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Citations de Julien Blanc-Gras (528)


Aujourd’hui, on n’envoie plus de cartes postales. On poste sur Instagram. Une image et quelques mots, ouverts aux quatre vents. C’est le même principe, à une différence près. Le post sur les réseaux signifie « regardez moi ». La carte postale veut dire « je pense à toi ».
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« C’est l’histoire du prolétaire qui a gagné à la loterie des hydrocarbures. En une génération, on est passé de la piste à l’autoroute, de la tente aux gratte-ciel et du chameau à la Ferrari. Ce ne sont pas des métaphores à 2 pétrodollars : c’est exactement ce qui s’est passé. » 
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Dès 1977, l'actrice et militante française [Brigitte Bardot] se lance, au côté de Greenpeace, dans ce qu'elle appelle « le combat de sa vie ». Elle embrasse des bébés phoques sur la banquise canadienne, remue ciel et terre pour faire interdire leur chasse et obtient des résultats. Son lobbying auprès des institutions internationales fait chuter les exportations de peaux, affectant ainsi l'économie du Groenland, appauvrissant les gens, alors que le phoque n'est pas une espèce menacée. Bannir la chasse au phoque au Groenland, ce serait interdire aux Chinois de cultiver du riz. Dans un pays sans agriculture et sans industrie, la chasse et la pêche ont toujours été la base de la survie. Durant des siècles, les Inuits ont bâti une civilisation du phoque. C'est un pan de leur identité. Sans phoque, pas de nourriture, pas de vêtements, pas d'éclairage. Sans phoque, pas d'Inuits.
Mettons-nous dans la peau d'un Groenlandais. Votre île a été colonisée, votre culture disloquée, votre environnement souillé, et une actrice qui n'a jamais eu faim veut interdire une activité qui nourrit votre peuple depuis la nuit des temps. [...] Est-il besoin de préciser que Brigitte Bardot n'est pas très populaire au Groenland ?
(p. 83-84)

► https://www.youtube.com/watch?v=LPiLUWiYnW0
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Dieu n'est pas tout-puissant, voyons. Sinon, il ferait moins de conneries. Il ne nous contrôle pas. C'est une affaire d'interconnexion vitale entre lui et nous. Dieu est un gros bonhomme pataud, gaffeur. Sa santé est fragile : regardez son monde. Vu l'accélération de l'histoire des hommes, on peut affirmer sans crainte que Dieu est en pleine évolution. Peut-être est-il adolescent. Les guerres sont ses cauchemars. Hiroshima est une poussée d'acné. Le Flower Power son premier baiser. Si ça se trouve, Dieu n'a jamais tiré sa crampe. Le jour J, quand il caressera pour la première fois les seins doux et chauds de la déesse de l'amour, on verra une grande vague de bonheur déferler sur la création. Ce sera peut-être ça l'avènement du surhomme, Dieu devenant homme. Peut-être suis-je également, après mûre réflexion, un petit peu défoncé.
(p. 149-150)
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Pour les besoins de ce livre, j'ai dû faire des infidélités à 'Questions pour un champion' et passer du temps devant TF1. La chaîne diffuse 'Baby Boom', une émission plongeant dans les entrailles d'une maternité. La femme ne tient pas à la regarder, elle préfère éviter les images d'écartèlement pour le moment. De mon côté, je suis fasciné par le spectacle de l'humanité au moment N, dont les émotions sont à nu malgré les caméras.
Une grand-mère embrasse le téléphone quand son gendre lui apprend la bonne nouvelle (ça ne sert à rien, madame).
Un papa à dreadlocks, stéréotype de l'Antillais nonchalant, penché sur son nourrisson qui pleure : « Pourquoi tu cries comme ça, frère ? » (mais enfin, ce n'est pas ton frère, frère, c'est ton fils).
(p. 128)
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[en route pour la maternité]
La Femme souffre, elle ne panique pas. Pourtant, elle dérouille, dents serrées, agrippée à la ceinture de sécurité.
- Femme, j'aimerais plus que tout au monde prendre ta douleur pour te soulager.
- Ta gueule, roule.
- D'accord. Je t'aime.
(p. 166-167)
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"C'est le voyage qui nous fait.
Le chemin est la destination.
L'absolu est ailleurs.
[...] Je voyageais en cherchant un sens à ma vie ; et ça avait marché.
J'avais trouvé un sens à ma vie : j'allais voyager.
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[ à Oman ]
De retour en ville, je vais chercher de l'ombre sur la terrasse d'une gargote aux chaises en plastique. Quatre hommes me proposent tout de suite de me joindre à leur dîner. Ce sont des pêcheurs d'un village voisin, casquette de base-ball ou turban sur la tête, teint gorgé d'iode et de soleil. Ils sortent leur smartphone pour me montrer un gros thon pris dans leurs filets. Ils interpellent le serveur, qui m'apporte le poisson du jour. J'ai ensuite droit aux photos de leurs voitures. Une discussion de bonshommes, il ne manque que le football. Pour enrichir la conversation, je les interroge sur leur famille.
