AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Laurent Mauvignier (1002)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Histoires de la nuit

La vengeance est dans le pré.

Huis clos au milieu de nulle part, enfin nulle part pas vraiment car nulle part n’existe pas, nulle part correspond à un ailleurs pour ceux qui y habitent – nulle part est donc un lieu commun pour dire que l’action se situe à la campagne, dans un trou perdu – pas perdu pour tout le monde puisque va s’y dérouler une séquestration plus haletante que ma phrase interminable, mais que voulez-vous j’ai été contaminé par l’écriture pour apnéiste de Laurent Mauvignier qui détaille chaque idée jusqu’à l’atome, disséquant chaque émotion pour ne laisser aucun reste, écrivant au ralenti l’action de l’inaction, chaque seconde dépassant son temps imparti par l’horloge et j’arrête là pour vous laisser reprendre votre souffle.

Une fois habitué aux phrases sans fin, j’ai fini par ne plus me soucier de ce style et je me suis inventé ma propre ponctuation de lecteur au souffle court qui s’endort en regardant le Grand Bleu, pour suivre cette histoire où trois patibulaires s’invitent chez les habitants du morne et paisible lieu-dit des Trois Filles Seules. Au casting des otages, les époux Bergogne, couple mal assorti, mari agriculteur bourru et épouse belle citadine, leur fille Ida, ainsi que leur voisine, une artiste en préretraite culturelle, retirée du monde des vaines mondanités.

Au fil des pages, j’ai compris que la lenteur du récit n’avait pas pour seul but de remplir le cahier des charges souvent élitiste des Editions de Minuit, mais de créer une tension permanente pour rendre palpable la peur et les émotions des protagonistes. Le moindre geste subit ici une autopsie. C’est l’inverse d’un scénario et je dois avouer que ce thriller de 640 pages m’a pris aussi en otage. Moi qui goute les phrases chocs, la citation définitive, la rime impitoyable, je me suis laissé séduire par cette prose interminable qui ne semble jamais sure d’elle-même.

Ne dévoilant les mobiles des sales types qu’à dose homéopathique, le lecteur rentre dans la vie et la tête de tous les personnages. On y fréquente des traumatismes, le poids du passé, des frustrations et des complexes, on franchit le péage des non-dits. Nous avons affaire à des taiseux. L’introspection est une religion, les mots ont du mal à sortir mais l’auteur parvient à donner corps à ces êtres de friction..., complexes et torturés, thriller oblige.

Laurent Mauvignier, comme Serge Joncour, dans Nature Humaine, s’intéresse ici aux ruraux, à ceux qui vivent à l’extérieur des rocades et des périphériques. Il nous oblige à mettre le cligno, à sortir de la départementale éclairée aux étoiles, à stationner dans un de ses patelins déserts à la recherche de vrais gens. Il s'emploie à filmer leur solitude, leur rapport parfois douloureux à la modernité.

Si Serge Joncour a fait le choix de raconter 30 ans d’histoire vu de la campagne, Laurent Mauvignier concentre son récit sur une seule journée, avec pour apothéose une soirée d’anniversaire ratée qui vire au grand déballage, à l’expression d’une vengeance préméditée.

L’action est linéaire mais construite comme une course de relais où chaque personnage se passe le témoin pour s’emparer de la narration.

La violence inhérente au genre n’est pas noyée dans le récit. Elle est bien présente, froide et réaliste, ni épicée à la sauce hollywoodienne, ni intellectualisée à outrance. Elle fait office de ponctuation. Point final.





Commenter  J’apprécie          20519
Histoires de la nuit

Un tour de force que ce remarquable huis clos oppressant et exigeant en matière de style. Dans ce roman crépusculaire lentement monte l'angoisse et insidieusement s'installe la menace. Les éléments de réponses sont livrés au compte-gouttes et l'intrigue s'étale sur près de 640 pages de la découverte de lettres anonymes au spectaculaire, cauchemardesque et très cinématographique final où tout s'accélère. La trame pourtant simple et la « mise en scène » minimaliste sont portées par une cadence particulière, un rythme ralenti (qui ne plaira sans doute pas à tous malheureusement), un style très visuel et sensoriel qui détonne dans la production littéraire actuelle avec ses phrases longues, peu ponctuées qui déferlent dans un torrent de mots et un vortex de détails obligeant le lecteur à reprendre son souffle et où se mélangent efficacement monologues intérieurs, dialogues, pensées, ressentis, séquençages de gestes et descriptions fournies. L'âme humaine et la psyché sont disséquées minutieusement. L. Mauvignier taille les failles de ses personnages, creuse autour de leur solitude pour mieux les mettre en relief. Il étire le temps, freine les mouvements, diffuse le suspense, accroît l'inquiétude et joue avec nos nerfs. Tout débute dans le hameau isolé d'une campagne désertifiée « l'Ecart des trois filles seules...un fantôme sur une carte IGN ». Trois bâtisses se dressent : une à vendre, inhabitée, puis celle de la famille Bergogne avec Patrice un terrien renfrogné aux allures frustes mais en réalité serviable et sentimental, sa mystérieuse femme Marion dont il est fou amoureux et leur jeune fille Ida. Ils ont comme voisine et amie Christine, 69 ans, une artiste peintre néorurale « exubérante et barrée » ayant fui Paris et ses excès. Alors que s'organise l'anniversaire de Marion l'intrusion de trublions revanchards perturbe le calme apparent...L'écrivain n'a pas son pareil pour exprimer les non-dits, les frustrations et les difficultés de communication. Dans ce roman polyphonique concentré en un seul lieu sur une seule journée chaque protagoniste livre sa vérité jusqu'au chaos final. Une formidable aventure littéraire que ce roman qui se démarque et qui marque.
Commenter  J’apprécie          16918
Histoires de la nuit

Si le titre se réfère à un recueil d’histoires pour faire frémir les enfants , dont Ida, 10 ans se délecte chaque soir, le roman mérite lui le terme de thriller, ces histoires que les adultes recherchent pour eux aussi frémir en tout impunité.



Cela commence par une légère angoisse, des lettres anonymes, qui ne mobilisent pas la gendarmerie locale. Mais peu à peu, les menaces se précisent et les portraits qui se dessinent sont ceux de vrais méchants prêts à nuire. Et le stress ne cesse augmenter, avec ces chapitres qui s’achèvent sur des notes qui attendent leur résolution, dans une dissonance pétrifiante.



