Jean Hatzfeld vous présente son ouvrage "
Tu la retrouveras" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire 2023
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Ce qui s’est passé à Nyamata, dans les églises, dans les marais et les collines, ce sont des agissements surnaturels de gens bien naturels.
[Extrait du témoignage de Jean-Baptiste Munyankore, enseignant, survivant du massacre des Tutsis, en 1994.]
"Ce qui s'est passé à Nyamata, dans les églises, dans les marais et les collines, ce sont des agissements surnaturels de gens bien naturels. (...) Le directeur de l'école et l'inspecteur scolaire de mon secteur ont participé aux tueries à coups de gourdins cloutés. Deux collègues professeurs, avec qui on s'échangeait des bières et des appréciations sur les élèves auparavant, ont mis la main à la pâte, si je puis dire. Un prêtre, le bourgmestre, le sous-préfet, un docteur, ont tué de leurs mains.
Ces intellectuels n'avaient pas vécu au temps des rois Batutsis. Ils n'étaient volés ou brimés de rien, ils n'étaient les obligés de personne. Ils portaient des pantalons de cotonnade plissés, ils se reposaient comme il faut, ils se transportaient en véhicule ou à vélomoteur. Leurs épouses portaient des bijoux et connaissaient les habitudes citadines, leurs enfants fréquentaient des écoles blanches.
Ces gens bien lettrés étaient calmes, et ils ont retroussé leurs manches pour tenir fermement une machette. Alors, pour celui qui, comme moi, a enseigné les Humanités sa vie durant, ces criminels-là sont un terrible mystère."
Le génocide peut se photographier après...
Pour convaincre les esprits incrédules et contrecarrer les négationnistes.
Mais l'intimité du génocide appartient à ceux qui l'on vécu, à eux de devoir la dissimuler, elle ne se partage pas avec n'importe qui.
Dieu ne pouvait peut-être pas se bagarrer contre tous les fauteurs. Je crois toujours en lui, parce que sinon ce serait trop risquant. Mais il n'est plus toute nos chances et je ne compte plus du tout sur lui comme auparavant.
Un génocide n'est pas une guerre particulièrement meurtrière et cruelle. C'est un projet d'extermination. Au lendemain d'une guerre, les survivants civils éprouvent un fort besoin de témoigner; au lendemain d'un génocide, au contraire, les survivants aspirent étrangement au silence. Leur repliement est troublant.
Faut-il pardonner ? À quoi sert le pardon ? À encourager la révélation de la vérité ? À permettre un deuil plus apaisé aux rescapés ? À favoriser la réconciliation nécessaire aux générations futures ?
Qui peut pardonner ? Peut-on pardonner au nom d'autrui, d'un parent, d'un ami, en particulier si cette personne a disparu ? Peut-on pardonner à celui qui ne demande pas à être pardonné, ou qui ne fait aucune démarche sincère en ce sens ou qui le refuse ? Existe-t-il plusieurs façons de pardonner ? Différents degrés du pardon ? Différentes étapes ? Peut-on demander à un autre, à Dieu ou à quelqu'un de plus humain que soi, de pardonner à sa place, si l'on s'en estime incapable ? Quel est l'engagement de celui qui demande pardon ? De celui qui accorde le pardon ? Voilà autant de questions aussi anciennes que l'humanité. (p.219)
Les chansons qui appelaient tous les Hutus à se coaliser pour supprimer les Tutsis : on riait de leur drôlerie. Pareil pour 'Les Dix Commandements du Hutu', qui juraient notre fin prochaine. On s'y était tellement habitués qu'on ne prêtait plus l'oreille aux terribles menaces. (p.63, Innocent (Tutsi))
Dans le pays de la philosophie qu'était l'Allemagne, le génocide avait pour objectif de purifier l'être et la pensée. Dans le pays rural qui était le Rwanda, le génocide avait pour but de purifier la terre, la désinfecter de ses 'cultivateurs cancrelats'. (p.78)
C'est le caractère absolu de leur projet qui leur permettait de l'accomplir hier, avec une certaine tranquillité ; c'est son caractère absolu qui leur permet aujourd'hui d'éviter d'en prendre conscience, et de s'en trouver d'une certaine façon troublés. (p.268)
J'ai vu des papas qui enseignaient à leurs garçons comment couper. Ils leur faisaient imiter les gestes de machette. (...) Le plus souvent les garçons s'essayaient sur des enfants, rapport à leurs tailles correspondantes. (p.44-45, Clémentine)