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Critiques de Joris-Karl Huysmans (337)
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Sac au dos

Cette fois-ci, je n'ai pas accroché au style d'écriture de Joris-Karl Huysmans! Il pouvait certainement y avoir assez d'ingrédients pour pouvoir exploiter un sujet de guerre même dans un style ironique. Mais ici, la narration qui est tenu par un soldat pendant la guerre de 1870, est vide d'intérêt aussi bien pour les personnages que pour les situations telles structurées. On part de l'ironie vers le burlesque, mais un grand fossé se creuse entre cette fausse bouffonnerie et ce sujet sur la guerre, et moi, lectrice, je me perds. Je n'ai pas aimé!
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Le drageoir aux épices

Découvrir Le drageoir aux épices de J.K Huysmans c'est tout d'abord découvrir sa première œuvre publiée en 1874 . Ce recueil de poèmes en prose est ainsi dédicacé« Aux vieux amis j’offre ce drageoir fantasque et ces menus bibelots

et fanfreluches» On y trouve en filigrane tout ce qui va faire plus tard la richesse des romans de K.K Huysmans. Avant-gardiste , déjà naturaliste , quand ce mouvement n'existait pas encore, précurseur sans aucun doute d'un mouvement plus décadent . Paris est là présent , ses foules d'ouvriers, de ribaudes, d'ivrognes , ses rares quartiers encore épargnés par les transformations haussmanniennes et ses petites gens aux mœurs respectables.. Et puis il rend hommage à la peinture , à ces peintres flamands du 17ème Brouwer, Béga et à travers eux à Rubens ou Van Dyck . Je n'oublierai pas de parler de la très haute considération de Huysmans pour François Villon et le très vibrant hommage qu'il lui rend dans son poème A maître François Villon,poème qui se termine par ces mots "« Oh ! tu es seul et bien seul ! Meurs donc, larron ; crève donc dans ta fosse, souteneur de gouges ; tu n’en seras pas moins immortel, poète grandiosement fangeux, ciseleur inimitable du vers, joaillier non pareil de la ballade ! »

La bien belle découverte que voilà!



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À rebours

Voilà un roman que je n'aurais jamais eu l'idée de lire si je n'avais croisé deux fois son héros, Jean des Esseintes au cours de lectures très rapprochées et très inspirantes. D'abord dans L'enfant céleste de Maud Simonnot puis chez Julian Barnes et son Homme en rouge... Avant ça je n'avais jamais entendu parler de Huysmans, personne n'est parfait. A rebours est apparemment son roman le plus déconcertant (et décrié), paru en 1883 avant d'être réédité vingt ans plus tard, et sur lequel on a beaucoup parlé, beaucoup écrit comme nous l'apprend la passionnante préface de Pierre Jourde. Je comprends à présent pourquoi.



Difficile de qualifier ce texte, mieux vaut s'y laisser aller quitte à soupirer parfois lorsque la promenade artistique ou littéraire se fait trop pesante. On y est comme dans un cabinet de curiosités où chaque pièce exposée serait matière à disserter longuement. On s'y prend un flamboiement de couleurs, de senteurs, de bibelots, de statues, de tissus, de tableaux et de volumes ouvragés. Car des Esseintes est une sorte d'esthète érudit qui ne supporte que le sublime et bannit le commun. Au point de ne plus souffrir le monde, les autres, et choisir de s'enfermer dans une demeure isolée à la campagne avec pour seule compagnie du mobilier, des livres et des œuvres d'art triés sur le volet. Au point de préférer recréer artificiellement ou par la pensée des odeurs, des sensations de promenades ou de voyages plutôt que de devoir affronter les foules vulgaires. 



Quelle étonnante lecture dans laquelle j'ai évolué entre fascination et perplexité. Je m'y suis sentie souvent inculte face à l'étalage des connaissances du héros dans bien des domaines à commencer par la poésie à travers les siècles ; je comprends que ce livre puisse servir de référence à un Julian Barnes pour les balades artistiques et littéraires qu'il affectionne. Il y a là de quoi considérablement agrandir le spectre de son vocabulaire, d'une richesse rare au service de descriptions époustouflantes. J'ai noté des passages incroyables autour des couleurs ou de l'édition spéciale d'un volume rare. Les prises de position du sieur des Esseintes poussent assez loin l'art de la provocation, à rebours du "prêt à penser" et l'on imagine très bien les réactions fort choquées des intellectuels de l'époque. Cela dit, cette envie de se couper du monde, de ses bruits et de ses laideurs pour se calfeutrer dans un cocon de beauté et de douceur aux murs entièrement habillés de livres, ma foi.. peut-on complètement rejeter l'idée ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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À rebours

C'est extrêmement bien écrit, érudit, volontairement décadent et très complexe : l'auteur a élaboré soigneusement la figure d'un anti-héros, Jean des Esseintes, dandy blasé et "fin de race", esthète raffiné jusqu'aux limites de la déliquescence et du ridicule ; dont il se moque mais fait parfois, en douce, son porte-parole. Comme si, en faisant passer quelques unes de ses idées par le biais de ce personnage épuisé et loufoque, c'est Huysmans lui-même qui avançait masqué : on a furieusement l'impression de participer à un jeu de devinette qui consisterait à retrouver l'auteur caché dans ce paysage foisonnant et tarabiscoté.

C'est un roman dense, précieux, roboratif, asphyxiant. On y manque d'air comme dans la maison confinée et décorée de façon horriblement rococo par des Esseintes lui-même.

De grandes et passionnantes dissertations sur l'art et la littérature (Baudelaire, Mallarmé, Verlaine, Flaubert, Odilon Redon, Gustave Moreau, et bien d'autres) sont développées avec verve et humour, maintenant l'attention éveillée. On y retrouve quelquefois ses propres goûts et même ses dégoûts envers des monstres sacrés qu'on n'aurait pas osé attaquer et on jubile. Mais on finit par s'enliser, on aurait préféré tout ce talent exercé dans des essais critiques.

Bref cette oeuvre ressemble à une immense digression. C'est d'ailleurs ce qui fait sa très grande originalité.

