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Citations de Jean-Joseph Julaud (155)


PROVISION D’ÉTÉ

D’un pétale tourbillon d’hirondelle
L’orage fait sa provision d’été
Pour que les fruits soient de la fête


Quand sur l’autre versant,la vie
Consume un carton-pâte quotidien
Pour en sortir des masques
Ou des squelettes
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Vercingétorix signifie « Le roi suprême de ceux qui marchent à l’ennemi ».
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Le crapaud

Que savons-nous ? qui donc connaît le fond des choses ?
Le couchant rayonnait dans les nuages roses ;
C'était la fin d'un jour d'orage, et l'occident
Changeait l'ondée en flamme en son brasier ardent ;
Près d'une ornière, au bord d'une flaque de pluie,
Un crapaud regardait le ciel, bête éblouie ;
Grave, il songeait ; l'horreur contemplait la splendeur.
(Oh ! pourquoi la souffrance et pourquoi la laideur ?
Hélas ! le bas-empire est couvert d'Augustules,
Les Césars de forfaits, les crapauds de pustules,
Comme le pré de fleurs et le ciel de soleils !)
Les feuilles s'empourpraient dans les arbres vermeils ;
L'eau miroitait, mêlée à l'herbe, dans l'ornière ;
Le soir se déployait ainsi qu'une bannière ;
L'oiseau baissait la voix dans le jour affaibli ;
Tout s'apaisait, dans l'air, sur l'onde ; et, plein d'oubli,
Le crapaud, sans effroi, sans honte, sans colère,
Doux, regardait la grande auréole solaire ;
Peut-être le maudit se sentait-il béni,
Pas de bête qui n'ait un reflet d'infini ;
Pas de prunelle abjecte et vile que ne touche
L'éclair d'en haut, parfois tendre et parfois farouche ;
Pas de monstre chétif, louche, impur, chassieux,
Qui n'ait l'immensité des astres dans les yeux.
Un homme qui passait vit la hideuse bête,
Et, frémissant, lui mit son talon sur la tête ;
C'était un prêtre ayant un livre qu'il lisait ;
Puis une femme, avec une fleur au corset,
Vint et lui creva l'œil du bout de son ombrelle ;
Et le prêtre était vieux, et la femme était belle.
Vinrent quatre écoliers, sereins comme le ciel.
– J'étais enfant, j'étais petit, j'étais cruel ; –
Tout homme sur la terre, où l'âme erre asservie,
Peut commencer ainsi le récit de sa vie.
On a le jeu, l'ivresse et l'aube dans les yeux,
On a sa mère, on est des écoliers joyeux,
De petits hommes gais, respirant l'atmosphère
À pleins poumons, aimés, libres, contents ; que faire
Sinon de torturer quelque être malheureux ?
Le crapaud se traînait au fond du chemin creux.
C'était l'heure où des champs les profondeurs s'azurent ;
Fauve, il cherchait la nuit ; les enfants l'aperçurent
Et crièrent : « Tuons ce vilain animal,
Et, puisqu'il est si laid, faisons-lui bien du mal ! »
Et chacun d'eux, riant, – l'enfant rit quand il tue, –
Se mit à le piquer d'une branche pointue,
Élargissant le trou de l'œil crevé, blessant
Les blessures, ravis, applaudis du passant ;
Car les passants riaient ; et l'ombre sépulcrale
Couvrait ce noir martyr qui n'a pas même un râle,
Et le sang, sang affreux, de toutes parts coulait
Sur ce pauvre être ayant pour crime d'être laid ;
Il fuyait ; il avait une patte arrachée ;
Un enfant le frappait d'une pelle ébréchée ;
Et chaque coup faisait écumer ce proscrit
Qui, même quand le jour sur sa tête sourit,
Même sous le grand ciel, rampe au fond d'une cave ;
Et les enfants disaient : « Est-il méchant ! il bave ! »
Son front saignait ; son œil pendait ; dans le genêt
Et la ronce, effroyable à voir, il cheminait ;
On eût dit qu'il sortait de quelque affreuse serre ;
Oh ! la sombre action, empirer la misère !
Ajouter de l'horreur à la difformité !
Disloqué, de cailloux en cailloux cahoté,
Il respirait toujours ; sans abri, sans asile,
Il rampait ; on eût dit que la mort, difficile,
Le trouvait si hideux qu'elle le refusait ;
Les enfants le voulaient saisir dans un lacet,
Mais il leur échappa, glissant le long des haies ;
L'ornière était béante, il y traîna ses plaies
Et s'y plongea, sanglant, brisé, le crâne ouvert,
Sentant quelque fraîcheur dans ce cloaque vert,
Lavant la cruauté de l'homme en cette boue ;
Et les enfants, avec le printemps sur la joue,
Blonds, charmants, ne s'étaient jamais tant divertis ;
Tous parlaient à la fois et les grands aux petits
Criaient : «Viens voir! dis donc, Adolphe, dis donc, Pierre,
Allons pour l'achever prendre une grosse pierre ! »
Tous ensemble, sur l'être au hasard exécré,
Ils fixaient leurs regards, et le désespéré
Regardait s'incliner sur lui ces fronts horribles.
– Hélas ! ayons des buts, mais n'ayons pas de cibles ;
Quand nous visons un point de l'horizon humain,
Ayons la vie, et non la mort, dans notre main. –
Tous les yeux poursuivaient le crapaud dans la vase ;
C'était de la fureur et c'était de l'extase ;
Un des enfants revint, apportant un pavé,
Pesant, mais pour le mal aisément soulevé,
Et dit : « Nous allons voir comment cela va faire. »
Or, en ce même instant, juste à ce point de terre,
Le hasard amenait un chariot très lourd
Traîné par un vieux âne éclopé, maigre et sourd ;
Cet âne harassé, boiteux et lamentable,
Après un jour de marche approchait de l'étable ;
Il roulait la charrette et portait un panier ;
Chaque pas qu'il faisait semblait l'avant-dernier ;
Cette bête marchait, battue, exténuée ;
Les coups l'enveloppaient ainsi qu'une nuée ;
Il avait dans ses yeux voilés d'une vapeur
Cette stupidité qui peut-être est stupeur ;
Et l'ornière était creuse, et si pleine de boue
Et d'un versant si dur que chaque tour de roue
Était comme un lugubre et rauque arrachement ;
Et l'âne allait geignant et l'ânier blasphémant ;
La route descendait et poussait la bourrique ;
L'âne songeait, passif, sous le fouet, sous la trique,
Dans une profondeur où l'homme ne va pas.

