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Critiques de Kate Reed Petty (126)
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True story

Rentrée littéraire 2021 #14



Une rumeur qui court dans un campus américain. Qui dit qu'après une soirée très arrosée, Alice aurait été abusée sexuellement par deux étudiants qui s'en sont vantés le lendemain lors du debriefing matinal de la fête. Elle ne se souvient de rien mais il faudra vivre avec, se reconstruire en ignorant ce qui lui est arrivé. Est-ce que seulement cela lui est arrivé ?



Pour raconter le pouvoir dévastateur d'une rumeur, Kate Reed Petty choisit de construire son récit comme un étrange kaléidoscope, à l'image de la mémoire fragmentée d'Alice depuis le traumatisme subi. Alternent ainsi des scénarios de films écrits par Alice et sa meilleure amie Haley, des brouillons de lettres de candidatures universitaires, des lettres d'Alice à Haley, mais aussi des chapitres à la première personne faisant porter la voix d'Alice et de Nick ( un des amis des supposés agresseurs ) et des chapitres à la troisième personne pour proposer le point de vue masculin de Richard et Max, ceux qui auraient agressé Alice. le récit brouille audacieusement les pistes façon puzzle pour démêler le vrai du faux jusqu'à un final surprenant qui donnera la clef.



Cette audacieuse structure narrative pourrait n'être qu'un exercice de style, virtuose mais creux. Ce n'est absolument pas le cas. Si quelques longueurs m'ont fait perdre le fil, si le dispositif tient l'émotion quelque peu à distance, Kate Reed Petty décortique brillamment la mécanique de la rumeur en montrant comment elle prend forme et est reçue, comment elle détruit tout sur son passage, victime comme bourreaux supposés, colporteurs et entourage, comment elle hante tout ceux qui la côtoient quelle que soit leur position initiale. L'occasion également de dresser le portrait cruel du monde universitaire, avec ses codes, ses meutes, ses marginaux et une pression exercée au nom de la réussite.



Le plaisir de lecture a été très cérébral , lié à la maitrise formelle de ce premier roman troublant et addictif, qui se joue des genres en toute liberté ( très proche du thriller psychologique ) et tient le lecteur en haleine en bousculant ses certitudes, sur les thématiques graves de la culpabilité, du harcèlement, de la place que nous accordons à la vérité et du mensonge dans nos vies. Il m'a manqué cependant de vibrer aux diapasons des personnages pour que le roman laisse une empreinte forte, je suis restée trop en surplomb de l'intrigue.
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True story

Entre " True story " et moi, ça partait bien : un sujet qui m'intéresse, une façon de raconter originale.

Oui, mais après quelques pages, cet aspect là m' a lassé, ennuyé. Les faits s'étalent sur trop d'années, trop de supports d'écritures. On a aucune linéarité, aucune fluidité. Des extraits de brouillons de candidatures pour rentrer à l'université recommencés sans cesse, des extraits de scénarios conçu par deux adolescentes, la vie d'Alice, celle d'Haley, celle de Nick , des entretiens enregistrés ... C'est long , très long .

Pourtant, tout partait bien entre True Story et moi...

Un lycée américain, des garçons qui font partie de l'équipe de crosse, qui comptent sur leurs résultats spotifs pour décrocher des bourses, des bonnes facs. Un soir, après une fête, deux d'entre eux raccompagnent une fille (Alice) très alcoolisée, chez elle. Plus tard , ils se vanteront de l'avoir sérieusement tripotée. Une de ses anciennes amies entendra cela, répetera cela, et Alice passera pour la fille violée sur une banquette arrière mais qui ne se souvient de rien. Nos champions démentiront, très soudés . L'un d'entre eux y perdra celle qui aurait pu devenir sa petite amie, par solidarité envers le groupe (masculin). Il y perdra aussi un peu de son innocence.

On les suivra des années 1990 jusqu'à 2015.

Mais pas forcément avec grand intérêt ...

Ce roman aurait mérité une lectrice plus patiente, mais c'est une "True story de lectrice, où grandes attentes et une grande maison d'édition, ne riment pas forcément avec "plaisir de lire".
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True story

Un roman malin et énervant.

Ca commence comme dans un film pour ados américain, avec la petite ville et son lycée, ses joueurs de la crosse qui se prennent pour des cadors, leurs hormones en folie, leurs fêtes alcoolisées... et les filles qui trinquent. Et puis, on suit quelques personnages à des périodes différentes, en se demandant "où veut en venir l'auteur ?".



Car Kate Reed Petty mélange les genres (mystère, autobiographie, horreur...) et formats (scenarii, brouillons de lettres, mails...) pour fabriquer un roman insaisissable, constitué d'un amas de pièces de puzzle qui ne s'imbriquent les unes dans les autres que dans les toutes dernières pages. Même si j'ai admiré l'audace de tels découpage et montage, je suis parfois restée perplexe devant leur utilité narrative.

Toutefois, j'ai apprécié la façon dont l'auteur aborde la "culture du viol" répandue dans les lycées américains, en dépassant les clichés des garçons-qui-sont-tous-des-violeurs et des filles-qui-l'ont-bien-cherché. L'intrigue sur laquelle repose son récit est bien plus subtile et pertinente que cela. Mais c'est également à ce niveau que le roman m'a semblé manquer de cohérence dans sa structure, Reed Petty s'éloignant parfois de son sujet pour nous égarer dans d'autres directions -et cela a fini par m'agacer. Car dans cette histoire, il est essentiellement question de mensonges, de manipulations et de mises en abîme, et les lecteurs ne sont pas épargnés.



