AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jean-Baptiste Del Amo (322)


Les aubes parme succèdent aux nuits étincelantes que le fils n'a jamais connues si pures, avec leurs astres enchâssés dans une obscurité parfaite. Il reste parfois dehors, le soir, au début de l'été, dans le parfum des herbes fermentées, lorsque la terre exhale la chaleur accumulée tout le jour, par moments traversée de courants d'air froid, et que les ténèbres bruissent du frissonnement et des cris perçants des oiseaux de nuit.
Il s'assied au-delà de l'aura de clarté diffuse qui émane de la maison, pour contempler la voûte enténébrée où brillent des feux d'avant même le monde, sentant sous lui la présence de la terre, l'immensité de la terre. Il songe confusément aux vies qui s'y consument au même instant et en tous lieux, sachant qu'un enfant marche pieds nus quelque part, qu'un autre s'endort dans un lit profond, qu'un chien agonise dans la poussière à l'ombre d'une tôle, qu'une ville brille dans la nuit d'un pays lointain, que des êtres innombrables se meuvent animés par cette force mystérieuse et péremptoire qu'est la vie, et qui pulse en chacun d'eux.
Commenter  J’apprécie          73
Le règlement reconnaît qu'"il existe des preuves scientifiques suffisantes démontrant que les animaux vertébrés sont des êtres sensibles" et que "beaucoup de méthodes de mise à mort sont douloureuses pour les animaux".
Commenter  J’apprécie          70
Ils restent d’abord absorbés par la marche, mais le silence du père est en vérité plein de mots, habité d’une voix provenant de ses tréfonds et dont la montagne tout entière se ferait l’écho, ou bien d’au-dehors de lui ; une voix sans âge, monotone, désincarnée, dispersée dans l’éther où elle continuerait d’exister.
Commenter  J’apprécie          70
Tous deux considèrent avec insistance le père et le fils tandis qu'ils passent d'un pas lent, désaccordé, étrangers l'un à l'autre, existant et progressant chacun dans une réalité qui exclut leur présence respective, ne s'adressant pas un mot, pas un regard, à tel point qu'il est difficile de les croire liés d'une quelconque façon et qu'ils en deviennent suspects, sans que l'on sache précisément de quoi, mais suspects tout de même, d'avoir commis, de feindre ou de manigancer quelque chose.
Commenter  J’apprécie          70
La mélopée charrie un torrent d'images, de sensations dont tous éprouvent dans leur chair la profonde mélancolie, celles de leur errance sur la terre, sans but et dénuée de sens, du cycle des saisons toujours renouvelées, des morts qui continuent de cheminer à leurs côtés et se rappellent à eux dans la coulisse de la nuit par une ombre furtive ou le cri d'un loup. Et lorsque le vieux se tait, que le chant s'éteint au-dedans de lui, ils retiennent leur souffle ; quelque chose vient d'être dit de leur insignifiance et de leur majesté.
Commenter  J’apprécie          70
Ils ont modelé les porcs selon leur bon vouloir, ils ont usiné des bêtes débiles, aux carcasses monstrueuses, ne produisant presque plus de graisse mais du muscle. Ils ont fabriqué des êtres énormes et fragiles à la fois, et qui n’ont même pas de vie sinon les cent quatre-vingt-deux jours passés à végéter dans la pénombre de la porcherie, un cœur et des poumons dans le seul but de battre et d’oxygéner leur sang afin de produire toujours plus de viande maigre propre à la consommation.
Commenter  J’apprécie          70
Les bouchers et tous les hommes sont couverts d'excréments, de bile et de sang. Leurs yeux à eux aussi jaillissent sous un masque de boue. Ils en viennent à haïr les bêtes qui mettent si peu de bonne volonté à mourir.
Commenter  J’apprécie          70
La Bête est éveillé, énervé par la proximité des truies en chaleur dont lui parvient l'odeur depuis le bâtiment consacré à la conception, à travers les cloisons poreuses. De son groin, il pousse la porte de l'enclos. (...) Sa masse énorme se meut en silence dans l'obscurité.
