AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Jean Echenoz (753)


Le sac ne pesait d’abord, vide, que six cents grammes. Mais il s’alourdirait vite par un premier lot de fournitures réglementaires, soigneusement réparties et consistant en matériel alimentaire - bouteilles d’alcool de menthe et substitut de café, boîtes et sachets de sucre et de chocolat, bidons et couverts en fer étamé, quart en fer embouti, ouvre-boîte et canif, - en vêtements - caleçons court et long, mouchoirs en coton, chemises de flanelle, bretelle et bandes molletières -, en produits d’entretien et de nettoyage - brosses à habits, à chaussures et pour les armes, boîtes de graisse, de cirage, de boutons et de lacets de rechange, trousse de couture et ciseaux à bouts ronds -, en effets de toilette et de santé - pansements individuels et coton hydrophile, torchon-serviette, miroir, savon, rasoir avec son aiguisoir, blaireau, brosse à dents, peigne - ainsi qu’en objets personnels - tabac à rouler, allumettes et briquet, lampe de poche, bracelet d’identité à plaques en maillechort et aluminium, petit paroissien du soldat, livret individuel.

Tout cela semblait déjà pas mal pour un seul sac mais n’empêchait nullement qu’ensuite on arrimât sur lui, à l’aide de sangles, divers accessoires échafaudés. Au sommet, d’abord, sur une couverture roulée surmontant une toile de tente avec mâts, piquets et cordeaux incorporés, trônerait une gamelle individuelle - basculée pour obvier à l’ entrechoc avec la tête-, à l’arrière un petit fagot de bois sec pour la soupe au bivouac serait calé sur une marmite fixée par une courroie remontant sur la gamelle et, latéralement, pendraient un ou deux outils de campagne sous leur housse en cuir - hache ou cisaille, serpe, scie, pelle, pioche ou pelle-pioche, au choix - ainsi qu’une vache à eau et une lanterne sous son étui de transport en toile. L’ensemble de cet édifice avoisinerait alors au moins trente-cinq kilos par temps sec. Avant qu’il ne se mette donc à pleuvoir.
Commenter  J’apprécie          160
Inconfortable et qui glissait tout le temps, sans parler des migraines provoquées, la cervelière n'a pas connu un franc succès : on a de plus en plus omis de la porter, ne l'utilisant plus bientôt qu'à des fins culinaires, pour se faire cuire un oeuf ou comme assiette d'appoint.
Commenter  J’apprécie          160
Le pigeon, pourtant. Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain. Jamais émouvant, profondément inaffectif, le pigeon minable et sa voix stupide. Son vol de crécelle. Son regard sourd. Son picotage absurde. Son occiput décérébré qu'agite un navrant va et vient. Sa honteuse indécision, sa sexualité désolante. Sa vocation parasitique, son absence d'ambition, son inutilité crasse.
Commenter  J’apprécie          160
Bref Ravel joue mal, mais enfin bon, il joue. Il est, il sait qu'il est le contraire d'un virtuose mais, comme personne n'y entend rien, il s'en sort tout à fait bien.
Commenter  J’apprécie          150
N'importe quand, n'importe qui peut se retrouver dans une prison ou dans un camp, pour des raisons qu'en général il ignore. Il s'y retrouve la plupart du temps moins pour ce qu'il pense que parce qu'il gêne quelqu'un ayant le pouvoir de l'y envoyer. Chaque jour, des quatre coins du pays, des centaines de lettres arrivent à la Sécurité d'État qui attirent, avec beaucoup d'obligeance et d'imagination, l'attention de celle-ci sur tel camarade, collègue, voisin, parent, dénoncé dans le cadre de la conspiration contre le régime.
Commenter  J’apprécie          150
Les épargnés se sont relevés plus ou moins constellés de fragments de chair militaire, lambeaux terreux que déjà leur arrachaient et se disputaient les rats, parmi les débris de corps çà et là - une tête sans mâchoire inférieure, une main revêtue de son alliance, un pied seul dans sa botte, un œil.
Commenter  J’apprécie          150
Or on ne quitte pas la guerre comme ça.La situation est simple,on est coincés:les ennemis devant vous,les rats et les poux avec vous et,derrière vous,les gendarmes.
Commenter  J’apprécie          150
Ne fût-ce qu'à cause de ces deux-là, le pou, le rat, obstinés et précis, organisés, habités d'un seul but comme des monosyllabes, l'un et l'autre n'ayant d'autre objectif que ronger votre chair ou pomper votre sang, de vous exterminer chacun à sa manière - sans parler de l'ennemi d'en face, différemment guidé par le même but -, il y avait souvent de quoi vous donner envie de foutre le camp.