C'est donc un roman intelligent, ambitieux, bien maîtrisé, et on sent que l'auteur l'a soigné et s'est fait plaisir en l'écrivant. Mais si ma lecture fut agréable, je n'ai pas apprécié d'avoir été "baladée" une fois le livre refermé ; ce qui démontre néanmoins le talent de Reed Petty.

(Et aussi mon degré de susceptibilité).
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True story

« Tout observateur du genre humain sait combien il est difficile de raconter une expérience de telle sorte qu'aucun jugement n'interfère dans la narration » (Georg Christoph Lichtenberg)





Alice termine sa scolarité secondaire dans un lycée privé américain. Non loin de là, les élèves de l'établissement public, aspirant au championnat de la crosse (1) passent le plus clair de leur temps à organiser fêtes, beuveries, sauteries, et dragues grossières.





Un soir deux adolescents sont accusés, au bruit d'une folle rumeur à laquelle ils ne sont pas étrangers, d'avoir abusé d'Alice au moment de la ramener, ivre, à son domicile.





Alice, depuis qu'elle est au collège, s'essaye, avec son amie Haley, à l'écriture de scenarii cinématographiques. Elle ne cessera, sa vie durant, marqué par cet évènement qui se serait produit, ou pas, de rechercher la vérité.





Il s'ensuit une quête permanente de celle-ci narrée aussi bien par la victime ainsi que d'autres protagonistes du roman, témoins directs ou indirects., sans que l'on sache, pas même la présumée victime, si l'évènement – le viol -, qui va marquer les personnages du récit, a eu lieu ou non.





Il conviendra d'attendre la toute dernière page pour comprendre la subtilité et l'originalité de l'ouvrage de Kate Reed Petty.





True Story, (Gallmeiter, 2021) dont le titre n'a pas été traduit, lors de sa parution en France, est le premier roman de Kate Red Petty.





Elle court, elle court la rumeur… Pour rendre compte de celle-ci, l'auteur utilise deux procédés audacieux, empreint d'un brin de folie, mais qui fonctionnent à merveille à raison de la quasi-totalité, et de la singularité et du machiavélisme à souhait de l'intrigue. Ces procédés littéraires renforcent, sans aucun doute, la qualité exceptionnelle de cette première fiction.





La première technique littéraire – il serait inopportun de la divulguer, même si l'on comprend assez vite. Il s'agit... . La seconde est qu'il s'agit d'un roman sous la forme de casse-tête, qui fait, cependant, l'économie de flash-backs, dont la compréhension se met petit à petit en place et qui contribue, au grand plaisir du lecteur, à une montée évidente de la tension et du suspense.





On ne peut d'ailleurs s'empêcher de faire le rapprochement entre la construction de cette histoire, sous forme de puzzle, et la désorganisation qui règne dans l'esprit d'Alice que l'on retrouve à chaque stade de sa vie, qui mélange, tous azimuts, ses passions cinématographiques adolescentes avec ses lettres de motivation afin d'intégrer une prestigieuse université.





L'autre particularité de fond de ce roman semble être le rapport de l'auteur au féminisme. On peut lire, ici et là, qu'il s'agirait d'un roman féministe sans autre forme de commentaires. le roman mérite cependant un meilleur approfondissement qu'un simple raccourci facile.





À l'heure où aux États-Unis et dans une partie de l'Europe, sous l'influence de minorité de néo-féministes minoritaires, mais néanmoins radicales, le roman de Kate Reed Petty prend le contre-pied de ce mouvement littéraire au profit d'un féminisme classique et raisonnable où la femme est l'égale de l'homme, sans affirmer « préférer des femmes qui jettent des sorts à des hommes qui construisent des EPR » ou de ces écrits narcissiques, de plus en plus nombreux et mal écrits, qui narrent les violences subies, ou pas, de ces femmes en quête de reconnaissance.





C'est un roman qui tranche et condamne définitivement tous les poncifs, insipides et égotiques de nombreux auteurs, autofictions et récits actuels.





L'écriture est irréprochable, autant que la traduction par définition. Simple, mais pas niaise ou maladroite et empruntée, tout en étant rigoureuse. Les qualités narratives de l'auteur sont exceptionnelles, alternant les différents modes de narration et de focalisation qui subliment à la fois la qualité de l'écriture que le fond du récit et, plus particulièrement, la tension de celui-ci.





À titre d'exemple, fait exceptionnel, l'auteur, par l'intermédiaire d'Alice, utilise parfaitement, lorsqu'elle propose sa voix à ses prétendus agresseurs, la deuxième personne du singulier (le "tu" de narration interne).





En résumé, c'est un roman subtil, intelligent et addictif comme rarement il m'a été permis d'en lire ces derniers temps.





Kate Red Petty réussit un livre remarquable qui autorise d'en espérer l'écriture rapide d'un deuxième.





Bonne lecture.





Michel.





1- La crosse est un sport collectif d'origine amérindienne où les joueurs se servent d'une crosse pour mettre une balle dans le but adverse… (Note du traducteur P. 27)


Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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True story

Alice est allée faire la fête à une soirée organisée par l'équipe de crosse du lycée public voisin du sien. Alice a dansé (beaucoup), Alice a bu (trop), Alice a été déposée chez elle ivre morte par deux des garçons... et Alice a été abusée sexuellement, enfin peut être, c'est ce que dit la rumeur qui court et s'enflamme dans le lycée jusqu'à ce que la police s'en mêle et que les garçons s'arrangent pour que l'affaire soit classée. Mais Alice ne se souvient de rien alors comment peut-elle se reconstruire quand elle ne sait même pas ce qui est vrai ou faux, quand elle doit se battre contre une histoire qui semble conditionner toute sa vie mais qu'elle ne maîtrise pas.



