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Citations de Laurent Binet (620)


12. Éléonore de Tolède, duchesse de Florence, à Cosimo de Médicis, duc de Florence

Florence, 8 janvier 1557

En vérité, sa mort est une bénédiction divine. Malheur à celui qui néglige les signes du Tout-Puissant ! Si ces fresques étaient seulement obscènes, je pardonnerais peut-être à votre complaisance, puisque votre naissance ne vous a pas formé au goût espagnol de la chasteté et de la bienséance, mais vous ne pouvez pas ignorer qu'elles sentent l'hérésie à douze lieues. Tout cela pue son Juan de Valdès, autant dire son Luther !
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9. Giorgio Vasari à Vincenzo Borghini

Florence, 7 janvier 1557

Cela ne ressemble pas au Pontormo qui recommençait sans cesse son ouvrage, reprenant tout, jamais satisfait, à la recherche d'une perfection qui n'existait sans doute que dans ses rêves. Il ne pouvait pas ignorer qu'en repeignant sur une peinture déjà sèche, la trace du raccord serait visible pour des yeux avertis, comme un cataplasme sur un membre blessé. Jamais le Pontormo que nous connaissons ne l'aurait toléré.
Pour embrouiller encore toute cette affaire, un autre élément est venu s'ajouter : un certain jour du mois dernier, une femme est venue chez Pontormo alors qu'il était absent.
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L’honneur repose uniquement sur l’estime du monde, et c’est pourquoi une femme doit user de tout son talent pour empêcher qu’on débite des histoires sur son compte : l’honneur, en effet, ne consiste pas à faire ou ne pas faire, mais à donner de soi une idée avantageuse ou non. Pêchez si vous ne pouvez résister, mais que la bonne réputation vous reste.
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Ce qui est bien avec Laurent Binet , c’est qu’après sa lecture on a l’impression d’être moins bête , qu’on découvre une nouvelle facette de grandes périodes historiques ( 3eme Reich , les conquistadors , et maintenant le seizième siècle florentin . Connaître Florence aide sans doute à se retrouver plonger dans cette époque perché sur l’épaule de génies de la peinture . Un régal dans le style et dans le scénario . Mon seul petit bémol : la forme épistolaire qui sur l’ensemble d’un roman me semble un peu factice et hacher un peu de déroulement du récit .
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2. Giorgio Vasari à Michel-Ange Buonaroti

Florence, 2 janvier 1557

Vous voyez tout ce que cette histoire peut avoir de déplaisant, et pourquoi le Duc a tenu à en confier la résolution à un homme de confiance, faisant, dans le même temps, circuler la rumeur que le pauvre Jacopo avait mis faim à ses jours en raison de l'extrême mécontentement de lui même dans lequel il était tombé. Il n'en demeure pas moins que tout ceci me laisse dans un épais brouillard, pour quoi je me permets, afin de démêler les fils embrouillés de cette ténébreuse affaire, de solliciter votre grande sagesse dont je sais qu'elle égale presque votre talent et concourt pleinement à votre génie.
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En revanche, je me suis dispensé de notes de bas de page, qui ont l'avantage de mettre en valeur l'érudition de celui qui les rédige mais l'inconvénient de ramener le lecteur au présent de sa chambre. Or, et c'est là tout ce que vous devez savoir : l'histoire se déroule à Florence , au temps de la onzième et dernière guerre d'Italie.
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Après tout ,il n'y a qu'une seule chose noble ici-bas, et c'est le dessin. L'homme , lui, n'est qu'une tache qui pâlit sur un un mur
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Le temps ne rendra justice à personne. Les hommes de demain ne vaudront pas mieux que ceux d'aujourd'hui. Tout sera détruit. Pour finir, il ne restera rien de nous que cendres et ruines.
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La cervelle des jeunes gens est comme du sable. On s'y enfonce en voulant la pénétrer.
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Le spectateur aussi doit mériter son tableau. J'étais un sot, et si je le suis encore certainement, au moins incliné-je aujourd'hui à rendre justice à qui de droit : Florence, au mitan du XVIème siècle, était un creuset dans lequel bouillonnaient les passions tout autant qu'un terreau où fleurissaient les génies - et ceci, bien entendu, explique cela. La manière voila tout !
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Messire Strozzi m’a un peu expliqué votre affaire : il s’agit donc d’aller dérober un tableau au coeur même de la Seigneurie, dans la propre garde-robe du Duc, là où celui-ci passe plusieurs heures par jour, au milieu d’une foule de gens et de gardes, puis de sortir le tableau du Palais et de lui faire franchir en secret les portes de Florence pour l’expédier à Venise ? C’est parfait.
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Vous voyez tout ce que cette histoire peut avoir de déplaisant et pourquoi le Duc a tenu à en confier la résolution à un homme de confiance, faisant, dans le même temps, circuler la rumeur que le pauvre Jacopo avait mis fin à ses jours en raison de l’extrême mécontentement de lui-même dans lequel il était tombé. Il n’en demeure pas moins que tout ceci me laisse dans un épais brouillard, pour quoi je me permets, à afin de démêler les fils embrouillardés de cette ténébreuse affaire, de solliciter votre grande sagesse dont je sais qu’elle égale presque votre talent et concourt pleinement à votre génie.
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Brunelleschi découvrant les lois de la perspective, c'est Prométhée volant le feu Dieu pour le donner aux hommes. Grâce à lui, nous avons pu, non pas seulement enluminer des murs comme jadis Giotto avec ses doigts d'or, mais reproduire le monde tel qu'il est, à l'identique. Et c'est ainsi que le peintre a pu se croire l'égal de Dieu : désormais, nous pouvions, nous aussi, créer le réel.
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Souvenez-vous des leçons du sage Marsile Ficin : c'est la vérité qui rend heureux. Je ne doute pas que vous prendrez en compte mes modestes recommandations car celui qui conseille ce qui est juste persuade plus aisément et heureusement.
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S'y ajoute la pitié que j'éprouve pour ce malheureux Pontormo. Ce n'est pas que je l'aie si bien connu, l'ayant peu côtoyé, car je suis à Rome depuis trop longtemps, mais enfin, je ressens pour lui, aujourd'hui plus que jamais, une sympathie profonde, car j'ai l'impression que nous partagions un même caractère solitaire et tourmenté, et que, tout comme moi, il mit toute son ardeur dans son art, pour la plus grande gloire de Dieu.
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28.Michel-Ange Buonarroti à Giorgio Vasari

