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Citations de Laurent Binet (620)


Car voir, c’est penser. Le spectateur aussi doit mériter son tableau.
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Les nazis aiment brûler les livres, mais pas les registres. Efficacité allemande ?
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Le travail de l'entasseur ressemblait presque en tout point à celui des hôtesses qui vous placent au théâtre. Il menait chaque Juif sur un tas de corps, et lorsqu'il lui avait trouvé une place, le faisait étendre sur le ventre, vivant nu allongé sur des cadavres nus. Puis un tireur, marchant sur les morts, abattait les vivants d'une balle dans la nuque. Remarquable taylorisation de la mort de masse.
P 186-187
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Cette scène est parfaitement crédible et totalement fictive, comme la précédente. Quelle impudence de marionnettiser un homme mort depuis longtemps, incapable de se défendre ! De lui faire boire du thé alors que si ça se trouve, il n'aimait que le café. De lui faire enfiler deux manteaux alors qu'il n'en avait peut-être qu'un seul à se mettre. De lui faire prendre le bus alors qu'il a pu prendre le train. De décider qu'il est parti un soir, et non un matin. J'ai honte.
P 145
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C’est en vain que tu tends ton arc si tu ne sais pas où diriger ta flèche » – et moi je savais à cet instant ! Je déclenchais mon tir, et le carreau d’arbalète, suivant une trajectoire parfaite que mon esprit avait calculé et qu’une main invisible avait tracée dans l’air vint se ficher exactement entre ces deux yeux. Il bascula en arrière, le coup de feu se perdit dans le vide, et j’eus l’impression que la détonation me réveillait d’un long rêve d’une seconde.
Mais je n’avais pas rêvé. Je m’étais souvenu de la perspective. Et voilà de quoi je veux m’entretenir, Messire Michel-Ange, mon cher maître. Dans notre soif de trouver une nouvelle manière de peindre pour surmonter, ou plutôt pour contourner la perfection atteinte nos pères et la vôtre, celle de Raphaël et celle de Léonard…
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Car voir, c’est penser. Le spectateur aussi doit mériter son tableau. J’étais un sot, et si je le suis encore certainement, au moins incliné-je aujourd’hui à rendre justice à qui de droit : Florence, au mitan du XVIe siècle, était un creuset dans lequel bouillonnaient les passions tout autant qu’un terreau où fleurissaient les génies – et ceci, bien entendu, explique cela La manière, voilà tout !
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Je vais vous révéler un secret que vous connaissez peut-être, car il s'applique aussi à l'art de la guerre : ne jamais rejouer la même partie.
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Vous souvenez-vous de l'altercation qui avait opposé Cellini à Bandinelli ? Le second avait traité notre intrépide ruffian d'"infâme sodomite" devant Sa Seigneurie, en présence de toute la cour, l'empêchant de fermer les yeux comme Elle l'avait fait jusque-là.

L'impayable Benvenuto s'en était sorti par une boutade : "si seulement Dieu avait permis que je sois initié à un art aussi noble !"

Et de gloser sur une pratique supposément réservée aux dieux de la Rome antique, aux empereurs et aux rois, tandis que lui, pauvre avorton, n'était pas digne d'une chose si admirable.

La bouffonnerie avait été poussée si loin qu'elle dispensait de tout autre réaction qu'un éclat de rire général.
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Pleinement conscient des impératifs dictés par la raison d'état, et sans pousser jusqu'à lui être reconnaissant de l'avoir congédié et fait enfermer, Messire fransesco n'en tient pas rigueur à son maître. Nul n'ignore que les grands aussi ont leurs propres servitudes et nous autres de la patrie de Machiavel l'ignorons moins que quiconque.