Tout cela, cette histoire qu’il ne faut sans doute pas détailler, est écrit de main de maitre, qui utilise jusqu’au le rythme de l’écriture, des phrases longues, décrivant avec une précision clinique les faits mais aussi les ressentis, qui sont autant de monologues intérieurs des personnages, avec les fluctuations de la pensée qui rebondit et d’adapte aux événements qui arrivent avec un crescendo terrifiant.

C’est en écrivant ces lignes que j’ rends compte de la musicalité de ce roman que je décris comme une symphonie.



Les personnages ont beaucoup à révéler de leur passé, des non-dits qui les caractérisent encore, et de l’escalade des malchances qui les auront menés vers ce drame final.



Un grand plaisir de lecture, à recommander à tous ceux qui aiment se faire peur, à moindre frais, et avec la possibilité de fermer le livre pour reprendre sa respiration, tant le déroulé suscite le recours à l’apnée pour se mettre à l’unisson avec les personnages.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
Commenter  J’apprécie          1270
Des hommes

J'ai déjà lu quelques romans qui évoquent « La guerre d'Algérie », tel que l'excellent « L'art de perdre » d'Alice Zeniter, mais sans véritablement m'intéresser à ce sujet plus étroitement lié à l'histoire de la France qu'à celle de la Belgique. Mais bon, les critiques étant dithyrambiques et le père de Laurent Mauvignier étant lui-même un ancien d'Algérie s'étant suicidé, je me suis finalement attaqué à ce roman qui raconte certes cette guerre, mais à hauteur d'hommes.



D'ailleurs, Laurent Mauvinier n'en parle pas vraiment de cette page sombre de l'histoire de la France car personne ne veut en parler…même pas ses personnages. Pourtant, Bernard et d'autres jeunes ont été appelés durant la guerre d'Algérie, y ont participé en tant que bourreaux, tueurs, violeurs, victimes, voire juste témoins impuissants face à l'imbécilité des hommes. Mais bon, ils sont vieux maintenant et même si l'Algérie hante encore leurs cauchemars, nourrit encore leurs regrets, s'invite parfois même au coeur de non-dits que l'on passe au plus vite sous silence, ils ressassent leurs pensées… Jusqu'au jour où…



Bernard a d'ailleurs quitté sa femme et ses enfants, tourné le dos à sa famille, ruminant son passé dans la solitude et noyant ses regrets dans l'alcool. Pourtant, lors de l'anniversaire de sa soeur Solange, la seule qui le comprend encore un peu, un incident met subitement le feu aux poudres. Les vieilles rancoeurs familiales font irruption et le passé ressurgit…



Au fil des pages, Laurent Mauvignier délivre les pensées de ces hommes abimés par les ravages de la guerre d'Algérie. D'un style hachuré, il partage des phrases inachevés, sans ponctuation distinctive, des mots qui se bousculent et tentent de refaire surface, un silence qui ponctue les non-dits d'une honte révélatrice. Le lecteur, lui, colle son oreille aux pages du livre, filtre les pensées et les mots qui remontent à la surface, se fait progressivement une idée du drame vécu, mais gardé sous silence, entrevoit progressivement tous les traumas enfouis au fond des mémoires. Au-delà du silence, les voix étouffées au fond de gorges nouées deviennent subitement assourdissantes, la porte de la guerre d'Algérie vient de s'entrouvrir…
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
Commenter  J’apprécie          11612
Histoires de la nuit

De ce roman , une seule façon de sortir : s'abandonner et accepter l'inéluctable, l'épuisement...Épuisement pour sortir de cette journée et cette nuit relatés en six - cents pages , six- cent pages d'intensité dramatique, de tension extrême, six - cent pages qui " transpirent " l'arrivée imminente d'une catastrophe , d'un drame , qui " suintent " le danger sous une croûte de tranquillité faussement rassurante , une vie en équilibre précaire en des lieux presqu'improbables et " faussement " rassurants . Un hameau , trois maisons , Marion et Patrice et leur fillette Ida vivent dans la première, Christine , une artiste en mal de tout occupe la seconde , la troisième recherche locataires .Un équilibre apparent mais un isolement qui , déjà interpelle , menacé par des lettres anonymes....Dés le début de ce roman magistral , un " je ne sais quoi " de malaise s'empare de nous , dès la première et longue phrase , et l'on sait , on sait qu'on est pris , englué, entraîné, ballotté par des flots hypocrites qui , sous une apparence " bonhomme " , ne nous offrent aucune chance , aucune planche de salut .On va investir les lieux pour ne les quitter , et dans quel état !!! qu'à la toute dernière page. Attention , c'est un roman noir , " doré à l'or fin " , dont les phrases , étirées comme des jours sans fin nous " entortillent " bien plus efficacement encore qu' une longue et dangereuse liane dans une jungle profonde . Donner un ressenti de cette atmosphère asphyxiante est à peine humain , à peine descriptible , à peine racontable . Un jour et une nuit . Seulement . Et pourtant un jour et une nuit si longs au cours desquels bien des non- dits vont remonter à la surface . Un pendant , un avant , un après , dont on ne saura même pas lequel est le plus dramatique ...

Mes libraires me conseillent ce roman depuis sa parution .Le Père- Noël les à écoutés , lui pour mon plus grand plaisir . Terminer une année 2020" pourrie " par un tel roman n'est pas dû au fait du hasard .Laurent Mauvignier est talentueux et compte de nombreux fidèles. Avec ce livre , il ne risque pas , bien au contraire , de perdre ni admiratrices ni admirateurs .Ses personnages , peu nombreux dans ce huis - clos étouffant, sont brillamment dépeints, touchants , bouleversants dans ce qu'ils ont de plus intime , imprévisibles face aux émotions qui vont s'exprimer , oui , les émotions si bien transposées par des mots , des phrases envoûtants.

Ce roman figurera parmi les tous meilleurs qu'il m'aura été donné de lire cette année mais ça, mes chers amies et amis , ce n'est que ...mon humble avis .

Par contre , ceux qui sont assurément les meilleurs , ce sont les voeux que je vous adresse à toutes et à tous , à vous qui me faites l'honneur de lire mes critiques et de souvent m'adresser de si sympathiques commentaires . L'année 2020 agonise sans émouvoir grand monde, vive 2021 et ses espoirs. Plein de " bonnes choses " à vous et ceux qui vous sont chers .