La variété des thèmes abordés mériterait une étude approfondie. Mais je ne l'entreprendrai pas, par peur de tomber dans un puits sans fond. Il y faudrait des années.

Huysmans est l'écrivain préféré de Michel Houellebecq, et l'on comprend pourquoi : rigueur de style, désenchantement, humour noir sont incontestablement présents.

Avec en toile de fond l'émergence d'un monde voué à la consommation, qui coupe l'homme du règne des vivants pour en faire un être suprêmement artificiel, à l'élan vital atrophié et voué à une extinction prochaine. Le sort de la tortue du roman, morte de l'excès d'incrustations de pierres précieuses sur sa carapace, en est la préfiguration. Le déclin de l'Occident étouffé dans sa propre boursouflure est annoncé.
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Là-bas

Oeuvre originale, «Là-bas» nous présente différentes facettes du satanisme du moyen-âge, depuis Gilles de Rais jusqu’à nos jours; les croyances les pratiques; ceci avec moult détails.

Le style est très littéraire mais le vocabulaire, un tantinet trop riche et ardu.

Le début du roman livre des réflexions sur le positivisme et une brillante description d’une oeuvre de l’art chrétien ( crucifixion de Mathaeus Grünenwald ) qui m’a vraiment enthousiasmé.

L’approche de l’occultisme et du satanisme a du, effectivement, scandaliser les lecteurs du XIXème siècle. De nos jours elle ne fait que reprendre avec des détails presque encore choquants des faits que les médias nous ont présentés quelque fois.

Finalement, les détails se référant souvent à une culture qui était, au siècle dernier, plus empreinte de catholicisme, nous perdent, aujourd’hui dans des précisions sans significations.

Bref, ce roman a sans doute un peu souffert de son vieillissement pour perdre son coté provocateur et scandaleux, mais il a gardé toute sa beauté descriptive et stylistique, voire même encore un tantinet surprenante.

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En ménage

C'est en 1881 que Joris-Karl Huysmans publie En ménage. Ami de Zola , il sera invité par lui à rejoindre le groupe des cinq (Alexis Ceard Hennique et Maupassant.

En ménage est avant tout un constat désespéré sur le couple.

André ,l 'écrivain , et Cyprien , l'artiste peintre, sont des amis de bahut . Ils se perdent de vue et se retrouvent à intervalles réguliers . Ce soir là , au retour d'un diner familial, André découvre Berthe sa femme dans les bras de son amant . Patratras! tout son monde de petit confort s'écroule, il s'enfuit et le couple se sépare .

Difficile pour un homme ayant goûté à une vie familiale douillette de se retrouver seul au logis . Il perd le goût d'écrire et se retrouve à roder dans les rues de Paris ou à arpenter les pièces de son petit logis . Mélanie , son ancienne bonne, reprend du service et le gruge deréchef . Jeanne une ancienne maitresse revient pour mieux repartir .

Cyprien quant à lui clame et proclame son aversion du mariage il finira par se mettre en concubinage avec Mélie !

Bigre que ce roman est noir ! Plus noir que cela y a pas ou alors peu ! Que de propos misogynes éparpillés au fil des pages . Ah mon brave monsieur la femme n'est pas là et vous mourrez d'ennui à la merci de crises juponnières dont vous sortez anéantis et si elle est là elle vous inhibe , elle vous coupe l'inspiration , plus moyen de créer , plus de folies ; est- ce pour ces raisons que Huysmans se tournera vers la religion à la fin de sa vie ?

Mon ressenti : une magnifique écriture que je qualifierais de photographique, des descriptions de Paris en plein chambardement architectural un tableau vivant et précis de ces petites gens qui font vivre la ville et l'animent du matin au soir , bref un vrai roman naturaliste Par contre une thématique qui si elle reflète son siècle m'a profondément hérissée le poil ...
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À rebours

Si vous cherchez un livre entrainant, un roman d'action, des intrigues croustillantes ou un ton optimiste... vous pouvez irrémédiablement passer votre chemin. À rebours est un roman, sans intrigue, sans action, quasiment sans dialogue ni rapports humains. Publié en 1884 en France par Joris-Karl Huysmans, À rebours n'a effectivement pas d'intrigue à proprement parler mais nous propose plutôt une sorte de catalogue des gouts et dégouts, des pensées et envies de son protagoniste principal (et unique) : des Esseintes.





De fait, des Esseintes est un personnage complexe et névrosé. Il s'agit d'un aristocrate complétement désœuvré qui vit reclus dans sa propre maison, évitant au maximum les contacts humains. Érudit et esthète, la recherche de la beauté (picturale, littéraire, musicale etc.) et de la distinction dans ses gouts (il ne s'agirait tout de même pas d'aimer une œuvre que le vulgum pecus serait également en mesure d'apprécier) l'obsède de manière pathologique. Cette recherche esthétique compulsive s'accompagne d'un plaisir lié à la provocation, d'un individualisme forcené et d'une quête du plaisir égoïste et artificiel qui reste toujours inassouvie. Sans valeurs, sans but, sans famille, sans amis, sans religion, sans travail ni utilité sociale, des Esseintes se sait perdu dans une société en quête de sens. Il se perçoit comme médiocre au sein d'une époque, d'un monde qui l'est tout autant, rejeton fragile et "dégénéré" issu d'une lignée abâtardie par l'oisiveté et la perte de ses repères moraux : c'est un décadent. Il le sait et trouve sans doute même un certain plaisir à cette idée. En dehors de brèves phases d'excitations, Des Esseintes n'en finit pas de s'ennuyer, d'un ennui sophistiqué et excentrique mais surtout désespéré et profond.





Joris-Karl Huysmans associe la forme au fond avec un style absolument remarquable où chaque mot semble avoir été soigneusement recherché et choisi avec précision. Un style précieux parfaitement coordonné avec son personnage et que l'on lit comme on savoure une friandise onctueuse. Du travail d'orfèvre.





