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Citations de Janet Frame (130)


Peut-être que je suis une abeille prête à me heurter à la lumière du soleil, pensait-elle.

(Gueules-de-loup)
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Je suis allée en vacances à Picton. C'était un long voyage en train et j'étais heureuse à la fin de voir la ville verte et bleue dont j'avais des souvenirs d'enfance, même si bien sûr c'était plus petit et les arbres avaient rétréci et les collines étaient minuscules.

(Le lagon)
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Lorsque notre mère parlait du présent, apportant sa faculté d'émerveillement au monde ordinaire que nous connaissions, nous restions tout ouïe, envahis de mystère et de magie. Elle n'avait qu'à dire de la chose la plus banale : "Oh regardez, les enfants, une pierre", pour envelopper cette pierre de merveilleux, comme si elle était un objet sain. Elle savait parer chaque insecte, chaque brin d'herbe, chaque fleur, les dangers et les splendeurs du temps et des saisons, d'une importance inoubliable en même temps que d'une sorte d'incertitude et d'humilité qui nous amenaient à réfléchir, à chercher à découvrir le cœur des choses.
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Lottie. Lottie. C'était le prénom de ma mère, pourtant nous ne l'appelions jamais Lottie, seuls nos oncles et tantes étaient autorisés à utiliser ce nom. (...) Parfois, lorsque nous avions une visite, le mot sortait étrangement de la bouche de mon père (...)
- Comme je le disais à Lottie pas plus tard que ce cet après-midi...
Le mot était étrange et effrayant ; en distinguant ma mère il semblait la séparer de nous. Il éveillait ma curiosité à son sujet et me rendait jalouse d'elle ; son prénom était une façon de nous dire "Non" - mais n'étions-nous pas ses bébés, n'avais-je pas été son bébé chéri jusqu'à ce que Dorry naisse ? Et quand le prochain naîtrait, ne serait-il pas, lui aussi, son petit bébé chéri ? Une horrible panique m'envahissait quand j'entendais son nom ; je la voyais s'éloigner, de plus en plus loin ; je savais que c'était vrai, elle ne faisait pas partie de nous et nous ne faisions pas partie d'elle, et j'étais moi, seulement moi et personne d'autre.
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Comment s'était-elle jamais habituée à vivre en Grande-Bretagne, se demanda-t-elle. Comment avait-elle pu échanger le soleil, la plage, la tente chatoyante de lumière, le paysage spectaculaire, montagnes, rivières,ravins, glaciers, contre la blessure saignante de briques qui semblait une part importante de ce pays ; les arbres grêles de l'hiver, si fatigués, qui poussaient dans la crasse, comme si un dieu débraillé, penché au-dessus de la blessure qu'il voulait nettoyer avait pris quelques brindilles pour la sonder, et amusé par ce qu'il voyait, les avait laissées plantées dans la blessure.
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Puis, alors que je grandissais et que mon expérience de la mort allait s'accroissant, des bouquets de morts, pareils à des plantes ou des fleurs sauvages, ont jailli dans des familles que je connaissais et chez des parents. Et j'ai découvert des choses tels la valeur des biens des morts, les fantaisies inattendues des vivants et leur fervent désir de s'approprier un bibelot, un vase, un livre, un meuble ; puis, une fois obtenu ce qu'ils voulaient, le sentiment de trouble et de colère qu'ils éprouvaient envers eux-mêmes, ne sachant que faire de l'objet convoité et prenant conscience, peut-être, qu'après tout ils n'en voulaient pas.
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Quand il s’agissait de mon aventure personnelle, je prétendais que c’était vraiment par malchance que je m’étais retrouvée à l’asile, au milieu de femmes qui, elles, étaient de « vraies » malades. L’image que je donnais de moi comme d’un être sain d’esprit, pris malgré lui dans le tourniquet de la folie alors que rien ne justifiait sa présence dans les parages d’un hôpital psychiatrique, m’aidait à soigner mes blessures d’amour-propre et à calmer l’inquiétude très réelle et très vive de mes parents.
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Il est un aspect de la folie qu’on mentionne rarement dans les romans car il porterait atteinte à l’idée romantique que les gens se font des fous. Ils les considèrent en effet comme des êtres dont les discours offrent de prime abord un attrait poétique. Mais la réalité ressemble rarement à la douce lamentation qu’une Ophélie déclame sur un ton monocorde ou aux extravagances verbales que les auteurs en mal de poésie prêtent à quelque Jeanne la Folle. Le goût populaire aurait rarement considéré comme des héroïnes acceptables les femmes qui erraient sans but dans la salle de jour. Bien peu appartenaient à cette catégorie de charmantes toquées qui se laissent aller sans retenue à leurs excentricités. Dans l’ensemble, elles provoquaient surtout de l’irritation, de l’hostilité et de l’impatience. Devant elles, on se sentait honteux et embarrassé. Elles pleuraient et gémissaient. Elles se disputaient et se lamentaient. Leur folie était un fléau et on la traitait comme telle. On oubliait qu’elles possédaient une âme, cette âme humaine dont on fait tant de cas et qui a besoin pour s’épanouir de tant d’attentions et d’amour. On oubliait même qu’il était possible d’extraire de ce marécage humain une toute petite goutte de poésie.
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Noel chante. C'est de nouveau le matin. Philip et Anne et les enfants se lèvent. Maintenant je les entends en bas. Il doit être dix heures, on est dimanche. Pourquoi s'arrêter à Dieu? Pourquoi faire de Lui le couvercle, la couverture, le toit de la mythologie humaine? Pourquoi, du fait que les mots nous manquent quand nous atteignons Dieu, avons-nous peur et nous arrêtons-nous dans notre voyage, pourquoi ne pas continuer, chanter d'abord, comme Noel chante quand il s'éveille, les mots inintelligibles qui un par un s'épanouiront dans le nouveau langage?
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Je suis peut-être de glace à l'intérieur sans cœur pour ainsi dire. Je crois que je n'ai pas la bonne façon de regarder la Vie.