A l'an prochain .
Commenter  J’apprécie          11423
Continuer

Que faire quand la vie nous échappe, quand on réalise qu'on est en train de passer à côté et qu'il n'y aura peut-être pas de retour possible ? Comment s'en sortir lorsque le dialogue avec son propre enfant s'est perdu, laissant place à une incompréhension totale et que l'on assiste impuissant à sa dérive ? Comment réagir quand on sent poindre lentement mais sûrement le début d'une longue descente aux enfers ? Un seul mot : continuer.



Pour Sibylle, mère célibataire enfermée dans ses angoisses qui élève seule son fils Samuel, un adolescent tourmenté, en plein décrochage scolaire, il s'agit bien de cela après le drame qui vient de se jouer et qui a bien failli faire de son fils un criminel : Continuer oui, mais différemment, en empruntant de nouveaux chemins. Hors de question que son enfant aille en pension comme le voudrait son père, non, elle sait d'instinct qu'en faisant cela elle le perd à jamais.



Alors, pour l'éloigner des fréquentations toxiques qu'il est en train de nouer, pour lui ouvrir le coeur et l'esprit, Sibylle choisit de l'emmener au Kirghizistan, ce pays d'Asie centrale où l'on peut se perdre dans les grands espaces, où les gens n'ont rien mais vous donnent tout, où le danger rôde, comme partout… Un voyage de plusieurs mois qu'ils vont entreprendre à cheval, seuls afin de se libérer du superflu, de se concentrer sur l'essentiel et tenter ainsi de renouer avec leurs racines, avec des valeurs plus authentiques et peut-être avec eux-mêmes...



Encore finaliste pour le prix Femina, « Continuer » fait partie de ces romans qui vous happent, vous transpercent et vous bouleversent par la justesse de leur propos, l'intelligence de leur réflexion et la beauté de leur langue. Ici, la relation mère/fils est au coeur de l'histoire et Laurent Mauvignier prend le temps de décrire son évolution : le lien que l'on croit rompu, l'absence de dialogue, l'incompréhension, la colère mêlée de haine qui cache au final un amour absolu et inextinguible ainsi qu'un besoin de reconnaissance mutuel.



le ton est juste, réaliste et rend à merveille la dureté de ce fils mêlé malgré lui à une aventure dont il ne comprend pas le sens. Une dureté contrebalancée par la tendresse et la détermination de cette mère prête à tout pour sauver son enfant de lui-même. Des personnages extrêmement attachants de par leur vulnérabilité et leurs failles, mais qui cachent une grande force de caractère et que l'on se prend à admirer et à encourager avec une véritable empathie.



Dans cette aventure née de l'amour maternel, c'est aussi nous, lecteur, que Laurent Mauvignier interroge, en pointant du doigt les travers d'une société rendue malade par la surconsommation, aveuglée par la surmédiatisation et l'importance donnée à l'image et gouvernée par une individualisation poussée à l'extrême. Des travers propices à la violence, la méfiance, la haine, la superficialité et l'isolement que l'on retrouve nécessairement dans notre quotidien… Un roman qui donne à réfléchir sur le monde actuel et fait naître le désir de prendre sac à dos et chaussures de randonnée et de partir à l'aventure en quête de grands espaces !



Bref, vous l'aurez compris, « Continuer » fait partie de mes gros coups de coeur de cette rentrée littéraire car, en plus de me faire voyager, c'est un roman qui m'a émue aux larmes, m'a bouleversée par sa force et sa beauté, m'a donné à réfléchir sur le monde dans lequel on vit et sur les choix que l'on peut faire pour changer les choses. En deux mots donc : lisez-le !



Un grand merci à Babelio et aux éditions de Minuit pour cette très belle découverte !
Commenter  J’apprécie          1145
Continuer

De temps en temps, on a la chance de tomber sur un roman, qui , bien que n’ayant rien à voir avec le genre thriller, nous tient en haleine sans répit.



Inspiré d’un fait divers, l’auteur met en scène un ado et sa mère. Rébellion, qui prend la forme de délinquance, solitude et désespérance de la quarantaine avec un bilan très mitigé, ces deux là sont mal dans leur peau.



Au delà des bouderies ordinaires avec casque soudé aux oreilles, Samuel se retrouve impliqué dans une affaire qui se termine au commissariat. C’est une erreur fatale : les parents se déchirent sur les sanctions à appliquer. Mais Sybille tient bon : elle partira avec son fils au Kirghizistan, pour une randonnée de trois mois à cheval.



C’est là que le titre prend tout son sens.



Continuer malgré le poids des échecs passés, des espoirs perdus, qui ont au delà du manque scellé un anathème.



Continuer malgré le danger, réel, des rencontres inopportunes, des pièges qu’un sol inconnu tend au voyageur novice, de la lourdeur des silences qui masquent le blâme.



Mais continuer pour un sourire et une main tendue, une soirée de partage dans la chaleur d’une yourte, pour la beauté d’un paysage grandiose, pour la communion au-delà des mots avec les chevaux, qui sont bien plus qu’un moyen de se déplacer.



Continuer parce que le retour en arrière est impossible, continuer pour que demain ne soit pas pire qu’hier.



La beauté des paysages, la communion avec les chevaux inscrivent ce roman dans le genre nature-writing, le nombrilisme en moins le charme de l’écriture ciselée en plus.



Fortement recommmandé


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
Commenter  J’apprécie          1107
Continuer

Il y a une mère, Sibylle, esseulée entre les 80 à 100 heures de travail chaque semaine à l’hopital, son divorce qui la pousse encore plus loin où il faut oublier les cris, les rancœurs, la haine de s’être mal aimés, mal compris, mal jugés. La fatigue est obsédante. La télévision allumée laisse les paupières ouvertes mais vides. Les bières noient le désarroi. Un énorme sentiment de gâchis, d’impuissance, de raté s’empare d’elle.



Il y a le fils, Samuel, 16 ans, énième victime de parents armés jusqu’aux os, témoin des cris, des rancœurs et de la haine. Victime de la crise identitaire de l’adolescence. Déraciné de l’enfance, il plonge dans l’absurdité d’une jeunesse dépravée, en mal d’amour, en mal de repères.



Il y a le Kirghizistan, terre étrangère pour deux êtres devenus étrangers l’un à l’autre. Une mère et un fils en cavale vers une absolution, une randonnée de trois mois à cheval comme celle de la dernière chance pour se sauver l’un et l’autre.