Ce roman reflète sans nul doute parfaitement ce que l'on appela l'esprit fin de siècle. Une époque où la religion s'efface ("Dieu est mort" annonça même Nietzsche en 1882) et avec elle les repères moraux traditionnels s'estompent et apparaissent dans tout leur arbitraire. La défaite de Sedan (1870), quinze ans plus tôt, a porté un coup fatal aux rêves de conquêtes et de gloire militaire en France. Reste donc pour seul exutoire le rêve matérialiste et bourgeois dans lequel des Esseintes plonge malgré lui via une inexorable soif d'accumulation (meubles, joaillerie, livres) qui comble bien mal son vide intérieur.



Ceci d’autant que notre protagoniste est également un aristocrate, dernier fruit d’un ordre social qui a peu à peu perdu le pouvoir, le prestige et le rôle social qu’il possédait dans l’ancien régime. Cela est mis en lumière dès la première phrase du livre (« À en juger par les quelques portraits conservés au château de Lourps, la famille des Floressas des Esseintes avait été, au temps jadis, composée d’athlétiques soudards, de rébarbatifs reîtres ») où une série de portraits accrochés au mur montre la « dégénérescence » de la famille au fur et à mesure des siècles. À l’image de l’aristocratie toute entière, des Esseintes est réduit à l’oisiveté et à un « déclassement » symbolique.





Si le personnage du roman est fortement ancré dans un cadre français, je ne peux m’empêcher de voir un lien avec les personnages que décrit à la même époque l’écrivain russe Fiodor Dostoievski rendus fous suite à l'effondrement des repères moraux traditionnels (déclin de la foi orthodoxe, fin du servage) comme le fameux Raskolnikov de Crime et Châtiment (1866) ou Ivan Karamasov (Les Frères Karamasov - 1879). Dostoievski résumera remarquablement la crise morale qui caractérise son époque et traverse ses personnages avec ces questions d’Aliocha Karamasov : « Mais alors, que deviendra l'homme, sans Dieu et sans immortalité ? Tout est permis, par conséquent, tout est licite ? ».





Pour en revenir à Joris-Karl Huysmans, on lui prédit* après lecture de ce livre, le funeste destin d’un suicide ou une conversion imminente à la religion chrétienne. C’est finalement la seconde option que choisira l’auteur dans les années qui suivirent.





Voilà donc un livre très intéressant qui comporte plus que son lot d’aspérités mais qui, à ma propre surprise, m’a complétement subjugué. Ce livre fut pour moi une belle expérience de lecture, sans doute la plus mémorable de cette année, car elle appartient à celles, rares, qui nous marquent parce qu’elles bouleversent nos habitudes et nous inspirent.







*Jules Barbey d’Aurevilly dans une critique du 28 juillet 1884 « Après un tel livre, il ne reste plus à l’auteur qu’à choisir entre la bouche d’un pistolet ou les pieds de la croix. »

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Rêveries d'un croyant grincheux

Huysmans peut-il être autre qu'acerbe, acide, mordant ? L'aimerais-je autant s'il avait poli ses grandes dents ? Le titre de son texte est parfait : Huysmans est un grincheux, aujourd'hui on le dirait râleur. « Quelle réponse faire à cette insoluble question : pourquoi un catholique pratiquant est-il plus bête qu'un homme qui ne pratique pas ? » (p. 15) Mais quand il affûte ses armes et vitupérations, c'est avec argument. Ici, c'est l'institution ecclésiale qui fait l'objet de ses foudres. Il lui reproche son mercantilisme tiède, bien éloigné des merveilles médiévales du plain-chant. Il fustige l'hypocrisie bourgeoise des sacrements et la piété douteuse de ses coreligionnaires. « Quel chambard dans l'Église il faudrait pour la remettre dans sa vraie voie : » (p. 29)



« Quand l'on connait ce monde-là, l'on peut bien dire que le purgatoire d'un converti, c'est de vivre parmi les catholiques. » (p. 28) Huysmans est un croyant tardif, mais enthousiaste qui pense selon mon cœur. Il sait que la religion se nécrose, ou pire ! se fige, si elle ne s'adapte pas, et il appelle de ses vœux une pratique conforme à son temps. « Il ne s'agit pas d'altérer l'immuabilité de ces dogmes, mais de s'adapter aux conditions de la vie moderne. » (p. 39) Ce n'est qu'ainsi, selon lui, que l'Église retrouvera une réelle proximité avec le peuple. « Il ne faut pas oublier ce point de vue général, si l'on veut bien se rendre compte de l'énorme labeur que M. Huysmans a entrepris, dans le but de magnifier celle qu'il appelle dans ses livres, sa Mère l'Église. » (p. 118



Le texte de Huysmans est suivi d'un entretien avec lui où il se montre tranchant et cynique envers le monde littéraire et le sentiment patriotique de ses concitoyens. Vient enfin une biographie très exhaustive de l'auteur, entrecoupée d'extraits de ses œuvres et de critiques de ces dernières. L'on voit qu'il était autant adulé qu'honni par ses contemporains, ne laissant personne indifférent. Si l'œuvre de Joris-Karl Huysmans vous intéresse, ce très court ouvrage vous en donnera un bel aperçu et s'avère parfait pour commencer à lire le bonhomme. « Si je suis fermement catholique, je suis non moins résolument anticlérical et ne désire pas que des gens dont je partage des idées religieuses soient au pouvoir. » (p. 47)



Petit bonus non négligeable, je ne me lasse pas de la beauté délicate et raffinée des éditions de L'Herne. Le texte est imprimé dans une profonde encre bleue qui est du meilleur effet sur le papier blanc crème. Lire un beau texte dans un bel objet, ça décuple le plaisir !
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Sac au dos

Je découvre un auteur du XIXè avec Huysmans. je viens de passer un moment assez tranquille, je lui découvre une écriture très fluide et si je dois le comparer à ses amis de l'époque, je le caserais entre Maupassant et Zola, du plus simple au plus soutenu et dans les descriptions qui sont de même style.

Dans ce récit, tiré d'une nouvelle parue dens Les soirées de Médan, on y croise un jeune soldat qui se retrouve incorporé dans la garde mobile de la Seine, la guerre contre la Prusse vient d'éclater et ses journées nous seront relatées sous forme d'épisodes alternant les recherches d'hospices pour se soigner contre la dysenterie, le bubon ou encore un Anthrax avec un ami qui l'accompagne sur le front.

