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Critiques de Jean de La Varende (77)
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Monsieur Vincent, suivi de L'autre île

Vincent Depaul était maître d'internat à Toulouse.

Il s'en est absenté durant une vingtaine de jours, afin d'aller toucher un petit héritage à Marseille.

Mr du Fresne, gentilhomme normand, lui a proposé au retour d'embarquer sur une tartane pour éviter quarante lieues de mauvais chemins.

Mais voilà que "Saint'eu Vierg'eu", une felouque barbaresque est venue à leur couper la route ...

XVIIème siècle, la guerre, la famine, l'épidémie ...

La misère des uns ; la vie insouciante, libertine, égoïste des autres ...

Mais un homme s'est dressé, luttant contre tous : Monsieur Vincent.

Pierre Fresnay dans "Monsieur Vincent" fait une composition inégalée, extraordinaire.

Pierre Fresnay, inoubliable "Monsieur Vincent" !

Des scènes d'une profonde intensité dramatique ...

Une oeuvre qui fera époque ... Votre prochain spectacle !

Ce commentaire dithyrambique n'est pas adressé au livre de Jean de la Varende que celui-ci a sous-titré "Images et dialogues pour Monsieur Vincent - Essai cinématographique".

Il est extrait de la bande annonce du film de Maurice Cloche, qui obtint en 1947 le Grand Prix du Cinéma Français.

Car Jean de la Varende n'est crédité nulle part au générique du film.

Pourtant, dans son avant propos, Jean de la Varende dit avoir travaillé ce texte à trois sous l'égide de Maximilien Vox.

Les deux autres étant certainement Jean-Bernard Luc et Jean Anouilh qui, eux, sont crédités au générique du film pour le scénario et les dialogues.

Alors, que s'est-il vraiment passé ?

Pourquoi Jean de la Varende aurait été écarté de l'écriture de ce grand film dont il avait signé un scénario à Chamblac en 1943 ?

Parce qu'il ne passe pas dans son texte le souffle épique qui traverse le film.

Car ce texte de Jean de la Varende n'est pas bon.

Il oscille entre le grandiloquent et le ridicule.

Alors que la présence magnétique de Pierre Fresnay et l'écriture assez moderne, nerveuse et efficace de Anouilh et de Luc ont fait du film un véritable petit chef d'oeuvre.

Quoiqu'il en soit l'expérience a déçu Jean de la Varende puisqu'il en parle comme d'une décevante tentative, comme d'une cruelle tentation.

Mais ce livre de Jean de la Varende est composé aussi d'une deuxième partie : "L'autre île", une féérie marine en marge de Stevenson, sorte de morceau de scène à jouer ...

En Angleterre, à la fin du XVIIIème siècle, des marins préparent un mauvais coup dans une salle enfumée.

Bandeau sur l'oeil, jambe de bois à la patte, un damné forban surnommé "Vieux diable" harangue ses hommes qu'il compte lancer contre la "Jeune Emilie", et y rafler tout ce qu'elle contient de soies, d'épices et de lingots.

Lorsque surgit, par une fenêtre défoncée, un admirable jeune homme, tout de blanc et d'argent vêtu, jusqu'au tricorne garni de plume !

"On m'appelle le Chevalier Blanc

Je vais et je vole au secours d'innocents

Qu'en la campagne résonne la poudre

Je vais et vole plus vif que la foudre

La-la-la-la-la, la-la-la-la

La-la-la-la-la, la-la-la

La-la-la-la-la, la-la-la

On m'appelle

Le Chevalier Blanc" ...

Stop !

Que Dieu me savonne et qu'Olivier Constantin me pardonne, mais Gerard Lanvin peut ranger son collant blanc si seyant.

Il s'agit ici de lord Allemby, le duc de Gloucester ... qui cherche à recruter un équipage de sac et de corde, le plus dur et le plus terrible qu'il puisse trouver, pour se lancer à la course au trésor que son aïeul, lord admiral David Thune, a laissé sur une lointaine île sans nom au milieu d'une mer infinie ...

Mais dans cette aventure, personne n'est vraiment ce qu'il croit ou ce qu'il prétend.

Et la course au trésor va se transformer très vite en un récit métaphysique intrigant et un peu confus.

Mais qui contient pourtant quelques belles envolées et plusieurs moments d'humanité intense.

Ce deuxième texte, "L'autre île" a été signé à Chamblac en 1932.

Il devait servir à y accompagner une exposition de maquettes de navires, elles aussi sorties des mains de Jean de la Varende.

Maximilien Vox en fit un très beau livre, illustré de bois magnifiques ...





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La Normandie en fleurs

La littérature de Jean de la Varende est comme son âme, humble, croyante et paysanne.

Et ce livre, peut-être plus que tout autre, en est l'expression.

"La Normandie en fleurs" est une galerie de portraits, un défilé de quelques hautes figures normandes :

- le garde-chasse, le facteur, le berger, le curé de campagne et le paysan chrétien, le chaufournier, le couvreur, le charpentier, le maréchal-ferrant et le châtelain, placé en dernier comme pour fermer la marche, comme pour assurer au cortège sa cohésion.

Le livre a été écrit, à Chamblac, au château de Bonneville, entre 1941 et 1949.

Et d'avoir si bien décrit cette profusion du printemps normand, d'avoir si bien discerné, entre soleil et rosée, cet éblouissement de la nature, d'avoir signé ces quelques pages, jamais la plume de l'écrivain ne sût se faire plus normande.

Jean de la Varende, s'armant de sa littérature, est le dernier véritable chouan.

Il a du normand son esprit déductif et très raisonneur.

Comme lui, profondément chrétien, il est pourtant empreint d'un paganisme dont il ne peut se débarrasser.

Et sa tête, aussi férue de science qu'elle puisse être, ne peut se raisonner lorsque s'expriment les mystères du passé, lorsque paraît le "rebouteux" !

Chacun de ses ouvrages est une croisade où il ferraille, s'engage et se livre.

Pour lui, la séparation de l'Église et de l'État est une infamie, un vol.

L'École Normale est le subversif séminaire de l'instituteur.

Et il envoie promener l'impôt et son percepteur pour se réserver au denier du culte !

Jean de la Varende est comme ce vieil oncle, attaché à l'ancien temps et un peu original, qu'enfant l'on craint un peu mais dont aime tant emboîter le pas et suivre dans la magie de ses récits.

Et qu'importe si parfois il s'y montre un peu caricatural ou extravagant !

Mais que l'on ne s'y trompe pas, la littérature de La Varende n'est pas de celles que l'on prend à la légère.

Elle est d'une force et d'une élégance telles qu'elle rivalise avec celle des plus grands.

Ici, le maître des lieux dénonce le mensonge, par elle proféré, qui aurait fait du paysan un rustre qui mangerait, boirait et engendrerait avec gloutonnerie.

Il fustige l'injustice, mâtinée de Zola pour la luxure et de Maupassant pour la brutalité.

Ce livre est un paysage, celui de "La Normandie en fleurs".

A l'intérieur de ses pages, tout un monde y vit, un monde que l'on croyait oublié et perdu dans les brumes d'autrefois.

Et ce monde n'est pas imagination d'écrivain, mais parole de normand ...

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Indulgence plénière

Comme , lors d'un long dimanche d'automne, l'on s'attarde avec plaisir dans la campagne normande si belle, j'ai aimé flâner et musarder au fil des pages de ce magnifique roman.

Ouvrir un livre de Jean de la Varende est toujours un plaisir anticipé qui n'est que rarement déçu.

