comme à l'intérieur.



Surréalisme typiquement belge ou lumineux appel magrittien à nous pencher sur les sombres secrets que cachent à toute heure les grosses maisons bourgeoises ? Quels pourraient-ils bien être, pour étendre ainsi leur noirceur, hormis ces lourds secrets de famille conduisant aux névroses intergénérationnelles ? La maison et sa maisonnée, un cercle aussi clos que les volets du rez-de-chaussée ? M'enfin, si rien qu'avec la couverture je savais déjà tout cela (juste ! j'avais vu le tableau auparavant, j'avoue), pourquoi emprunter celui-là ? le titre évidemment, annonciateur d'un policier psychologique : pour une fois le coupable devrait s'en tirer, d'où une curiosité à assouvir sans modération en toute impunité.



L'écriture aime à se rouler par moments dans un parfait usage d'anciens subjonctifs, en une étonnante simplicité et d'une telle élégance qu'elle procure la sensation au lecteur de pouvoir indéfiniment surfer sur la poudreuse alors qu'il dévale dans les profondeurs de l'âme humaine sans vraiment en prendre pleinement conscience. Un talent rare dans la manière de croquer la psychologie d'un personnage "Elle était issue d'une vieille famille bourgeoise pourvue depuis des générations et trouvait tout naturel de dépenser l'argent de son mari. [...] Elle considérait que sa tâche était de recevoir et de régler la vie mondaine de son mari, et son devoir d'être élégante, ainsi que lui avait montré sa mère."p.225-226, ou "Madeleine avait dit : Elles sont la Diguière. C'était sans doute encore plus exact que Je suis une la Diguière."p.237… de même pour les tensions qu'un comportement peut engendrer "- Il est tellement généreux qu'il va nous étouffer de gratitude"p.224 [...] "Il ne concevait pas que l'on pût avoir des désirs différents des siens"p.227. Jusqu'au conflit, jusqu'au meurtre.



Je serais bien indigne de ne pas mentionner l'humour, attention pas gras comme le papier d'un cornet de frites après usage. Non, non, non. Un humour à la belge, fin et finaud, flirtant avec l'ironie et j'allais dire naturellement (ah cette gentillesse innée à prêter à tous, par amour du partage, nos qualités spécifiques) allez fieu je corrige : et chez nous l'autodérision. "j'ouvris mon Barbey d'Aurevilly. Je compris dès les premières lignes que je ne serais pas en compagnie de Hauteclaire et Savigny : quel usurpateur sans vergogne s'était permis de s'approprier le titre de ce chef-d'oeuvre pour sa consommation personnelle ?" p.18 Bon, comprend qui peut car j'avoue mon manque total de culture, n'allez pas me demander qui cache Orlanda par exemple, je n'ai pas lu Virginia Wolf. Souvent dans les conversations je finis par me cacher derrière le rideau, cramoisi.

Certain(e)s auront tout de suite compris que si « elles sont la Diguière », elles sont aussi « les Diaboliques ». Ce clin d'oeil ne serait néanmoins que de peu d'intérêt, s'il était gratuit. Cependant : fin et finaud, ai-je dit. Méfiez-vous du titre ! Voilà l'avertissement.



"Il y a peut-être des coupables sans remords, on nous le cache pour nous faire peur et nous tenir dans le droit chemin, la petite tache qui terrifie Lady Macbeth est un effet littéraire et Raskolnikov avait la tête mangée par la névrose. le sentiment de son bon droit soutient le terroriste, il recommence, aucun démon ne lui montre l'enfer et ses feux, qui ne sont promis qu'à ses victimes."p.271

Le hasard existe-il quand je viens de terminer Maudit soit Dostoïevski, autre roman s'interrogeant sur le bien et le mal, la culpabilité ? Pas de misérabilisme chez Harpman et, comme chez Magritte : quelle profondeur parée d'humour et de légèreté !



