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EAN : 9782070302680
251 pages
Gallimard (29/03/1968)
3.93/5   38 notes
Résumé :
A la capture, au rapt, à la fascination ou à l'affirmation qui caractérisent le rapport du poème au lecteur pour l'oeuvre d'autres poètes qui sont ses pairs, Jean Tardieu substitue l'aveu, la retenue, le signe dont la discrétion ne fait que rendre plus éperdu l'appel si l'on sait enfin percevoir celui-ci. L'oeuvre de Tardieu s'impose donc en lenteur, en douceur, par toutes les nuances merveilleusement sensibles, émouvantes et savantes, fraîches et raffinées, qui fon... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Je connaissais plutôt Jean Tardieu comme auteur de théâtre et j'apprécie ses jeux de langage, " un mot pour un autre" notamment.

Je découvre avec curiosité et étonnement une autre facette de cet auteur si atypique et original. Même si l'on retrouve l'aspect ludique autour des mots,surtout dans la partie "Monsieur monsieur", sa poésie est plus angoissée, le poète s'interroge, sur lui-même, sur le monde:

" Je suis sans voix je n'ai plus de langage,
plus de bateau pour un si long voyage!
L'oeil fixe, je me tais, en attendant
d'apprendre enfin la langue du néant. "

Il en vient à douter de sa propre identité :

" Il n'y a personne!

Cette absence a les yeux des arbres
une figure creuse et haute
où s'engouffre toute la vie
étrangère à ce que je fus."

J'ai été plus sensible à cet aspect tourmenté et même sombre d'un homme en recherche d'un sens, en quête aussi d'une mémoire effilochée.

Par contre, le côté dérision et mots répétés en écho, ou les familiarités voulues ne m'ont pas attirée plus que cela, comme le poème souvent cité " La môme néant" .Quoi qu'a dit? - A dit rin. "

Dans le paysage poétique, en tout cas, comme au théâtre, Jean Tardieu est un auteur à part, et j'aime cette singularité, cette manière bien à lui de renouveler le langage.

L'épitaphe qu'il nous livre est émouvante :

" Pour briser le lien dun jour et des saisons
pour savoir quelle était cette voix inconnue
sur le pont du soleil à l'écart de ma vie
je me suis arrêté."

Fleuve "caché ou perdu", présence et absence du moi, questions indéfinies, tout un réseau ambivalent, comme en chacun de nous...

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L'amour et la poésie c'est la même chose : l'une et l'autre se dérobent devant leurs manifestations évidentes. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour, dit la sagesse populaire. Et la poésie, si difficile à définir en son essence même, se dilue dans l'épanouissement du lyrisme, l'émotion de l'élégie, la dimension héroïque de l'épopée, la profondeur de la pensée contemplative ou agissante, et le langage, le langage surtout, sans lequel la poésie serait une noix vide.
S'il est un poète pour qui le langage (en poésie) a son importance, c'est bien Jean Tardieu. Ses poèmes, très souvent se réduisent à des monologues ou à de courts dialogues, au langage familier, voire enfantin. Des mini-pièces de théâtre où l'auteur en faisant cohabiter les situations les plus prosaïques avec une inquiétude métaphysique difficile à cacher, créent l'insolite et l'humour, titillent l'absurde, et finalement interrogent le lecteur.
LA MOME NEANT


(Voix de marionnette, voix de fausset, aiguë, nasillarde, cassée, cassante, caquetante, édentée

Quoi qu'a dit ?
- A dit rin.

Quoi qu'a fait ?
- A fait rin.

A quoi qu'a pense ?
- A pense a rin.

Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense a rin ?

- A'xiste pas.

Entre humour et absurde, voilà où on trouvera l'essentiel de la poésie de Jean Tardieu. Mais il ne faut certes pas s'arrêter à ces deux aspects. Bien des poèmes de l'auteur expriment ses doutes et son incompréhension du monde qui l'entoure. Une angoisse existentielle le poursuit tout au long de son oeuvre : une distanciation entre lui-même et le personnage qu'il joue dans le théâtre du monde, le mystère de l'être, source à la fois d'inquiétude et de bonheurs possibles.

Pendant la période de la guerre et de l'Occupation, il apporte sa part à l'effort des poètes-résistants (le recueil « Les Dieux étouffés » réunit tous ses poèmes de Résistance dont « Oradour »)

Nous l'avons dit, il accorde une grande importance au langage : il l'expérimente dans ses poèmes, dans ses pièces qu'il écrit pour le théâtre et qu'il appelle « Poèmes à jouer », dans ses interventions à la radio où il tient une chronique pendant vingt ans. D'une créativité exceptionnelle, Jean Tardieu se signale également par son aptitude à aborder tous les types de poésie, de la plus classique à la plus moderne (il était très proche de l'Oulipo de Raymond Queneau), est-il besoin de le dire, avec un égal bonheur.