Rien de bien extraordinaire à la découverte de ce récit mais une chose est sûre j'irai voir et lire un roman certainement plus fourni comme Là-bas ou encore En ménage.
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Là-bas

Diable de livre que ce "Là-bas" ! Où veut-il donc nous emmener ? Certes pas vers une destination lointaine comme l'a fait Baudelaire avec son "Invitation au voyage" ! Peut-être alors dans le passé, et plus précisément au Moyen-Âge, à la découverte du personnage sulfureux que fut le baron Gilles de Rais, un temps compagnon de Jeanne d'Arc, reconverti en violeur et égorgeur d'enfants, surnommé "Barbe-Bleue" et dont Durtal, le personnage principal du livre a entrepris d'écrire la biographie ? Ou bien encore à la découverte de ceux qui, encore en cette fin du XIXe siècle, s'intéressent de très près au "Très-bas", l'un des noms que l'on donne à Satan. Ces deux quêtes n'en font d'ailleurs qu'une si l'on en juge par cet extrait de la lettre que Huysmans envoie en février 1890 (un an avant la publication de "Là-bas") à l'abbé Boullan, son principal informateur sur les pratiques satanistes : « Je veux démontrer que toutes les théories matérialistes de Maudsley et autres gens sont fausses, que le diable existe, que le diable règne, que sa puissance du Moyen-Âge n'est pas éteinte...».



C'est donc un roman-enquête sur le satanisme (*), culte voué à Satan, que nous livre ici Huysmans. Mais on y sent aussi une démarche personnelle, un chemin qui en passant par le "Très-bas" va conduire Huysmans vers le "Très-haut" et la conversion au catholicisme. Si l'on croit en Satan, on croit aussi, "logiquement", en Dieu, celui du Christ, bien évidemment. C'est du moins la conclusion à laquelle aboutit Durtal, l'alter-ego de Huysmans : « Que croire ? La moitié de ces doctrines est folle et l'autre est si mystérieuse qu'elle entraîne; attester le Satanisme ? dame, c'est bien gros et pourtant cela peut sembler quasi-sûr; mais alors si on est logique avec soi-même, il faut croire au Catholicisme et, dans ce cas, il ne reste plus qu'à prier; car enfin ce n'est pas le Bouddhisme et les autres cultes de ce gabarit qui sont de taille à lutter contre la religion du Christ ! ». Le raffinement de l'argumentation n'est pas le souci de Huysmans.



Il y a bien aussi une intrigue amoureuse dans ce roman mais elle est si pitoyable que mieux vaut la passer sous silence. D'ailleurs, Durtal-Huysmans semble avoir une bien piètre opinion des femmes. Pour preuve, une réflexion parmi d'autres du même acabit : « Maintenant les hommes ne lisent plus; ce sont les femmes dites du monde qui achètent les livres et déterminent les succès ou les fours; aussi est-ce à la Dame, comme l'appelait Schopenhauer, à la petite oie, comme je la qualifierais volontiers, que nous sommes redevables de ces écuellées de romans tièdes et mucilagineux qu'on vante ! Ça promet, dans l'avenir, une jolie littérature, car, pour plaire aux femmes, il faut naturellement énoncer, en un style secouru, des idées déjà digérées et toujours chauves. ». Affligeant.



Pour compléter le portrait de Durtal et de son créateur, il faut ajouter à la misogynie ce qui va souvent de pair avec elle : un penchant réactionnaire poussé à l'extrême : le monde d'aujourd'hui est pourri (y compris, on vient de le voir, la littérature), c'était mille fois mieux autrefois ! Toutefois, la solution « pour échapper à l'horreur de cette vie ambiante, c'est de ne plus lever les yeux. Alors, en ne contemplant que les trottoirs, l'on voit [sur les plaques d'égout] des blasons d'alchimistes, des caractères talismaniques, des pentacles bizarres [...]; ça peut permettre de s'imaginer qu'on vit au Moyen-Âge ! ». La seule chose qui semble plaire à Huysmans dans la production contemporaine, c'est (bien-sûr) sa propre prose. Il en vient à se citer lui-même disant de Gilles de Rais qu'« il était le des Esseintes du quinzième siècle » (des Esseintes étant le héros de son précédent roman, "A rebours"). Évidemment les autres auteurs sont quantité négligeable pour notre phare de la pensée et il assassine les naturalistes au premier rang desquels George Sand. Il ne garde son ancien ami Zola que pour en faire un soubassement de son "naturalisme spiritualiste" qui serait "autrement fier, autrement complet, autrement fort !". Rien que ça !



On aura compris que Huysmans, pas plus que son roman, ne me sont sympathiques. Je comprends que l'on trouve un intérêt historique à cette lecture, j'ai beaucoup plus de mal à y trouver un intérêt littéraire, même si la préface d'Yves Hersant a des accents qui ne m'ont pas laissé indifférent. Je dois d'ailleurs avouer que j'ai trouvé la préface beaucoup plus digne d'estime que le roman lui-même ! Je laisse à d'autres le soin de défendre ce drôle de roman écrit dans un XIXe finissant par un homme qui aurait aimé vivre au Moyen-Âge. Peut-être pour avoir la même vie que Gilles de Rais ?



(*) A noter que cette enquête ne présente aucun caractère d'objectivité, elle vise exclusivement à apporter de l'eau aux croyances sataniques. En ce qui concerne les réels pouvoirs des alchmistes, Huysmans ne rechigne pas devant ce qu'on appellerait de nos jours des "fake news" : ainsi, comme le montre le préfacier du livre Yves Hersant, il soutient dans "Là-bas" que Spinoza « vérifia l'expérience [faite par Helvetius de la transmutation du plomb en or] et en attesta l'absolue véracité », alors qu'un écrit du philosophe atteste au contraire de son scepticisme à l'égard de cette expérience. Bien sûr, Huysmans ne cite pas ses sources.

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En rade





Ce court roman publié en 1884, se situe dans l’œuvre de Huysmans entre ces deux romans majeurs que sont À rebours (1882) et Là-bas (1891).