Quelle claque et quelle démonstration d'écriture et d'inventivité que ce True Story, premier roman d'une jeune américaine ! On est plongés tout de suite dans le drame qui fait la trame du roman avec le récit ultra réaliste des années lycée d'un des membres de l'équipe de crosse, ambiance campus américain, sport roi et équipe adulée à qui on passe tout, de bizutage en mauvais goût et de drague lourde en remarques misogynes. Voici qui ressemble fort à un (bon) roman d'apprentissage version US mais voici que le chapitre se clôt et hop, virage à 180 degrés, nous voici en train de lire et relire des lettres de candidature d'Alice à l'université, lettres plus ou moins réalistes, dans lesquelles elle évoque le traumatisme qu'elle a subi ou au contraire parle de sa passion pour les films d'horreur, lettres bouleversantes quand on comprend que pour être admise dans la fac de son choix elle a tout intérêt à cacher cet épisode et à raconter plutôt d'autres récits édifiants plus conformes à ce qu'on attend d'elle. Le roman fera ensuite encore plusieurs virages loopings nous prenant de court à chaque fois : quelques scénarios de films par ici, un récit façon film d'horreur faisant monter l'angoisse à la limite du fantastique, un autre décrivant une femme tombée sous la coupe d'un manipulateur de la pire espèce. Et c'est là que le roman trouve toute sa force : loin de nous perdre, ces changements incessants se répondent, se complètent, dressent petit à petit un drôle de puzzle dont on finit par comprendre les imbrications, dont on se surprend à s'écrier "ah mais oui bien sûr c'était lui" quand on réalise tout à coup que le personnage d'une des parties est en fait untel de la partie précédente. Un vrai petit bonheur de lecture qui fait appel à l'intelligence de son lecteur et qui m'a gardée captive jusqu'à la fin.



True Story est aussi un magnifique exercice littéraire, dans le bon sens du terme : loin d'être une simple démonstration formelle, l'auteure utilise les différents genres ou styles au service de l'histoire qu'elle veut nous raconter, refusant de se laisser enfermer dans une catégorie, nous prenant à contre pied et faisant preuve d'une inventivité assez jubilatoire. La force du roman est aussi de nous faire douter et nous interroger sur l'essence même de ce qu'on lit : alors que tout commençait par un récit hyper réaliste jusqu'à cette horrible rumeur (vraie ? imaginée ?), les différentes parties du roman jouent toutes sur l'ambigüité, le personnage vit-il vraiment les événements qu'il décrit ? Est-il en train de rêver ? Est-ce un énième écho de la rumeur qui a dévasté Alice et juste une histoire de plus que nous raconte la romancière ? Toutes ces interrogations trouveront leur réponse dans un final magnifique et surprenant qui clôt magistralement ce roman pas comme les autres.



Un livre que j'ai dévoré, intelligent, subtil et qui finalement nous interroge sur la relation qui nous lie aux livres et plus particulièrement aux romans : qui raconte des histoires et pour qui, pourquoi, quelle est la vérité dans tous ces récits. A découvrir, personnellement j'ai adoré !
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True story

Roman très actuel au regard des sujets développés, « True story » évoque de façon particulièrement convaincante les ravages que peut entraîner une rumeur (qu’elle soit fondée ou non) sur sa victime mais également sur son entourage.



Alice, étudiante américaine à l’université, aurait été violée par deux garçons lors d’une soirée très arrosée. Alors que les deux agresseurs s’en seraient vantés le lendemain matin, elle n’en garde aucune réminiscence. Mais est-ce que l’agression a-t-elle vraiment eu lieu ?



Ce premier roman de Kate Reed Petty est très troublant et déstabilisant du fait de l’absence de souvenirs et par la forme adoptée choisie par l’autrice. Cette dernière ne se contente pas de narrer l’histoire par la voix d’Alice ou d’un autre protagoniste en particulier mais ajoute des projets de scénario écrits par Alice et sa meilleure amie, Haley, des lettres d’Alice, des chapitres évoqués par les violeurs présumés. Même les différentes pièces prennent un format différent du texte de l’histoire. Bref, c’est tout un puzzle qui est mis sur la table et qui ne se terminera que dans les toutes dernières pages.



Portrait passé au vitriol des campus universitaires américains, les émotions sont mises de côté pour se concentrer sur le phénomène destructeur de la rumeur et de ce qu’elle engendre.



Certaines longueurs dans le texte ont fait que je n’ai pas pu m’attacher aux personnages ou en ressentir de l’empathie. La multitude de « pièces jointes » a fait que j’ai gardé une certaine forme de détachement vis-à-vis de l’intrigue.



Ce fût une bonne lecture certes mais avec quelques petits écueils qui ont fait que ce livre n’a pas trouvé sa place dans mes coups de cœur du mois.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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True story

Un livre d'horreur chez Gallmeister ? Non, un livre d'horreurs, nuance !



Dans True Story traduit par Jacques Mailhos, Kate Reed Petty nous plonge dans le quotidien de la jeunesse américaine insouciante, à l'image de la vie du jeune Nick : la fin du lycée et l'attente des acceptations en universités ; l'équipe de crosse, sport d'équipe aux valeurs mâles et collectives ; les fêtes régulières, et l'alcool, et les joints, et les filles…



Et un soir, une énième beuverie, un retour en voiture avec Alice, jeune fille ivre morte à moitié inconsciente sur la banquette arrière à côté de Richard tandis que Max conduit. Un geste de plus, un geste de trop. Une blague de garçons ? Un viol caractérisé.



« …Tout simplement un samedi soir sur la terre » aurait dit Cabrel, mais un acte nié dont les conséquences n'ont pas fini de hanter la vie d'Alice et de son amie Haley qui va vouloir en raconter l'histoire. Mais aussi à d'autres niveaux celle de Nick, de Max ou de Richard.



