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Citations de Jules Supervielle (519)


Je suis né à Montevideo, mais j'avais à peine huit mois que je partis un jour pour la France dans les bras de ma mère qui devait y mourir, la même semaine que mon père. Oui, tout cela dans une même phrase. Une phrase, une journée, toute la vie, n'est-ce pas la même chose pour qui est né sous les signes jumeaux du voyage et de la mort ? Mais je ne voudrais pas ici vous parler de la mort.
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SOLITUDE
     
Homme égaré dans les siècles,
Ne trouveras-tu jamais un contemporain ?
Et celui-là qui s'avance derrière de hauts cactus
Il n'a pas l'âge de ton sang qui dévale de ses montagnes,
Il ne connaît pas les rivières où se trempe ton regard
Et comment savoir le chiffre de sa tête recéleuse ?
Ah ! Tu aurais tant aimé les hommes de ton époque
Et tenir dans tes bras un enfant rieur de ce temps-là !
Mais sur ce versant de l'Espace
Tous les visages t'échappent comme l'eau et le sable
Tu ignores ce que connaissent même les insectes, les gouttes d'eau,
Ils trouvent incontinent à qui parler ou murmurer,
Mais à défaut d'un visage
Les étoiles comprennent ta langue
Et d'instant en instant, familières des distances,
Elles secondent ta pensée, lui fournissent des paroles,
Il suffit de prêter l'oreille lorsque se ferment les yeux.
Oh ! je sais, je sais bien que tu aurais préféré
Être compris par le jour que l'on nomme aujourd'hui
A cause de sa franchise et de son air ressemblant
Et par ceux-là qui se disent sur la Terre tes semblables
Parce qu'ils n'ont pour s'exprimer du fond de leurs années-lumières
Que le scintillement d'un coeur
Obscur pour les autres hommes.
     
     
'Lumière humaine', LES AMIS INCONNUS, 1934.
pp. 167-168 (pour l'édition de 1982).
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HAUT CIEL

[...]

Le ciel de noires violettes
Répand une odeur d'infini
Et va chercher dans leur poussière
Les soleils que la mort bannit.

Une ombre longue approche et hume
Les astres de son museau de brume.

[...]

Les étoiles restent seules contractées au fond de leur fièvre

Avec leur aveu dans la gorge
Et l'horreur de ne pouvoir
Imaginer une rose
Dans leur mémoire qui brûle.
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VIVRE

Pour avoir mis le pied
Sur le cœur de la nuit
Je suis un homme pris
Dans les rets étoilés.

J'ignore le repos
Que connaissent les hommes
Et même mon sommeil
Est dévoré de ciel.

Nudité de mes jours,
On t'a crucifiée ;
Oiseaux de la forêt
Dans l'air tiède, glacés.

Ah ! vous tombez des arbres.
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Jules Supervielle
Le Poète



Le mystère poétique l’attire plus que la vie, sans transposition,
    de chaque jour.
C’est grâce à la fascination de l’inconnu que le poète,
même quand il se trouve devant son meilleur ami, se dit parfois:
« Comme une lettre de toi me ferait plaisir, même en ce moment
    où tu es en face de moi.
À être là, tu perds de ton mystère alors que tes lettres
je les garde longtemps sans les ouvrir pour faire durer leur imprévu
    et leurs possibilités. »
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[rani]

Comment connaître sa route au ciel où il n’y a plus de droite ni de gauche, d’avant ni d’après et rien que de la profondeur. Sans autre guide, sans autre appui que le vertige.
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[les boiteux du ciel]

