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Citations de Jean Tardieu (265)


Commencement et fin
(Fugue sur deux substantifs)



Le commencement
ne s’arrête pas
et la fin ne cesse

Ton sang tu l’oublies,
ce commencement.
Ce qui passe en toi
et n’a pas de fin
tu ne l’entends plus.

Au commencement
torrents et volcans,
à la fin des fins
le ciel et la mer.

Si tu comprenais ?
Si tu commençais ?
Si c’était la fin ?

Tu crois que le monde
vient de commencer
tu crois que le temps
n’aura pas de cesse

Admire la fin
du commencement
adore le jour
adore la nuit
qui t’ont dévoré.
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Jean Tardieu
Précisions (sermon)



extrait 2

Dans les livres on dit que la pierre autrefois
parlait… elle est encor bourdonnante de voix
la radio ronronne et traverse les toits.

Où sont les longs loisirs et les longues pensées ?
c'est de mois et de jours que je fais mes années
et les mois et les jours sont des choses comptées,

des piétinements sourds dans le fracas des rues
des rêves étouffés des marches descendues
et cette voix toujours en moi-même entendue !

Mais je veux avouer je veux être présent
je nomme les objets dont je suis l'habitant
ne me refusez pas ma place dans le temps.

Car si je me connais je sais ce qui me passe
si je vois ma prison je possède ma vie
si j'entends ma douleur je tiens ma vérité.


1951
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DIURNE


Est-ce que tu dors ?
Est-ce que tu t’éveilleras un jour ?
Ni veille ni rêve : cela est.

Des enfants jouent
Un éclat sur une vitre
Un ronflement d’avion
Le sol résonne Je marche à grands pas
Fraîcheur sur les yeux
Je tiens J’éprouve Je sais à qui parler
Tout répond
Foisonnement.
( Oublie ! N’oublie pas ! Oublie ! N’oublie pas ! )

Un coup de frein
Un nuage passe
et tout change de couleur.

Surprise sans fin
Horizons qui n’en finissent pas de se déplier
Il y a toujours quelque chose plus loin.
Ce qui murmure hors de moi en moi-même
est comparable au fleuve
qui traverse tout sans se mélanger à rien

Ma vie, je t’ai cherchée toute ma vie
tu as pris les plus beaux visages
mais je n’entends que la voix.
Au bord de quelle nuit te trouverai-je enfin ?
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L'ENFANT RESTE AU BORD DE LA ROUTE

Voilà plus de trente ans que j'attends de vivre.
Ai-je vécu?
Sans doute "quelqu'un" a vécu. Mais ailleurs, quelqu'un d'autre est resté, un petit d'autrefois que je connais bien. Celui-là depuis toujours est demeuré, celui-là toujours à la même place demeure. Il attend, il m'attend et à travers la distance énorme il me fait des signes désespérés.
Oui c'est bien celui-là qui s'étonne là-bas, qui appelle, crie, gémit, car on ne l'a pas emmené, on l'a trahi: il croyait que tout allait venir à lui, et tout s'est éloigné de lui. Tandis que moi, moi qui suis parti sur la route, moi le "quelqu'un" qui va toujours là où je vais, c'est moi qui ai tout emporté. Tout emporté, même l'image du solitaire enfant resté assis désespéré sur une borne de la route.
En effet, j'ai beaucoup beaucoup marché et parce qu'en marchant j'ai tout arraché des bords du chemin, parce que j'avançais sans cesse, ah! comme je me suis cru riche! Pourtant je ne possède rien qui vaille: les fils dansants du télégraphe, l'écho de mes pas, l'odeur des cuisines d'auberge, l'aboiement des chiens la nuit derrière les grandes portes fermées.
Comme je voudrais retourner vers l'enfant! Il savait tout d'avance, et c'est bien pour cela qu'il pleurait.
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LE CIEL OU L IRREALITE

(...)
Peu à peu...
Peu à peu notre nuit terrestre se dilue dans la vaste nuit qui la contient: elles vont se confondre!
Ce bleu, cette couleur de l'invisible, où notre souffle prend naissance, où les yeux des vivants respirent, ce bleu, devenu maintenant presque noir, le voici transparent à l'obscurité tutélaire qui le dépasse et qui le perd dans ses abîmes et le mélange à ses trésors.
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Jean Tardieu
Ma main qui soulève un marteau tient le réel, mais mon regard élevé jusqu'au lieux les plus hauts de la nuit, n'atteint que des idées, des fantômes, un fuyant déferlement de songes qui va mourir au bord de ce qui n'est pas.
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Il faut se méfier des mots. Ils sont toujours trop beaux, top rutilants et leur rythme vous entraîne, prêt à vous faire prendre un murmure pour une pensée.
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Jean Tardieu
Étude des pronoms