Ce livre est un livre d'horreurs, une plongée au coeur de la portée de nos actes et de la mesure différenciée de leurs conséquences, avec tout ce que cela comporte de courage ou de lâcheté, de compromission ou d'acceptation, de simples remords ou de réel pardon.



Mais si je l'ai aimé, je suis pourtant resté un peu spectateur de ce livre qui m'a parfois paru un peu confus, peut-être à l'image de la tempête incessante qui occupe la tête d'Alice ou à un autre niveau, celle de Nick. le style, mélange de récit choral, de mails et de théâtre, a probablement contribué à cette confusion, comme l'arrivée d'un twist final faisant basculer le livre dans un genre dont il aurait pu se passer.



Reste cependant une belle approche de la négation de l'évidence et de ce fossé qui sépare, encore, le regard des garçons et des filles sur la portée d'un même acte. L'horreur aurait-elle un sexe ?

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True story

La vie est un puzzle quand elle est racontée par différentes voix.



La vérité n’est jamais absolue, elle fluctue selon les perceptions, les narrations, les compréhensions.



Une simple rumeur peut forger, modeler ou détruire des vies. Directement, en cascade ou par ricochet.



Kate Reed Petty a mûri ce roman durant 10 ans, l’a écrit pendant 5 années. Une belle démonstration qu’il faut du temps et beaucoup de travail pour donner le jour à une histoire qui marque par son originalité et sa maîtrise. De celles qui laissent sans aucun doute une trace en mémoire.



L’histoire racontée est assurément moderne dans son message. Mais l’est encore davantage dans sa construction.



Roman féministe ? Oui et non. Oui, parce qu’il met en avant les dégâts que peuvent faire sur une vie les affaires d’agressions sexuelles. Non, parce que les victimes décriées, les possibles coupables montrés du doigts et les témoins impassibles mais pas insensibles, sont tous des voix à entendre et à écouter.



Le contexte joue beaucoup, une rumeur née dans le milieu étudiant aux USA, où la pression de la réussite est constante, écrasante. Où il est plus facile de parler de succès que de malheurs. A en engendrer le mal-être, l’auto-centrage et les dérives terribles.



Le livre permet d’entrer littéralement dans la tête des différents protagonistes. Mais pas d’une manière habituelle, oh non ! La primo écrivaine réussit l’exploit de proposer du neuf, et une narration étonnante et jouissive.



Elle joue avec les genres, les temps de conjugaison, les mots, les formes du récit… Toujours au service de l’histoire et des personnages, en aucun cas un simple exercice de style. Ces manières de raconter ont un but, une ambition, des intentions.



Voilà une intrigue qui joue de finesse, déstabilise. Aussi forte que ludique, aussi impressionnante qu’émotionnellement puissante, inventive au possible. Et pourtant, le sujet est universel.



Sur un thème grave, l’autrice n’oublie pas de s’amuser, et fait le pari qu’on peut rendre une lecture ludique, même sur une thématique difficile et des âmes brisées.



Elle alterne les narrations et manie les genres, avec un bonheur et un amour constant de l’écriture. D’un (long) passage à l’autre, on glisse du récit introspectif au thriller psychologique, du « roman de campus » au scénario de film, d’une lettre de motivation à la narration à la seconde personne du singulier.



Rien n’est gadget, tout fait sens si on se laisse porter, jusqu’au final qui donnera la clé ; inattendue. De l’art de faire confiance à l’intelligence de l’autre : le lecteur à l’auteur et vice versa.



Car rien n’est simple, jamais, dans la vie comme dans les (bons) romans. True story, pousse le lecteur au point de ne plus savoir faire la différence entre réalité et fiction, à coups de perceptions et de sensibilités personnelles, de faux-semblants et de non-dits. Des failles sur lesquelles se construire, se reconstruire. Se forger une identité. Et trouver sa voie (voix).



Et quelle belle manière de montrer comment raconter des histoires ! Qu’il y a mille façons de le faire, mille formes d’expression. Avec une écrivaine qui musarde entre les genres qu’elle aime clairement, flirtant avec le roman noir (elle cite des livres de Stephen King à de nombreuses reprises).



Le croisement des genres, c’est la liberté. Faire tomber les barrières mentales, c’est une richesse. Surtout quand la partition est jouée avec une telle subtilité.



En terme de construction narrative, True Story est l’un des romans les plus inventifs et surprenants qu’il m’ait été donné de lire depuis un moment. Sans jamais perdre l’histoire en route, même si elle se révèle protéiforme.



Kate Reed Petty est sacrément audacieuse à oser la mixité de styles, à travailler ainsi le fond et la forme, le propos et l’aspect ludique aussi. Sacrée découverte !
Lien : https://gruznamur.com/2021/0..
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True story

Avec True Story, Kate Reed Petty signe un premier roman impressionnant, insaisissable, qui montre avec finesse et un brin de machiavélisme les effets destructeurs, et collatéraux, de la rumeur.



L'histoire commence par un bel été 1999 où, à la suite d'une soirée particulièrement arrosée, une jeune fille, Alice Lovett, se fait raccompagner en voiture par deux membres de l'équipe de crosse du lycée. Ces deux ados, deux abrutis pour qui la notion de consentement (ou de respect de l'autre) est totalement étrangère, se vantent rapidement d'avoir abusé de la jeune fille endormie. La rumeur enfle et se répand, ruinant la vie d'Alice qui, de son côté, ne se souvient absolument pas de ce qu'il s'est passé… Comment faire le deuil de ce qu'il s'est passé et se reconstruire dans ces circonstances ?