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C'est la perspective qui permet de voir l'infini, de le comprendre, de le sentir. La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement l'axe du cône visuel, c'est l'infini qu'on peut toucher du doigt. La perspective, c'est l'infini à la portée de tout ce qui a des yeux. La perception sensible ne connaissait et ne pouvait connaître la notion d'infini, croyait-on. Eh bien, grâce aux peintres qui maîtrisent les effets d'optique, ce prodige a été rendu possible : on peut voir au-delà. Permettre à l'œil de transpercer les murs. Cette voûte en demi-cintre à Santa Maria Novella, tracée en perspective, divisée en caissons ornés de rosaces, qui vont en diminuant, en sorte qu'on dirait que la voûte s'enfonce dans le mur : trompe-l'œil, illusion sans doute, mais quelle merveille !
(p.244-245)
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Je vous avoue que j'aime de plus en plus cette jeune fille : sous les dehors d'une parfaite idiote, qui n'est que le caractère que l'on attend d'elle et le modèle auquel elle s'efforce de se conformer, se cache une intuition assez sûre de ce qu'est la malédiction d'être née femme, doublée d'une volonté de s'y soustraire qui nous sera bien utile, si les choses tournent en notre faveur.
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Quant à toi, tu as choisi ton camp, celui des grands, dont tu ne feras jamais partie. À défaut de clairvoyance, tu auras eu le courage de la traîtrise. Sans rancune, mon ami, je prie Dieu qu'il te protège et te donne la santé. Garde-toi bien, n'oublie pas de te retourner souvent dans la rue, ne t'approche pas trop des bords de l’Arno, et quand tu iras à la taverne, assure-toi qu'on ne verse pas quelque poison dans ton verre. Tu salueras tes nouveaux amis de ma part. Sois le chien de compagnie de ces gens, Battista, puisque telle est ton ambition. Je te souhaite qu'ils te jettent beaucoup d'os. Mais prends garde, et retiens bien ceci : la mort de Pontormo a montré qu'ils sont des loups entre eux. Es-tu vraiment sûr de vouloir t'asseoir à leur table ? Laisse-moi te donner un dernier conseil : reste un chien, et n'essaie pas de te faire loup. Personne ne devrait porter un costume pour lequel il n'est pas taillé.
De Marco Moro à Giambattista Naldini
(p. 170)
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...pour nous autres femmes, le scandale du monde est ce qui fait l'offense et, quoi qu'en dirait votre confesseur, si vous aviez la sottise de lui raconter votre aventure nocturne, ce n'est pas pécher que de pécher en silence.
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Catherine de Médisis à sa nièce Maria, fille de Cosimo de Médicis, duc de Florence:
Nous, femmes, sommes les pièces qu'on déplace sur l'échiquier des empires, et si nous ne sommes pas sans valeur, assurément nous ne sommes pas libres de nos mouvements. Votre devoir de fille de duc est d'obéir à votre père, votre devoir d'épouse sera de servir votre époux selon son plaisir en lui donnant des enfants en bonne santé.
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Laurent Binet
Nous, femmes, sommes les pièces qu'on déplace sur l'échiquier des empires, et si nous ne sommes pas sans valeur, assurément nous ne sommes pas libres de nos mouvements. Votre devoir de fille de duc est d'obéir à votre père, votre devoir d'épouse sera de servir votre époux selon son plaisir en lui donnant des enfants en bonne santé.
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Pendant dix ans je suis traitée de tripe sèche par mes ennenis parce que je ne parvenais pas à donner un héritier au nouveau Dauphin et je vécus chaque instant dans la terreur d'être répudiée. Devenue mère puis reine, je n'en fus pourtant pas quitte des injures. Les Français, qui n'aiment les Italiens que peintres ou inventeurs , n'ont jamais cessé de me traiter en étrangère, tandis qu'ils considèrent la favorite d'Henri, ma cousine la duchesse Diane, comme la véritable reine […] Mais c'est moi pourtant qui ai assumé la régence quand Henri est parti faire la guerre dans les Flandres, moi et moi seule qui ai assuré l'approvisionnement des armées françaises, sans quoi les troupes impériales auraient marché jusqu'à Paris. La petite orpheline de Florence a sauvé le royaume de France.
