Qui mieux que
Jean de la Varende, plus normand que breton, eût pu ainsi rendre, dans un ouvrage mêlant si intimement l'histoire et l'architecture à la littérature, un si bel hommage à la forteresse de Saint-Michel ?
Ce livre est paru en 1941 aux éditions Calmann-Lévy.
Il est l'une des nombreuses monographies du grand écrivain normand.
A l'époque, nous dit-il, le château de Saint-Michel est la demeure historique française qui reçoit le plus de visiteurs.
Il se place, aujourd'hui, en 17ème position des destinations touristiques de notre pays, derrière le musée du Louvre, le château de Versailles et le Grand-Palais.
Il importe peu.
Car même si le Mont semble terminer les visites faites à la Normandie et commencer les voyages bretons, sa renommée en a toujours fait plus un but qu'un épisode.
Un horrible troupeaux, dévêtu au jours de l'été, braillard, impérieux, gravit et monte les premières marches.
La foule joyeuse, la foule encombre les portes.
Mais parvenu à la porte du châtelet, le rigolo se sent moins en verve.
La plaisanterie s'étiole.
Ici, on respecte !
Quand le mont Saint-Michel s'appelait le mont Tombe, il était, entouré d'arbres, dans la forêt de Scissy qu'on disait avoir joint le continent à Jersey.
Il est à la fois un fort, une ville, une abbaye....
Jean de la Varende nous livre ici, comme à son accoutumée, une oeuvre instruite, érudite qu'il tricote d'un style flamboyant et riche.
Elle en devient un peu difficile d'accès en son début.
Il faut aimer les longues phrases, les mots anciens et la lenteur pour apprécier comme il se doit sa littérature, plus habituée au temps du bocage qu'à la trépidation de la ville.
Le style est cossu comme une de ces vieille demeures bourgeoises normandes.
Ce livre est un ouvrage essentiellement historique.
Il retrace l'histoire, à la fois réelle et légendaire,
Du Mont jusqu'en 1875.
Jean de la Varende s'y montre comme un historien sourcilleux d'un détail qu'il enjolive, à chaque phrase, de son talent de conteur.
On y découvre, sur la route qui vient de Pontorson, au virage de la route, l'imposant château, la respectable abbaye, le bourg résonnant de son humanité.
La mer, à marée basse, est invisible mais se devine.
La clarté se répand sur les grèves. On y voit aussi des reflets métalliques.
Ce sont les tangues, les lises mortelles.
Celles d'où les deux pieds pris, il devient impossible de s'arracher sans se jeter au sol et tenter de ramper...