Les années passent, plutôt difficilement pour Alice, qui ne se remettra jamais d'un traumatisme dont elle n'arrive pas à saisir les contours. Malgré les exhortations continues de sa meilleure amie, Haley Moreland, à écrire son histoire (« Si tu ne la laisses pas sortir, elle prendra le contrôle de ta vie »), Alice ne semble pas y parvenir. Tout comme les différents protagonistes témoins de l'histoire, à commencer par Nick Brothers, un joueur de crosse qui, ayant couvert ses amis agresseurs, voit la suite de son adolescence brisée, ou Haley Moreland, qui deviendra une ardente défenseuse de la cause féministe et des victimes de violences sexuelles, par le biais de ses films…



J'ai adoré ce roman brillant (que pourtant, j'avais emprunté à la bibliothèque moyennement convaincue ; j'adore ce genre de retournement de situation. Et c'est loin d'être le seul concernant cet ouvrage !) parce qu'il ne se trouve jamais où on l'attend. Tout d'abord, il a le mérite d'éviter le déjà-vu en se basant sur les conséquences postérieures de la rumeur, et non pas sur l'évènement en lui-même (le fait qu'il soit vrai ou faux n'est pas tellement important en soi, ne serait-ce que parce qu'il y a traumatisme pour la victime). On voit évoluer les personnages dans leur vie et c'est plutôt fascinant, bien que douloureux (dans tous les sens du terme) parfois.



Mais aussi parce que le roman joue sur plusieurs registres pour dérouler son histoire et c'est plutôt bien joué : tantôt roman de campus universitaire, tantôt confession, ou roman (thriller ?) psychologique, roman d'horreur, le lecteur ne sait jamais sur quel pied danser jusqu'à la fin, où les morceaux, qui parfois me semblaient un peu incongrus, prennent place. L'insertion de scripts de films d'horreur, rédigés par Haley et Alice dans leur adolescence, des multiples versions de la lettre de candidature à l'université écrits par Alice, poignants, sont très originaux et donnent un souffle agréable à l'intrigue, et la rendent un peu plus difficile à saisir, comme les reflets d'un miroir brisé.



J'ai également beaucoup apprécié le discours féministe qui sous-tend l'histoire (la reprise en main de leur histoire par les femmes, la volonté de l'héroïne de ne pas se laisser voir comme une victime), et j'ai aimé voir l'autrice maltraiter avec malice ses personnages masculins. Il y en a en effet bien peu, voire aucun, qui ait un comportement adéquat ni correct… le seul qui souhaite aller sur le chemin de la rédemption, Nick, s'en prend plein la figure, sans que cela soit toutefois fait gratuitement. La critique de la vision masculine adolescente de la femme, et des notions de consentement, du harcèlement, dans la partie « roman de campus » est également faite avec subtilité, par le dégoût provoqué par ces joueurs de crosse qui se croient tout permis. On regrettera peut-être un peu le soupçon de manichéisme dans les personnages, et de caricature dans les différents registres pour les singulariser les uns des autres, mais cela est largement oubliable grâce au talent de l'autrice. J'ai lu dans d'autres critiques que celle-ci avait mis 10 ans pour élaborer son intrigue, et la moitié en plus pour la rédiger ; j'espère qu'il ne faudra pas attendre autant de temps pour lire son prochain roman !

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True story

1995. Raccompagnée chez elle par deux lycéens au sortir d'une fête trop arrosée, Alice s'endort sur la banquette arrière. elle ne se souviendra de rien. Quelques heures après, les garçons ricanent, en présence d'Haley, amie d'Alice, du bon moment passé avec cette dernière sur la banquette arrière. Haley parle.

2015. De tous ces protagonistes, aucun n'a échappé à la rumeur qui a enflé. Où qu'ils soient dans leur vie, tous sont restés sur cette banquette.



J'aime bien les romans décousus, faits de pièces éparses et disparates, l'effet est souvent réussi. Mais ici j'ai eu la sensation qu'on atteignait aux limites du creative writing avec un assemblage qui, en dépit d'une tension efficacement maintenue, tient de l'artifice. Sans doute est-ce du au fait que j'ai eu du mal à croire à cette histoire, à intégrer les codes si "young American" du récit, et à m'apitoyer encore une fois sur une jeune femme victime des hommes - ce thème qui submerge la littérature américaine récente commence à me lasser.

Bref, pas convaincue par ce roman qui m'a semblé, comment dire, atypique dans le catalogue de Gallmesiter.
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True story

J’ai lu ce roman début juillet, avant que je parte en voyage, alors depuis mes souvenirs se sont un peu estompés et je m’excuse d’avance si ce que j’écris est peu constructif. Et puis j’ai toujours un peu de mal à écrire une chronique sur une lecture avec laquelle j’ai eu du mal…



J’ai pourtant commencé ce livre avec envie de l’apprécier, sincèrement. Le sujet de l’histoire m’intéressait, et la structure narrative était atypique et semblait intéressante. Pourtant… cela ne l’a pas fait pour moi. Le découpage du roman m’a déstabilisée et perturbée, et je n’ai pas vraiment réussi à m’y habituer. La lecture n’est absolument pas linéaire et je n’ai pas réussi à être embarquée par le récit. Il y a eu des parties où ça allait, mais pour être honnête, j’ai décroché à bien des moments…

Certaines parties sont très longues ; ce n’est pas forcément ce que je préfère. J’ai eu du mal à saisir un fil directeur à l’intrigue, à comprendre où l’autrice voulait aller. (Il faut attendre la fin pour cela, mais purée que c’est long…)

Le récit est atypique (le découpage des parties, les points de vue…), cela aurait pu être un bon point mais je ne suis pas rentrée dedans. Cette alternance Nick/Alice… je ne sais pas quoi dire là-dessus. Je ne me suis attachée à aucun des deux.