Un autre appel le guide, plus pressant encore que celui du rut; c'est le parfum ténu de la nuit qui pénètre le bâtiment par les interstices. La Bête remonte l'allée centrale jusqu'à la large porte. Il plaque le groin contre la fente et, d'un mouvement de gueule, fait coulisser le panneau sur le rail. Il avance de quelques pas sur la grande dalle de béton, lève la tête et respire. La campagne est noire et calme. Un frisson d'excitation traverse de part en part le corps massif du verrat. Il tourne le regard un instant vers les portes du bâtiment derrière lesquelles se languissent les truies fertiles qui ont à leur tour perçu sa présence et les phéromones de son haleine lourde, puis La Bête s'en détourne et marche jusqu'à l'enceinte grillagée. Les terres s'étendent au-delà, luisantes et embaumées, recelant l'effluve des herbes et des tubercules, des bêtes inconnues et des petites proies, des buissons humides et de vieux vergers bleuis par la lune. Le verrat mord, tord et déchire sans mal les mailles du grillage, ménageant un trou dans lequel il glisse la tête, puis repose de tout son poids, bombant la clôture et forçant à ployer les piliers scellés dans le béton. L'ouverture ménagée s'agrandit et il parvient à y engager ses pattes antérieures. L'embout des fils coupés s'enfonce dans sa chair et l'entaille tout du long, sur le dos et sur les flancs. Son cri vrille la nuit et excite les chiens qui flairent son odeur et aboient de concert dans le chenil de la ferme. La Bête redouble de puissance, se débat et dessoude des piliers le pan de grille qui vibre en s'y rabattant violemment lorsque le porc se dégage. Ivre de douleur, il galope jusqu'au milieu d'un pré en friche. Il n'a jamais couru. Il découvre sa masse et la force qu'il lui faut mobiliser pour la déplacer. Un sang fluide s'échappe de ses plaies et coule entre ses soies. Il s'arrête, étourdi par l'effort, la liberté nouvelle et la vibration de la nuit que ses yeux sondent, pupilles dilatées. Il distingue les bâtiments mornes de la porcherie qui composaient jusqu'alors la limite de son monde.
Commenter  J’apprécie          72
 Au beau milieu d'un carré de terre, pousse un chêne centenaire ombrageant au matin le mur d'enceinte du cimetière. À son pied, d'épaisses racines plongent et dessinent en négatif sous la ligne du sol un labyrinthe tendu comme un reflet à celui des branches. Elles s'enfoncent vers des strates minérales, des nappes phréatiques auxquelles l'arbre s'abreuve, des paysages telluriques inconnus des hommes, remontant ainsi le temps des époques révolues. Le tronc du chêne est si large que les enfants de toutes les générations de Puy-Larroque l'ont encerclé, se tenant par la main en d'étranges rondes, jamais transmises et pourtant répétées, reposant sur l'écorce leur joue blanche et veinée ; ils tiennent alors entre leurs bras un univers en soi, celui du monde caché sous leurs pieds nus et sous l’armure de l'arbre au cœur duquel s'élève et sourd la sève majestueuse, celui des faunes minuscules sillonnant sans relâche les pierres logées aux racines, les lichens argentés et les plaques d'écorce, mais aussi celui des branches auxquelles les enfants se hissent à la force de leurs bras pour reposer dans la fraîcheur des feuilles, le miroitement du jour dispersé par les cimes souples et balancée dans le vent. Le chêne règne, indifférent au devenir des hommes, à leurs vies et à leurs morts dérisoires. Des amants ont versé leur semence à son pied, des gars ivres et fiers ont pissé sur son tronc, des lèvres ont murmuré des secrets et des serments au creux de son écorce. Des cabanes ont été élevées à ses fourches avant de tomber en morceaux, abandonnées par les jeux des enfants. Des clous y ont été plantés puis ont rouillé et disparu. Les vieillards se promènent encore du village à la petite prairie, suivant le chemin ménagé par les allées et venues, pour s'abriter à l'ombre du chêne. S'ils ont toujours connu l'arbre, l'arbre les a toujours connus, eux et ceux de leurs aïeux qui ont posé leur main au même endroit, en une même caresse que celle esquissée sur le tronc par leur main tordue, main d'enfant devenue main de vieillard, puis main d'enfant à nouveau..
Commenter  J’apprécie          70
-Tu peux me reprocher mon injustice, Fanny. C'est comme ça, les adultes ont des paroles, des gestes, qui hantent la vie des enfants et ils n'en savent rien.
Commenter  J’apprécie          60
Elle se levait du banc sur lequel elle était assise et se mettait à courir vers lui. Une course lente et se mettait à courir vers lui. Une course lente, entravée, tout en sachant qu'elle n'aurait pas le temps de l'atteindre, que la balançoire allait inéluctablement tomber en morceaux.
Elle dit que deux sentiments contraires cohabitaient en elle à cet instant: un effroi terrible à l'idée de la mort de l'enfant, indissociable de sa culpabilité ("Je pensais: tout ça arrive par ma faute, uniquement par ma faute"), et un immense soulagement: celui de voir disparaître, à l'instant où la vie du fils lui serait enlevée, toute obligation, toute responsabilité à sin égard.