On se réunissait tantót chez l’un, tantôt chez l'autre pour que chacun perçut un quatuor de musique en chambre ou la voix des grandes orgues, ou un solo de flûte, ou le bruit du vent dans les sapins, à travers une grosse pluie. Un homme qui avait été un grand pianiste, s’assit un jour à son fantomatique piano et invita les amis à le venir voir jouer. Chacun comprit que ça allait être du Bach. On pensait que peut-être, vu le génie de l'exécutant et du compositeur, on allait entendre quelque chose. Certains avalent pensé que c’était Bach lui-même. En effet, cétait lui. Il joua la Toccata et Fugue. On suivait avec passion le jeu de l’artiste et chacun crut vraiment l’entendre. A la fin du morceau tous se mirent à battre des mains avec enthousiasme, mais il fut manifeste que nul bruit n’en sortait.
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Derrière trois murs et deux portes,
Vous ne pensez jamais à moi,
Mais la pierre, le chaud, le froid,
Et vous ne m'empêcherez pas
De vous défaire, et vous refaire,
A ma guise, au fond de moi-même
Comme les saisons font des bois
A la surface de la terre.
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Jules Supervielle
L’air était si liant



Dans l’Uruguay sur l’Atlantique
l’air était si liant, facile,
que les couleurs de l’horizon
s’approchaient pour voir les maisons
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LES AMIS INCONNUS


Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d’une lampe profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit les étoiles muettes.

Il vous naît un oiseau dans la force de l’âge,
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu’il n’a que son cri d’oiseau pour la montrer.
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s’y pose, on dirait qu’elle est comme les autres.

Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n’est pas de chasseur encor dans la contrée,
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L’écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?

Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux
Mais il faudra qu’il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d’étranges battements
Qui lui viennent de jours qu’il n’aura pas vécus.

Et vous, que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous toujours sans nouvelles
« Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis vais-je le reconnaître ? »

Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.
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OLORON-SAINTE-MARIE


Comme du temps de mes pères les Pyrénées écoutent aux portes
Et je me sens surveillé par leurs rugueuses cohortes.
Le gave coule, paupières basses, ne voulant pas de différence
Entre les hommes et les ombres,
Et il passe entre des pierres
Qui ne craignent pas les siècles
Mais s’appuient dessus pour rêver.

C’est la ville de mon père, j’ai affaire un peu partout.
Je rôde dans les rues et monte des étages n’importe où,
Ces étages font de moi comme un sentier de montagne,
J’entre sans frapper dans des chambres que traverse la campagne,
Les miroirs refont les bois, portent secours aux ruisseaux,
Je me découvre pris et repris par leurs eaux.
J’erre sur les toits d’ardoise, je vais en haut de la tour,
Et, pour rassembler les morts qu’une rumeur effarouche,
Je suis le battant humain,
Que ne révèle aucun bruit,
De la cloche de la nuit,
Dans le ciel pyrénéen.

O morts à la démarche dérobée,
Que nous confondons toujours avec l’immobilité,
Perdus dans votre sourire comme sous la pluie l’épitaphe,
Morts aux postures contraintes et gênés par trop d’espace,
O vous qui venez rôder autour de nos positions,
C’est nous qui sommes les boiteux tout prêts à tomber sur le front.

Vous êtes guéris du sang
De ce sang qui nous assoiffe.

Vous êtes guéris de voir
La mer, le ciel et les bois.

Vous en avez fini avec les lèvres, leurs raisons et leurs baisers,
Avec nos mains qui nous suivent partout sans nous apaiser,
Avec les cheveux qui poussent et les ongles qui se cassent,
Et, derrière le front dur, notre esprit qui se déplace.

Mais en nous rien n’est plus vrai
Que ce froid qui vous ressemble,
Nous ne sommes séparés
Que par le frisson d’un tremble.

Ne me tournez pas le dos. Devinez-vous
Un vivant de votre race près de vos anciens genoux ?

Amis, ne craignez pas tant
Qu’on vous tire par un pan de votre costume flottant !

N’avez-vous pas un peu envie,
Chers écoliers de la mort, qu’on vous décline la vie ?

Nous vous dirons de nouveau
Comment l’ombre et le soleil,
Dans un instant qui sommeille,
Font et défont un bouleau.