Ô toi ô toi ô toi ô toi
toi qui déjà toi qui pourtant
toi que surtout.
Toi qui pendant toi qui jadis toi que toujours
toi maintenant.
Moi toujours arbre et toi toujours prairie
moi souffle toi feuillage
moi parmi, toi selon !
Et nous qui sans personne
par la clarté par le silence
avec rien pour nous seuls
tout, parfaitement tout !

( recueil " Monsieur Monsieur")
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IRMA, entrant. Bas à l'oreille de Madame et avec inquiétude.
C'est Madame de Perleminouze, je fris bien: Madame (elle insiste sur "Madame"), Madame de Perleminouze !

MADAME, un doigt sur les lèvres, fait signe à Irma de se taire, puis, à voix haute et joyeuse.
Ah ! Quelle grappe ! Faites-la vite grossir !

Irma sort. Madame, en attendant la visiteuse, se met au piano et joue. Il en sort un tout petit air de boîte à musique.
Retour d'lrma, suivie de Madame de Perleminouze.

IRMA, annonçant.
Madame la Comtesse de Perleminouze !

MADAME, fermant le piano et allant au-devant de son amie.
Chère, très chère peluche ! Depuis combien de trous, depuis combien de galets n'avais-je pas eu le mitron de vous sucrer !
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La soirée du pianiste

L'artiste est à son piano,
Sa main droite joue en solo,
Ses cinq doigts sont longs et fins
Cinq fois un, cinq.
Puis, des deux mains, il s'enhardit
Cinq fois deux, dix.
Le piano tonne, hurle, grince.
Cinq fois trois, quinze.
Un dernier accord, c'est la fin !
Cinq fois quatre, vingt.
Après le concert, le pianiste trinque,
Cinq fois cinq, vingt-cinq.
Puis, il rentre dans sa soupente,
Cinq fois six, trente.
Passe sa chemise en lin,
Cinq fois sept, trente-cinq.
Puis, sa tête devient dolente,
Cinq fois huit, quarante.
Il dort déjà. Tout est éteint,
Cinq fois neuf, quarante-cinq.
Sauf la lune, qui se lamente,
Cinq fois dix, cinquante.

*Pour apaiser le chagrin en la dame de la marelle M.
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Quand j'écoute et n'entends pas,
quand je regarde sans voir,
quand je marche sans un pas, quand mon soleil devient noir,

je disparais sans mourir,
je vis sans mouvement.
Nul espoir nul souvenir
dans les forges du moment.

Fondre ? Soit, mais pour renaître !
Finir pour recommencer !
Le monde est à reconnaître
sur les chemins effacés.
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"Qu'est-ce qui nous guérira de vivre ? Qui nous délivrera du cycle de la vie et de la mort, de l'enfer terrestre où les monstres pullulent et guettent leur proie sinon le dégagement et l'absence ? "
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Ordre et désordre



4.

Autour de l’arbre immobile
l’ombre qui tourne
dessine sur le sol
le mouvement du jour.

C’est l’amorce
d’un cercle parfait
et tous les cercles se ressemblent

mais toutes les feuilles
sont différentes.


p.1262
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À TU ET À TOI


Extrait 6

Toi
je te vois je t’entends
je souffre de ton poids sur rues épaules
tu es tout : le visible.
l’invisible.
connaissance inconnue
et sans nom.
Faut-il parler aux murs ?
Aux vivants qui n’écoutent pas
A qui m’adresserai-je
sinon à un sourd
comme moi ?

Tu
es ce que je sais,
que j’ai su et oublié,
que je connais pourtant mieux que moi-même,
de ce côté où je cherche la voie
le vide où tout recommence.
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CONSEILS DONNÉS PAR UNE SORCIÈRE
( à voix basse, avec un air épouvanté, à l'oreille du lecteur)

Retenez vous de rire
dans le petit matin !

N'écoutez pas les arbres
qui gardent les chemins !

Ne dites votre nom
à la terre endormie
qu’après minuit sonné !

A la neige, à la pluie
ne tendez pas la main !

N'ouvrez votre fenêtre
qu'aux petites planètes
que vous connaissait bien !

