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Citations de Jean-Pierre Guéno (232)


Les suspects ne sont plus retenus dans les enceintes de la justice civile ou militaire, ni même dans les lieux connus de l'autorité administrative. Ils sont partout et nulle part. Dans ce système, la juste - même la plus expéditive - perd ne serait-ce que l'exemplarité de ses décisions. Par ces méthodes improvisées et incontrôlées, l'arbitre trouve toutes les justifications. La France risque, au surplus, de perdre son âme dans l'équivoque. Je n'ai jamais eu le cynisme et je n'ai pas la force d'admettre ce qu'il est convenu d'appeler des "bavures", surtout lorsque ces bavures ne sont que le résultat d'un système dans lequel l'anonymat est seul responsable.
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Le 13 novembre 1918
Les dernières quarante-huit heures.
Chers parents
Cette fois je vous écris en plus grand. Nous avons été relevés hier après midi du contact avec les Boches. Les dernières quarante-huit heures ont été terribles.
Le 9 à 10 heures du matin on faisait une attaque terrible dans la plaine de la Woëvre. Nous y laissons les trois quart de la compagnie, il nous est impossible de nous replier sur nos lignes ; nous restons dans l'eau trente-six heures sans pouvoir lever la tête ; dans la nuit du 10, nous reculons à 1km de Dieppe ; nous passons la dernière nuit de guerre le matin au petit jour puisque le reste de nous autres est évacué ; on ne peut plus se tenir sur les jambes ; j'ai le pied gauche noir comme du charbon et tout le corps tout violet ; il est grand temps qu'il vienne une décision, ou tout le monde reste dans le marais, les brancardiers ne pouvant plus marcher car le Boche tire toujours ; la plaine est plate comme un billard.
A 9 heures du matin le 11, on vient nous avertir que tout est signé et que cela finit à 11 heures, deux heures qui parurent sonner des jours entiers.
Enfin, 11 heures arrivent ; d'un seul coup, tout s'arrête, c'est incroyable.
Nous attendons 2 heures ; tout est bien fini ; alors la triste corvée commence, d'aller chercher les camarades qui y sont restés. Le soir arrive, il nous faut rester là, mais on allume un grand feu et les rescapés se rassemblent ; tout le monde est content mais triste : la mort plane encore dans l'air. Le 12, nous sommes relevés à 2 heures et c'est fini.
Eugène

Eugène Poézévara avait dix-huit ans en 1914. Il écrivait souvent à ses parents, des Bretons qui habitaient Mantes-La-Jolie. Eugène a été gazé sur le front, et il est mort d'épuisement dans les années 20.
( p 175)
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Si je ne me battais pas, je souillerais à jamais toutes mes heures futures. plus de joies pures, plus d'enthousiasme, plus d'exaltation pour le beau. Car je rougirais d'avoir tremblé pour ma vie! pour oser regarder le soleil mourir sur la mer, il faut avoir osé soi-même regarder la mort en face. Maurice Maréchal
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J'en profite pour vous demander pardon pour toute la peine que j'ai pu vous causer, sur lors de mon enrôlement. Si je reviens vivant de cette aventure, et si je reviens à la maison, à la fin de la guerre, je ferai tout ce que je pourrai pour sécher tes larmes, maman, je ferai tout en mon pouvoir afin de vous faire oublier toutes les angoisses dont je suis la cause.
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Un grand sommeil noir
Tombe sur ma vie :
Dormez, tout espoir,
Dormez, toute envie!

Je ne vois plus rien,
Je perds la mémoire
Du mal et du bien...
O la triste histoire!

Je suis un berceau
Qu'une main balance
Au creux d'un caveau :
Silence, silence!

