Citations de Jonathan Swift (313)
(Voyage à Laputa)
La connaissance que j’avais des mathématiques m’aida beaucoup à comprendre leur façon de parler et leurs métaphores, tirées la plupart des mathématiques et de la musique, car je suis un peu musicien. Toutes leurs idées n’étaient qu’en lignes et en figures, et leur galanterie même était toute géométrique. Si, par exemple, ils voulaient louer la beauté d’une jeune fille, ils disaient que ses dents blanches étaient de beaux et parfaits parallélogrammes, que ses sourcils étaient un arc charmant ou une belle portion de cercle, que ses yeux formaient une ellipse admirable, que sa gorge était décorée de deux globes asymptotes, et ainsi du reste. Le sinus, la tangente, la ligne courbe, le cône, le cylindre, l’ovale, la parabole, le diamètre, le rayon, le centre, le point, sont parmi eux des termes qui entrent dans le langage affectueux. Leurs maisons étaient fort mal bâties : c’est qu’en ce pays-là on méprise la géométrie pratique comme une chose vulgaire et mécanique. Je n’ai jamais vu de peuple si sot, si niais, si maladroit dans tout ce qui regarde les actions communes et la conduite de la vie. Ce sont, outre cela, les plus mauvais raisonneurs du monde, toujours prêts à contredire, si ce n’est lorsqu’ils pensent juste, ce qui leur arrive rarement, et alors ils se taisent ; ils ne savent ce que c’est qu’imagination, invention, portraits, et n’ont pas même de mots en leur langue qui expriment ces choses. Aussi tous leurs ouvrages, et même leurs poésies, semblent des théorèmes d’Euclide.
Plusieurs d’entre eux, principalement ceux qui s’appliquent à l’astronomie, donnent dans l’astrologie judiciaire, quoiqu’ils n’osent l’avouer publiquement ; mais ce que je trouvai de plus surprenant, ce fut l’inclination qu’ils avaient pour la politique et leur curiosité pour les nouvelles ; ils parlaient incessamment d’affaires d’État, et portaient sans façon leur jugement sur tout ce qui se passait dans les cabinets des princes. J’ai souvent remarqué le même caractère dans nos mathématiciens d’Europe, sans avoir jamais pu trouver la moindre analogie entre les mathématiques et la politique, à moins que l’on ne suppose que, comme le plus petit cercle a autant de degrés que le plus grand, celui qui sait raisonner sur un cercle tracé sur le papier peut également raisonner sur la sphère du monde ; mais n’est-ce pas plutôt le défaut naturel de tous les hommes, qui se plaisent naturellement à parler et à raisonner sur ce qu’ils entendent le moins ?
« Ils [les Houyhnhnms] avaient pour maxime que dans une compagnie il est bon que le silence règne de temps en temps : et je crois qu’ils avaient raison. Dans cet intervalle et pendant cet espèce de trêve, l’esprit se remplit d’idées nouvelles, et la conversation en devient ensuite plus animée et plus vive ».
Il y a de la différence entre ne faire rien et n'avoir rien à faire.
Ces astuces qui soutiennent l’État, tours de passe-passe
Que nous nommons profonds desseins politiques.
La machine, mal montée, s'effondre,
Les écrans glissent et laissent tout voir :
Comme le truquage saute vite aux yeux !
Que c'est simple ! Quelle triche grossière !
Voyez donc le nœud de la poulie !...
Quelle pauvre machine actionne
Les pensées des monarques et les plans des États !
(Ode au très honorable Sir William Temple)
La raison pourquoi il y a si peu de mariages heureux, c'est que la plupart des jeunes dames s'appliquent à faire des filets, et non à faire des cages.
Ne servez jamais à souper une cuisse de poulet, tant qu'il y a dans la maison un chat ou un chien qui puisse être accusé de l'avoir emportée.
« La satire est une sorte de miroir dans lequel les spectateurs découvrent généralement le visage de tout le monde, mais pas le leur. »
de Jonathan Swift
Quand je me rendis à ma maison, que j'eus de la peine à reconnaître, un de mes domestiques ouvrant la porte, je me baissai pour entrer, de crainte de me blesser la tête ; cette porte me semblait un guichet. Ma femme accourut pour m'embrasser ; mais je me courbais plus que bas que ses genoux, songeant qu'elle ne pourrait autrement atteindre ma bouche. Ma fille se mit à mes genoux pour me demander ma bénédiction ; mais je ne pus la distinguer que lorsqu'elle fut levée, ayant été depuis si longtemps accoutumé à me tenir debout, avec ma tête et mes yeux levés en haut.