Rome, 23 janvier 1557

Très cher ami Messire Giorgio, plus j’y songe et plus je pense que la clef du mystère est dans ce tableau de Venus et Cupidon. Pourquoi avoir remplacé la tête par celle de la fille du Duc ? En dépit de ce que j’en ai moi-même jadis dessiné le modèle sans autre intention que de montrer la beauté de l’Amour mais aussi ses dangers et ses pièges, je ne peux ignorer que cette substitution trahit une intention provocante et hostile à l’égard de la famille ducale, car je me doute que la jeune Maria, qui ne doit pas avoir plus de dix-sept printemps et que son père songe sans doute à marier, n’a que peu à voir, au physique comme au moral, avec ma Vénus lascive et épanouie. D’autre part, je vois mal le brave Pontorno se découvrir un goût vicieux pour les jeunes vierges à soixante ans passés. Je pense que ce n’est pas la fille mais le père qui est visé dans cette peinture.
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J’ai bien reçu votre petit traité de peinture et, pour mon malheur ou le vôtre je l’ai lu. Ludovico Dolce est un con, et vous n’aurez pas mon tableau. Dites à la reine que je regrette, mais je me sens si gravement i-offensé par votre manque de confiance que j’aime mieux le détruire plutôt que d’en confier les commentaires à un Vénitien abruti qui préfère Raphaël à Michel-Ange.
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Après tout, il ne sera pas dit que je ne sais pas me repentir.

J'avais des vues très arrêtées sur Florence et les Florentins : gens raisonnables, bien élevés et bien polis, aimables même, mais dénués de passions, inaptes au tragique et à la folie. Parlez-moi de Bologne, de Rome ou de Naples ! Pourquoi donc (pensais-je) Michel-Ange avait-il fui sa patrie pour ne jamais y revenir ? Rome, qu'il a pourtant vilipendée toute sa vie, était l'écrin qu'il lui fallait. Et les autres ? Dante, Pétrarque, Vinci, Galilée ! Des fuyards et des exilés. Florence produisait des génies, puis les chassait, ou ne savait comment les retenir, et voilà pourquoi elle avait cessé de briller depuis son glorieux Moyen Age. Je voulais revivre au temps des guelfes et des gibelins, mais guère au-delà car je pensais que, passé, mettons, 1492 et la mort du Magnifique, tout s'était éteint là-bas. Le moine Savonarole n'avait pas seulement tué la beauté en intimant à Botticelli de brûler ses toiles. Il avait épuisé le goût de l'idéal en réduisant l'idéalisme à son Fanatisme borné,

Après le départ de Léonard et celui de Michel-Ange, que restait-il ? Ou plutôt qui ? Je faisais peu de cas des Pontormo, des Salviati, des Cigoli, et Bronzino me semblait trop sec et trop froid, avec ses teints de porcelaine et sa manière dure. Aucun de ces maniéristes, selon moi, ne pouvait souffrir la comparaison avec n'importe qui de l'école de Bologne, et je me moquais de Vasari qui nous avait si bien vendu ses peintres florentins. Quant à moi, j'idolâtrais Guido Reni, dont j'estimais qu'il avait porté la beauté au point le plus élevé parmi les hommes. Je pouvais rendre aux Florentins qu'ils savaient dessiner, mais je leur reprochais leur manque d'expression. Tout était trop sage, trop lisse. Au fond, je leur préférais de loin n'importe quel Hollandais !

Eh bien, j'avais tort, je le confesse, et il fallut les circonstances que je m'en vais vous conter maintenant pour tirer de mon aveuglement. Car voir, c'est penser. 

(INCIPIT)
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"J'ai 44 ans, Ça signifie que j'ai survécu à Alexandre, mort à 32 ans, à Mozart, mort à 35 ans, à Jarry, 34, à Lautréamont, 24, à Lord Byron, 36, à Rimbaud, 37, et tout au long de la vie qui me reste, je dépasserai tous les grands hommes morts, tous les géants qui ont fait leur époque, ainsi, si Dieu me prête vie, je verrai passer Napoléon, César, Georges Bataille, Raymond Roussel..."
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Qui n'a jamais pris en flagrant délit un ami, un parent, un collègue de bureau ou un beau-père en train de répéter quasiment mot pour mot l'argumentaire qu'il aura lu dans un journal ou entendu à la télé, comme si c'était lui qui parlait en son nom propre, comme s'il s'était approprié ce discours, comme s'il en était la source et n'était pas traversé par lui, reprenait les mêmes formules, la même rhétorique, les mêmes présupposés, les mêmes inflexions indignées, le même air entendu, comme s'il n'était pas le simple médium par lequel la voix différée d'un journal répétant lui-même les propos d'un homme politique qui lui-même avait lu dans un livre dont l'auteur, et ainsi de suite, la voix, disais-je, nomade et sans origine d'un locuteur fantôme s'exprimait, communiquait, au sens où deux lieux communiquent l'un avec l'autre par un passage.
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