Il n’a ni la flamboyance baroque de A rebours, ni l’exploration teintée d’ironie de l’occultisme et du satanisme de Là-bas.



En rade qui porte bien son nom, tant la vie des héros de ce roman est marquée par l’abandon, le naufrage existentiel, est un récit qui oscille entre naturalisme et symbolisme. Il n’en contient pas moins, je trouve, deux thèmes insolites, celui de l’exploration du rêve et du surnaturel et celui de la maladie psychique.



Jacques, en proie à de graves problèmes financiers et dont le couple bat de l’aile, pense trouver refuge, et prendre un nouveau départ, en s’éloignant de Paris avec son épouse Louise pour se rendre en Normandie dans le vieux Château de Lourps (curieusement le même nom que celui de A rebours) où vivent l’oncle de celle-ci, Antoine et son épouse Norine. L’oncle leur a promis « qu’ils pourraient y vivre en abondance ». En réalité, le château est une ruine sinistre, dont la plupart des pièces sont inhabitables, les jardins qui l’entourent sont à l’abandon, et l’église voisine délabrée. Antoine et Norine, couple de paysans qui vit dans une chaumière près du château sont des personnages antipathiques, grossiers voire grivois, âpres au gain, et malhonnêtes, et dont le couple parisien est contraint de subir les conditions de vie, dont la nourriture pauvre et infecte.

Durant ce séjour, le lecteur suit Jacques dans ses déambulations au sein des salles du château, des caves, de sa rencontre soudaine et terrifiante avec un chat-huant, de ses promenades aux alentours, dans les jardins du château ou de l’église qui lui apportent un peu de paix.

On le voit confronté au mépris et à la malveillance de Norine et d’Antoine, dont il réalise qu’ils le volent, et aussi à la grossièreté de ceux qu’il rencontre dans une auberge voisine.

En définitive, confronté à ces conditions de vie désastreuses et à cette ambiance hostile, le couple va, dès qu’il aura obtenu d’un ami un peu d’argent, s’enfuir avec précipitation vers Paris.



Mais ce séjour, et c’est sans doute le point le plus important, est celui de la révélation de la faillite du couple formé par Jacques et Louise. Une incompréhension et du mépris réciproque s’installent progressivement entre les deux époux. À cela s’ajoute pour Jacques l’énigme de la maladie de Louise, point sur lequel je reviendrai.



Et je crois que les trois rêves extraordinaires de Jacques, auxquels sont consacrés trois chapitres, expriment de façon inconsciente son sentiment du naufrage financier, sentimental, et sexuel de son couple.

Ainsi, particulièrement troublant est ce deuxième rêve décrivant la déambulation du couple sur la Lune, astre féminin par excellence, et de la vision de tous ses paysages figés, de ses mers et montagnes hostiles, rêve qui se termine par le constat que fait Jacques de la sottise de sa femme. Et alors que le premier rêve représente comme la promesse d’une femme jeune et offerte à un roi de l’Antiquité, le dernier révèle la femme sous un aspect physique horrible et devant laquelle Jacques s’exclame «Cette abominable gaupe, c’est la Vérité ».



On sait que plus tard André Breton fera de ce roman de Huysmans un jalon précurseur du surréalisme. Je ne sais qu’en penser, car ici, l’auteur ne fait pas explicitement du rêve le matériel de sa création.

Mais on pourrait aussi évoquer Freud qui publiera à peu près à la même époque (1899), Le rêve et son interprétation.



L’autre thème qui fait pour moi l’étrangeté du récit, et qui nous éloigne du naturalisme de cette histoire aux accents souvent pessimistes et sordides, c’est la maladie de Louise. Une maladie dont Jacques nous dit qu’aucun médecin n’arrive à la soigner, et dont les manifestations, les crises de boulimie et d’anorexie, la crise pseudo-épileptique décrite dans le roman font penser à un trouble psychique et plus particulièrement à l’hystérie telle que Charcot la décrivait en fin de 19ème siècle. Devant cette maladie, on trouve un mari désarmé, mais, quant à lui, sans énergie et au psychisme dépressif.



En conclusion, un roman que j’ai eu plus de difficulté à cerner que À rebours et Là-bas, mais dont l’irruption du rêve dans le récit fait l’originalité.

Et puis, il y a comme toujours la beauté du texte, l’écriture toujours aussi riche de Huysmans, l’emploi de ces mots rares qui sont autant de bijoux qui parsèment le récit.
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À rebours

Quel roman !

Fatigué de la vie parisienne, lassé des amusements de sa jeunesse, Des Esseintes se retire à Fontenay. Il y a acquis une maison loin du village, qu'il aménage avec un goût particulier et y enferme tous ses trésors : livres, tableaux, meubles, liqueurs, tapis... Il entend y vivre reclus, seulement accompagné par un couple de vieux domestiques auquel il cède tout le premier étage.

Dans sa solitude, pourtant, la névrose le rattrape et le voilà, entouré de tant de richesses, de nouveau en proie aux fantaisies de son corps.



Quel roman, comme je disais, quel roman ! Rien de ce que je pourrais écrire dans cette critique ne sera à la hauteur de ce que m'a inspiré ce livre. Il s'agit d'une petite merveilleuse, tant sur le fond que sur la forme.

Une bonne moitié des chapitres reviennent sur les arts : peinture, littérature, etc, mais aussi botanique, au travers des objets que Des Esseintes a emporté dans sa maison, ce qui est l'occasion d'exposés extraordinaires d'érudition. L'autre moitié revient sur les souvenirs du personnage, un peu à la manière que Marcel Proust développera dans La Recherche du temps perdu, ou nous expose les maux dont il souffre, tout rongé par l'ennui qu'il est. Dans ce roman, Huysmans entendait rompre avec le réalisme, courant littéraire qu'il juge arrivé en fin de vie.

Quant à la forme, que dire sinon que l'écriture de Huysmans est somptueuse? J'en suis restée sans voix. Il y avait un moment que je n'avais pas été autant impressionnée par le style d'un auteur. Pour une découverte, c'est un coup de coeur !