L'écriture du vieux gentilhomme est élégante.

Son propos, souvent, respire l'odeur de la lourde terre normande à laquelle se mêle parfois quelques plus fraîches effluves venues de la mer.

Ce roman est un beau roman, un roman venu du coeur.

C'est le roman triste du pardon et de l'amour.

Georges Chapelle a 62 ans.

Il est le maire de Boncourt-la-Vallée, président du club de chasse et châtelain du lieu.

Il est le fils, bâtard à la mode normande, du grand Chapelle, légendaire brasseur d'affaires qui faisait sourdre la richesse autour de lui.

Mme Olmer, sa demi-soeur, est une maîtresse femme.

Elle lui a pourtant, car ses intérêts la portent ailleurs, abandonné les rênes du domaine, de la laiterie et de la scierie ...

Ce roman en trois parties, tel une armoire normande grande à loger une salle de bain parisienne, s'avance comme un meuble massif construit, en quelques coups de mailloches, de quelques planches chevillées.

Mais comme sur le vieux meuble, à y regarder de plus près, on y découvre d'élégantes ciselures, de fines émotions et de délicates moulures.

La foudre, une nuit, est tombée sur le domaine.

Gabrielle, qui est l'âme de la maison, quittant son mari Jules, le chauffeur toutes mains, a fui avec Samuel Maret, un musicien, le maestro d'un cirque de passage.

Elle est rattrapée à l'auberge du Cheval-Blanc de Thibeauville.

Pour qu'elle reste, Mr Georges décide de s'arranger avec la moralité.

Ce qui ne sera pas du goût de Mme Olmer ...

La chronique familiale devient drame et le drame, basculant dans une tristesse indicible, verse finalement dans la tragédie.

Jean de la Varende nous offre un magnifique ouvrage, plein d'émotion, où son style s'épanouit et s'attarde au détour des phrases.

"Indulgence plénière", roman peu remarqué dans son oeuvre, est pourtant un livre magnifique qu'il serait dommage d'avoir délaissé ...

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La tourmente

"La tourmente" est ce que Jean de la Varende nomme une suite romanesque et que nous appelons, nous, un recueil de nouvelles.

Il est composé de "Lise, fillette de France", un long texte central de plus de 200 pages, entouré de deux autres beaucoup plus courts.

Le premier, long d'une vingtaine de pages, a pour titre "Le corbillard".

Et le second, long d'une quinzaine seulement, s'intitule "L'enrichissement suprême".

C'est de la sombre période de l'occupation qu'il va s'agir.

Jean de la Varende est mal à l'aise.

La phrase est moins brillante, l'envolée moins élégante.

La tournure n'a pas l'éclat dont elle resplendit d'habitude dans l'oeuvre du grand auteur normand.

Le récit, s'alourdissant de quelques zones d'ombre, est parfois confus.

Le propos semble aussi parfois être teinté de mauvaise foi.

- "Le corbillard" -

Dans un petit village de Basse-Normandie, qui touche presque à la Bretagne, un corbillard devient une machine de guerre, terrible et narquoise, qui vient se coincer la nuit dans l'entrée des maisons soupçonnées de connivence avec l'occupant ...

- "Lise, fillette de France" -

Lise, jeune fille de Normandie, est fiancée à Jean le Tord, parti se battre sur le front de l'est pour l'occupant,.

Elle a promis à l'abbé Le Meur, le curé de Gouville, d'épouser le jeune milicien.

Pourtant finalement la jeune fille va devenir vengeance ...

- "L'enrichissement suprême" -

L'ordre d'évacuation a été donné à l'occupant car l'américain a débarqué sur les côtes de Normandie.

Le châtelain a enterré tout ce qui ne pouvait souffrir de l'humidité ...

A l'aube de la libération, Jean de la Varende est un homme déçu, déçu de son temps trop républicain, de l'occupant qui n'a rien compris à la France et de la faillite de Pétain.

Ce recueil sonne comme un libellé politique.

La résistance y est comparée à la chouannerie mais elle n'est montrée en action que pendant du brigandage, du vol de tabac et de cartes d'alimentation.

La profession de foi De La Varende est royaliste.

Le grand auteur normand est un homme des siècles passés.

Il est comme perdu , égaré dans sa propre époque, comme étriqué et gêné aux entournures du costume de son siècle.

Mais pourtant le style de son écriture demeure qui fait de ce livre un beau et solide meuble de la littérature française.

L'ouvrage vaut pour ses descriptions et ses belles phrases.

L'ouvrage vaut parce qu'il éclaire l'homme dans son ambiguïté ...





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La marine bretonne

En ce moment, la fortune me sourit.

Elle a mis récemment à portée de ma main, et pour quelques négligeables pièces jaunes, plusieurs ouvrages précieux dont la lecture ne m'a été que bonheur et enchantement.

Ce petit opuscule d'une cinquantaine de pages en fait partie.

Retrouver la plume élégante de Jean de la Varende est toujours un plaisir.

Mais lorsqu'en plus elle se pique de nous raconter des histoires bretonnes de mer et de beaux navires, alors ...

alors, il ne reste plus qu'à se laisser bercer par la magie des mots.

"La marine bretonne" est une monographie.

Elle est richement illustrée de nombreux dessins, tous reproduits en noir et blanc.

La première page s'ouvre sur le fracas et la fureur, sur la première "peignée entre brezonneks et mockos".

Le "mocko" était César, nos bretons : les vénètes !

Comme à l'accoutumée, Jean de la Varende aime à mêler souvenirs familiaux et Histoire maritime.

Il cite, par exemple, son grand-père, qui disait :

"Ni grand port, ni petit bouchon

Où ne chiquotte un gâs breton".

Les grands noms, les vieux noms bretons s'annoncent sous la bannière de l'hermine :

Préjent de Coëtivy, Jacques Cartier, Hervé de Portzmoguer, Duguay-Trouin, Jacques Cassard, Charles-Louis chevalier du Couédic, l'amiral Villaret-Joyeuse, Robert Surcouf et tant d'autres dont un Ploesquellec que le grand-père de Jean de la Varende connut et qui fut trouvé défunt misérablement dans sa chambre de bord.

L'auteur de "La marine bretonne" n'est pas avare d'anecdotes.

Se souvenant de ses origines normandes, ils souligne même le respect des pirates normands pour la Bretagne.

Que l'on compare la tranquillité bretonne par rapport au sort affreux des autres provinces et ... l'on doit comprendre que les "Northmen" ne désirèrent point se frotter aux rudes bretons ! ...

En quatrième de couverture s'annonce, du 30 avril au 8 mai 1938, la 17ème foire de Rennes.

Y est joint un répertoire des hôtels et restaurants de Bretagne qui, pour l'occasion, ne demandent qu'à vous accueillir.

De Paris, en train, des lits-toilette avec draps ou des couchettes vous permettront de voyager confortablement.

Il vous en coûtera 55 francs de supplément pour les premiers et 25 francs pour les secondes ...

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Les gentilshommes

Pour Jean de la Varende, écrivain et gentilhomme, superbe chroniqueur de la Normandie, un biographe ne semble être qu'un pique-assiette du génie.

"Il s'active, remue des monceaux horribles de paperasses, voyage, s'ingénie...

...Il rentre harassé mais heureux : il a trouvé, enfin, le nom du tailleur qui habillait son grand homme...ce démoniaque fossoyeur !"