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Cette histoire possède un point aveugle qui est aussi son point de départ : le déjeuner de Barthes avec Mitterand. C’est la grande scène qui n’aura pas lieu. Mais elle a eu lieu pourtant… Jacques Bayard et Simon Herzog ne sauront jamais, n’ont jamais su ce qui s’était passé ce jour là, ce qui s’était dit. À peine pourront-ils accéder à la liste des invités. Mais moi, je peux, peut-être… Après tout, tout est affaire de méthode, et je sais comment procéder : interroger les témoins, recouper, écarter les témoignages fragiles, confronter les souvenirs tendancieux avec la réalité de l’Histoire. Et puis, au besoin… Vous savez bien. Il y a quelque chose à faire avec ce jour là. Le 25 février 1980 n’a pas encore tout dit. Vertu du roman : il n’est jamais trop tard.
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Voici un extrait de la page 335, dans une lettre de Michel-Ange à Giorgio Vasari.
« C’est la perspective qui permet de voir l’infini, de le comprendre, de le sentir. La profondeur sur un plan coupant perpendiculairement l’axe du cône visuel, c’est l’infini qu’on peut toucher du doigt. La perspective, c’est l’infini à la portée de tout ce qui a des yeux. La perception sensible ne connaissait et ne pouvait connaître la notion d’infini, croyait-on. Eh bien, grâce aux peintres qui maîtrisent les effets d’optique, ce prodige a été rendu possible : on peut voir au-delà. »
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Très cher ami Messire Giorgio, plus j'y songe et plus je pense que la clé du mystère est dans ce tableau de Vénus et Cupidon. Pourquoi avoir remplacé la tête par celle de la fille du Duc ? En dépit de ce que j'en ai moi-même jadis dessiné le modèle, sans autre intention que de montres la beauté de l'Amour mais aussi ses dangers et ses pièges, je ne peux ignorer que cette substitution trahit une intention provocante et hostile à l'égard de la famille ducale, car je me doute que la jeune Maria, qui ne doit pas avoir plus de dix-sept printemps et que son père songe sans doute à marier, n'a que peu à voir, au physique comme au moral, avec ma Vénus lascive et épanouie. D'autre part, je vois mal le brave Pontormo se découvrir un goût vicieux pour les jeunes vierges à soixante ans passés. Je pense que ce n’est pas la fille mais le père qui est visé dans cette peinture. Mais pourquoi donc Pontormo en aurait-il voulu à son protecteur et bienfaiteur, pour lequel il donnait tout son labeur depuis plus de dix ans, et en vérité depuis près de vingt? y a un mystère que je ne m'explique pas. Vous qui avez vu le tableau, avec votre œil de peintre confirmé, n'avez vous repéré aucun indice? En admettant que Naldini ait dit vrai sur la visite nocturne d’une femme encapuchonnée, que pouvait-elle bien vouloir, sinon quelque chose en rapport avec ce tableau? Et qui d'autre que le Duc ou sa famille aurait pu se sentir offensé d’un tel tableau? p. 66
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Faites donc la liste des personnes, sans en écarter aucune, qui auraient pu ou voulu tuer Jacopo (ou bien, encore mieux, les deux ensemble). Si je vous ai bien suivi, nous avons l’ouvrier Marco Moro, dont je ne peux rien vous dire car je ne le connais pas, l'apprenti Battista Naldini, que je connais pour l'avoir employé comme professeur de dessin aux Innocents et qui ne m'a jamais causé le moindre tracas, notre ami Bronzino (aussi invraisemblable que paraisse cette supposition, forçons-nous à la considérer), la Duchesse (ne protestez pas, il s’agit là d’un exercice de l'esprit, rien de plus), et la femme mystérieuse qui est venue chez Jacopo en son absence (d’après Battista). Rajoutons même le Duc, pour que vous ne puissiez pas me reprocher d’être incomplet! En vérité, tous ceux qui étaient alors à Florence auraient pu commettre ce crime, n'est-ce pas ? Mais un seul y a trouvé un intérêt assez puissant pour mettre son projet à exécution. De quelle nature était cet intérêt ? C’est ce que nous devons découvrir. p. 64
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