Challenge ABC 2017/2018
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À rebours

Des Esseintes, un espèce de dandy blasé par sa vie de débauche, s'exile de la ville pour chercher l'isolement le plus complet possible tout en ayant accès à tout le luxe désiré. L'élaboration de son nouveau nid douillet est décrit dans les plus infimes détails et reflète l'extrême raffinement de ce déconcertant personnage. On assiste ensuite à quelques-unes de ses manies et activités, et ceci est composé de telle sorte qu'on a l'impression de lire une collection d'essais et d'opinions, sur l'art, certains artistes, certains auteurs, ainsi que tout ce qui est susceptible d'exciter l'un de nos cinq sens, et bien d'autres choses encore.



Le personnage est intéressant mais tient souvent en même temps du vieil excentrique grincheux et méprisant, bref, il peut se montrer insupportable. Heureusement, la majorité de ses semblables se trouve à l'abri de son tempérament du fait de sa retraite solitaire. Ce n'est pas autobiographique, mais il paraît clair que J.-K. Huysmans insère beaucoup de lui-même dans ses livres. ''À rebours'' marque une rupture avec son passé naturaliste et offre au monde quelque chose de différent et de bienvenu, d'où sa célébrité.



On trouve donc de bien curieuses choses dans ce bouquin par moments. En combinaison avec l'écriture unique, stylée et pointue de cet auteur, il y a de quoi justifier l'engouement qu'il suscite. J'ai hâte de voir ce qu'en disent les autres, je suis tout de même impressionné de cette razzia de 5 étoiles.
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Le drageoir aux épices - Pages retrouvées - Un ..

Wouch !



C'est fou le panache que met Huysmans à décrire bassesse et veulerie chez l'humain ! Bon je dis ça parce que j'ai fini sur "Le dilemme" qui est sacrément glauque, cynique, noir et tout ce qu'on veut dans ce sens-là.



J'en trouve en plus l'écriture étonnamment moderne; bourrée de dialogues, de pensées des protagonistes on ne peut plus "tangibles". J'y retrouve curieusement un ton de "Maupassant", ce me semble, dans cette sombre histoire. Voilà pour le Dilemme, qui est une bien triste histoire de pingrerie de vieux schnocks uniquement préoccupés d'eux-mêmes...



Pour "le drageoir aux épices", et ses poèmes en prose, c'est juste incroyable, ces "peintures en mots". Outre qu'on y détecte un humour omniprésent (l'ode au hareng saur, il faut le faire quand même) (et sous forme de cynisme souvent), on trouve une plume élégante, ou gouailleuse selon les cas, un style d'une richesse inouïe, servis par un sens de l'observation au scalpel.



Un auteur "classique" (mais si peu classique finalement) que je ne connaissais pas, qui gagne à être connu, et dont je lirai sans aucun doute d'autres oeuvres d'ici peu ! Cette fois j'adresse un grand merci à Joualvert d'avoir attiré mon attention sur lui.



Je n'ai pas parlé de "pages retrouvées" : en fait, ce ne sont que des descriptions. De Paris pour la première, de Bruxelles pour la seconde. Pas ce que je préfère chez les auteurs en général, même si, ici, ça fait à peu près le même effet de lire celle de Paris que quand on regarde les toutes premières photos de Paris... C'est un peu comme si on lisait de la SF ! ;)
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À rebours

Le mal du siècle s'est emparé de Des Esseintes avec la même avidité que ce dernier s'empare et se nourrit d'œuvres d'art insolites.

On pénètre dans une sorte de cabinet de curiosités aux éléments disparates et aux couleurs chatoyantes.

Esthète en proie à son mal, Des Esseintes se consume dans un huis clos - contemplatif - propice à la dissection de l'esprit.

Un roman dans lequel on ne pénètre pas à rebours qui m'a beaucoup marquée et qui me donne envie de découvrir l'œuvre de Huysmans dans son ensemble.
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A vau-l'eau

A vau-l'eau, c'est la poisse d'une journée qui va tout envenimer ! Eh oui, tout commence quand monsieur Folantin arrive en retard à son bureau. Réprimandé par son chef, notre héros vivra une journée remplie d'étourderie, de maladresse, occasionnant des frustrations qu'il croit pouvoir éradiquer pendant le dîner autour d'un bon plat qui l'attend chez lui. Eh bien, dommage, le dîner également est une offense de plus qui va clôturer sa journée! A vau-l'eau, c'est un petit livre qui traite exclusivement du goût face à l'ennui! En effet, que nous reste-t-il dans la solitude si ce n'est de rechercher du goût sur une quelconque chose dont on dispose, pour tuer l'ennui! Saut que pour notre héros, le gout s'est évaporé, il ne lui reste plus qu'à rechercher du goût dans la nourriture. Il commence d'abord par congédier sa bonne et en prend une autre. Puis, il va d'un restaurant à un autre, même quand il tombe sur une pâtissière qui lui fait parvenir ses mets à domicile, toutes ces tentatives n'ont fait que refléter le gout fade de la vie qui déjà respire au dedans de lui. Comme quoi, c'est de l'intérieur que nous vient le véritable goût de la vie...

Une belle écriture mais qui nous dépeint une vie tellement ennuyeuse que les pages de ce livre semblent se rallonger dans la lecture!
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Trois nouvelles naturalistes : Zola, Huysma..

Sous l'égide de Zola, des écrivains décidaient en 1879 de publier conjointement six nouvelles, ce volume devait évoquer la fameuse guerre de 1870. Cette version tumultueuse donnée de la guerre fut loin des récits patriotiques à la mode.



Les amis réunis au cours des soirées dites de Médan mettaient le cap sur les coulisses, les actions peu glorieuses, les faux exploits, donnant un éclairage bien pathétique de ces événements, ainsi page 141,

"On eût dit d'une Cour des miracles roulante; les estropiés sautaient à pieds joints, ceux dont les intestins brûlaient les arrosaient des lampées de Cognac, les borgnes ouvraient les yeux, les fiévreux cabriolaient, c'était inouï!" (Huysmans).





Les trois nouvelles principales sont l'oeuvre de Zola, Maupassant et Huysmans, du moins celles publiées par Hachette en 2013 puis par Flammarion en 2014.