Mais très vite, revenant sur ce mépris apparent, il ajoute :

"Mais aussi, comme je me sens m'attendrir parfois ; souvent. Car il arrive que cette inquisition parte d'un très grand amour".

Et c'est de cet amour que ce recueil, finalement, est empreint.

Ici, Jean de la Varende se fait le fugitif et occasionnel biographe de la noblesse du cœur normand.

Parfois il ne saisit qu'un court instant, ou au contraire fait entrevoir un destin.

Les personnages qu'il nous présente, sans même parfois nous donner leur nom, sont des illustres inconnus.

"Les gentilshommes" est un recueil de treize textes.

"Les gentilshommes" est une suite romanesque de treize nouvelles.

C'est une galerie de portraits.

On entre toujours avec plaisir dans l'univers littéraire de Jean de la Varende.

Ouvrir un de ses ouvrages, c'est arriver en diligence dans une Normandie qui, arrachée à l'ancien régime par une révolution braillarde, semble s'éveiller à peine d'une heureuse époque...

Il serait vain de vouloir démêler le vrai du faux, de soulever des objections.

Peut-être que le bonheur rural, la vie plantureuse vécue autrefois sans inquiétude nerveuse entre le fournil, la loge à lapins, le poulailler et le pressoir ne sont qu'impressions et légendes.

Peu importe.

Le plaisir de découvrir "les gentilshommes"est guidé par les mots dans ces quelques textes magnifiques.

Monsieur de Maulogis, qui possédait des terres dans toute la Normandie et partait une huitaine tous les mois pour surveiller son bien, est le premier à apparaître dans cette galerie de portraits que va dessiner pour nous la plume talentueuse de Jean de la Varende.

Il sera suivi de Cyrille Ernouf, le dernier rejeton d'une longue lignée d'aubergistes normands qui ne voulait être ni officier, ni prêtre, ni notaire...

Puis viendront un marquis, un voleur, un cagoulard, l'homme aux trois secrets dont le dernier plane sur le monde chrétien comme un affreux nuage plein d'asphyxie, Tancrède de Marville et son fils George qui construisit la voiture du Tzar, le duc de Rieux-Montfort, marquis de Nantua, prince de Thubingen-en Saxe, soldat de 2ème classe que ses amis surnommaient "cui-cui", les trois bâtards qui n'tait pas des salauds, un garde-chasse transi d'amour pour une jeunesse...





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Contes fervents

Un peu par hasard dans l'ordre de mes lectures, ainsi que dans l'ordre chronologique de l'écriture du tryptique auquel il appartient, le recueil "Contes fervents" (1948) vient après celui de "Contes amers" (1937) et de "Contes sauvages" (1938).

Jean de la Varende nous offre ici ce qu'il appellait une "suite romanesque", ce que que l'on nomme ajourd'hui un recueil de nouvelles.

Il se compose de huit récits : "La Pinsonnière", "Comte Philippe de Meyerdorff", "Vieille dame", "Le Boscranes", "La grande chue", "Un meurtrier", "Marie-Bourgogne" et "Gaby Saphir".

Jean de la Varende va puiser profond aux racines de la terre normande pour en extraire la plus magnifique des littératures.

Il se place comme le dernier grand conteur de la plus vieille des traditions normandes.

Sa plume n'a pas son pareil pour peindre les paysages et pénétrer les mystères de l'âme humaine.

Peut-être peut-on lui reprocher de parfois trop en faire.

La frontière est mince entre la beauté, l'émotion et le pathétique.

Reste que l'ensemble est époustouflant.

"La Pinsonnière" est un aimable conte grivois à lire entre les lignes.

Le jeune Antoine de Malterre, décidé à rattrapper ses examens de droit, s'est retiré à la Pinsonnière.

Mais la coquette demeure n'a pas été conçue pour y être studieux mais plutôt pour y être amoureux ...

"Le comte de Meyerdorff" est une fable, un portrait à la fois léger et profond.

Philippe de Meyerdorff part à la la rencontre du dernier de ses oncles connus, qui, hasard des héritages, fut moins bien né que lui ...

"Vieille dame" est un hommage à la grandeur de l'âme féminine.

Madame de Saint-Fulbaire, autrefois jeune femme bafoufée, devenue aujourd'hui vieille dame respectable finit par pardonner.

Achille Barusse, vague bâtard surgi de nulle part, sera l'instrument de son pardon ...

"Le Boscranes" est le passage obligé de tout recueil normand, la querelle entre Madeleine Squameuse, propriétaire du petit manoir du Bois-aux-Rânes, et maît' Bernier, le fermier locataire des terres attenantes.

Celui-ci était un mauvais homme ...

"La grande chue" est, puisqu'il en faut généralement un, le texte faible de l'ensemble.

Un homme court après le destin dans un paysage enneigé ...

Le récit, confus, n'arrive pas à accrocher le lecteur.

"Un meurtrier" est un drame de la campagne, si simple, si tragique et si ordinaire qu'il ne peut appartenir qu'au monde des hommes.

Son témoin est Jacques de Malterre ...

"Marine-Bourgogne" est une fine et belle tragédie de la campagne.

Marie est arrivée, sans papiers, sans situation et sans mémoire, de Bourgogne avec un enfant dans le ventre.

Sa force et sa puissance en imposent ...

"Gaby Saphir" est l'histoire pathétique, un peu manquée d'une infirmière de guerre dévouée ...



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Guillaume le Bâtard Conquérant

Qui mieux que Jean de la Varende eût pu raconter, d'aussi près, le destin flamboyant de Guillaume de Normandie, le bâtard conquérant ?

Ce livre que j'ai nettoyé, dépoussiéré, recollé par endroits et finalement recouvert, est un vénérable ouvrage, édité par la maison "Flammarion" en 1946.

Il est enrichi de quelques cartes établies par Jean de la Varende et de plusieurs dessins inspirés, par la "Tapisserie de Bayeux", à G. Marjollin.

Le frontispice est un gravé sur bois réalisé par Blaise Monod.

Trônant à la place d'honneur, ce livre est aujourd'hui devenu une des pièces maîtresses de ma bibliothèque, une de celles, en tout cas, qui lui font honneur.

Jean de la Varende nous murmure que le passé n'est que sommeil.

Remontant le cours du temps, dans cette même Normandie où le prince vécut, l'historien, le biographe, se fait fort d'éveiller l'illustre personnage.

Car, nous dit-il, c'est le moins mort de nos héros.

Dans notre province, son nom retentit partout et son surnom termine, aujourd'hui, les exposés de tous les gardiens de musée, orne les enseignes de multiples corporations et figure dans tous les guides touristiques.

A son évocation, les érudits, les politiques, les guerriers, les rêveurs même prêtent l'oreille.

Il semble que son trépas soit d'hier.

Pourtant, il surgit d'une époque sombre où l'immensité de la misère a dispersé les êtres dans la foule maladive.

Le geste du serf et celui du baron se ressemblent.

Les mains se crispent sur les armes ou se joignent vers le ciel.

Guillaume, lui, échappe aux angoisses métaphysiques.

Il devient un des premiers laïcs respectueux....

Jean de la Varende, pour faire apparaître le vrai Guillaume de Normandie, a passé dans ses pas, recherché ses ancêtres, ses compagnons, ses amis.

Il a arrêté son regard sur les paysages que le Duc a contemplé, sur les églises où celui-ci pria et sur l'arbre sous lequel la justice était par lui rendue.

Jean de la Varende s'est informé, bien sûr.