(Ma dernière histoire)
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Elle marchait dans le Parc toute la journée. Elle allait et venait et tournait en rond, pieds nus sur le moelleux tapis d'herbe verte.
Je la regardais marcher, jusqu'à ce que mes yeux soient fatigués, et je pensais que je n'oublierais jamais.
Je la regardais marcher, et là j'ai compris.
Il n'y avait pas de parc, en réalité. Il n'y avait pas d'arbres, ni d'herbe. Hélène allait et venait à l'intérieur de son propre esprit. Elle ne savait pas où elle allait. Elle tournait en rond à l'intérieur d'elle-même.

(Le Parc)
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Elle emmena sa petite fille au cinéma. Elle la couvrit d'une toque tricotée rouge et d'un manteau de laine grise, et puis elle enfila son propre manteau noir duquel il était si difficile d'ôter les peluches, et elles prirent le tram numéro quatre pour aller au cinéma.

(Au cinéma)
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Il n'y a pas de pays à l'extérieur, on les recèle en nous-mêmes, un recel de l'existence et nous sommes le monde racontait ma mère on est Russes parce qu'on a ce tournesol dans notre jardin.

(Une note sur la guerre de Russie)
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Combien les abeilles étaient grosses. Certaines semblaient avoir été piégées dans les fines gorges rouges des gueules-de-loup qui se balançaient maintenant dans le vent vers le haut et vers le bas. À l'intérieur, les abeilles marmottaient et toquaient et Ruth, assise au soleil sur les marches de la véranda, les observait. Combien les abeilles étaient grosses, et combien les gueules-de-loup étaient fines. Quand on pressait le gosier des fleurs elles suffoquaient leurs mâchoires rouges se desserrant d'un coup et les abeilles aveuglées sortaient en bourdonnant, se heurtaient à la lumière du soleil, puis bien sûr elles retrouvaient leur sens de l'orientation et établissaient leur plan de vol, et s'envolaient. Peut-être. Ruth se souriait à elle-même. Quand on était libre est-ce qu'on s'envolait toujours ?

(Gueules-de-loup)
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Dans cette maison les livres n'avaient pas de frontières ; ils débordaient, ils inondaient ; il fallait monter sur le toit en agitant la main pour appeler à l'aide, envahi par le regret de vos meubles préférés qui s'abîmaient déjà dans le suintement montant de la pensée...
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"Je veux m'en aller chez moi" dis-je. Je ne voulais pas parler de la maison de mes parents, d'une quelconque maison de pierre, de bois ou de brique. Je n'avais plus l'impression de faire partie de l'humanité. Je pensais qu'il me faudrait désormais, comme un animal, chercher refuge au fond d'un terrier ou tisser une toile d'araignée en haut d'un plafond ou bien me construire un repaire sur un rocher escarpé, battu par tous les vents. Les paroles du docteur avaient provoqué en moi un tel désarroi que je cherchai désespérément un endroit où me cacher, une branche où me laisser pendre comme une chauve-souris, une tige de chardon où tisser une toile opaque et laiteuse.
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Il était encore temps de retourner à Londres dans l'appartement, de se retirer dans la solitude miséricordieuse, s'asseoir devant sa machine à écrire pour s'envoyer à elle-même des signaux bruyants, ce qui constituait son style et son intention littéraires.
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Quand on est malade, on trouve en soi un nouveau champ de perceptions, on y fait une moisson d'interprétations et c'est de cette moisson qu'on tire le pain quotidien de l'âme, son unique nourriture.
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C'est souvent dans les moments les plus tragiques que l'on consacre toute son attention à des futilités.
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J'aime lire. Une fois que les mots sont sur le papier, ils ne changent jamais; quand vous ouvrez un livre, ce qui y est imprimé ne tombe jamais.
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