Ces nouvelles pourraient figurer parmi les Contes Cruels" de Villiers de L'Isle-Adam, et notamment celle célèbre De Maupassant, " Boule de Suif".



Pour ma part j'ai adoré les deux premières, un peu moins la troisième nouvelle dont le style m'a semblé parfois un peu trop lissé s'agissant de soldats prêts à tout pour se payer à bon compte une virée.



L'intérêt historique de ces publications tient au dessein affiché par ces six trublions, qui furent perçus par la presse, comme les précurseurs d'une école nouvelle les médanistes, copieusement vilipendés par Paul Déroulède qui publia les chants patriotiques en 1882 après les chants du soldat.





Ces nouvelles sont très éloignées des scènes d'héroïsme, Zola et ses amis voulaient restituer les faits, certains dans toutes leurs ignominies, ils partageaient une même vision philosophique, les mêmes choix esthétiques, l'oeuvre se posait comme le manifeste du naturalisme, auquel Flaubert fut rattachée malgré ses réticences.



L'essor du journalisme, a permis une large diffusion de nombreux récits de nos meilleurs écrivains, contes, fables, nouvelles, dont la forme tenant à l'oralité de l'anecdote racontée, inspirée par des faits divers, rappelait étrangement le ton journalistique.



Villiers de L'Isle-Adam devait publier en 1883 les "Contes Cruels" dont plusieurs déjà diffusés dans la presse avaient gagné l'estime du public. On dit que Mallarmé et Flaubert ont apprécié l'éloquence et la qualité de l'écriture, Mallarmé estimant que plusieurs nouvelles sont d'une poésie inouïe.

Mais l'hommage le plus retentissant viendra de Huysmans, l'un des piliers des soirées de Médan.





Alors au-delà des éloges ou des critiques acerbes de certains organes de presse, quel est l'étrange mixture qui a fait le succès de ces nouvelles ?



Le réalisme alimente le piment du récit de Zola, ne reculant devant aucune précision fut elle, effrayante ou répugnante, l'attaque du moulin permet l'irruption de la violence et le pathétique de la situation de Françoise qui passe par toutes les bassesses possibles, "C'était l'âme du moulin qui venait de s'exhaler. Françoise, imbécile, entre les cadavres de son mari et de son père au milieu des ruines fumantes du moulin, le capitaine français entra, la salua galamment de son épée, en criant victoire ! "p 50.



Le sommet de ces nouvelles est la mise a nu du comportement cruel et indécent des notables prêt à tout pour sauver leur peau, leur bien, et leur peu d'honneur . La lâcheté portée à ce point devient hautement risible et leur petitesse est encore plus insolente. "Boule de suif se sentait noyée dans le mépris de ces gredins honnêtes qui l'avaient sacrifiée d'abord, rejetée ensuite, comme une chose malpropre et inutile. Page 117".





La roublardise des deux soldats de la 3ème nouvelle scelle le ton final de l'armée française en 70, une levée des troupes aléatoire, objet de trafics , la désorganisation de l'intendance, ou l'incompétence des généraux...



Pour la petite histoire un bataillon de zouaves pontificaux participait aux combat aux côtés de l'armée impériale. Un de mes amis en a fait un objet de recherche, documents, équipements, armes... Cette drôle de guerre nous a réservé bien d'étonnantes surprises.



Trois auteurs à consommer sans modération. A lire aussi « les Contes Cruels ».

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À rebours

Quel est le comble du dandysme?



Se faire servir un oeuf à la coque dans une vaisselle précieuse et par ses gens de maison en grande livrée? Aller boire une bière rousse au pub de la rue de Rivoli et décréter que tout voyage à Londres est superfétatoire et vain, puisqu'on connaît désormais de fond en comble l'Angleterre? In cruster de pierres précieuses la carapace de sa tortue domestique? Donner un grand banquet pour se virginité défunte , en prenant soin d'accorder mets et boissons au noir requis par un tel deuil?



Je ne sais si tous les détails sont parfaitement exacts: je ne suis pas allée vérifier, et me suis fiée à ma seule mémoire: j'ai lu ce livre voilà plus de 30 ans, c'est dire si les marottes de l'extravagant Des Esseintes m'avaient frappée!



Ce manifeste désespéré du dandysme qui proclame hautement son refus du réel, sa haine du naturalisme, ne manque ni de panache, ni...d'humour , tant il est provocateur et outrancier. Je me souviens d'avoir ri, oui ri, et j'en souris encore en y pensant.



Que ceux toutefois qui ne supportent pas la description en littérature passent leur chemin: à côté de A rebours, Salammbô , c'est Zola rewrité par le Reader's Digest!
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En rade

Jacques et Louise Marles sont ruinés. Pour fuir leurs créanciers, ils partent en Brie, dans un château dont Antoine, l’oncle de Louise, a la garde. Arrivés sur place, ils constatent que le château de Lourps est une ruine battue par les vents et hantée par les chats-huants. La promesse du repos et du réconfort s’éloigne rapidement. Aux tracas parisiens se substituent les misères provinciales.

Antoine et Norine, sa femme, sont des paysans filous, âpres au gain, avares et malhonnêtes. Ils ne voient en Louise et Jacques que des Parisiens à rançonner. Ressassant leur pauvreté et égrenant la liste de leurs prétendus malheurs paysans, ils incarnent l’image populaire des provinciaux rustres et malappris. Leur langage à lui seul, entre patois et jurons, se veut l’illustration de leur caractère grossier. Étymologiquement, Jacques est l’un d’eux par son prénom, mais tout son être se révolte et se rebiffe : pour lui, il est impensable de s’assimiler à cette population frustre. Et pourtant, dans sa solitude exacerbée, il croit trouver un plaisir à la compagnie des navrants paysans.