Comment la nature peut-elle les rapprocher dans la forteresse qui les emprisonne l’un et l’autre ? Les silences sont empoisonnés, les mots cognent inexorablement dans le jugement. Samuel en veut tellement à sa mère. Du départ de son père, de son apathie quotidienne, de ses idées folles comme cette randonnée en terre étrangère, hostile pour un ado fermé aux autres.

Si les mots ne peuvent briser ni le silence ni les maux, il faut les écrire.

Si le silence enchaîne les maux, il faut libérer une place pour que l’amour soit entendu.

Continuer n’est pas un jeu d’enfant.

Continuer n’est pas un chant d’amour.

Continuer n’est pas simple.

Continuer c’est bien plus qu’une crise identitaire, qu’une crise d’adolescence, c’est un chemin boueux qu’il faut ratisser pour laisser apparaître les fleurs, pour autant que quelque chose pousse à continuer.

Un très beau roman à échelle humaine qui renvoie à un message fort qu’aucun parent ne devrait oublier pour l’amour des siens.
Commenter  J’apprécie          913
Histoires de la nuit

Dans un hameau isolé, trois maisons se dessinent dans le soir naissant. La première va s'endormir paisiblement. La deuxième sent le gâteau au chocolat tout chaud pour l'anniversaire de la voisine. La troisième a été mise sur son 31 par un mari aimant, afin d'accueillir les invités surprise qu'il a conviés à l'anniversaire de sa femme. Et ça des surprises, il va y en avoir. Des lettres anonymes, un chien retrouvé mort… Trois hommes armés, que personne n'attendait. Qui sont-ils, que veulent-ils, que vont-ils faire ?





Dans ce thriller implacable de 630 pages, Laurent Mauvignier parvient à instaurer un suspense qui rend dingue, à l'aide d'un style que je n'attendais pas dans ce genre littéraire : Des phrases à n'en plus finir qui suivent le dédale des souvenirs et pensées de chaque personnage, nous permettant de saisir en un clin d'oeil des éléments de leur passé nébuleux et caché qui expliqueraient la situation ubuesque présente, de leur présent heureux mais sur le point de basculer, et même de leur futur menacé. Oui, pour les habitants du hameau le futur est incertain et l'on sent qu'il va dépendre de toutes les informations dont ces longues phrases recèlent, dont il nous appartient de dévorer les mots comme le Pacman ses pac-gommes. En tant que lecteur nous ne pouvons que ressentir cette tension, dans la mesure où nous aussi sommes pris en otage par les phrases de l'auteur, délicieux supplice maintenant le suspense, qui en disent beaucoup sur chacun mais jamais assez pour comprendre ce qui est véritablement en train de se jouer. Elles capturent notre attention, la retiennent le temps d'une révélation, la maintiennent en étirant le mystère en même temps que le souvenir décrit. Vous lisez en apnée, retenez votre souffle jusqu'à la fin de la phrase qui sera la fin de l'action, ou de la réflexion, ou de quoi que soit qui ait commencé avec la majuscule et finira par un point, le point qui vous permettra de reprendre votre souffle, ce point que vous attendez comme un soulagement et en même temps avec délice, une hâte excitante car pendant que vous l'attendez tout est encore possible, mais tout votre corps se tend vers la délivrance de ce léger stress, vers la résolution de cette énigme qui occupe désormais votre esprit tout entier, occultant toute autre sensation comme le fait que vos mains en deviennent moites, que votre front transpire et que vos yeux se rapprochent dangereusement de la feuille dans un effort désespéré pour parvenir à lire plus vite, pour accélérer cette délivrance comme si, par une telle action, pour pouviez également délivrer les personnages du cauchemar dans lequel ils sont enfermés, pris au piège, et alors que vous engrangez les informations délivrées par l'auteur vous ne pouvez cesser de vous demander : Comment la phrase va-t-elle se terminer, où veut-elle en venir ? (Désolée si vous êtes mort d'asphyxie avant d'atteindre la fin de cette phrase, peut-être ai-je mal dosé, n'est pas Mauvignier qui veut^^) Procédé bien rôdé qui ralentit le temps de l'action et permet, le temps d'une phrase comme une pensée, de nous en dire énormément mais jamais assez puisque la phrase s'arrête finalement avant de nous dire ce que l'on veut tous savoir, lecteurs et personnages : Qu'est-ce qui est en train de se passer sous nos yeux ?!





Vous aimerez ou vous détesterez. Perso, j'ai lu 630 pages comme j'en aurais lu 30 : Sans les voir passer alors que, dans le même temps, j'avais hâte de finir par savoir ce que voulaient ces types ! Alors pourquoi seulement 4,5 / 5 ? Lisez ma réponse uniquement si vous avez déjà lu le livre, et dans ce cas n'hésitez pas à me répondre !





« Jolie petite histoire [même si]

Cendrillon, pour ses [4]0 ans

Est la plus triste des mamans » (Téléphone)
Commenter  J’apprécie          8838
Histoires de la nuit

Je ne suis pas objective, j'aime tout ce qu'écrit Laurent Mauvignier. J'aime sa plume déliée, précise, son sens du récit, sa manière de se renouveler sans cesse. J'ai passé en compagnie de ses ouvrages des moments de lecture mémorables tant il sait m'éblouir à chaque fois, qu'il raconte la guerre d'Algérie (des hommes), le drame du Heysel (dans la foule) ou un fait divers dramatique (ce que j'appelle oubli). Son roman continuer, où une mère et son fils parcourent le Kirghizistan à cheval, est dans mon top 5 personnel, quelle merveille !

Je ne pensais pas pouvoir être épatée encore. Et bien si !

j'ai découvert dans ce dernier opus, que Laurent Mauvignier maniait avec beaucoup d'élégance l'art de maintenir le lecteur en haleine et sous pression, dans ce huis clos rural d'une rare intensité. 630 pages toutes en tension et noirceur qui m'ont accompagnée tout au long de ma semaine. 630 pages au hameau des trois femmes seules avec Bergogne, un agriculteur, sa femme Marion dont on prépare l'anniversaire, leur fille Ida et Christine leur voisine, une peintre parisienne avide de campagne. Une plongée dans leurs désirs, pensées et intimité, rythmée par l'écriture saccadée, dense d'un auteur qui connaît sa partition et sait faire monter lentement l'angoisse. Parce que les 40 ans de Marion ne se passeront pas bien sûr comme prévu. Un texte passionnant. Admirable. Encore un ❤️
Commenter  J’apprécie          8111
Des hommes

Nouveau tour de magie pour Mauvignier, qui fait entendre la voix de la « grande muette ». Elle ne peut parler (malgré ses récents écarts) mais n'en pense pas moins. Or les corps et les esprits trouvent toujours le moyen d'exprimer ce qu'ils ont vu, fait, vécu ou ressenti par les cauchemars, l'agressivité latente, la tristesse, les pensées ressassées… Et si un auteur est capable de nous faire lire dans ces pensées, c'est bien Mauvignier. Il nous livre ici celles Des hommes revenus en miettes de ces grandes vacances qu'on leur a imposées au « club bled ».