Poète insolite, drôle et pathétique, mais jamais ennuyeux ni dérangeant, Jean Tardieu est un auteur attachant, principalement parce que sa quête d'identité, de place sur la terre, de besoin d'absolu, est finalement la nôtre, et que nous sommes ses compagnons de scène dans ce théâtre illusoire, tragique et absurde, mais en même temps drôle et vivant.





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J Tardieu, poète presque inclassable, surprenant autant que déroutant parfois, un receuil qui se lit en piochant au hasard et selon l'humeur...Avec lui on commence à entrer dans la poésie vraiment moderne, dont je ne suis un véritable adepte, à découvrir cependant..
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
MONSIEUR MONSIEUR
METAPHYSICAL POETRY/LE BON CITOYEN DE L'UNIVERS


J'aime ce monde logiquement
par la vertu des vérités
qu'il communique aux facultés
dont est fait notre entendement.

Exemple : j'aime cet espace
où tous les mondes prennent place
les petits objets et les grands
et j'aime le déroulement
de la succession des temps
où tous ces objets se déplacent
lorsqu'ils s'échappent du néant
et que leur forme et leur couleur
les signalent à l'observateur :
la verdure parce qu'elle est verte
le vin rouge parce qu'il est rouge
le ciel bleu parce qu'il est bleu
les liquides parce qu'ils bougent,
tandis que l'immobilité
caractérise étrangement
les solides sans mouvement.

Or si dans ce monde logique
il en était autrement
je ne serais pas moins content
car j'aimerais le mouvement
pour ce que rien ne s'y déplace
aussi le temps aussi l'espace
parce que rien n'est à sa place
et toutes les choses qui passent
avant de sortir du néant
et qui changent incessamment
de forme autant que de couleur :
le vin rouge parce qu'il est blanc
le ciel bleu parce qu'il est rouge
la neige parce qu'elle est verte
les prés verts parce qu'ils sont noirs
les solides parce qu'ils bougent
et les liquides immobiles.

Je ne suis pas très difficile
quoi qu'il arrive, je suis content
je suis un citoyen docile
de cet univers cohérent.

p.134-135
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Quand j'écoute et n'entends pas,
quand je regarde sans voir,
quand je marche sans un pas, quand mon soleil devient noir,

je disparais sans mourir,
je vis sans mouvement.
Nul espoir nul souvenir
dans les forges du moment.

Fondre ? Soit, mais pour renaître !
Finir pour recommencer !
Le monde est à reconnaître
sur les chemins effacés.
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Tout ça qui a commencé…


Tout ça qui a commencé
il faut bien que ça finisse :

la maison zon sous l'orage
le bateau dans le naufrage
le voyageur chez les sauvages.

Ce qui s'est manifesté
il faut que ça disparaisse :

feuilles vertes de l'été
espoir jeunesse et beauté
an-ci-en-nes vérités.

MORALITÉ

Si vous ne voulez rien finir
évitez de rien commencer.
Si vous ne voulez pas mourir,
quelques mois avant de naître
faites-vous décommander.
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FEINTES NÉCESSAIRES

J'appuie et creuse en pensant au ombres,
je passe et rêve en pensant au roc :

Fidèle au bord des eaux volages
j'aime oublier sur un sol éternel.

Je suis changeant sous les fixes étoiles
mais sous les jours multiples je suis un.

Ce que je tiens me vient de la flamme,
ce qui me fuit se fait pierre et silence.

Je dors pour endormir le jour. Je veille
la nuit, comme un feu sous la cendre...

Ma différence est ma nécessité !
Qui que tu sois, terre ou ciel, je m'oppose,

car je pourchasse un ennemi rebelle
ruse pour ruse et feinte pour feinte !

Ô châtiments de tant de combats,
Ô seul abîme ouvert à ma prudence :

Vais-je mourir sans avoir tué l'Autre
qui règne et se tait dans ses profondeurs ?
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CONVERSATION

(Sur le pas de la porte, avec bonhomie)


Comment ça va sur la terre ?
- Ça va ça va, ça va bien.

Les petits chiens sont-ils prospères ?
- Mon Dieu, oui, merci bien.

Et les nuages ?
- Ça flotte.

Et les volcans ?
- Ça mijote.

Et les fleuves ?
- Ça s’écoule.

Et le temps ?
- Ça se déroule.

Et votre âme ?
- Elle est malade
Le printemps était trop vert
Elle a mangé trop de salade.


(Monsieur Monsieur – 1948-1950
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Vidéo de Jean Tardieu
Rencontres avec Jean Tardieu par Christian Cottet-Emard juillet 1988 et juin 1991 (LE BLOG LITTÉRAIRE de Christian Cottet-Emard)
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