Il a tout lu ce qu'on a écrit, entendu tout ce qui a été raconté, ne dédaignant pas même la légende, parfois si attaquée.

Cette biographie, très littéraire, est écrite par Jean de la Varende.

C'est dire si son style est élégant. Son érudition n'en est pas moins large.

L'écrivain, l'historien fait le récit de la "Grande Histoire", reconstitue l'époque, situe le contexte, sans pour autant négliger le détail, voire même l'anecdote.

Le récit est vivant, passionnant, moderne.

Il est à la rencontre de la Littérature et de l'Histoire.

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La sorcière

Une explosion rouge dans l'obscurité et tout autour des deux promeneurs, on entend le farfouillis des plombs dans les feuillages.

Un mystérieux criminel, au détour d'un chemin, au pied d'un calvaire, fusille Mme de Morêtre et Pierre de Réville, presque à bout portant...

Au coeur du pays d'Ouche, Pierre de Réville est l'hôte, au château de "la forêt claire", de la famille de Morêtre.

Arlette de Morêtre, férue de littérature et de vieux romans, est une vieille amie de la mère de Pierre.

Victor de Morêtre, son mari, sourd et muet, est parfois aussi cauteleux qu'Arlette peut être vive et fine.

Cette jeune femme brillante, vivant toute l'année auprès du paysan, semble être le modèle de l'épouse campagnarde, de la nouvelle châtelaine normande de ce début de vingtième siècle.

En véritable infirmière, chez qui l'expérience remplace l'étude, elle panse et soigne les malades, les malheureux....

Pierre de Réville va être le témoin de la soudaine, longue et interminable chute de cette femme qu'une terrible accusation va venir frapper en plein coeur...

Ce récit est un drame, tel qu'au seuil du XXème siècle, seule la vieille terre normande, le pays d'Ouche, peut encore en produire.

Jean de la Varende, de 1905 à 1950, l'a porté en lui près de 50 ans avant d'en faire une si belle, si tragique histoire.

"La sorcière" est le dernier opus, qui referme, dans un épilogue touchant, ce que l'on appelle parfois, dans l’œuvre de la Varende, le cycle "Anville-La Bare".

Ce cycle comprend une dizaine de titres*, pouvant se lire indépendamment les uns des autres, mais formant pourtant un tout dans leur intégralité.

Le style de Jean de la Varende, riche, très, parfois trop riche, en défend l'accès.

"La sorcière" est une superbe tragédie mais difficile à la lecture.

Elle est faite d'une magnifique littérature, d'une mélancolique nostalgie des temps anciens et d'un amour immodéré pour cette si belle terre ancienne de Normandie...



*"L'amour de Mr de Bonneville", "Le cavalier seul", "Le coeur pensif", "La partisane", "Nez de cuir", "Man d'Arc", "Le centaure de Dieu", "Le troisième jour", "La dernière fête" et "La sorcière".
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Amours

Ce livre est ce que Jean de la Varende, peut-être improprement, nomme une suite romanesque ; c'est dire s'il se propose de parler d'amour.

Paru en 1949, l'ouvrage est composé de cinq nouvelles : "la louve", "le signe du taureau", "Andromède ou la fille du concierge", "le mariage de mademoiselle de Monthermeil" et "le roi des aulnes".

Comme partout dans l'oeuvre De La Varende, on retrouve ici la nostalgie d'un monde ancien, des portraits brossés d'une épaisse peinture à l'huile, le goût du beau et du travail soigné.

Mais, ce livre, s'il avait été écrit par un autre écrivain, moins talentueux, déjà, n'aurait été que moyen.

Et, jugé à l'aune du grand Lavarende, il en devient presque falot.

C'est que chacun de ses ouvrages est un délicat mélange de style élégant, de souffle épique et de complexes sentiments humains.

Que l'un ou l'autre vienne à manquer, alors le soufflé retombe.

Et la lecture se fait pesante, parfois ennuyeuse, plus rarement même un peu dédaigneuse.

"Amours" n'est pas un des livres qui ont fait de la Varende le grand écrivain qu'il est.

Mais, "les silences de Nez-de-Cuir", la préface qui l'ouvre, signée de Maximilien Vox, est de celles qui peuvent aider le lecteur d'aujourd'hui à appréhender l'importance De La Varende dans notre littérature.

Là, sont quelques pages d'un discret et éclairé discernement.

Là, sont deux amis qui fument au coin du feu.

Tandis que sur le pays d'Ouche passe le grand vent de la mer.

La parole se fait rare.

Mais le vrai secret De La Varende est d'être possédé par sa maison, sa terre, sa province, sa race, par son art d'écrivain ...

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Dans le goût espagnol

Cet élégant roman, "Dans le goût espagnol", car il s'agit d'un roman, est bien dans les manières de Jean de la Varende.

Car si l'homme est normand de pleine terre, et quelque peu breton à fleur d'eau, il y a par contre chez l'écrivain quelque chose d'espagnol qu'indique de la fierté, de l'originalité et un certain apparat dans le style de son écriture.

"Dans le goût espagnol" est un livre que La Varende a dû aimé écrire.

C'est un livre sur l'amitié, empreint de mysticisme et d'un traditionalisme religieux quelque peu exacerbé.

Mr de Manarès, le véritable héros du roman, est un personnage forgé à l'aune du grand écrivain normand.

Sa noblesse est faite d'un sentiment de supériorité mêlé à une haute exigence du devoir.

"Dans le goût espagnol" est un roman en trois parties, et non pas un recueil de nouvelles comme il est souvent présenté.

Il est additionné de deux textes courts d'une vingtaine de pages chacun, l'un en préface et l'autre en postface :

- "L'exode de Mr le marquis de Herrera"

Le marquis de Herrera, fidèle à son souverain, avait décidé de suivre dans son exil le roi Philippe V d'Espagne.

Mais le marquis n'était pas sorti de chez lui depuis cinq ans et il avait plus de cent ans ...

- "Pavane pour une infante défunte"

Madame Infante languit. Madame Infante souffre.

Madame Infante est princesse des Asturies, duchesse de Galice et de Saragosse, grande maîtresse honoraire de Saint-Jacques et de Calatrava.

Madame Infante se meurt. Madame Infante a huit ans ...

Hors ces deux nouvelles ajoutées, le roman fait un peu moins de deux cent pages.

Il est articulé en trois parties et un épilogue : l'ânesse, la bicyclette et l'hippogriffe.

Mr de Manarès, espagnol révolté s'est exilé au pays d'Ouche.

Il est, au goût espagnol, à la fois monarchiste, carliste et anarchiste.

Il a pris sous sa protection la jeune Carmen dont le père vient d'être mis à mort dans les fossés de Barcelone.

Le jeune Jean de Fréville, petit châtelain de quinze ans, va éprouver d'abord de l'amitié pour le vieil homme, puis les premiers frissons de l'amour pour la jeune fille ...

Ce livre n'a rien à envier aux plus grandes réussites de La Varende.

Pourtant, il serait périlleux par sa lecture d'entrer pour une première fois dans l'oeuvre du grand écrivain normand.

L'envie d'y revenir pourrait s'en trouver diminuée.

Le rythme est un peu lent.

Derrière la longueur d'un récit qui semble s'étirer, comme derrière la vie tranquille, presque morne, de cette campagne du pays d'Ouche, un ressort dramatique est tapi.

Mais le style de l'écriture fait beaucoup pour le livre.

Il le transforme en un véritable petit bijou façonné au goût espagnol ...