Et nous vous reconstruirons
Chaque ville avec les arches respirantes de ses ponts,
La campagne avec le vent,
Et le soleil au milieu de ses frères se levant.

Etes-vous sûrs, êtes-vous sûrs de n’avoir rien à ajouter,
Que c’est toujours de ce côté le même jour, le même été ?
Ah comment apaiser mes os dans leur misère,
Troupe blafarde, aveugle, au visage calcaire,
Qui réclame la mort de son chef aux yeux bleus
Tournés vers le dehors.

Je les entends qui m’emplissent de leur voix sourde.
Plantés dans ma chair, ces os,
Comme de secrets couteaux
Qui n’ont jamais vu le jour :

- N’échappe pas ainsi à notre entendement.
Ton silence nous ment.
Nous ne faisons qu’un avec toi,
Ne nous oublie pas.

Nous avons partie liée
Tels l’époux et l’épousée
Quand il souffle la bougie
Pour la longueur de la nuit.

- Petits os, grands os, cartilages,
Il est de plus cruelles cages.
Patientez, violents éclairs,
Dans l’orage clos de ma chair.

Thorax, sans arrière-pensée
Laisse entrer l’air de la croisée.
Comprendras-tu que le soleil
Va jusqu’à toi du fond du ciel ?

Ecoute-moi, sombre humérus,
Les ténèbres de chair sont douces.
Il ne faut pas songer encor
A la flûte lisse des morts.

Et toi, rosaire d’os, colonne vertébrale,
Que nulle main n’égrènera,
Retarde notre heure ennemie,
Prions pour le ruisseau de vie
Qui se presse vers nos prunelles.
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LA DEMEURE ENTOUREE



Le corps de la montagne hésite à ma fenêtre :
« Comment peut-on entrer si l’on est la montagne,
si l’on est en hauteur avec roches, cailloux,
un morceau de la Terre altéré par le Ciel ? »
le feuillage des bois entoure ma maison :
« Les bois ont-ils leur mot à dire là-dedans ?
Notre monde branchu, notre monde feuillu
Que peut-il dans la chambre où règne ce lit blanc,
Près de ce chandelier qui brûle par le haut,
Et devant cette fleur qui trempe dans un verre ?
Que peut-il pour cet homme et son bras replié,
Cette main écrivant entre ces quatre murs ?
Prenons avis de nos racines délicates,
Il ne nous a pas vus, il cherche au fond de lui
Des arbres différents qui comprennent sa langue. »
Et la rivière dit : « je n veux rien savoir,
Je coule pour moi seule et j’ignore les hommes.
Je ne suis jamais là où on croit me trouver
Et vais me devançant, crainte de m’attarder.
Tant pis pour ces gens-là qui s’en vont sur leurs jambes.
Ils partent, et toujours reviennent sur leurs pas. »
Mais l’étoile se dit : « je tremble au bout d’un fil.
Si nul ne pense à moi, je cesse d’exister. »

(Les amis inconnus – 1934)
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Dans l’oubli de mon corps



Dans l’oubli de mon corps
Et de tout ce qu’il touche
Je me souviens de vous,
Dans l’effort d’un palmier
Près de mers étrangères
Malgré tant de distances
Voici que je découvre
Tout ce qui faisait vous.
Et puis je vous oublie
Le plus fort que je peux
Je vous montre comment
Faire en moi pour mourir.
Et je ferme les yeux
Pour vous voir revenir
Du plus loin de moi-même
Où vous avez failli
Solitaire, périr.
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La lampe rêvait tout haut qu'elle était l'obscurité
Et répandait alentour des ténèbres nuancées,
Le papier se brunissait sous son regard apaisé,
Les murs veillaient assourdis l'intimité sans limites.
S'il vous arrivait d'ouvrir des livres sur des rayons
Voilà qu'ils apparaissaient avec leur texte changé,
Et l'on voyait çà et là luire des mots chuchotants.
Vous déceliez votre nom en désarroi dans le texte
Et cependant que tombait une petite pluie d'ombres
Métamorphosant les mots sous un acide inconnu,
Un dormeur rêvait tout bas près de sa lampe allumée.