Les enfants entendant cette roue et ce pas,
Se tournèrent bruyants et virent la charrette :
« Ne mets pas le pavé sur le crapaud. Arrête ! »
Crièrent-ils. « Vois-tu, la voiture descend
Et va passer dessus, c'est bien plus amusant. »

Tous regardaient. Soudain, avançant dans l'ornière
Où le monstre attendait sa torture dernière,
L'âne vit le crapaud, et, triste, – hélas ! penché
Sur un plus triste, – lourd, rompu, morne, écorché,
Il sembla le flairer avec sa tête basse ;
Ce forçat, ce damné, ce patient, fit grâce ;
Il rassembla sa force éteinte, et, roidissant
Sa chaîne et son licou sur ses muscles en sang,
Résistant à l'ânier qui lui criait : Avance !
Maîtrisant du fardeau l'affreuse connivence,
Avec sa lassitude acceptant le combat,
Tirant le chariot et soulevant le bât,
Hagard, il détourna la roue inexorable,
Laissant derrière lui vivre ce misérable ;
Puis, sous un coup de fouet, il reprit son chemin.

Alors, lâchant la pierre échappée à sa main,
Un des enfants – celui qui conte cette histoire, –
Sous la voûte infinie à la fois bleue et noire,
Entendit une voix qui lui disait : Sois bon !