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Les Manants du roi - 1793-1950

"Les manants du roi" est ce que Jean de la Varende appelle une "suite romanesque.

C'est un recueil de nouvelles.

Il est sûrement celui qui, dans son œuvre, rapproche le plus l'homme de l'auteur.

Jean de la Varende se veut un gentilhomme, un terrien, un manant du roi.

Il lui revient de prendre soin de la terre, de son château comme d'une personne vivante.

"Les manants du roi", sous-titré "leur drame", est la chronique d'une noble famille des temps anciens, celle des Galart.

Elle est composée de onze textes qui sont pour la plupart très réussis, finement écrits et faits d'une littérature très élégante.

Je ne parlerai pas de trois d'entre eux que, manquant de contexte, je n'ai pas bien compris et qui me sont apparus comme un galimatias politique et religieux.

Il s'agit de "l'enterrement civil", "la procession" et "le hobereau".

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"Comment ils surent..."

Le 22 janvier 1793, Nicolas de Galart se prépare à une longue promenade sur ses terres.

L'hiver semble devoir être chassé par un soleil timide.

Le temps était bleu et calme pourtant soudain la sonnerie aux morts, relayée par les clochers, passe lugubrement d'un village à l'autre....

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"La Favillana" - décembre 1799 -

Un homme, pas encore un vieillard, est venu sonner à la "soirante", un vielleux en "redincote".

Il a sonné à la grande porte. Il a demandé après Mr le comte.

Il a quémandé un morceau de pain.

Se croyant seul, Il a joué pour les portraits du salon.

Les "par-chemins" d'aujourd'hui ne sont plus les gueux d'antan.

Celui-là aurait peut-être été plus à l'aise dans la salle qu'aux cuisines ?

Peu importe.

Le croquant sera fêté où le gentilhomme traqué reprendrait courage....

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"La course au roi" - août 1830

François Galart et son ami, le marqui René Ghauville, se lancent dans une saine et joyeuse cavalcade pour venir en aide au roi, qui ayant voulu détruire la sale charte, a mis tout Paris en l'air.

Une année de fermage, 1200 louis sur le torse, deux pistolets en poche, deux aux fontes, le couteau de chasse à la selle, le rire au coin de la bouche, les adieux sont faits aux uns, les recommandations aux autres et en route !....

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"Fidélité" - 1850 -

Mr et Mme de la Haye, parents éloignés des Galart, ayant confié leur fils à une vieille parente sans héritier, décidèrent, après six mois, d'embarquer à Granville, vers les îles anglaises, pour l'aller voir.

La malchance aidant, les parents essuyèrent une terrible et soudaine tempête de juin, qui durant 36 heures, les maintint en mer.

De peur d'affronter le retour, ils décidèrent de rester à Jersey.

Ils y moururent ,quarante ans plus tard, sans en avoir bougé sauf pour l'atroce voyage qui est raconté ici....

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"Les frères ennemis" - 1883 -

Jean et Pierre de Ghauville sont deux frères.

L'un, l'aîné, avait Ghauville, un beau château Louis XIV, transformé à l'intérieur sous Louis XVI, avec plus de six cent hectares autour.

Le cadet, Pierre, se contentait de la Commanderie, un aimable pavillon Louis XV.

Enfin, vinrent les mariages.

Si les partages n'avaient été réglés, eussent-ils parus aussi faciles ?....

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"Les derniers chouans" - 18 février 1906 -

Le jeune Jacques Galart s’occupe d'Histoire et d'Archéologie.

Introduit par l'abbé Heulant, sur un hululement de chouette qui troubla l'air en plein jour, il fait connaissance de Beliphaire Gohier qui lui présente son petit domaine, sa collection d'armes anciennes et lui raconte les histoires anciennes du pays....

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"La fugue" - 1926 -

Jacques de Galart semble pris d'une folie empreinte d'hystérie toute politique et religieuse.

Il se lance dans une course effrénée à travers la presqu'île du Cotentin.

De la vallée de la Touques vers Lisieux, là on tourne vers Caen

De la vallée de la Dives à St Etienne, où Guillaume est inhumé, jusqu'à Carentan où commence la presqu'île

On marche nord sur Valognes.

S'orientant sur l'est franc pour traverser le Val de Saire, il reste dix-huit kilomètres à franchir.

Devant lui, se dressent les fortifications de Tatihou et à droite, la forteresse de la Hougue.

La marée basse n'a lieu qu'à cinq heures cinquante, la plus forte marée "découvrante" de l'année....

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"La mort du chêne" - 1959 -

Mr de Ghauville était maintenant très vieux.

La pauvreté et la solitude avaient posé sur lui leurs mains inexorables.

Pourtant une dernière peine l'attendait au petit matin d'une de ces tempêtes terribles dont la force est doublée par le seuil d'Ecouves, le saut dans l'Orne, pour remonter l'immense déclivité rase du plateau.

Le chêne de Ghauville, le plus vieux du pays, est foudroyé, déraciné....

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Le maréchal de Tourville et son temps

Dans la collection "les grands marins" des "Éditions de Paris", Jean de la Varende signe deux superbes biographies, une consacrée à Suffren, l'autre, plus proche, plus intime, nous présente un illustre aïeul.

Car Anne Hilarion de Cottentin, comte de Tourville, maréchal et vice amiral de France est l'ancêtre, le grand-oncle dont l'ombre plane au-dessus de la famille.

Tourville, au regard de l'Histoire, reste un grand vaincu.

Telle est sa renommée, d'avoir poussé l'obéissance à son roi, jusqu'à dans la défaite.

L'histoire a retenu son nom.

Depuis Vercingétorix, la surprenante sensibilité française a toujours porté une vive sympathie aux malchanceux.

Pourtant si la Hougue est une défaite grave, les succès du maréchal devrait l'avoir effacée.

L'homme est un hercule aux mille travaux.

Il a des vertus héroïque et sages, des défauts qui ne sont que moyens.

C'est un grand marin.

Il divisera en vingt-deux commandements successifs la manœuvre délicate et essentielle de l'ancienne marine chargée de vergues.

"virer de bord vent devant" sera, désormais, codifié...

Il inventera, en 1687, un code de signaux par pavillons pour réaliser la cohésion des escadres...

Il alla si loin dans l'étude des navires qu'il tenta lui-même de réaliser, sur maquette, le vaisseau idéal...

Tourville était froid, distant et silencieux.

Et parfois, il sait se montrer théâtral.

Laissant son équipage bouche-bée, il ne craint pas de grimper aux enfléchures poisseuses des haubans, de se hisser aux gambes de revers pour rejoindre la hune et même les barres de perroquet afin d'observer à la lunettes...

Mais pour moi, au delà de la biographie élégante et originale que nous offre Jean de la Varende, du portrait flamboyant, du récit passionnant, pour moi qui eût pour arrière grand-père, le capitaine Lebacheley, qui fut, dernier rejeton d'une longue famille d'armateur, capitaine du port de St-Vaast, pour moi la grande affaire de l'ouvrage est le récit et l'analyse de la tragédie de la Hougue.

Ce récit est contenu dans trois chapitres :

- Autour de la Hougue (1691-1692)

- la victoire de Barfleur (29 mai 1692)

- la Hougue (30 mai-5 juin)

Ces soixante-deux pages mémorables, détaillées, érudites des choses de la mer, instruites des événements de l'Histoire forment un ouvrage dans l'ouvrage.

Derrière la silhouette de Jean de la Varende se joue un terrible drame que le conteur a su éveiller du profond sommeil de l'Histoire.