C'est lors de l'anniversaire de Solange qu'une toute petite étincelle met le feu aux poudres : au moment où son frère Bernard lui offre son cadeau, les critiques fusent, Bernard s'énerve et dépasse les bornes, devient agressif, commet l'impardonnable envers la seule victime que de vieilles haines et des réflexes passés désignent du fond de ses tripes devenues incontrôlables : l'Arabe. le passé ressurgit : aux vieilles querelles de famille s'ajoutent les réminiscences de la grande Histoire, d'une guerre intriquée dans l'histoire personnelle et intime de chacun.





L'Algérie a ajouté aux non-dits familiaux les récits interdits et impossibles des « événements ». Des horreurs indicibles : napalm, gégène, raids dans les villages, missions ratées, compagnons décimés… Nous avons tous entendu les rescapés se désoler d'avoir dû faire « là-bas » ce que l'on reproche tant aux Allemands d'avoir fait chez nous en 45. Entendu les cauchemars, vu les ombres et les pleurs dans les yeux de ces générations maudites, qui ont subi deux guerres dont l'une en victime, et l'autre en bourreau, au point de ressentir comme personne le mal qu'ils ont été contraints d'infliger. Les regrets pèsent, les actes demeurent, les souvenirs les dévorent mais rien ne doit filtrer, rien n'est raconté. Jusqu'au jour où…





Dans ce roman, l'auteur « délivre » littéralement les pensées de l'un Des hommes revenus abimés de la guerre d'Algérie, témoignage d'un inévitable dérapage programmé. Une fois de plus, l'écriture de Mauvignier m'a happée. Sa capacité à dépecer le moment présent, le décrypter à l'aune des pensées de son narrateur ; Ses phrases tantôt longues, tantôt déstructurées comme des dialogues interrompus par d'autres pensées, d'autres moments. Les mots qui se bousculent puis ne sortent plus, ceux attendus mais jamais dits, ceux trop lourds que l'on étouffe et qui nous le rendent, ayant toute la place pour grossir dans ce silence assourdissant, jusqu'à ne plus pouvoir être contenus et devoir s'exprimer, par tout moyen.





Un bémol : J'aurais aimé connaître les tenants et aboutissants de tous les sujets ouverts par l'altercation. Pour certains d'entre eux, il me restera des silences et des non-dits. Juste retour des choses. Toute l'histoire tient en la justesse de ce que Mauvignier dépeint, la manière dont les personnages apparaissent sous le dessin des mots, des phrases parfois à peine esquissées puis empêchées ou abandonnées. Ce qui n'arrivera pas à cette lecture, très prenante. Merci à Paroles pour la découverte !



Commenter  J’apprécie          7644
Histoires de la nuit

De la grande littérature ! Laurent Mauvignier propose un pointillisme haute définition. Chaque pixel, pardon, chaque mot compte. Chaque image, pardon, chaque phrase, étaye un propos ou magnifie une situation. Un peu comme ce portrait de « la dame en rouge », peint par un personnage du roman, qui dévoile un secret à chaque observation méticuleuse. La comparaison s’arrête là ! L’adage dit qu’une image vaut mille mots. Les éditions de Minuit prouvent le contraire (on ne pourra pas me suspecter de complaisance vue la manière dont j’ai éraflé les précédentes sorties de cette maison) : c’est le rôle de l’écrivain d’épuiser les mots, de les polir avec autant de maestria, et non de servir docilement le scénario d’une future adaptation TV.

Chez Laurent Mauvignier, les non-dits sont criant de vérité, les silences interrogent, les répétitions chahutent. L’écriture devient un instrument de précision dont la fonction dépasse la narration : elle déstabilise le lecteur et le place dans la même situation d’inconfort que chacun des protagonistes de son thriller en huis-clos. On sent chez l’auteur la volonté (l’obsession) de peser chaque mouvement, de disséquer chaque pensée, d’aller au bout de la psychologie de ses personnages, parfois jusqu’à la nausée.

On est emporté, subjugué par la puissance de certaines scènes. Laurent Mauvignier excelle à parler (quelques exemples parmi tant d’autres) de l’agonie (p145), du doute (p297), de la peur (p333), de l’emprise, de la manipulation ou de la célèbre citation d’Al Capone : « On obtient plus de choses en étant poli et armé qu'en étant juste poli » (p503).

Je prédis que le roman « Histoires de la nuit » fera partie de la liste du Goncourt et qu’il en sera le grand favori.

