Depuis que je traîne mes guêtres sur la toile et critique des bouquins, je fais l’effort de classer mes lectures dans des grandes cases, littérature blanche et littérature de genre. Puis dans des cases de taille moyenne : science-fiction, fantasy, policier, romance. Parfois je pousse même le vice à les coller dans des cases plus minuscules que la place qui reste dans mes bibliothèques : cosy mystery, urban fantasy, new romance,… Sincèrement je m’en sors pas trop mal pour savoir ranger mes lectures. À peu près... Du moins pour la littérature dite de genre. Et puis parfois, au détour d’un Masse critique ou de l’étagère d’une librairie, je tombe sur un bouquin et je sais tout de suite que j’aurai du mal à le classer quelque part…
Il y a longtemps que je n’avais pas plongé aussi loin de ma zone de confort. Il faut dire que Jerry Stahl est un « personnage » : écrivain, journaliste, scénariste, il a notamment écrit sur son addiction à la drogue. Sincèrement, je ne le connaissais pas. Du tout. Et j’ai tendance à me méfier des ouvrages estampillés drôles et/ou caustiques. Mais alors pourquoi avoir choisi Nein, Nein, Nein !… à cause du sous-titre qui figure sur la couverture : La dépression, les tourments de l’âme et la Shoah en autocar. Si avec tout ça, ce n’était pas décalé…
Et décalé, le bouquin de Stahl l’est. Sans doute presque autant que son auteur. C’est brut, cynique, vulgaire et foutrement honnête. Je crois que c’est surtout cette honnêteté qui a permis au récit d’aller au-delà du témoignage narcissique, égocentré et caustique. Car ouais Jerry tourne autour de lui autant qu’il semble se haïr. Sa dépression, son énième divorce, sa santé abîmée par son passé de toxico, Jerry ne cache rien, ne dissimule rien et surtout ses propres lâchetés, ses propres médiocrités. Alors que je pensais surtout rigoler – et j’ai ri, vraiment – j’ai aussi été face à autre chose, à une humanité sans fard devant la barbarie et le devoir de mémoire. Parce qu’en fouillant son ressenti face aux visites de Dachau ou d’Auschwitz, monsieur Stahl nous interroge aussi sur notre propre rapport aux souffrances du monde, sur notre penchant, ô combien humain, à revenir à notre propre petite personne, même confronté au pire de l’Histoire..
Sans doute ne conseillerais-je pas ce bouquin au premier venu… Non, il n’est pas à mettre entre toutes les mains, surtout celles qui se choquent facilement ou qui ont du mal avec l’humour du désespoir ou la banalité de l’égoïsme. Pour les autres, ceux qui comme moi rient plus souvent pour ne pas pleurer que par légèreté, c’est une chouette découverte.
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