"Le maréchal de Tourville et son temps" est un des livres qui compte dans l'oeuvre du prestigieux auteur normand.
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Le Mont Saint-Michel

Qui mieux que Jean de la Varende, plus normand que breton, eût pu ainsi rendre, dans un ouvrage mêlant si intimement l'histoire et l'architecture à la littérature, un si bel hommage à la forteresse de Saint-Michel ?

Ce livre est paru en 1941 aux éditions Calmann-Lévy.

Il est l'une des nombreuses monographies du grand écrivain normand.

A l'époque, nous dit-il, le château de Saint-Michel est la demeure historique française qui reçoit le plus de visiteurs.

Il se place, aujourd'hui, en 17ème position des destinations touristiques de notre pays, derrière le musée du Louvre, le château de Versailles et le Grand-Palais.

Il importe peu.

Car même si le Mont semble terminer les visites faites à la Normandie et commencer les voyages bretons, sa renommée en a toujours fait plus un but qu'un épisode.

Un horrible troupeaux, dévêtu au jours de l'été, braillard, impérieux, gravit et monte les premières marches.

La foule joyeuse, la foule encombre les portes.

Mais parvenu à la porte du châtelet, le rigolo se sent moins en verve.

La plaisanterie s'étiole.

Ici, on respecte !

Quand le mont Saint-Michel s'appelait le mont Tombe, il était, entouré d'arbres, dans la forêt de Scissy qu'on disait avoir joint le continent à Jersey.

Il est à la fois un fort, une ville, une abbaye....

Jean de la Varende nous livre ici, comme à son accoutumée, une œuvre instruite, érudite qu'il tricote d'un style flamboyant et riche.

Elle en devient un peu difficile d'accès en son début.

Il faut aimer les longues phrases, les mots anciens et la lenteur pour apprécier comme il se doit sa littérature, plus habituée au temps du bocage qu'à la trépidation de la ville.

Le style est cossu comme une de ces vieille demeures bourgeoises normandes.

Ce livre est un ouvrage essentiellement historique.

Il retrace l'histoire, à la fois réelle et légendaire, du Mont jusqu'en 1875.

Jean de la Varende s'y montre comme un historien sourcilleux d'un détail qu'il enjolive, à chaque phrase, de son talent de conteur.

On y découvre, sur la route qui vient de Pontorson, au virage de la route, l'imposant château, la respectable abbaye, le bourg résonnant de son humanité.

La mer, à marée basse, est invisible mais se devine.

La clarté se répand sur les grèves. On y voit aussi des reflets métalliques.

Ce sont les tangues, les lises mortelles.

Celles d'où les deux pieds pris, il devient impossible de s'arracher sans se jeter au sol et tenter de ramper...









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Contes amers

Décidément la Normandie peut, à juste titre, s’enorgueillir de ses écrivains.

Et Jean de la Varende en est une des figures les plus brillantes et prestigieuses.

Ce joli petit ouvrage, édité à Rouen chez Defontaine, en apporte, s'il en était encore besoin, la preuve éclatante.

Ces sept nouvelles, qui n'ont de contes que le nom, sont magnifiques.

Elles sont ciselées de mots et racontées de belle manière.

L'amour, l'amitié, la pitié et le courage y décrivent une tendre et dérisoire humanité.

Ces quelques textes, parfois froids comme la mort, sont à glacer le sang.

Ce beau livre est, de plus, enrichi par quelques illustrations que l'on doit au talent de Pierre le Trividic. Certaines sont très réussies.

"Le roi Gradlon"

Vous pensez connaître, avoir déjà entendu ou lu, à maintes reprises, la terrible histoire d'Ys la voluptueuse et de son roi Gradlon.

Mais dans ce premier texte, sous la plume de Jean de la Varende, le récit s'éclaire.

Il semble neuf.

La grande ville étincelle à nouveau, au pied du Menez-Hom où reposent les dieux...

"Je vous le donne"

Cette nouvelle est le récit d'un instant, rare, puissant et fugitif, durant lequel un enfant blond au doux visage de fille va se transformer en roi.

Le jeune Léopard a du sang.

Il saura se montrer, à la fois, magnanime et implacable, courageux et sage...

"La déesse Raison"

C'est un drame de l'amour, un drame de sang où la guillotine dresse son ombre terrifiante.

Mme de Falleville est prête à tous les reniements pour sauver l'homme qu'elle aime. Mais le peut-elle encore ?...

"Le dîner de la Fosse"

C'est le texte le plus long du recueil. Il en est le centre. Il en redéfinit le rythme.

C'est une magnifique histoire d'amitié et de trahison.

Monsieur de Saint-Jacques Ligeard et Anthelme Lardusson sont deux amis de trente ans.

L'un, devenu gentilhomme de grand' route, est chouan.

L'autre, promu par la toute nouvelle république, est administrateur du département.

C'est la troisième fois qu'ils s'attablent ensemble depuis la "guerre".

Saint Jacques rapporte les 200 pistoles que lui a prêtés son ami.

Soupçonné par son camp d'avoir trahi, il est chargé d'une mission.

Lorsque l'ivresse vient, qui ne peut réchauffer ni la froideur du bleu, ni la violence du blanc, une dernière partie de carte est proposée : la tête de Saint-Jacques est jouée ! sur le valet de coeur, ou su' le pique !...

"La pleureuse"

Jean de la Varende fait le portrait d'une femme, d'une paysanne, de la "pleureuse".

Cette femme, noble et altière, toujours vêtue de noir, emboîtant le pas de la faucheuse, va "prier".

C'est à dire qu'elle porte dans les maisons du pays les invitations aux funérailles.

Pourtant autrefois lors des bals champêtres, en compagnie du fils aîné de la grande ferme, elle attirait tous les regards...

"Epiphanie"

Ce morceau de bravoure, qui fait immanquablement penser à "Crainquebille" d'Anatole France, s'ouvre sur la description époustouflante d'un chemineau, d'un "tracheux" qui va de par les routes normandes, mendiant un morceau de pain, un verre de vin, une pièce de vingt sous et le droit pour un soir de se "musser" entre les bottes de paille de la grange...

"Noël de guerre"

C'est le dernier texte, peut-être le plus personnel.

Jean de la Varende y évoque son père, officier de marine qu'il n'a pas connu.

Il ne faut pas, la veille de Noël, prier pour les morts, parce qu'alors, ils reviennent.

Dans son château qui n'est plus que ruines, écrasé par la solitude, il jeta une grosse bûche noueuse dans la cheminée.

Et disposa les sièges.

Pour l'arrière grand-père c'était facile, son fauteuil, après 80 ans, était encore à l'honneur.

Pour la grand' tante, il sortit la bergère qu'elle avait brodée.

Pour son père, il rendit la "fumeuse", une chaise qu'on chevauchait en croisant ses bras sur le dossier.

La nuit s'annonçant redoutable, il sentit qu'il les ramenait....



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L'objet aimé

"L'objet aimé" est, ce que Jean de la Varende appelle une suite romanesque, un recueil de nouvelles articulé autour d'un thème qui lui est cher.

Il est le pendant d'un autre, qui est intitulé "Bric à brac".

De nombreuses éditions associent d'ailleurs les deux ouvrages.

Ici l'avant-propos est signé par Eric de la Varende, le fils du grand auteur normand.

Il y rappelle l'authenticité de l'amour que portait son père aux belles choses.