Commenter  J’apprécie          150
Cet objet sans espoir [le Boléro] connaît un triomphe qui stupéfie tout le monde à commencer par son auteur. Il est vrai qu'à la fin d'une des premières exécutions, une vieille dame dans la salle crie au fou, mais Ravel hoche la tête : En voilà au moins une qui a compris, dit-il juste à son frère. De cette réussite, il finira par s'inquiéter. Qu'un projet si pessimiste recueille un accueil populaire, bientôt universel et pour longtemps, au point de devenir un des refrains du monde, il y a de quoi se poser des questions, mais surtout de mettre les choses au point. A ceux qui s'aventurent à lui demander ce qu'il tient pour son chef d'œuvre : C'est le Boléro, voyons, répond-il aussitôt, malheureusement il est vide de musique.
Commenter  J’apprécie          150
Émile, on dirait qu'il creuse ou qu'il se creuse, comme en transe ou comme un terrassier. Loin des canons académiques et de tout souci d'élégance, Émile progresse de façon lourde, heurtée, torturée, tout en à-coups. Il ne cache pas la violence de son effort qui se lit sur son visage crispé, tétanisé, grimaçant, continûment tordu par un rictus pénible à voir. Ses traits sont altérés, comme déchirés par une souffrance affreuse, langue tirée par intermittence, comme avec un scorpion logé dans chaque chaussure. Il a l'air absent quand il court, terriblement ailleurs, si concentré que même pas là, sauf qu'il est là plus que personne et, ramassée entre ses épaules, sur son cou toujours penché du même côté, sa tête dodeline sans cesse, brinqueballe et ballotte de droite à gauche
Commenter  J’apprécie          150
[L]e meilleur du soleil, c'est l'ombre.
Commenter  J’apprécie          140
Énigmatique et théâtral, ménageant ses éclairages et ses effets, Gregor joint à ses dons d'orateur ceux de comédien et de prestidigitateur asymptote du magicien. S'agissant de prouver avant toute chose la sûreté du procédé alternatif, il saisit de la main gauche un fil provenant d'une bobine où circule un courant à forte tension, puis de la droite s'empare d'un tube et voici que le tube, à la stupéfaction de la salle, s'illumine aussitôt. La preuve est ainsi faite que, traversant sa personne, l'électricité ne l'affecte en rien. Certes, pour effectuer cette démonstration, Gregor a eu recours à un courant à haute fréquence ne pouvant pénétrer dans le corps mais circulant sans aucun risque à sa périphérie, donc léger subterfuge, très légère tricherie mais qu'importe : conviction du public et succès assuré.
Commenter  J’apprécie          140
[...] c'est toujours le même problème, avec les parenthèses : quand on les ferme, qu'on le veuille ou non, on se retrouve dans la phrase, et la phrase c'est donc [...]
Page 168
Commenter  J’apprécie          141
Prenez par exemple Patrick Hernandez, qui n'a rien fait de toute sa vie que Born to Be Alive - écrit en dix minutes, enregistré en deux jours, refusé d'abord par tous les producteurs puis, devenu succès intercontinental dont les royautés lui ont permis de se la couler douce tout le reste de son existence.
Commenter  J’apprécie          141
"Amour pour tous, haine pour personne", idée valable à première vue quoique peut-être un peu malaisée d'application.
Commenter  J’apprécie          140
Pourtant pareils à leurs prochains et réduits au servage, les conifères ont avec leur indépendance abdiqués jusqu'à leur identité, leur déjections même fournissent un sol de décorateur diplômé : moquette blonde à motifs, lit d'aiguille satinée décoré d'une branche morte par-ci, d'une pomme de pin par-là, traitée anti-tache et anti-feu. Pour animer le tableau, un service minimum de palombes, ragondins, écureuils et d'autres encore crée des diagonales et pousse des cris, le vent froisse les arbres en harpes, les scies mécaniques sanglotent au loin.
Commenter  J’apprécie          140
Les myopes, par exemple, exemptés dans un premier temps et protégés par leurs lunettes, ne songent pas un instant qu'ils pourraient bien prendre avec elles un de ces jours un train vers l'Est, si possible équipés d'une paire de rechange. Semblablement avec les sourds, les nerveux, les pieds plats. (p. 27)
Commenter  J’apprécie          140
Vous reviendrez tous à la maison, a notamment promis le capitaine Vayssière en gonflant sa voix de toutes ses forces. Oui, nous reviendrons tous en Vendée. Un point essentiel, cependant. Si quelques hommes meurent à la guerre, c'est faute d'hygiène. Car ce ne sont pas les balles qui tuent, c'est la malpropreté qui est fatale et qu'il vous faut d'abord combattre. Donc lavez-vous, rasez-vous, peignez-vous et vous n'avez rien à craindre.
Commenter  J’apprécie          140
Ça n'allait pas durer, l'état-major discernant bientôt l'avantage présenté par des hommes dûment abreuvés, l'ivresse calfeutrant la peur, mais on n'en était pas encore là.
Commenter  J’apprécie          140
Chacun préfère savoir quand il est né, tant que c'est possible. On aime mieux être au courant de l'insrtant chiffré où ça démarre, où les affaires commencent avec l'air, la lumière, la perspective, les nuits et les déboires, les plaisirs et les jours. Cela permet déjà d'avoir un premier repère, une inscription, un numéro utile pour vos anniversaires. Cela donne aussi le point de départ d'une petite idée personnelle du temps dont chacun sait aussi l'importance : telle que la plupart d'entre nous décident, acceptent de le porter en permanence sur eux, découpé en chiffres plus ou moins lisibles et parfois même fluorescents, fixé par un bracelet à leur poignet, le gauche le plus souvent que le droit.
Commenter  J’apprécie          140



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Jean Echenoz Voir plus

Quiz Voir plus

Douze romans de Jean Échenoz: le bon titre

« C’est un scandale », dit Caine, « c’est la preuve que l’on n’est jamais arrivé à concilier le temps et l’espace.»

L'Américain de Greenwich
L'Amérindien de Greenwich
Le Maire indien de Greenwich
Le Méridien de Greenwich

12 questions
48 lecteurs ont répondu
Thème : Jean EchenozCréer un quiz sur cet auteur

{* *}