Le seul point que je trouve important de noter, c’est la fin. Cette chute à laquelle je ne m’attendais absolument pas m’a laissée bouche bée. Et oui, je trouve que la fin est bien ! Ce qui me frustre d’autant plus car je n’ai pas accroché à tout le restant de l’ouvrage, ce qui est bien dommage… ! Ça me fait un peu mal au cœur de mettre une note comme celle-là, parce que purée, la fin est quand même bien faite…!
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True story

1999 : un groupe d’ados américains, les hormones dans le tapis, cherchent les invitations à des fêtes de style « open house », peu importe les prétextes invoqués. Alcool, drogue et sexe doivent impérativement être au rendez-vous, dans l’ordre ou le désordre. Quinze ans plus tard, une jeune femme présente à l’une de ces soirées vit encore avec le souvenir nébuleux d’une agression sexuelle subie par deux garçons sur le siège arrière d’une voiture lors d’un raccompagnement tardif.

Kate Reed Petty a construit son roman sous forme de patchwork, assemblage divers de témoignages, de conversations, de scénarios et de rédactions scolaires autour de l’événement traumatisant vécu par ses personnages. Les agresseurs, la victime et leurs connaissances évoluent ainsi en parallèle de cette histoire, cristallisée au fil du temps, de manière différente, dans les esprits de chacun.

J’ai été déroutée plusieurs fois par le style littéraire du roman, doté d’une écriture à plusieurs niveaux, malheureusement pas toujours égaux. Certains passages m’ont agacée par leur piètre qualité.

Dans l’ensemble, j’ai trouvé cette histoire intéressante, même si on la retrouve souvent abordée dans les trames romanesques, le thème reste encore et toujours d’actualité.

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True story

Quel livre singulier !



Eté 1999, Alice lors d'une soirée est ramenée chez elle par deux adolescents passablement alcoolisés. Elle ne garde aucun souvenir de ce trajet sur la banquette arrière de cette voiture et cependant une rumeur se répand comme une trainée de poudre. Alice va devoir dorénavant vivre avec ce trou noir dans sa vie, avec cette question lancinante de savoir ce qu'il s'est passé ce soir-là, si elle est une victime ou non...



Sur ce postulat de départ, l'auteur nous livre un récit éclaté, un véritable exercice de style où la narration se décline de diverses façons : lettres personnelles, lettres de candidature à l'université (et tous ses brouillons...), mails, scénarios, récit à la première personne, à la troisième personne, utilisation du "tu" pour le personnage se racontant, retranscriptions d'entretiens...etc... des variations de style parfois étonnantes. Mais Kate Reed Petty ne joue pas seulement sur cet axe-là, elle propose des changements de temporalité, un focus sur les différents protagonistes et leur point de vue, ce qui donne un récit caméléon étonnant où la vérité de chacun s'inscrit dans une pièce d'un puzzle qu'Alice tente de reconstruire petit à petit. Il y a une vraie maitrise dans l'agencement de l'histoire avec une fin particulièrement bien trouvée qui met en abîme tout le roman.



Le thème est profond et parfaitement exploité, difficulté de se construire, culpabilité, colère, passage à l'acte. La rumeur prend toute sa dimension dévastatrice. Et pourtant si je reconnais la force du message, l'ingéniosité du récit, l'originalité de la forme, si j'ai été happée par certains passages (la relation d'Alice et Q), il m'a manqué une dimension essentielle à mes yeux pour en faire une très bonne lecture, l'émotion. Le récit déstructuré reste bien souvent froid, comme un récit mis à distance. Mais ce bémol très personnel mis à part, c'est une lecture très originale à découvrir.



Merci à Babelio et aux éditions Gallmeister.


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True story

Ce roman se perd dans des fausses pistes, multiplie les mises en abyme à tel point que l'auteure elle-même semble perdue. En outre, ce mélange hétéroclite d'e-mails non envoyés, de brouillons de dissertations adolescentes, de narration à la première puis à la troisième puis à la seconde (!) personne et de scenarii rend l'ensemble plus qu'indigeste et écrit dans un style nécessairement médiocre. Quant au message, il est aussi confus que le récit... (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/08/29/true-story-kate-reed-petty/)
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True story

Terrible lecture ! J’avais entendu parler de ce roman à la radio, et j’avais retenu qu’il s’agissait d’un roman sur les méfaits à long terme d’une rumeur… Tellement simpliste comme résumé ! Jamais je ne m’attendais à un roman aussi captivant, effrayant, stressant, étonnant ! Il est fascinant également par sa construction. On alterne entre récit, brouillons de lettres et scénarios de film, sans bien comprendre au départ où l’auteure veut aller. Certains passages sont réellement angoissants, on se croirait dans un thriller. D’autres sont plus simples à appréhender, les choses se mettent en place, on pense comprendre, puis de nouveau on s’égare, et cela jusqu’à la toute fin du roman. J’ai adoré !
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True story

Nick est en dernière année de lycée et l'une des stars de l'équipe de crosse de son école. L'équipe était connue pour organiser des fêtes légendaires sur le campus, et le lendemain d'une de ces fêtes, deux des joueurs ont commencé à se vanter d'avoir ramené chez elle une fille ivre et de l'avoir agressée sexuellement alors qu'elle était évanouie. Ces garçons ne voient rien de mal à ce qu'ils ont fait, voir le contraire. Mais lorsque la rumeur circule bien au-delà de l'équipe et que la police s'en mêle, l'histoire prend une autre tournure.

De son coté, Alice n'a aucun souvenir de ce qui s'est passé cette nuit-là - elle n'a que les rumeurs à accepter comme la vérité de ce qui s'est passé. Cette nuit-là hante Alice pendant des années et façonne sa vie entière.