N'a-t-il pas de ses larges mains restauré, pièce par pièce, le manoir de Chamblac, n'a-t-il pas réalisé une véritable flottille de 250 vaisseaux dont les maquettes sont exposées au château de Bonneville ?

"L'objet aimé" contient huit superbes nouvelles :

"La jézabel du roi"

Mme de Pompadour vient de disparaître.

A l'heure où son corps va être porté en terre, une profonde tristesse étreint le roi.

Un si terrible silence s'étend sur la cour qu'il semble aussi s'accrocher aux belles choses qu'elle avait aimées ...

"le bonheur du jour"

Un antiquaire raconte la tragédie d'un homme mort d'un amour trahi, tragédie à laquelle, bien involontairement, le marchand de vieux meubles a contribué ...

"Le Rubens"

Le couple Merival, qui a vu la perte de son seul enfant venir fendre son bonheur, ne survit que dans l'étonnement admiratif de posséder un magnifique tableau de Rubens, que dans l'admiration de la superbe et plantureuse Dalila ...

"Le Jacobus Steiner"

C'est en voulant sauver une petite chouette rousse, qu'Amédée de Riveville découvrit, cachée dans l'épaisse corniche d'une solide armoire normande, un des rares violons du maître luthier Jacques Stainer ...

"L'affaire du collier"

Le fameux collier Turenne-Bouillon est un bien inaliénable de la famille Montville de Marsanges. Depuis les anciens princes de Sedan, il est le symbole de leur richesse, de leur puissance ...

"L'oncle Hector"

Jean de Rieumes a , par un de ces hasards que la vie nous réserve parfois, surpris le secret de Mr Morhangis qui, suivant son habitude, s'en allait passer à Paris la dernière semaine du mois ...

"La spatule d'or"

Mr de Bessèges essaie d'intéresser son hôte, Mr de Pontaubaut, à ses recherches archéologiques.

Or voici que la fille de ce dernier a découvert au creux d'une butte une cuillère votive pré-romaine en or ...

"L'enrichissement suprême"

L'ordre d'évacuation a été donné à l'occupant car l'américain a débarqué sur les côtes de Normandie.

Un châtelain a enterré tout ce qui ne pouvait souffrir de l'humidité ...

"L'objet aimé" est tissé d'une littérature fine et sensible.

Et si parfois ses personnages sont pathétiques, c'est en suivant la voie du coeur que Jean de la Varende nous les présente.

Le grand auteur normand est épris de l'humanité qu'il dépeint.

Il a par exemple l'élégance de rendre hommage, dans "La jézabel du roi", à une femme que l'Histoire a peut-être injustement calomniée.

Lorsqu'il s'agit de chanter l'art de l'antiquaire, l'inspiration de l'écrivain s'envole, se parant de justes et belles tournures.

Jean de la Varende, écrivain égaré hors de son temps, a tôt fait, en quelques mots, d'un coup vif du trait de sa plume élégante de rejoindre une époque pour lui idéalisée.

Parfois tout ceci se paie d'un peu de longueur, de verbosité. Mais qu'importe, ce n'est pas si cher payé pour une aussi belle prose ...





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Cadoudal

Jean de la Varende, ce vieil oncle normand intransigeant dont on apprécie tant la plume si fine, s'est emparé, en 1952, pour la relater par le détail, de l'histoire du général chouan Georges Cadoudal.

Jean de la Varende fait de cette biographie, comme de toutes celles qu'il a bien voulu nous offrir, une histoire personnelle à laquelle il mêle jusque quelques membres de sa famille.

Ce livre, même s'il est loyal, est un pamphlet.

L'auteur, dans un très court liminaire l'assure.

Son ouvrage, s'il s'inspire surtout d'un livre publié en 1887 par un neveu du héros, veut aussi faire pièce à la biographie écrite, en 1929, par G. Lenotre qui ne semble être pour La Varende qu'un "pusillanime, un gratte-papier douillet à rosette et habit vert".

Jean de la Varende est partisan.

Il règle quelques comptes.

Il vilipendie d'abord G. Lenotre, parfois par des propos très durs.

Mais finalement l'accepte, dans son ouvrage, comme principale référence, car de son propre aveu, G. Lenotre, "ayant poussé très loin son sens de la recherche, son esprit de fouineur, restera comme l'un des meilleurs informateurs du siècle".

Renan, Brizeux, Souvestre, Féval et Loti sont ensuite accusés d'avoir "affadi" la Bretagne, d'y avoir transporté leurs "anémies personnelles" !

Puis vient le tour des "écrivains de gauche" qui, au XIXème siècle, presque seuls avaient l'aide pécuniaire pour publier" !

Georges Cadoudal, avec le chevalier Charette, aura été un des plus aimés, des plus prestigieux meneurs de l'épopée des chouans.

C'est une sorte de fantôme morbihannais, un spectre de la lande qui, muni d'un fusil à vent, tuait silencieusement son bleu à chaque détente, à chaque coup de gâchette.

Il est né en 1771 à Kerléano, tout près d'Auray.

L'homme est bâti en force. C'est un athlète au torse puissant.

En lui, le rêve et l'action vont de pair ...

Mieux que personne, il incarne les valeurs dans lesquelles Jean de la Varende aime à se retrouver :

- le souvenir idéalisé des anciens temps oubliés.

- l'évocation d'un homme dont la dignité dépasse sa condition.

- l'amour exclusif pour Dieu, pour le roi.

Mais si le grand auteur normand est royaliste, il dit pourtant se méfier des grands seigneurs qui "dédaignent à pleins bords".

Cet ouvrage est une biographie puissante et élégante, orientée et quelque peu romantique.

Son personnage principal n'y est jamais écorné.

Le plaidoyer est à charge contre la République, contre l'Empereur.

Mais il est loyal car il n'est pas exempt de reproches à l'encontre de la noblesse.

Jean de la Varende nous offre, avec son "Cadoudal", un ouvrage passionnant, très personnel et central de son oeuvre ...













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La Normandie raconte ...

Je suis sorti de la lecture de ce livre, un peu soulagé d'en avoir fini, comme d'un repas de fête, trop long, trop riche et finalement un peu ennuyeux.

Le titre, " la Normandie raconte ...", annonçait un voyage agréable.

Finalement, le plaisir reste mitigé, l'enthousiasme est un peu refroidi par une certaine langueur, un ennui qui se distille peu à peu au fil de certaines des pages de ce recueil.

Plusieurs textes, s'étirant interminablement, m'ont paru sans intérêt aucun.

Pourtant quelques-unes des seize nouvelles contenues dans l'ouvrage réussissent à relancer l'intérêt et permettent au lecteur de parvenir jusqu'à la dernière page.

Les éditions "le Cercle d'Or" se proposent de donner la parole, tour à tour, à chacune de nos provinces.

La première région qu'ils ont choisie, pour composer cette vaste symphonie, est la Normandie.

Qui mieux que Jean de la Varende, avec "le dernier laisser courre", peut ouvrir le bal ?

Le vieux Louis de la Fromentière, pour ne pas retarder la chasse, ne mourut qu'à deux heures de l'après-midi.

Ce n'est pas aux dernières minutes d'une vie si remplie par l'amour de la chasse et par les grandes traditions courtoises que le vieil homme deviendrait un trouble fête.

Pour la curée chaude, déposant sur le lourd cercueil son couteau, sa cape et l'embouchure de sa trompe de chasse, ses fils lui rendirent un dernier hommage ...

Michel de Saint-Pierre, avec "le château", marche sur les traces de la Varende.