Bilan : 🌹🌹🌹
Commenter  J’apprécie          765
Ce que j'appelle oubli

et c'est anéantie par les images de cette lecture que je commence ma critique, que dis-je, c'est dans l'affliction et l'effroi le plus total, surtout quand on sait que Laurent Mauvignier romance un fait réel - réel, mon dieu ! - un « fait divers » survenu à Lyon en 2009, mais parler de « fait divers » pour parler de la mort, de la mort d'un être humain c'est indigne, ça ne reflète pas l'horreur de ce que la victime a subi, ni le vide qu'elle laisse dans le coeur de ses proches, même si la vie les avait éloignés, même si la misère a pu peut-être creuser l'écart mais ça, ça ne compte plus face à la mort, et surtout pas lorsqu'un homme meurt « pour ça », pour avoir bu une cannette de bière dans un supermarché sans avoir de quoi la payer et se fait tabasser par des vigiles tout-puissants mais, finalement, si l'on ne peut pas mourir « pour ça » comme l'a laissé échappé le procureur, pensant ainsi condamner les coupables, si l'on ne peut pas mourir pour avoir, en quelque sorte, volé une cannette de bière, est-ce à dire qu'il serait plus justifié de mourir pour en avoir volé deux, ou six, ou douze ? que s'il avait été tabassé à mort pour deux pack de bière, cela n'aurait été que justice, que ces vigiles au courage exemplaire, car ils étaient 4 pour faire crever un homme qui ne s'est pas même défendu, pas même avec ses mots, que ces types, donc, s'en seraient sortis indemnes ? « le vrai scandale ce n'est pas la mort, c'est qu'il n'aurait pas fallu mourir « pour ça », une cannette, pour rien, comme si on pouvait accepter qu'ils tuent, les vigiles, si c'est utile, s'ils n'ont pas le choix, on doit pouvoir se résigner à admettre, on peut comprendre et tolérer même si ça nous choque et nous déplaît mais là, impossible, quelque chose se dresse devant nous qu'on ne peut pas supporter, ce meurtre, un meurtre, ils se sont fait plaisir, voilà, le fond de l'affaire c'est que c'était de leur jouissance à eux qu'ils étaient coupables et pas de l'injustice de sa mort, ça, ni le procureur ni les journalistes ni la police n'admettra jamais, que ces types-là se soient payés sur sa tête, et ils ont tout fait pour essayer de la comprendre, cette mort, tout fait pour lui donner un sens et la trouver un peu normale, ils ont écrit des papiers », mais personne n'était là pour lui lorsqu'il était encore en vie, personne ne l'entendait penser lorsqu'il mourait, quand sa propre vie l'abandonnait, tandis qu'il se faisait tabasser « pour ça », pour rien, alors heureusement qu'il y a Laurent Mauvignier, le seul à pouvoir faire parler les morts en une phrase de 60 pages, une seule phrase comme une seule vie par personne mais dans laquelle les voix et les actes de chacun s'intriquent, ont des répercutions dans la vie de tous, c'est ça qu'il fait Mauvignier, écouter les pensées discourir sans discontinuer, nous les restituer sans les censurer, les édulcorer, les arranger, parce que même si je ne suis plus très objective quand il s'agit de cet auteur, cette forme a du sens, une seule phrase comme un seul regard qui englobe tout, un seul tout formé de multiples actes dont les causes de certains trouvent leurs origines bien avant les faits et d'autres en seront les conséquences bien après, sans qu'il n'y ait de début ni de fin, juste la vie qui coule, qui s'écoule de l'un et se poursuit ailleurs, une seule pensée sans début ni fin, sans majuscule ni point, un hommage à la victime et à sa famille, car cette histoire est un tout, un amas inextricable d'actions, une suite de moments qui ont amené à cette situation dans une communauté où l'on peut mourir « pour ça », pour rien, une seule phrase qu'une fois lancée on ne peut plus arrêter, exactement comme le déroulement insensé de cette tragédie à l'issue inéluctable, que personne n'est venu interrompre avant la fin, mais la fin pour qui ? cette seule phrase comme une trainée de poudre, seul souvenir d'une mort qui déjà s'évapore comme toutes celles qui, chaque jour, traversent le temps mais jamais ne le marquent, alors pour ne pas que cette tragédie tombe dans « ce que j'appelle l'oubli », Mauvignier est peut-être le seul à pouvoir nous faire ressentir, pêle-mêle, autant de sensations et pensées, nous faire souffrir avec la victime mourant en silence de cette injustice criante, entrer dans sa tête « quand il y avait cette voix qui continuait et répétait, pas maintenant, pas comme ça, jusqu'à ce qu'elle se taise elle aussi et s'efface dans un chuchotement, trois fois rien, un sifflement, sa voix à lui qui continuera dans sa tête à murmurer, à répéter toujours pas maintenant, pas maintenant, pas comme ça, pas maintenant » -
Commenter  J’apprécie          7538
Continuer

Un immense coup de coeur pour ce roman, où la nature , les chevaux ont la part belle...mais cela serait bien superficiel de ne se contenter que de ces éléments ... qui sont toutefois le tremplin d'un "road-movie" entre une

mère à la vie "défaite" et un fils, au bord de la délinquance, habité par un désarroi intense.Une très belle histoire d'apprivoisement entre une mère

et un fils, enfant ballotté entre des parents divorcés, non apaisés.



Coup de coeur démultiplié puisque je lis cet écrivain pour la toute première fois. Je "lorgne " ce roman de cette rentrée littéraire depuis sa parution, que j'imaginais à tort trop sombre... mais c'est tout le contraire.





Prendre sa vie en main; ne pas accuser autrui de ses propres renoncements ou défaillances. Prenons notre vie à bras-le-corps et faisons du mieux possible pour honorer nos rêves pour ne pas se retrouver comme notre héroïne, Sibylle, à qui on prédisait un avenir brillant de chirurgien. Belle, engagée à gauche, libre, indépendante, courageuse... elle se retrouve infirmière, épuisée moralement, dénigrée par un mari macho, et insipide... qui lui reproche ses idées, ses fragilités, ses projets farfelus comme cette marche en solitaire sur le G.R de Corse, et où elle a failli perdre la vie... Elle était partie marcher , reprendre goût à la vie, décanter une période de lassitude, par cette échappée.. que son ex. lui reproche,"en boucle".



Un couple désassorti, désuni, se bagarrant, avec un petit garçon au milieu de cette hostilité familiale. Divorce...et Sibylle élève comme elle peut, Samuel ; prénom qu'elle a choisi en pensant à un de ses écrivains de prédilection, Beckett; car OUI, en plus de ses rêves de devenir chirurgien, elle avait en elle un autre rêve qui lui tenait à coeur: écrire un roman, ce qu'elle avait entrepris énergiquement, et là encore, abandon, et travail féroce pour poursuivre, en priorité, ses études de médecine...



Mais pourquoi Sibylle à qui tout souriait, se retrouve à la quarantaine dans cette vie terne et si peu satisfaisante... L'auteur saura maintenir chez lecteur le suspens quasiment jusqu'au bout...Un évènement terrible très lointain aura brisé une grande partie de son élan et de son envie de vivre... Je n'en dirai pas plus !!!



Sibylle veut sauver sa vie qui va à la dérive, mais surtout celle de son fils qui va très mal, dépourvu de projet et d'envie pour débuter la construction de son avenir...



Elle se décide à vendre la maison de ses parents, en Bourgogne, à laquelle elle tenait par dessus-tout. Et avec cet argent, elle veut emmener Samuel, loin, plusieurs mois dans les montagnes du Kirghizistan. En dépit des réticences et du jugement péjoratif de son ex-mari, elle partira à cheval dans cette nature sauvage, immense mais où les Kirghizes ont un vrai sens de l'hospitalité, et s'intéressent vraiment aux autres, aux voyageurs !!

Ce long périple est la possibilité pour que la mère et le fils se connaissent et surtout se reconnaissent... dans cette nature magnifique, tour à tour bienveillante ou hostile, le soin et la complicité avec leurs chevaux, les nécessités à assurer au quotidien...