Pendant la lecture de ce livre , j'étais parfois intriguée mais le plus souvent désorientée. L'auteur s'essaie à différents formats : mails, pages de scénario de film, dialogues un peu flous, différents points de vue...

Parfois, j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une histoire traditionnelle et d'autres fois, je me retrouvais dans le terrier du lapin d'Alice au pays des merveilles , ou il y avait de tout et n'importe quoi. Il y avait des moments où je me demandais "qui parle/qu'est-ce qui se passe et malgré tout mon attention, je n'étais pas captivée par ce que je lisais.

La seule partie que j'ai lue avec intérêt est quelque part au milieu du livre, où l'un des personnages rédige un essai universitaire. C'est drôle, triste, intéressant et ajoute beaucoup plus de profondeur au récit.

C'est vrai que le thème reste fort intéressant mais l'approche de l'auteure ne m'a pas touchée particulièrement et j'ai trouvé la fin encore pire que le reste.

Globalement, True Story est une lecture en dessous de la moyenne pour ma part, je n'ai pas accroché au style ni à la plume.
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True story

Le thème de la rumeur, finalement peu abordé dans la littérature cache un autre fléau dans ce livre : le poids de la parole des hommes.

Ici, il est question d'un lycée, d'une équipe réputée de crosse, d'une fille d'une école privée.

Puis tout s'enchaîne lors d'une soirée : l'ivresse, la colère, la rumeur...avérée ou non ? Vient ensuite la peur. Il est intéressant de suivre le parcours des différents protagonistes, tous liés à cette rumeur.

La construction du livre est très originale mais n'en est pas moins lassante : les brouillons, les synopsis, les notes sont pour moi trop longues. En outre, la narration est assez confuse. Il est toujours intéressant de varier les points de vue dans un roman, mais cela nécessite une justification plus pertinente que celle laissée à la fin. C'est donc un premier roman ambitieux dévoilant quelques fragilités.
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True story

En cet été 1999 dans une petite ville américaine de Virginie, la vie s'écoule paisiblement pour les lycéens.

Entre les matches de l‘équipe de crosse du lycée public des garçons, les fêtes ou plutôt beuveries dans lesquelles l'alcool coule à flot, et les joints, leurs seules préoccupations sont les filles et leurs demandes de bourse pour l'université.

Oui mais voilà qu'au cours de l'une de leurs fêtes, Alice une jeune fille qu'ils ne connaissent pas et qui fréquente le lycée privé de la ville s'enivre à tel point que Richard et Max deux des garçons la raccompagnent chez elle alors qu'elle est inconsciente.

Et puis en retrouvant les autres, Richard et Max se vantent de ce qu'ils auraient fait à Alice.

Mais qu'ont-ils fait au juste ?

Et de quoi se souvient Alice ?

C'est alors que la rumeur va prendre de plus en plus d'importance et que la vie de tous va en être irrémédiablement bouleversée.

15 ans plus tard, Alice essaie de savoir ce qui s'est passé.

Mais que s'est-il réellement passé ce soir-là ?

Entre les points de vue des différents protagonistes, True Story essaie de démêler les différents écheveaux de cette histoire.

Lorsque la rumeur est plus forte que tout, comment trouver la vérité ?

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True story

Il est possible que je ne sois pas tendre avec ce livre. C’est qu’il concentre bon nombre de procédés qui, s’ils sont à la mode, ne s’en trouvent pas pour autant à mes yeux justifiés. Et que ces derniers servent mal une intrigue elle-même extrêmement ténue.

Une variété de formats qui se traduit par autant de typographies différentes. Des scripts de scénarios enfantins, des brouillons de lettres de candidature dont certaines sont annotées de manière faussement manuscrites, des récits dont le narrateur change, des textes s’adressant à un mystérieux « tu », d’autres rédigés à la première personne et d’autres enfant en focalisation externe. Parfait pour illustrer les différents modes d’énonciation dans un cours de narratologie. Un peu moins efficace pour justifier la constance de mon intérêt. On a aussi le désormais coutumier découpage chronologique qui restitue la totalité de l’intrigue de manière hachée et en fonction des personnages prenant en charge le récit. Heureusement pour moi, le roman évite la surcouche consistant à mélanger les temporalités en plus des narrateurs, je crois que j’aurais, sinon, abandonné.

Et tout ce dispositif élaboré est mis au service d’une réflexion qui se devait d’être percutante et terriblement d’actualité pour un lectorat féminin à conquérir. Alors voyons, un sujet consensuel, avec beaucoup d’affects, englobant, non clivant mais engageant…. Quoi de mieux alors que le viol d’une lycéenne ? Avec ça, toutes les cases sont cochées sans peine.

Mais pour pimenter un peu la chose et montrer que c’est pas si simple et qu’on ne la lui fait pas, à l’auteur, on y ajoute une mise en abyme sur le pouvoir dévastateur des fausses rumeurs. Les fake news, tout ça, c’est hyper vendeur. Alors viol + fake news, vous pensez…

Et pour les plus exigeants qui auraient pu trouver l’intrigue un peu faiblarde, on ajoute un booster supplémentaire en interrogeant la véracité du livre dans son ensemble et en semant le doute quant à la réalité effective de tous ses personnages. Ca c’est fort ! On attend des stratosphères philosophiques, mine de rien !

C’est tellement fort qu’au bout du compte on a un dispositif extrêmement complexe et complètement daté qui ne sert pas à grand-chose sinon à soutenir une intrigue elle-même assez légère et complètement sapée de l’intérieur…

Du vent, en somme.