Le marquis de Beauveron, rendu inquiet par la vieille âme de son château qui craque, sent ses dernières heures arriver.

Il a vendu, année après année, le patrimoine terrien pour entretenir "la baraque" bâtie sur une fière colline du pays d'Auge.

Le marquis a tout sacrifié au château et il cherche, non à le revendre, mais à le donner ...

C'est à Coutances, même si la ville n'est pas nommée, que se déroule le troisième récit.

Il est signé Louis Costel.

Au petit collège "Saint-Floscel", Mr Migaud est maître d'internat.

Il a écrit "Desdémone", une tragédie en cinq actes ...

Marcelle Darthenay réussit à maintenir l'intérêt avec "la demi-soeur" et "rencontre d'automne",deux textes, très courts et charmants.

Puis, passant quatre textes, il m'a fallu attendre "Bombardement" et "rue de Ouistreham" d'Yves Jacob pour retrouver plaisir à ma lecture ...

Au final, ce recueil, même s'il n'est pas inoubliable, reste un bon moment passé, en 1975, avec quelques auteurs normands contemporains.

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Contes sauvages

"Contes sauvages" est ce que Jean de la Varende appelait une suite romanesque.

Jean de la Varende, certainement le plus normand de tous les auteurs français, façonne chacun de ses textes comme une peinture de Jean-François Millet, comme une armoire normande ou comme une de ces vieilles églises qui, en Normandie, sont le centre de chaque bourg.

Ces contes n'ont du conte que le nom.

De leur charpente épaisse on n'extrait la finesse que lorsque l'on s'y attarde, lorsque à mieux y regarder l'on en perçoit toute l'élégance.

"Contes sauvages" est un recueil de trois nouvelles qui ouvre une trilogie au titre éponyme :

- "Contes sauvages", "Contes amers" aussi intitulé "Contes sauvages II" et "Contes fervents" parfois nommé "Contes sauvages III".

"La Finette" ouvre le recueil.

Finette, jeune fille que tout le monde aimait, ressemblait à un blond épi.

Lorsqu'elle eût fini de traire la belle Martonne, grande vache du pays d'Auge, deux truands libidineux, Rudel le grand et Bourdeau, rondouillard et mou, surgirent dans son dos ...

Sauvage est bien ce premier "conte".

Et c'est quelque chose que la description de ces deux truands-là.

La plume De La Varende fait merveille.

Chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe ajoute à l'épaisseur et à l'humanité des personnages.

Et cette sauvagerie est ici de celle qui étreint le coeur.

Enserrée par des mots puissants, elle n'a, en traversant le temps, rien perdu de sa force.

"Le bouffon blanc", plus long que les deux autres, est le texte central du recueil.

Il a pour décor le temps de la chouannerie normande, un temps où le mouvement en Vendée déjà était mort, où en Bretagne il emplissait ses fosses communes.

Seul, sur les terres normandes, sous l'hiver pluvieux, Louis de Frotté marchait encore ...

La sauvagerie ici se teinte d'héroïsme.

Le bouffon blanc, Joseph Culcu, moitié moqué, moitié moqueur, a fait de sa vie un pitoyable éclat de rire.

Mais en faisant connaissance d'Orlandes, un de ces jeunes royalistes qui servaient d'aide de camp de Frotté, il va devenir, jusqu'à l'ultime sacrifice, un indispensable agent de liaison ...

Jean de la Varende, écrivain du passé, homme de tradition souvent taxé de conservatisme, insuffle à ce récit toute la force et l'élégance que son coeur a pu déposer sur sa plume.

"Le couteau" est le troisième et dernier texte du recueil.

Il m'a paru moins authentique, moins soigné ou moins réussi que les autres.

Maria retrouve Dorsan.

Ce sont les retrouvailles de la jeune fille riche avec le jeune homme pauvre qu'elle n'aime plus.

Un couteau, entre eux, vient se ficher dans leur amour défunt ...

"Contes sauvages", dans son édition rouennaise, est illustré par Pierre le Trividic.

Ses dessins, tirés d'un fusain torturé, sont comme autant d'expressions supplémentaires à la "sauvagerie" des mots.

Ils ajoutent à la force de l'ouvrage ...







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Nez-de-Cuir, gentilhomme d'amour

Frotté* étant mort, fusillé à Verneuil, Napoléon proposa à quelques gentilshommes de Normandie, puisqu'il n'y avait plus de chouans, la gloire et la guerre.

Roger Tainchebraye tomba en Champagne, aux côtés de son piqueur.

Ce dernier, qui n'avait rien qu'une estafilade à travers la lèvre, fouilla les morts à coups de bottes et, parmi les cadavres, reconnut son maître à sa ceinture.

Vivant, sa tête n'était plus qu'une bouillie sanglante.

Le piqueur acheta à Beauvais un cercueil qu'il ficela sur le toit d'une voiture.

Et dans un extraordinaire cortège de blessés, de bancals et de bancroches, il ramena son maître à son château du pays d'Ouche.

Alors, vint la guérison, grâce à la puissante constitution du jeune homme mais aussi aux soins d'un étrange médecin-major, en convalescence lui-aussi d'un mystérieux mal.

Un jour, Roger se dressa, soudain, athlétique, quoiqu'un peu maigre encore et sa plus terrible blessure disparaissait sous un large loup noir.

Tainchebraye était de retour !

L'on en parla depuis Valognes jusqu'à Rouen.

La légende du beau jeune martyrisé, du jeune seigneur pantelant, avait couru et grossi et toutes les jeunes filles regardaient les fenêtres voilées.

Mais, de ce jour, le jeune seigneur, accumulant les conquêtes féminines, ne fut plus gouverné que par son désir.

Ce n'était plus, aujourd'hui, Hélène de B...abandonnée, peut-être Sylvie de Chenestre, Lise d'Orlandhes ou Sébastienne de Montceau et très certainement, demain, Marie-Madeleine de Hautemer !

Seule, Judith de Rieusses semblait devoir résister à la séduction du jeune seigneur.....

Moins passionnant, de style moins flamboyant que bien d'autres récits de Jean de la Varende, "Nez-de-cuir", paru en 1936, est pourtant un ouvrage central de son oeuvre.

Peut-être aussi est il le plus connu.

L'ombre du grand-oncle est omniprésente dans l'imaginaire littéraire de l'écrivain normand.

La silhouette d'Achille Périer de la Genevraye, car tel est le véritable nom de "Nez-de-cuir", se dresse partout dans le château familial de Bonneville.

Le personnage romanesque apparaît dans la double-nouvelle "Le caducée", dans plusieurs récits, dans "Man d'Arc puis réapparaît dans " "le centaure de Dieu", dans "Coeur pensif".

Mais le récit de ces tumultueuses amours n'est pas, à mon avis, si bien réussi.

Il semble s'étirer, rendant parfois fastidieuse une lecture dont l'intérêt n'est pas soutenu par le style élégant et flamboyant auquel nous a accoutumé Jean de la Varende.

Peut-être trop personnelle pour être richement retranscrite, cette histoire romanesque à souhait, est pourtant plaisante.

Peut-être a-t-elle trop vieilli ?

En 1937, une adaptation cinématographique est réalisée par Yves Allégret avec, je vous le donne en mille, dans le rôle du gentilhomme d'amour le formidable et non moins attendu Jean Marais.

Françoise Christophe y campait une troublante Judith de Rieusses.



* Marie Pierre Louis de Frotté fut le meneur historique de la chouannerie normande
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