Commenter  J’apprécie          61
On aime et on a l’illusion de la vie, on aime et on croit avoir trouvé un sens à tout cela, une raison, un ordre au chaos, mais l’amour en vérité nous infecte, nous corrompt l’âme et le cœur. Il faudrait tout aimer également, ou ne rien aimer du tout, car placer tous ses espoirs en un seul être aussi faillible, aussi défaillant, aussi sournois qu’un être humain, portant lui-même en son sein avide d’une profondeur aussi abyssale, ce n’est pas autre chose que de la folie pure.
Commenter  J’apprécie          60
La mère lève le regard vers lui, dans le rétroviseur. Il ressent dans son demi-sommeil le baume familier de ses yeux bruns posés sur lui. Souvent, il s'est allongé dans le lit de la mère, tous deux se faisant face en chien de fusil, leur tête sur un bras replié, et dans la fraîcheur de la chambre embrasée par la lumière il a contemplé le visage de la mère, les yeux de la mère, empreints de quelque chose d'indicible, d'une tristesse infinie ou d'une résignation, comme si elle se trouvait face à lui, son fils, désemparée et coupable.
Commenter  J’apprécie          60
Il sent aussi, inexplicablement, le grand mouvement qui les entraîne tous, lui compris, imperceptible, pourtant vertigineux, à travers le temps et à travers l’espace, toutes vies mêlées, hommes et bêtes, et avec eux les pierres, les arbres et les astres ignés.
Commenter  J’apprécie          60
Les derniers lambeaux de brume se dissipent brusquement et le contour distinct du massif surgit. La nuit porte maintenant en elle l'attente de l'aube, cette infime variation qui détache les contours du monde sans qu'ils soient encore intelligibles, laissant seulement paraître des degrés d'obscurité.
Commenter  J’apprécie          60
Ils ont modelé les porcs selon leur bon vouloir, ils ont usiné des bêtes débiles, à la croissance extraordinaire, aux carcasses monstrueuses, ne produisant presque plus de graisse mais du muscle. Ils ont fabriqué des êtres énormes et fragiles à la fois, et qui n'ont même pas de vie sinon les cent quatre-vingt-deux jours passés à végéter dans la pénombre de la porcherie, un coeur et des poumons dans le seul but de battre et d'oxygéner leur sang afin de produire toujours plus de viande maigre propre à la consommation.
Commenter  J’apprécie          60
Les yeux rivés dans le gris du ciel, elle n'a pas l'âge de ses quatorze ans, mais celui des enfants exilés de l'enfance, bannis avant même de naître ; un âge sans âge et sans histoire.
Commenter  J’apprécie          60
Ce pourraient être des îlots de lumière, des îles dans le courant que j'essaie de représenter; la vie elle-même qui s'écoule.
Virginia Woolf Journal
Commenter  J’apprécie          60
Il sourit puis, contre toute attente, leva une main, la posa sur la joue de Gaspard. Les doigts parcoururent l’arête de la mâchoire, du lobe de l’oreille au menton, et le tissu du gant crissa sur la barbe naissante. « Alors, dans ce cas, que désirez-vous ? demanda-t-il avec une sollicitude retrouvée. – Devenir comme vous, monsieur », répondit aussitôt Gaspard. Il se reprocha son empressement. Étienne l’avait poussé dans ses derniers retranchements, et il le suppliait. L’index s’arrêta sur son menton, y imprima une pression. La rue autour d’eux avait disparu. Le halo de la bougie frémit sur leurs visages. « Oh, constata Étienne après un silence, devenir moi. » Gaspard était suspendu à ces paroles, relié par ce doigt sur son visage, à quelques centimètres de ses lèvres.
Commenter  J’apprécie          60
Elle n'a pas non plus chercher à remplacer les meubles délaissés par les anciens copropriétaires, les cadres représentant d'obscures reproductions de gravures pittoresques qui, délogés de leur sempiternelle place, pivotés sur leur clou, laissent paraître une version antérieure du papier peint, aux contrastes plus marqués, aux couleurs plus vives, ressuscitant une époque lointaine, la maison rappelant à l'enfant que lui et sa mère ne sont jamais que de passage entre ses murs.
Commenter  J’apprécie          50



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean-Baptiste Del Amo (2417)Voir plus

Quiz Voir plus

Verres

Dans le conte de Charles Perrault, il est parfois écrit que Cendrillon porte une pantoufle de vair. Qu'est-ce que le vair?

Un synonyme de verre
De la fourrure

10 questions
4 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}