Confidence pour confidence :
vous qui venez me consulter,
méfiance, méfiance !
on ne sait pas ce qui peut arriver.
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Jean Tardieu
Sphère de feu flottant sur les ténèbres,
je vais plus loin que tes bords lumineux,
les yeux fermés rejoindre la nuit pure,
Et dans mes bras serrer le poids du temps

(" Suite mineure")
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Les maison y sont là
les deux pieds sous la porte
tu les vois les maisons?

Les pavé y sont là
les souliers de la pluie
y sont noirs mais y brillent.

Tout le monde il est là
le marchand le passant
le parent le zenfant
le méchant le zagent.

Les auto fait vou-hou
le métro fait rraou
et le nuage, y passe
et le soleil, y dort.

Tout le monde il est là
comme les autres jours
mais c'est un autre jour
c'est une autre lumière :

aujourd'hui c'est hier.
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Avant le lever de rideau, on entend une musique essoufflée d'orgue de Barbarie, une polka qui voudrait être gaie mais qui, en fait, est déchirante de tristesse, avec des notes qui manquent et des halètements de mécanique usée.
Le rideau s'ouvre.
La scène, dont on doit réduire les dimensions au minimum, par exemple en fermant plus qu'à demi le rideau, représente une salle quelconque, absolument nue.
Au lever du rideau, l'Inventeur - un homme sans particularité apparente - est assis sur une chaise et lit distraitement un journal, en tournant ou faisant semblant de tourner la manivelle qui, dans la coulisse, côté jardin, actionne l'orgue de barbarie.
De temps en temps, il baille, se gratte la tête ou consulte sa montre.
Il semble attendre quelque chose ou quelqu'un.
On sonne. L’inventeur se lève, pose son journal sur la chaise, va précipitamment vers la coulisse, côté jardin. Il fait mine d'arrêter la manivelle : la musique s'arrête.
Puis il se dirige côté cour. Il disparaît quelques instants dans la coulisse pour reparaître seul, mais en parlant à l'Acheteur qui restera invisible pendant toute la scène et sera supposé assis dans la coulisse, côté cour...
(lever de rideau de "la triple mort du client" pièce composée en triptyque, contenant "le meuble", "la serrure" et "le guichet" et parue dans ce recueil chez "Folio" en 1987)
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A deviner

- Est-ce que c'est une chose ?
- Oui et non.
- Est-ce que c'est un être vivant ?
- Pour ainsi dire.
- Est-ce que c'est un être humain ?
- Cela en procède.
- Est-ce que cela se voit ?
- Tantôt oui, tantôt non.
- Est-ce que cela s'entend ?
- Tantôt oui, tantôt non.
- Est-ce que cela a un poids ?
- Ça peut être très lourd ou infiniment léger.
- Est-ce que c'est un récipient, un contenant ?
- C'est à la fois un contenant et un contenu.
- Est-ce que cela a une signification ?
- La plupart du temps oui, mais cela peut aussi n'avoir aucun sens.
- C'est donc une chose bien étrange ?
- Oui, c'est la nuit en plein jour, le regard de l'aveugle, la musique des sourds, la folie du sage, l'intelligence des fous, le danger du repos, l'immobilité et le vertige, l'espace incompréhensible et le temps insoutenable, l'énigme qui se dévore elle-même, l'oiseau qui renaît de ses cendres, l'ange foudroyé, le démon sauvé, la pierre qui parle toute seule, le monument qui marche, l'éclat et l'écho qui tournent autour de la terre, le monologue de la foule, le murmure indistinct, le cri de la jouissance et celui de l'horreur, l'explosion suspendue sur nos têtes, le commencement de la fin, une éternité sans avenir, notre vie et notre déclin, notre résurrection permanente, notre torture, notre gloire, notre absence inguérissable, notre cendre jetée au vent...
- Est-ce que cela porte un nom ?
- Oui, le langage.
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NOCTURNE


Ici s’ouvre un monde nouveau
démasqué par la fin du jour
Le temps bascule J’écoute Je retiens mon souffle.

Une réponse dernière
Un pâle éclat
Un secret promis et tenu

Les mots
un essaim d’astres
Une plume une feuille

La nuit s’éclaire au centre
Au centre est la source de toute couleur
Au centre est l’avenir longtemps mûri sous les cendres

Au centre est mon amour pour ce monde
Ma joie mon espérance invincible et trahie.

J’irai mourir dans mon enfer
Je déchirerai les vestiges de la misère
Ce qui murmure hors de moi en moi-même
est comparable au fleuve
qui traverse tout sans se mélanger à rien
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