Dès le début du séjour, Jacques est traversé de rêves et d’hallucinations qui le laissent épuisé. « Il tenta de s’analyser, s’avoua qu’il se trouvait dans un état désorbité d’âme, soumis contre toute volonté à des impressions externes, travaillé par des nerfs écorchés en révolte contre sa raison, dont les misérables défaillances s’étaient, quand même, dissipées depuis la venue du jour. » (p.76) Des heures entières, Jacques revit les songes qui ont occupé son esprit : « l’insondable énigme du Rêve le hantait. » (p.78) C’est ainsi qu’il occupe de mornes journées. Jacques s’ennuie maladivement : plus sa mélancolie s’aggrave, plus l’ennui se fait prégnant et cet ennui entraîne une mélancolie toujours plus profonde. Mais, à l’inverse de l’illustre Des Esseintes, héros du précédent héros de Huysmans, Jacques n’a pas de fortune pour tenter de tromper l’ennui. Sa misère lui est une douleur supplémentaire, une barrière à un hypothétique bonheur.

Le château en ruines est propre aux fantasmagories les plus hideuses et aux suppositions les plus baroques. Son immensité délabrée et ses mystères insondés ont quelque chose de gothique qui cède finalement au pathétique le plus profond. Nul secret et nulle merveille en ces murs poussiéreux, le château n’est qu’une bâtisse aussi vide que l’âme de Jacques, une incarnation architecturale du taedium vitae. À l’instar de Jacques qui se laisse glisser dans une mélancolie néfaste, le château de Lourps rend les armes devant le temps et les hommes. Les ténébreux songes de Jacques ne sont finalement que l’écho de ses promenades vaines dans les couloirs du triste manoir. « Les cauchemars de Jacques étaient patibulaires et désolants, laissaient dès le réveil, un funèbre impression qui stimulait la mélancolie des pensées déjà lasses de se ressasser, à l’état de veille, dans le milieu de ce château vide. » (p. 199)

Dans la solitude et l’indigence campagnarde, la maladie de nerfs de Louise s’aggrave. Et le couple se délire inexorablement. L’épouse refuse sa couche à l’époux et l’homme s’exaspère de cette chasteté forcée autant qu’il s’énerve de ne plus désirer sa femme. « Ce séjour à Lourps aura vraiment eu de bien heureuses conséquences ; il nous aura mutuellement initiés à l’abomination de nos âmes et de nos corps. » (p. 211) À cela s’ajoutent les terreurs causées par le manque d’argent et les angoisses des comptes qui laissent la bourse de plus en plus vide. Pour Jacques et son épouse, ce séjour en province n’aura rien résolu. Le retour à Paris, espéré et idéalisé, porte à peine la promesse de lendemains meilleurs. « Ce départ ferait-il taire la psalmodie de ses pensées tristes et décanterait-il cette détresse d’âme dont il accusait la défection de sa femme d’être la cause ? Il sentait bien qu’il ne pardonnerait pas aisément à Louise de s’être éloignée de lui au moment où il aurait voulu se serrer contre elle. » (p. 211)

Dans ce roman, Huysmans s’essaie au symbolisme et à la transcription du rêve. Une nouvelle fois, il fait montre d’une remarquable puissance d’évocation dans ses descriptions : entre hypotyposes et ekphrasis, elles ne laissent rien au hasard et le lecteur n’est privé d’aucun détail. Dans Là-bas, Huysmans faisait s’élever les murs sur des ruines, ici il fait tomber les murs et révèlent les ruines à venir.

L’opposition Paris/province est savoureuse, mais ce roman m’a assez rapidement lassée et je l’ai achevé sans plaisir. Si j’ai retrouvé la belle plume de Huysmans, j’ai le sentiment qu’il s’est écouté écrire : bien que l’auteur propose des phrases sublimes, il aurait pu faire l’économie de quelques formulations, voire de quelques pages.

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Sac au dos



Une nouvelle d’un jeune Huysmans encore proche du mouvement naturaliste; d’ailleurs l’une des deux versions fut incluse dans le recueil Les soirées de Medan, à côté de celles de Maupassant (Boule de suif) et de Zola (L’attaque du moulin).



Huysmans, qui avait participé à la « drôle de guerre » de 1870, a sans doute tiré de cette expérience la trame de son récit.

On est loin des chefs-d’œuvre que seront A Rebours ou le cycle de Durtal: Là-bas, En route et la Cathédrale.

On est loin aussi de la cruauté et de la qualité des nouvelles de Maupassant consacrées à cette guerre de 1870.

Mais ce récit alerte et ironique, qui montre l’organisation absurde des forces armées françaises, qui parfois fait penser à Céline, se lit vite et avec plaisir.



Le jeune Eugène Lejantel s’embarque avec une foule désordonnée de jeunes recrues dans un train qui doit le conduire sur les lieux de combats contre l’armée prussienne. On voit tous ces jeunes peu disciplinés et buvant beaucoup, d’abord partir vers la Champagne, puis sans qu’ils y comprennent grand chose, le train s’arrête et revient vers Paris, où, là, un autre train les emmène vers Rouen. En raison des mauvaises conditions d’hygiène, Eugène est atteint de dysenterie, et se retrouve dans un Hôpital puis un autre à Evreux. Là, il se lie d’amitié avec Francis Emonot, un artiste peintre, il se fait soigner par la belle et gentille sœur Solange. Francis et Eugène, vont « faire le mur » , ripailler en ville, et conter fleurette à deux jeunes filles. Eugène va aussi se rendre chez des amis de ses parents et leur demander d’intercéder auprès des autorités militaires pour obtenir une permission. Malheureusement, les deux compères ont été aperçus en ville par le général qui commande la place. La punition tombe sur Eugène contraint de rester à l’Hôpital tandis que Francis part. Peu de temps après, l’armistice est signé, et les soldats sont démobilisés. Eugène sur le retour « flirte » dans le compartiment avec une séduisante jeune fille, mais malheureusement ne peut conclure car le frère de cette belle l’attend à l’arrivée. Il revient chez lui, puis retrouve avec délices sa garçonnière!



Toute cette histoire est un peu futile et tourne en dérision l’armée. On n’y voit pas la douleur des combats si ce n’est par le court récit d’un soldat revenu du front.



En résumé , le récit d’un bref épisode d’une guerre de comédie, joliment écrit, plein de verve et d’insouciance. Mais sûrement pas pour moi une œuvre marquante de Huysmans.
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