Bonté de l'idiot ! diamant du charbon !
Sainte énigme ! lumière auguste des ténèbres !
Les célestes n'ont rien de plus que les funèbres
Si les funèbres, groupe aveugle et châtié,
Songent, et, n'ayant pas la joie, ont la pitié.
Ô spectacle sacré ! l'ombre secourant l'ombre,
L'âme obscure venant en aide à l'âme sombre,
Le stupide, attendri, sur l'affreux se penchant,
Le damné bon faisant rêver l'élu méchant !
L'animal avançant lorsque l'homme recule !
Dans la sérénité du pâle crépuscule,
La brute par moments pense et sent qu'elle est sœur
De la mystérieuse et profonde douceur ;
Il suffit qu'un éclair de grâce brille en elle
Pour qu'elle soit égale à l'étoile éternelle ;
Le baudet qui, rentrant le soir, surchargé, las,
Mourant, sentant saigner ses pauvres sabots plats,
Fait quelques pas de plus, s'écarte et se dérange
Pour ne pas écraser un crapaud dans la fange,
Cet âne abject, souillé, meurtri sous le bâton,
Est plus saint que Socrate et plus grand que Platon.
Tu cherches, philosophe ? Ô penseur, tu médites ?
Veux-tu trouver le vrai sous nos brumes maudites ?
Crois, pleure, abîme-toi dans l'insondable amour !
Quiconque est bon voit clair dans l'obscur carrefour ;
Quiconque est bon habite un coin du ciel. Ô sage,
La bonté, qui du monde éclaire le visage,
La bonté, ce regard du matin ingénu,
La bonté, pur rayon qui chauffe l'inconnu,
Instinct qui, dans la nuit et dans la souffrance, aime,
Est le trait d'union ineffable et suprême
Qui joint, dans l'ombre, hélas ! si lugubre souvent,
Le grand innocent, l'âne, à Dieu le grand savant.
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2007 : le 1er janvier, la Bulgarie et la Roumanie intègrent l’Union européenne qui comporte désormais les 27 membres que voici : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède
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1905 : le 9 décembre, Aristide Briand, ministre de l’Intérieur et des Cultes, fait voter la loi de séparation d’Église et de l’État, mûrie par son prédécesseur Émile Combes, ancien séminariste et docteur en théologie devenu athée. Elle met fin au concordat de 1801.
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Mais qu’est-ce que la « vesse » ? direz-vous. La vesse est à la flatulence ce que la politesse, la décence sont à l’oralité. Disons tout simplement que cela ne sort pas du même côté.
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Contre l’impuissance

Il n’est pas aisé de traiter de ce problème essentiellement masculin –on sait que les femmes usent en général d’artifices sonores simulateurs qui leur permettent de penser en même temps à des choses utiles : la liste des commissions, la lessive des slips et des chaussettes.
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Mon âme a son secret, ma vie a son mystère ;
Un amour éternel en un moment conçu :
Le mal est sans espoir, alors j'ai dû le taire,
Et celle qui l'a fait n'en a jamais rien su.

Mes heures perdues de Félix Arvers
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Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Q'elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux

Alcools de Guillaume Apollinaire
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Etude de pronoms

Ô toi ô toi ô toi
toi qui déjà toi qui pourtant
toi que surtout
Toi qui pendant toi qui jadis toi que toujours
toi maintenant
Moi toujours arbre et toi toujours prairie
moi souffle toi feuillage
moi parmi, toi selon !
Et nous qui sans personne
par la clarté par le silence
avec rien pour nous seuls
tout, parfaitement tout !

(Jean Tardieu)
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1254 : épris de justice, Louis IX fait publier les Grandes Ordonnances qui en précisent l'application, évitant qu'il existe une justice des riches et une justice des pauvres.
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Etude de pronoms

ô toi ô toi ô toi
toi qui déjà toi qui pourtant
toi que surtout
Toi qui pendant toi qui jadis toi que toujours
toi maintenant
Moi toujours arbre et toi toujours prairie
moi souffle toi feuillage
moi parmi, toi selon !
Et nous qui sans personne
par la clarté par le silence
avec rien pour nous seuls
tout, parfaitement tout !