Ce "road-movie" est aussi prodigue en leçons, apprentissages dont la solidarité, le respect de la nature et des animaux, la tolérance et l'écoute de l'autre avec ses coutumes, sa façon de vivre...le refus du racisme, de l'intégrisme



"-Si on a peur des autres, on est foutu. Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu'on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu'on n'a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c'est pas renoncer à soi." (p. 231)



Un style nerveux, poétique... de longues phrases coulant avec naturel...du suspens, des personnages attachants, des thématiques riches et diversifiées qui résonnent fort dans notre présent et notre actualité...



Un très beau moment de lecture au pays des Kirghizes, sous leurs yourtes, à écouter les uns et les autres, le grand souffle des immensités sauvages et des montagnes, sans oublier les compagnons si précieux que se révèlent les chevaux...sans omettre notre "duo" bouleversant de la mère et du fils rebelle...se redécouvrant et s'apprivoisant !



On peut percevoir les fragilités que peuvent ressentir des jeunes à l'orée de leur existence, ne sachant pas encore ce qu'ils souhaitent faire de leur vie, dans le repli et la peur de l'autre, qui peuvent se laisser entraîner et dériver dans des opinions et comportements radicaux...



Une seule impatience désormais: lire et découvrir les autres écrits de Laurent Mauvignier !!! Pour les "fans" de cet écrivain, je serai heureuse de connaître vos préférences...
Commenter  J’apprécie          743
Tout mon amour

Tout de noirs vêtus, le Père et la Mère sont là, dans la maison du Grand-Père. Elle, presque étonnée d'avoir vu autant de monde pour l'enterrement de son beau-père. Lui, un peu déçu de ne pas y avoir vu son frère. Alors que la Mère s'apprête à boucler les valises pour le retour, il lui apprend que non, finalement, il va rester un peu, peut-être jusqu'au surlendemain, ne l'obligeant en aucune sorte à faire de même. Le Fils, resté à la maison, appelle pour avoir quelques nouvelles. Alors que le Père est au téléphone avec lui, il entend derrière lui sa femme crier à quelqu'un de dégager. Une jeune fille, vêtue de noir, apparaît soudainement. Se dirigeant vers elle, qui recule d'autant, il lui demande pourquoi elle est là, semblant harceler sa femme. Quand tout à coup, il la reconnaît : il l'a vue au cimetière. Que leur veut-elle ?



Un couple se retrouve dans la maison du grand-père, tout juste décédé. Un endroit chargé de souvenirs d'autant plus que c'est ici que s'est joué un drame il y a de cela 10 ans. Les non-dits résonnent ici, les morts sont plus que jamais présents, notamment le Grand-Père avec qui le Père parle, et ceux que l'on croyait disparu à tout jamais ressurgissent. Faut-il décemment y croire ? Dans cette pièce de théâtre, Laurent Mauvignier donne la parole à la Mère et au Père, confrontés à une terrible et soudaine réalité. Autour, le Fils, revenu de Paris, le Grand-Père décédé et pourtant si réel dans l'esprit de son fils et la jeune fille, Élisa. La seule à porter un prénom, les autres étant réduits à leurs initiales. Une ambiance plus que tendue et mystérieuse plane au cœur de cette pièce, les répliques profondes fusent afin que la vérité, aussi indicible soit-elle, éclate. Des personnages qui prennent vie sous la plume de l'auteur.
Commenter  J’apprécie          720
Des hommes

Une écriture hâtive, pressée, qui hésite, très orale, qui empêche toute mise à distance.

Même si on retrouve l’universalité du propos sur la guerre, quelle qu’elle soit, de ceux que l’on y envoie se faire massacrer et massacrer les autres, l’impossibilité de raconter alors que les souvenirs des atrocités vécues, commises ou subies hantent toute l’existence . On retrouve cela dans toute la littérature de guerre ( la meilleure analyse du refus d’écoute de l’entourage se trouvant, pour moi, dans le fabuleux Voyage au bout de la nuit de Céline), et on sent que Mauvignier a dû être très marqué par le vécu de son père. Et son suicide..



Une petite particularité pour cette guerre d’Algérie, dont on a longtemps très peu parlé , je me suis souvent demandé pourquoi, (à part bien sûr le fait que la France met toujours des siècles à affronter son passé), ceci:

"On avait renoncé à croire que l'Algérie, c'était la guerre, parce que la guerre se fait avec des gars en face alors que nous, et puis parce la guerre c'est fait pour être gagné alors que là, et puis parce que la guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types bien et que les types bien là il n'y en avait pas, c'étaient des hommes, c'est tout..."

Et des hommes auxquels ils peuvent s'identifier, ils sont -encore- français et défendent leurs terres, que feraient-ils si l'on leur faisait la même chose?



"La même incompréhension du pourquoi , au début. Après, on venge les copains et voilà tout."



Mais ce qui m’a le plus intéressée dans ce roman , ce n’est pas tant la guerre d’Algérie que l’histoire familiale. Avec laquelle commence et se termine ce roman très bien construit. Et que l’on retrouve même dans l’épisode principal de la vie des deux cousins. Qui domine le tout finalement . C’est encore une querelle de famille qui a sauvé la vie des deux cousins en Algérie. Et a sans doute provoqué la mort des autres . Toujours la même d’ailleurs, la fameuse scène de la mort de la sœur.



C’est un livre que j'ai lu rapidement, portée par le rythme et le style et qui laisse beaucoup de questions en suspens, sur lesquelles il faut revenir pour comprendre, tout est dit, mais c'est très dense.

Ce n’est finalement que la violence de Bernard qui fait remonter les souvenirs . Et chercher à comprendre qui il est vraiment.

Mais..



"Peut-être que cela n’a aucune importance , tout ça, cette histoire, qu’on ne sait pas ce que c’est qu’une histoire tant qu’on a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes, nos fantômes qui s’accumulent et forment les pierres d’une drôle de maison, dans laquelle on s’enferme tout seul, chacun sa maison, et quelles fenêtres, combien de fenêtres? Et moi, à ce moment là, j’ai pensé qu’il faudrait bouger le moins possible tout le temps de sa vie pour ne pas se fabriquer du passé, comme on fait, tous les jours; et ce passé qui fabrique des pierres, et les pierres, des murs. Et nous on est là maintenant à se regarder vieillir et ne pas comprendre pourquoi Bernard il est là-bas dans cette baraque, avec ses chiens si vieux, et sa mémoire si vieille et sa haine si vieille aussi que tous les mots qu’on pourrait dire ne peuvent pas grand-chose."