Paul Verlaine - Sagesse
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Transcription conforme à l'original
Mercredi 29 septembre 1915
Ma chère Louisette,
Je t'ai promis, presque solennellement, de te dire la vérité ; je vais m'exécuter, mais en revanche tu m'as donné l'assurance que tu aurais les nerfs solides et le cœur ferme.Je suis depuis ce matin dans des tranchées conquises depuis 2 jours, l'ensemble de ces tranchées et boyaux forme un véritable "labyrinthe", où j'ai erré 3 heures cette nuit, absolument perdu. Les traces de la lutte ardente y sont nombreuses et saisissantes ; et d'abord elles sont plus qu'à moitié détruites par l'ouragan de mitraille que notre artillerie y a lancé, aussi sont-elles incommodes et horriblement sâles malgré les réparations urgentes que nous y avons faites ; tout y manque : l'eau (propre ou sale), les boyaux, les latrines ; elles sont à moins de 200 mètres de la 1ère ligne ennemie, avec laquelle elles communiquent par des boyaux obturés ; elles sont parsemées de cadavres français et allemands ; sans presque me déranger j'en compte bien 20 figés dans les attitudes les plus macabres. Ce voisinage n'est pas encore nauséabond, mais il fait tout de même mal aux yeux ; ce matin, à 5 heures, nous arrivons mouillés et harassés, et j'entre dans le premier abri venu pour me détendre, j'avise une bonne planche, m'y étends, la trouve moelleuse, mais 5 minutes après je m'aperçois qu'elle fait sommier sur 2 cadavres allemands ; et bien, crois-moi, ça fait tout de même quelque chose, au moins la 1ère fois. On marmite fort tout autour de nous et vraiment c'est parfois un vacarme ; déjà je ne salue presque plus.Le mal n'est pas là ; il est surtout dans le temps qui est affreux ; depuis 3 jours au moins, les rafales de pluie succèdent aux averses ; les boyaux sont des fondrières inommables, où l'on glisse, où l'on se crotte affreusement ; aussi suis-je sâle au superlatif, au moins jusqu'à la ceinture ; mes mains sont boueuses et les resteront jusqu'au départ ; mes souliers sont pleins d'eau ; heureusement le corps est sec, car l'air est presque froid et le ciel livide. Autour de moi les gens font une tête ! Il nous faudra beaucoup de patience et de moral.Nous sommes coiffés du nouveau casque en tôle d'acier ; c'est lourd et incommode, mais cela donne une sérieuse protection contre les éclats de fusants et contre les ricochets, aussi le porte-t-on sans maugréer. Nous avons aussi tout un attirail contre les gaz asphyxiants. Mais nous serons mal ravitaillés : un seul repas, de nuit, qui arrivera froid le plus souvent ; et cela s'explique à la fois par la longueur des boyaux et par la difficulté de parcourir une large zone découverte.A ce tableau un peu sombre mais véridique il convient d'ajouter deux correctifs ; d'abord nous aurons un rôle défensif, nous sommes chargés de mettre en état le secteur très bouleversé ;ensuite les Allemands contre-attaquent peu, par suite du manque d'effectifs et de l'état de leurs affaires en Champagne. Pour ces 2
raisons, il se pourrait très bien que nous n'ayons pas à les regarder dans les yeux ; c'est d'ailleurs le vœu unanime ici.Ma lettre va t'arriver en pleine période de réinstallation et de soucis ; j'essayerai d'en prendre ma part de loin ; cela me distraira et me fondra un peu plus avec vous. Je te souhaite du calme et du courage pour triompher de ces petites difficultés.Tu sais combien je t'aime et quels tendres baisers je t'envoie, partage avec nos chers petits.
(signé) Déléage
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Nous allions par là-bas, où l'on meurt, où l'on est défiguré, haché, déchiré... et nous y allons... au pas, au son des cuivres aigus...
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Le travail d'une femme, depuis son lever jusqu'à son coucher, est aussi dur qu'une journée de guerre, pire que la journée de travail d'un homme, parce que elle, elle doit inventer son emploi du temps conformément à celui des autres gens, des gens de sa famille et de ceux des institutions extérieures.

En une matinée de cinq heures, elle fait le petit déjeuner des enfants, elle les lave, elle les habille, elle nettoie sa maison, elle fait les lits, elle fait sa propre toilette, elle s'habille, elle va faire les courses, elle fait la cuisine, elle met la table, en vingt minutes elle fait manger les enfants, elle hurle contre, elle les ramène à l'école, elle fait la vaisselle, elle fait la lessive et le reste, et le reste. Peut-être, vers trois heures et demie, pourrait-elle, pendant une demi-heure, lire un journal.

Une bonne mère de famille, pour les hommes, c'est quand la femme fait de cette discontinuité de son temps une continuité silencieuse et inapparente.
Alors l'homme est content, ça va bien dans sa maison. L'homme du Moyen Age, l'homme de la Révolution, l'homme de mille neuf cent quatre-vingt-six.
Marguerite Duras - La vie matérielle.
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Eloge de la lettre