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True story

"Faits alternatifs", c'est dès l'investiture du président Trump que l'on a commencé à entrevoir les étranges rapports que l'on pouvait avoir avec la vérité qui se sont concrétisés avec le fameux "fake news", injonctions tonitruantes pour imposer son propre point du vue imprégné d'une certaine forme de déni pathologique. C'est également sous cette législature qu'a émergé cette terrifiante culture du viol sévissant notamment sur les campus universitaires, ceci d'ailleurs bien avant l'avénement trumpien. Muri durant une décennie et rédigé sur l'espace de cinq ans, on ne s'étonnera donc pas, dans un tel contexte, que True Story, premier roman de Kate Reed Petty, empoigne de manière assez magistrale ces deux sujets délicats où la vérité se dilue dans les méandres tumultueux de la rumeur d'un viol lors d'une soirée de lycéens qui embrase finalement l'ensemble de la communauté d'une petite ville typique des Etats-Unis. Vivant à Baltimore dans le Maryland et diplômée de l'université de Saint Andrew en Ecosse, on ne sait pas grand chose de Kate Reed Petty qui livre sur son site l'intégralité de ses nouvelles ainsi que les références d'une bande dessinée dont elle est la scénariste. Mais on s'intéressera davantage aux trois vidéos qu'elle a réalisées où l'on découvre sur l'écran d'un ordinateur l'élaboration de mails et des échanges ou commentaires qui s'ensuivent en nous donnant ainsi quelques clés quant à la mise en oeuvre d'un roman tel que True Story avec son style protéiforme si particulier.



Du côté de Barcelone, où Alice Lovett s'est retirée, l'histoire débute par ce rendez-vous manqué avec sa meilleure amie Haley Moreland qu'elle ne peut se résoudre à revoir. Il y a cette résurgence du passé qui la hante, cette soirée de l'été 1989 qui a dérapé avec deux adolescents ivres balançant cette terrible rumeur gangrenant toute la localité. Que s'est-il passé sur la banquette arrière de la voiture, alors qu'ils ramenaient Alice à la maison ? Elle n'en garde aucun souvenir. Pourtant, de la rumeur jaillissent accusations, dénis et faux-semblants s'enchaînant dans un tourbillon incontrôlable qui va marquer la jeune fille à tout jamais. Par le prisme de son point de vue, chacun façonne ses propres certitudes qui rejaillissent dans le présent. Mais qui détient la vérité et existe-t-il un moyen de réparer les erreurs du passé ? C'est autour du parcours des différents protagonistes que l'on pourra peut-être extraire de la rumeur l'indicible réalité qui se dilue dans le jugement des autres. De confrontations tendues en épreuves angoissantes, tous vont apporter leur pièce du puzzle que forme l'ensemble de cette histoire vraie.



True Story se présente sous la forme d'un impressionnant kaléidoscope narratif qui met en exergue la confusion émanant des rumeurs d'un viol dont la victime, Alice Lowett, ne conserve aucun souvenir, tandis que les auteurs, Richard Roth et Max Platt, nient toute implication dans une agression sexuelle à l'encontre de celle qu'ils prétendent avoir tout simplement ramené à la maison. Dénis, confusions, doutes, l'ensemble de l'intrigue se focalise donc sur les incertitudes d'un tel événement qui va bouleverser la destinée d'un quatuor de personnages impliqués de près ou de loin dans cette tragédie d'adolescents qui vont apporter chacun à leur manière un éclairage plus ou moins biaisé des événements. Ainsi, au gré des récits à la première, deuxième et troisième personne, des échanges de mails, des brouillons d'une lettre de motivation, des extraits des enregistrements d'un dictaphone et des scénarios ponctuant le roman, on saluera l'impressionnant travail de traduction de Jacques Mailhos qui parvient à restituer le cadre et l'atmosphère confusionnel se dégageant des différentes trajectoires des protagonistes du roman. Plus que des effets de style, ces formes de narrations multiples soulignent les points de vue des individus cantonnant dans leurs certitudes respectives à l'instar de Nick Brothers qui dépeint, l'air de rien, tout les mécanismes de la culture du viol et du déni qui en résulte par le prisme des soirées qu'il organise avec son équipe de champions, sur la base de thèmes graveleux qui ramènent les filles au rang d'objets, ceci sous le regard complaisant de leur coach qui n'a rien contre les bizutages dont les membres de l'équipe sont tous victimes. A l'opposé, on découvrira le militantisme de Haley Moreland, amie de la victime, qui aspire à dénoncer les faits à tout prix par le biais d'un documentaire, ceci afin de lutter contre cet état d'esprit dont elle est témoin et qui la révolte. Mais au delà du doute qui émane en permanence de l'intrigue, Kate Reed Petty souligne également le déni, ou plutôt la culture du silence du corps enseignant dont on prend la pleine mesure avec les différentes versions de la lettre de motivation d'Alice Lowett pour l'université, ponctuées des corrections de sa professeure l'invitant, de manière sous-jacente, à taire son expérience du viol dont elle a été victime, avec une version définitive expurgée qui ne fait qu'accentuer l'aspect poignant du récit.



Sans jamais forcer la dose, les différents aspects narratifs originaux de True Story soulignent ainsi l'incertitude de la vérité au gré d'un récit abordant à la fois avec intelligence et subtilité les aspects troubles des rapports entre adolescents, du drame qui en découle et de l'impact sur le cours de leurs existences respectives que Kate Reed Petty décline avec force de maîtrise et de virtuosité.



Kate Reed Petty : True Story (True Story). Editions Gallmeister 2021. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jacques Mailhos.



A lire en écoutant : This Mess, We're In de PJ Harvey (feat. Thom Yorke). Album : Stories from the City, Stories from the Sea. 2000 Universal Island Records Ltd.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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