La sagesse est une poule dont il faut prendre au sérieux les caquetages car ils sont accompagnés d'un oeuf. Enfin, pour conclure, disons qu'elle est une noix, laquelle, à moins de la choisir avec discernement, peut vous coûter une dent et ne vous payer que d'un vers.
Mon père possédait un petit lopin de terre dans le comté du Nottinghamshire ; il eut cinq fils et j'étais le troisième. A mes quatorze ans, il m'envoya au collège Emmanuel de Cambridge où je vécus trois ans durant lesquels je me consacrais avec ardeur à mes études.
[...] une meilleure connaissance de nous-mêmes doit certainement nous fortifier contre les assauts perfides et sournois de la flatterie. Elle révèle chez celui qui y est sensible tant de faiblesse et de sottise, qu l'on a du mal à dire lequel des deux est le plus à blâmer.
(dans "Sermon sur la difficulté de se connaître soi-même")
Je me souviens qu'une fois mon maître avait invité un ami et les siens à venir le voir pour une affaire de quelque importance : le jour fixé, son épouse arriva avec ses deux enfants très en retard. Elle s'excuse de deux choses : d'abord de l'absence de son mari, à qui le matin même il était arrivé de lhnuwnh. Ce mot est extrêmement expressif dans leur langue, mais n'est pas facile à rendre en anglais. Ensuite elle s'excusa de son retard. La raison en était que, son mari étant mort dans la matinée, elle avait passé beaucoup de temps à discuter avec ses domestiques de l'endroit le plus convenable pour y déposer le corps. J'observai qu'elle faisait preuve d'autant de gaieté que les autres convives. Elle mourut elle-même trois mois plus tard.
La nécessité est la mère de l'invention.
Un jour, je confiai au roi qu'il existait des milliers de livres en Europe sur la façon de diriger un pays. Il en fut ébahi et pensa que nous étions des idiots. Il détestait les mystères et les intrigues, et affirmait que l'on pouvait gouverner avec le bon sens, la raison, la justice et l'équité. - 71 -
Etrange effet des principes étroits et des vues bornées ! Voici un Prince comblé de toutes les qualités qui forcent la vénération, l'amour et l'estime, doué d'une brillante intelligence, d'une grand sagesse et d'une profonde culture, admirablement fait pour la politique et presque adoré de ses sujets, qui à cause de scrupules, peut-être honorables, mais inutiles et absolument étrangers à nos idées européennes, laisse passer, alors qu'on la lui met dans les mains, l'occasion de se rendre le maître absolu de la vie, de la liberté et de biens de ses sujets.
Il était extrêmement étonné du récit que je lui avais fait de notre histoire du dernier siècle ; ce n’était, selon lui, qu’un enchaînement horrible de conjurations, de rébellions, de meurtres, de massacres, de révolutions, d’exils et des plus énormes effets que l’avarice, l’esprit de faction, l’hypocrisie, la perfidie, la cruauté, la rage, la folie, la haine, l’envie, la malice et l’ambition pouvaient produire.
La phrase qui fait mouche :
« L’ignorance, la paresse et le vice sont de sûrs garants de la compétence d’un législateurs ».
Quand nous désirons ou recherchons certaines choses, notre âme ne s'attache qu'à leur force lumineuse et riante: quand nous les possédons, nous ne les considérons que de leur côté sombre et ténébreux.
J’employais mon loisir à lire les meilleurs auteurs anciens et modernes, étant toujours fourni d’un certain nombre de livres, et, quand je me trouvais à terre, je ne négligeais pas de remarquer les mœurs et les coutumes des peuples, et d’apprendre en même temps la langue du pays, ce qui me coûtait peu, ayant la mémoire très bonne.
Voyage chez les Houyhnhnms
Le riche profite du travail du pauvre et il y a mille pauvres pour un riche. La masse de notre peuple est forcée de vivre dans la misère, travaillant tous les jours pour un maigre salaire, et permettant à quelques-uns de regorger de tout.