- Je me marie dans deux semaines, émet l'un d'eux.
Je le félicite, il grogne une réponse mono-syllabique. Manifestement, il n'a pas choisi sa femme - il est même possible qu'il ne l'ait pas encore vue - et l'idée de son mariage ne le transporte pas de joie. J'enchaîne sur ma propre famille. Je montre des clichés de ma compagne, de notre fils. Briser la glace. Ça marche à tous les coups. Sauf là. Ils détournent le regard, mal à l'aise. Je comprends que mon initiative est cavalière. Ici, on n'est pas censé voir les épouses des autres. J'ai fait un faux-pas culturel. Ces types m'accueillent chaleureusement et je les embarrasse. Ils ne m'en veulent pas ; ils sont gênés pour moi. C'est comme si je leur avais montré des photos de ma femme à poil, chose que je rechigne à faire en temps ordinaire.
(p. 175-176)
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J'étais installé dans l'auberge de jeunesse à deux pas de chez Joana. Un repaire de paumés. On avait un quinquagénaire qui faisait la vaisselle pour tout le monde. Au bout d'une minute de discussion, il racontait invariablement sa rencontre avec les extraterrestres. On avait un gros mauvais qui avait un avis péremptoire sur tout, notamment les différents complots menaçant le citoyen. On avait une militante écologiste pas épilée qui passait sa vie à manger des sandwichs au thon, ce qui vu sa gueule tenait du cannibalisme. Elle était un peu effrayante dans sa façon d'être véhémente. Elle hurlait « Propaganda » à chaque fois qu'elle allumait la télé et j'aurais pas été rassuré de voir des gens comme elle au pouvoir.
(p. 171)
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Je vais être un nouveau père, je compte bien être un "nouveau père". Si je fais un enfant, je le fais comme il faut. Partager les tâches et les dépenses me semble naturel. Ce n'est pas une position idéologique, juste une question de politesse. Les vieux machos ricanent quand les papas jouent à la maman. Ces jeunes, vraiment des gonzesses. Je ne vois pas en quoi torcher les gosses ferait de moi une maman. Ça fera de moi un parent.
Assister au cours de préparation à l'accouchement n'altérera pas ma virilité. Je fais la vaisselle et ça ne m'empêche pas de mettre une claque sur les fesses de la Femme quand elle passe à côté de mon bureau. En donnant le biberon, je serai un homme plus complet, plus total. Et je vais te dire un secret, camarade réactionnaire : ça plaît aux femmes.
(p. 74-75)
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Un jour, Eria a eu l'occasion de faire un voyage à Genève, où il a vu le jet du lac Léman : " C'est incroyable, ils peuvent se permettre de s'amuser avec de l'eau douce. " Il est sidéré par la Suisse, et choqué quand je lui apprends que la consommation domestique quotidienne aux États-Unis s'élève à 360 litres par personne. Le révérend me scrute pour s'assurer que je ne plaisante pas, avant de demander : " Mais ils en font quoi? "
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Il ne faut pas refuser l’hospitalité des locaux. Je le remercie, qujanaq, pour gagner quelques secondes.
Le chasseur attend. Je tergiverse. Mon cerveau bouillonne pour établir une stratégie de diversion. Je ne me vois pas glisser discrètement la viande dans ma poche et partir en sifflotant, l’air de rien. Je pourrais tenter « Ho regarde, derrière toi, une ours polaire. » avant de partir en courant, mais cette ruse est éculée chez les Inuits. Fuir à la nage ? Mort assurée. Non, je suis bel et bien coincé. Acceptons notre destin.
Je croque le foie [de phoque]. Mâche prudemment. La matière est spongieuse, gluante, salée, dégueulasse. Déglutition. Mon ami semble heureux.
Je fais appel à toute ma politesse pour dire ‘’mamaq’’ (qu’on peut traduire par « miam ») en levant le pouce, bien que mon for intérieur hurle « beurrrghk » (bruit de vomi). La beauté de l’échange culturel vaut bien un petit sacrifice stomacal.
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L'épanouissement sexuel n'est pas une grande cause nationale aux Kiribati. On se marie jeune et les unions arrangées sont encore courantes, question de rationalité économique. Traditionnellement, la mère du marié doit être présente dans la chambre lors de la nuit de noce, afin de s'assurer de la virginité de l'épouse. Je fais répéter pour être certain d'avoir bien compris, et j'essaie de visualiser la situation. Pensée émue pour tous ces jeunes gens qui ont dû se débrouiller pour bander devant leur maman lors de leur premier rapport sexuel. Une mine d'or pour la psychanalyse.