(extrait de "Les amis inconnus") - p.178
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EN PAYS ÉTRANGER

Ces visages sont-ils venus de ma mémoire,
Et ces gens ont-ils touché terre ou le ciel ?
Cet homme est-il vivant comme il semble le croire,
Avec sa voix, avec cette fumée aux lèvres ?
Chaises, tables, bois dur, vous que je peux toucher
Dans ce pays neigeux dont je ne sais la langue,
Poêle, et cette chaleur qui chuchote à mes mains,
Quel est cet homme devant vous qui me ressemble
Jusque dans mon passé, sachant ce que je pense,
Touchant si je vous touche et comblant mon silence,
Et qui soudain se lève, ouvre la porte, passe
En laissant tout ce vide où je n'ai plus de place ?

(extrait de "Le Forçat innocent") - p.78
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Jules Supervielle
Ce qu'il faut de nuit
Au-dessus des arbres,
Ce qu'il faut de fruits
Aux tables de marbre,
Ce qu'il faut d'obscur
Pour que le sang batte,
Ce qu'il faut de pur
Au coeur écarlate,
Ce qu'il faut de jour
Sur la page blanche,
Ce qu'il faut d'amour
Au fond du silence.
Et l'âme sans gloire
Qui demande à boire,
Le fil de nos jours
Chaque jour plus mince,
Et le coeur plus sourd
Les ans qui le pincent.
Nul n'entend que nous
La poulie qui grince,
Le seau est si lourd.

Vivre encore
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Quelqu’Un

A pas subtils quelqu'un vient s'établir chez moi,
Il n'a pas de visage ni corps ni mains ni doigts
Mais il a beau être fluide il vient prendre possession
Et il plante là sa tente comme s'il avait un corps.
Il s'installe sans aucun droit de propriété
Ne faisant même pas attention à moi
Il fait comme chez lui et il me faut rester coi.
Le voilà qui s'empare de ma gorge et d'un genou
Me regardant dans les yeux pour savoir ce que j'en pense
Puis se détourne de moi. Tout est affaire de silence.
Vous vous y ferez, les mots c'est encore de la révolte
Quand celle-ci est dominée vous n'avez plus besoin de l'escorte
Du vocabulaire rampant
Et cependant
Le ciel est là qui cherche ses montagnes,
Et les monts cherchent la vallée,
La vallée près d'être en allée
Se ranime dans la campagne
Et devient à son tour montagne.
Le ciel cherche d'autres vallées.
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L'Oiseau

« Oiseau, que cherchez-vous, voletant sur mes livres,
Tout vous est étranger dans mon étroite chambre.
– J'ignore votre chambre et je suis loin de vous,
Je n'ai jamais quitté mes bois, je suis sur l'arbre
Où j'ai caché mon nid, comprenez autrement
Tout ce qui vous arrive, oubliez un oiseau.
– Mais je vois de tout près vos pattes, votre bec.
– Sans doute pouvez-vous rapprocher les distances
Si vos yeux m'ont trouvé ce n'est pas de ma faute.
– Pourtant vous êtes là puisque vous répondez.
– Je réponds à la peur que j'ai toujours de l'homme
Je nourris mes petits, je n'ai d'autre loisir,
Je les garde en secret au plus sombre d'un arbre
Que je croyais touffu comme l'un de vos murs.
Laissez-moi sur ma branche et gardez vos paroles,
Je crains votre pensée comme un coup de fusil.
– Calmez donc votre cœur qui m'entend sous la plume.
– Mais quelle horreur cachait votre douceur obscure
Ah ! vous m'avez tué je tombe de mon arbre.
– J'ai besoin d'être seul, même un regard d'oiseau...
– Mais puisque j'étais loin au fond de mes grands bois ! »
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Voyageur, voyageur...