(...) Non, les lettres authentiques ne sont pas interchangeables: elles réinventent avec plus de force qu'à l'ordinaire la présence de l'autre, elles m'obligent avec autant de force à être présent de toute ma pensée et de tous mes mots, mais cette tension n'a rien de clos ni d'égoïste, elle se change en offrande, elle est ouverture. La lettre est pour moi un des prolongements du poème (...)- Pierre Dhainaut -(p. 143)
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Je pars avec de bons souliers et des habits superbes, je n'ai que moi à défendre, je ferai de mon mieux. C'est égal, je ne l'aurai pas cru !
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Vendredi 10 mai 1940. Depuis plus de huit mois que l'Allemagne a envahi la Pologne, le 1er septembre 1939, depuis que le Royaume-Uni et la France ont déclaré la guerre à l'Allemagne, l'armée française est restée quasiment inactive derrière la ligne Maginot. On vient de vivre une "drôle de guerre" : le calme avant la tempête.
Et tout soudainement, très violemment, au coeur du printemps, Hitler déclenche la foudre. Il envahit trois pays neutres, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg, et ses troupes franchissent nos frontières dès le premier jour de l'attaque. A partir du 12 et du 13 mai 1940, les Panzers allemands traversent les Ardennes et franchissent la Meuse. Les flots de civils qui fuient les combats ruissellent vers le sud et vers l'ouest.
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Il faut veiller contre les mauvais conseils que porte la nuit dans ses ténèbres de désespoir absolu...
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La garnison ne peut plus résister, elle a courageusement lutté jusqu'au bout, le bombardement ininterrompu a duré six jours et cinq nuits. Le commandant fait hisser le drapeau blanc. Les larmes aux yeux, il rend la place qui n'est plus qu'un monceau de ruines, pas une maison ne reste, là ou s'élevait quelques jours avant la belle ville de Longwy.
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Être heureux, ce devrait être un devoir, en même temps qu'une vertu, une récompense. C'est plus difficile qu'on ne le croit.
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Pendant des mois à Paris, et des années ailleurs, j'ai joui comme on se tue, j'ai poursuivi le fric parce qu'il donne l'illusion de posséder quelque chose, j'ai fait tout le mal que j'ai pu parce qu'il faut détruire rageusement ce qui vous rend jaloux. (...) J'ai piétiné tous les espoirs à la traîne, j'ai brisé ce que j'aurais adoré.
Tout ça, c'était raté. Je pouvais me contracter des heures entières, passer enfin pour la dure salope, la perdue, l'irrécupérable. j'ai à mon actif toutes les vacheries, toutes les débauches. Mais comment, toi, n'as-tu pas senti que, tout au fond, c'était raté? que mon coeur crevait d'amour et fondait à la moindre étincelle de beauté? que toute haine tournait en moi à l'indifférence et qu'en fin de compte je jouais ma dernière chance sur l'amour? Et que je ne pourrai jamais passer en marche arrière? N'importe. Je veux croire, jusqu'au bout.
Albertine Sarrazin - Lettres à Julien
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Si tu étais revenu
Consuelo et Antoine
Grasse, années 1960

Vous êtes la Rose du Petit Prince... On vous a rabaissée, on vous a calomniée comme on l'avait fait avec George Sans qui avait tant aimé Musset, ou avec Eve Hanska qui avait tant chéri Balzac... Pourtant vous l'avez toujours adoré, ce pilote maladroit parti rejoindre le renard du Petit Prince de son enfance sur une planète improbable... Longtemps encore après sa disparition, longtemps après que la mer eut englouti son avion, vous avez continué à lui écrire, comme pour dire aux sirènes des profondeurs marines de bercer à tout jamais le sommeil paisible de votre "poisson volant".

Ma vie fut un immense vertige. Maintenant j'ai les cheveux gris. J'ai tellement de larmes dans la bouche que cela me suffirait à boire toute ma vie. Pourquoi Tonio, mon Tonio, mon mari, mon mal, mon ciel, mon enfer, es-tu parti pour ne plus revenir? Pas de nouvelles de toi et l'année va finir. Il faut que je l'accepte. Et si je l'accepte c'est pour t'aimer davantage. Comme je t'aurais aimé si tu étais revenu!
Consuelo de Saint Exupéry (Mémoires de la Rose)
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Alal cette belle epoque ou pour dix francs, on pouvait acheter un livre. Maintenant pour plus de dix francs ou plutôt plus de 1 euros, on peut manger qu'une pauvre baguette de pain. A croire qu'on est toujours en temps de guerre...
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La justice est le grain de beauté de la haine. Ce grain a été tracé, maquillé par la main de l'homme de pouvoir. Même ici où, normalement, on devrait redresser l'homme, c'est le contraire. Rien ne va avec la vie de l'homme de conscience. Tout est administré, c'est-à-dire imposé, et cela tue la responsabilité de l'individu. C'est là le négatif de la prison.

Michel
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Attendant la première lueur du jour, les deux mille hommes se tiennent debout dans un silence total ; et quelle que soient leurs pensées, ce silence ressemble à une prière.
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Depuis Londres, le général de Gaulle prononce, le 18 juin 1940, sur les ondes de la BBC, un appel à la résistance invitant les Français à refuser la défaite et à combattre. Celui-ci est diffusé mais n'est pas enregistré, les techniciens de la BBC étant alors trop occupés à préparer l'enregistrement du discours de Winston Churchill, Premier ministre britannique. C'est en fait l'appel du 22 juin qui va être conservé par la radio de Londres.
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