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On reproche souvent aux écrivains français de se focaliser sur leur propre nombril. Je vais me concentrer sur celui de la Femme.
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Mes grands-pères se sont battus, ont écrit [dans leurs carnets intimes] et se sont tus. Ils ont été héroïques et sont revenus à des petites vies modestes [après la 2e Guerre mondiale]. Sans la ramener. Eux qui ne disaient rien, nous qui parlons trop.
Nous parlons trop et on ne s'entend pas. Des enfants de colonisés, des petits-enfants de déportés, des arrière-arrière-petits enfants d'esclaves se livrent à une concurrence victimaire féroce qui crispe l'ensemble de la société. C'est une sale bataille où tout le monde perd. On préfère s'engueuler à propos d'hier plutôt que de construire demain. Si vous n'êtes pas d'accord, comparez les audiences des articles sur les polémiques mémorielles et de ceux traitant de l'environnement.
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[ Qatar ]
L'adultère est tabou ; il est toutefois répandu. Comment s'en étonner quand on ne se marie pas par amour ? Paradoxalement, l'infidélité féminine est facilitée par les tenues couvrantes. Il suffit de changer de sac et de chaussures pour se déplacer incognito. [...]
Lorsque le réel compte moins que l'apparence, une forme de double pensée se met en place. Je m'abstiendrai de jeter la pierre sur cette hypocrisie prioritaire. Toutes les sociétés ont besoin d'une dose de mensonge pour fonctionner. Les nôtres aussi. Il est simplement plus facile de remarquer l'hypocrisie chez les autres.
(p. 105-106)
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- Vous n'écrirez pas n'importe quoi, n'est-ce pas ? On a déjà eu de mauvaises expériences avec des journalistes européens qui ont donné de nous une image déformée.
Je comprends son inquiétude. Si la francophilie des élites est bien réelle, la réciproque n'est pas vraie. Les Qataris nous trouvent souvent ingrats et sont blessés par le Qatar bashing, sur l'air de « on investit votre argent chez vous et vous nous pourrissez, on fait la guerre à vos côtés en Libye et vous nous traitez de terroristes ».
Il faut s'imaginer à leur place. Ils connaissent bien mieux l'Occident que l'Occident ne les connaît. Pour la plupart, ils ont voyagé et étudié à l'étranger. Ils connaissent les valeurs des démocraties libérales, même si elles sont aberrantes à leurs yeux. Par exemple, le fait qu'un président de la République puisse ne pas être marié (et que sa compagne soit une femme divorcée qui porte toujours le nom de son ex-mari) relève pour eux de la science-fiction.
(p. 118-119)
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Du haut de ses 17 000 habitants, Nuuk [capitale du Groenland] est estampillée 'métropole arctique' par l'office du tourisme. [...] Nuuk est surtout célèbre pour ses barres d'immeubles en béton, aberration architecturale et saccage visuel, stigmates d'une politique de regroupement urbain entamée dès les années 1950 par les autorités danoises. Plus simple à administrer. Prenez un pêcheur dans un village au mode de vie traditionnel. Transplantez-le dans une cage à lapin pour en faire un chômeur urbain pourvu d'une télévision. Multipliez par quelques milliers. Récoltez les conséquences sociales et la réputation dégradée qui va avec.
Nuuk ne ressemble pas non plus au cauchemar que certains m'avaient décrit. La capitale est une gentille bourgade avec son port, ses artères bien tracées, son unique cinéma, ses fonctionnaires qui sortent du bureau pour faire un tour à la galerie marchande avant de rentrer dans leur maison colorée en saluant leur voisin.
(p. 21-22)
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En Nouvelle-Guinée, le père arapesh est encore plus impliqué : la tradition veut qu'il simule l'accouchement, pratique lui permettant de réinvestir sa masculinité, si l'on en croit l'anthropologue Margaret Mead, citée dans le beau livres 'Pères : Images de la paternité à travers le monde', qui me sert ici de source.
A contrario, près de Bandung, sur l'île de Java, le père quitte la maison quand l'accouchement se prépare car il ne doit pas entendre les premiers cris du bébé (ici, la tradition arrange bien les hommes qui peuvent se la couler douce pendant que bobonne enfante).
Dans le registre feignasse, le papa wayapi de Guyane remporte la timbale. Il passe trois jours vautré dans un hamac. Ainsi fragilisé, il attire à lui les forces maléfiques pour les détourner de la mère et de l'enfant affaiblis par l'épreuve de l'accouchement. Il assume son rôle de protection de la famille, tout en se ménageant la possibilité de descendre quelques bières pour la bonne cause.
(p. 139-140)
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Le pays le plus favorable aux femmes politiques ? On pense tous au Danemark ou une civilisation nordique, et en fait il s'agit du.... Rwanda.
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