Voyageur, voyageur, accepte le retour,
Il n'est plus place en toi pour de nouveaux visages,
Ton rêve modelé par trop de paysages,
Laisse-le reposer en son nouveau contour.

Fuis l'horizon bruyant qui toujours te réclame
Pour écouter enfin ta vivante rumeur
Que garde maintenant de ses arcs de verdeur
Le palmier qui s'incline aux sources de ton âme.
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La Mort des Etoiles

Elle passa comme un parfum de fleur d’automne.
J’espérais la revoir et ne la voyais plus ;
Mon cœur était lassé de ne trouver personne,
Mes yeux étaient lassés d’avoir été déçus.
Un soir, comme j’errais, pensif et rêvant d’elle,
Que je voyais au loin les plaines s’endormir,
Et les horizons roux devant la nuit grandir,
Et, comme le soleil, l’oiseau fermer son aile,
Dans l’ombre, j’effeuillais mes amours, lentement,
Et lorsque j’eus fini, je regardais derrière
Ce qu’il était resté de cet effeuillement
Des étoiles d’argent s’élevaient de la terre...
Mais, soudain, je la vois, d’un pas calme et serein,
S’avancer lentement, délicieusement lasse,
Je la vois... elle vient... de mon bras je l’enlace,
Elle ferme les yeux comme pour voir plus loin.
« Oh ! laisse-moi les voir, tes yeux bleus, dans la nuit.
On dit qu’il est des cieux où l’on ne saurait dire
Si l’azur qui commence est l’azur qui finit,
Mais je n’ai jamais vu, quand je les vois sourire,
Ni rien de plus profond, ni rien de plus lointain
Que l’azur de tes yeux, ni rien de plus intense,
Et lorsqu’on croit qu’il va finir, il recommence !...
Les larmes de tes yeux s’en viennent de bien loin.
Oh ! laisse.... Je voudrais les boire une par une,
Tes larmes, doucement, sous ces rayons de lune...
Viens... Viens... Ne veux-tu pas, dans le bois frissonnant
Où se perd la chanson que murmure le vent,
Nous promener tous deux auprès de l’étang pâle
Que reflète, songeur, le triste peuplier ?...
Par cette nuit si bleue, où toute fleur exhale
Son parfum le plus doux qu’elle sait le dernier,
Ne sens-tu pas neiger, en ton cœur, des étoiles ?...
La nuit n’a pas voulu vêtir ses sombres voiles,
Elle a voulu, ce soir, se vêtir de rayons...
C’est une nuit d’amour... Partons. La lune claire
Doit rêver des baisers qu’elle a vus sur la terre,
Viens... le rossignol chante en la forêt... Partons... »
Et la lune d’argent vit derrière une branche
Un couple d’amoureux qui passait lentement,
Et, frissonnant un peu du haut du firmament,
Elle continua sa route, calme et blanche...
Le lendemain matin, lors des premiers rayons,
Les amants enlacés dormaient dans un grand rêve,
Et le soleil radieux qui, dans les ors se lève,
Vit leur enlacement et caressa leurs fronts...
. . . . . . . . . . . .
Ses blonds rayonnements me trouvèrent heureux...
Mais je me rappelais mon rêve de la veille,
Ce rêve tant aimé, je voulais qu’il s’éveille !...
Les rêves qu’on atteint ne sont jamais si bleus...
Lorsque l’aurore naît des ombres de la nuit
On voit trembler la douce étoile qui s’enfuit ;
Aux rayons du soleil son éclat est plus pâle,
Elle s’efface et meurt comme un parfum s’exhale.
Mon rêve avait été comme l’étoile aux cieux,
J’avais cru qu’il serait au soleil plus radieux,
Mais il avait besoin, pour être, de ses voiles...
Les rayons du soleil font mourir les étoiles...
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