Quant à mon esprit disruptif il s'est délecté en appliquant une grille de lecture systémique (observant principalement les interactions dans cette famille singulière ici et maintenant) sur ce roman qui recherche le comment et le pourquoi en sondant le passé et l'histoire de cette maison de la grande bourgeoisie dont le mimétisme des comportements sur la noblesse conduit à des alliances contre nature pour déboucher sur un crime des plus fourbes.
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La fille démantelée



Dans ce roman autobiographique, Jacqueline Harpman nous livre sa douloureuse histoire avec ses parents.



Son personnage surnommé "Edmée" ( pour ressembler à "Aimée", elle qui ne le fut point ?) a pour mère "Rose", une créature égocentrique, futile, inculte et violente avec sa fille, aussi bien physiquement que moralement. Son père, quant à lui, est tellement indifférent à sa fille qu'il ne lui a adressé la parole que deux fois dans sa vie ... piètre personnage lui aussi, veule, lâche, qui se la joue "vieux beau".



Sa mère ne parle que d'elle-même, des souvenirs qu'elle a vécus lorsqu'elle était jeune et belle, de ses voyages où elle était invitée à la table du commandant et ne s'adresse à sa fille que pour crier encore et toujours, des insultes, des récriminations injustes sur tout et sur rien et des gifles, encore et toujours lorsque ce n'est pas carrément une fourchette qu'elle lui lance à la tête et qui manque de peu de l'éborgner.



Avec une grande honnêteté, Edmée cherche à savoir pourquoi sa mère se comporte ainsi avec elle, elle apprendra que la mère de Rose s'était également méconduite envers celle-ci sans toutefois la justifier pour autant.



D'une petite fille terrorisée, Edmée deviendra une jeune fille révoltée qui s'engagera dans un duel à mort avec sa mère, sa seule façon de ne pas s'écrouler étant de maintenir sa haine sans faille et de ne pas céder à son chagrin, c'est une question de survie pour elle. Cela la poursuivra au-delà de la mort de sa mère dont elle peine à se débarrasser de son obsession :"Mais comment tue-t-on sa mère quand elle est déjà morte ?" Elle souffrira toute sa vie de ce non-amour jusqu'à ce qu'elle se confie dans ce magnifique livre, dur, triste mais sans pathos.



Ses confidences éveillent bien des remous chez les enfants qui n'ont pas été aimés mais maltraités. Edmée s'en sortira par son bon sens, son intelligence et cette haine qui la tiendra toujours debout tant il est vrai que lorsque nous sommes confrontés sans arrêt à la méchanceté, la moindre parcelle de gentillesse peut creuser en nous un puits de désespoir et nous faire tomber notre armure de protection. Edmée tiendra bon et se réalisera dans sa vie ... mais à quel prix !



Jacqueline Harpman nous livre enfin des réflexions sur ce non-amour transgénérationnel qui se transmet de mère en fille jusqu'à ce qu'elle réussisse à couper le noeud du cycle infernal avec ses propres filles.



Un livre qui fait mal et soulage tout à la fois. A ne lire que blindée contre les souffrances endurées et qui peuvent gâcher une vie, lorsqu'on a fini de s'apitoyer sur son sort et qu'on est délivrées de ses mauvais géniteurs et de l'influence destructrice qu'ils nous ont fait endurer.



N.B : Jacqueline Harpman était psychanalyste !
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Moi qui n'ai pas connu les hommes

Ce roman est extrêmement déstabilisant; Il nous interroge sur la manière de réagir face à une situation invraisemblable, inintelligible, où tous les repères sont perdus.



Comment accepter de vivre une situation que l'on ne comprend pas, sans historique, sans que personne ne sache pourquoi. Choisir entre espoir et désespoir. Se donner un but dans la vie.



La lecture est très prenante, on avance pour en savoir plus: qu'est-il arrivé, pourquoi est-ce arrivé, que va-t-il arriver à présent? On se met forcément à la place de la narratrice.



Un roman très fort, une expérience de lecture en immersion, une histoire qui laisse des traces et qu'on ne peut pas oublier.

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