(Jean Tardieu)
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L’homme,qu’il soit noir,blanc ou jaune,fait de sable ou de sel,ordinateur ou bien truelle,tentera toujours désespérément (même sous le masque de l’impassibilité)d’ouvrir une fenêtre dans l’infini.Sa main se crispera sur la poignée de cette fenêtre avec tant de force,parfois,que le ciel tout entier lui restera entre les doigts.
D’autres fois,ce sera la mer,où vivent les sirènes d’alarme.

Le Voyageur absent-1982
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HIVER SUR LA BALTIQUE

Baltique, lac tranquille aux reflets de vieux bronze avalé par la brume,à quelques encablures. Longeant le rivage,une ligne d'arbres taillés dans du givre pur,tranche d'un éclat plus vif,sur la neige un peu grise,écaille des champs plats. Sable sans couleur où canards,mouettes et poules d'eau sont les seuls baigneurs de cette fin de janvier. Température :quinze degrès en dessous de zéro.

On dit que,lors d'hiver encore plus rudes,la mer prise par les glaces. Des cygnes se laissent parfois surprendre. Si nul ne vient les délivrer,ils meurent le cou tendu,lisses joyaux sertis dans l'aigue-marine.

Niveaux de survie - 1978
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Les nuits de Juin-dis tu-sont de plus
En plus fraîches ;peu de groseilles cette année.

Qu'un rossignol cherche à moduler son chant
suffit à nier la rosée,parfumer au foin
coupé la lumière rasante.

L'été sera toujours à la mode
pourvu qu'il reste des moutons
Et leur laine de souvenirs

Niveaux de survie-1978
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Le temps voyage seul,oubliant les saisons que les grands migrateurs s’échinent à poursuivre en leurs dérives hauturières,poussés par la loi de l’espèce.Le temps voyage seul,faisant de notre vie une gravitation sans escale.Nous-mêmes,deviendront oies sauvages,cigognes,toujours entre deux nids,entre deux continents,mais notre unique loi sera la chute libre sur une orbite calculée pour nous maintenir en éveil dans notre rêve de vivants.
La Peau du monde-1987
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L'adieu

J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t-en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
et souviens-toi que je t'attends

Alcools- G. Apollinaire
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rien ne sert de se prendre au sérieux apprendre en s 'amusant c est tellement mieux
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1871 : dans Paris, les classes modestes se sont insurgées contre le gouvernement royaliste issu des élections. Elles décident de ne pas s’y soumettre et de résister jusqu’au bout aux Prussiens, en achetant des canons qui sont installés sur la butte Montmartre. Thiers ordonne à la troupe de s’emparer de ces canons, mais elle fraternise avec le peuple. Les Parisiens créent, le 18 mars, le Comité central de la Commune qui s’installe à l’Hôtel de Ville.
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Contre la surcharge pondérale : le régime minceur en poésie et en douceur

[…]
Pour le dîner, pendant ces deux semaines, procurez-vous, en édition de poche, Exil de Saint John Perse. Vous devez en lire chaque soir, avant le repas, un extrait, et le comprendre. Vous constaterez qu’il vous restera seulement le temps de préparer une petite salade avant d’aller dormir. Voici donc votre menu du soir :

Entrée : Saint John Perse
Plat principal : Salade
Pas de dessert (pas le temps !)

Voici à titre d’exemple, un extrait d’Exil :

« Relations faites à l’Edile ; confessions faites à nos portes… Tue-moi, bonheur !
Une langue nouvelle de toutes parts offerte ! une fraîcheur d’haleine par le monde
Comme le souffle même de l’esprit, comme la chose même proférée,
A même l’être son essence ; à même la source sa naissance :
Ha ! toute l’affusion du dieu salubre sur nos faces, et telle brise en fleur
Au fil de l’herbe bleuissante, qui devance le pas des plus lointaines dissidences ! »
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