C’est très noir, et très beau. Pas tout à fait désespéré, puisqu’il y a une lueur de lucidité , ou du moins de réflexion, dans cette famille.

Trop tard, bien sûr, mais c'est toujours trop tard. C'est d'ailleurs la dernière phrase du livre.

"Je voudrais savoir si l’on peut commencer à vivre quand on sait que c’est trop tard. "



Commenter  J’apprécie          672
Histoires de la nuit

le pitch complet pourrait se dérouler en une poignée de lignes, le livre quant à lui compte plus de six cents pages. C'est dire combien le rythme des évènements y est lent, très lent, même si le lecteur ne s'endort jamais, bien au contraire, embarqué qu'il est dans un thriller rural sous tension psychologique où tout semble y être disséqué, le long d'un incessant courant de phrases marathoniennes qui délivrent au compte goutte les informations sur les protagonistes, leurs sentiments, leurs émotions, leur passé, leurs intentions, leurs actions, leurs relations, leurs moindres gestes et j'en oublie. Ça se passe au hameau isolé des Trois Filles Seules, où réside néanmoins un héritier mâle, Bergogne le paysan local, qui a rencontré sur le tard Marion la citadine tumultueuse et sexy, au passé incertain. Ils sont mariés, Ida est née, le bonheur est dans le pré pourrait-on croire, si ce n'étaient les problèmes d'un couple bancal, auxquels Bergogne fait front en allant quelquefois aux putes dans la ville voisine pour éponger sa frustration sexuelle. Ajoutez-y une artiste peintre avec son chien en tant que voisine, Christine, véritable Tatie poule pour Ida, quelques vagues menaces sous forme de lettres anonymes et vous tenez les ingrédients principaux avant que tout s'emballe en une journée éreintante dans un huis-clos suffocant. Et au déroulé lent, le lecteur au supplice d'une tension permanente. Diablement pris, ensorcelé, les neurones empêtrées dans les circonvolutions de pensées ou autres louvoiements de réflexions, désirant toujours en savoir un peu plus avant d'aller respirer un bon coup. Laurent Mauvignier n'en finit pas de scanner tout ce qui semble pouvoir l'être et même plus, sa prose intarissable se déploie au diapason d'un laser sensible au moindre fourmillement, il sillonne la plus minime ride et ne s'essouffle jamais, tenant ses personnages comme un marionnettiste virtuose et entortillé dans son entrelacement de fils. Et ça fonctionne plutôt très bien, j'ai eu la sensation de tenir un thriller d'un genre quelque peu expérimental (mais on est chez Minuit quand même), où le plaisir de lecture semble néanmoins intellectuel avant d'être émotionnel.
Commenter  J’apprécie          649
Histoires de la nuit

Première lecture d'un livre de Laurent Mauvignier et quelle lecture !

D'entrée de jeu, j'ai été fascinée, hypnotisée par cette écriture qui s'enroule dans un labyrinthe sans fond, cette écriture qui est littéralement fondue enchaînée comme une succession de photos qu'on regarderait en diaporama à toute allure.

Laurent Mauvignier fait plus que développer un suspense qu'on pressent déjà morbide, toutes ces phrases nous mènent sur le chemin du drame qui va se jouer dans cet petit hameau où vit une famille et une voisine.

Marion, la maman de la petite Ida lui lit chaque soir une histoire tirée d'un livre intitulé : Histoires de la nuit. Cette nuit opaque, terrifiante qui en fait repose sur sa maman qui a du fuir l'horreur pour sauver son enfant.

L'intrigue dont je ne dirais plus un mot est savamment ficelée avec des clins d'œil satiriques et salvateurs de l'art de la peinture. Christine, la voisine et amie de la famille, une personne qui s'est marginalisée ne pouvant vivre en ville sa vie d'artiste avec tous les clichés qui vont avec.

Tous les personnages dans ce roman sont attachants y compris " les méchants" dont leur vie a été abîmée très tôt conduisant l'un d'eux à la folie.

Laurent Mauvignier cultive l'art de nous faire rentrer dans les coeurs, dans ces âmes meurtries en disséquant les sentiments, les nobles comme les plus vils.

Un très bon moment de lecture !
Commenter  J’apprécie          618
Continuer

C'est parfois dur de continuer, il y faut plus d'énergie qu'on ne croit.



Une mère et son fils en font l'expérience dans la steppe kirghize. À cheval.



Sibylle y emmène son fils, Samuel, ado à la dérive, rivé à ses écouteurs et à son téléphone, cette forme moderne de l'autisme,  pour l'aider à retrouver le sens de sa vie et à refonder le socle des valeurs qu'elle voudrait partager avec lui...sûrement aussi pour  retrouver, quant à elle, cette estime de soi que sa vie professionnelle, son mariage-  autant d'échecs-  lui ont fait perdre depuis qu'a disparu  ce qui lui donnait la force d'exister et l'audace d'entreprendre.



Pour continuer, il faut d'abord rompre avec la routine.

Pour continuer il faut arrêter de s'engluer dans le quotidien qui sape et qui ronge.

Pour continuer il faut briser le silence, ouvrir les vannes de la  colère ou celles du désir, affronter le risque, la mort, écouter les bêtes, et ce qu'elles nous apprennent du monde et de nous-mêmes, aller vers  les autres, combattre les préjugés, les peurs, les fantasmes, accueillir l'amour.



Mère, fils et chevaux iront jusqu'au bout d'eux-mêmes sur cette route initiatique. Ils continueront. Non sans casse. Non sans peril. Non sans surprise.



La phrase magnifique- rythmée, soutenue, hypnotique-  de Mauvignier sera le fil conducteur, le courant continu, l'amarre infinie  à laquelle se rattacher dans cette traversée dangereuse qui mène à la rencontre de soi.



Un beau récit, tendu comme un filet jeté au-dessus de l'abîme.



On se laisse emporter, on ne peut rien faire d'autre que continuer, nous aussi,  en dépit du vertige.
Commenter  J’apprécie          5910
Histoires de la nuit

Une découverte et un choc.



Jamais rien lu de Laurent Mauvignier et j'avoue que quelque 600 pages  pour évoquer un fait divers, ultra violent , de quelques heures , dans une zone rurale écartée, tout cela me faisait un peu peur...



Dès la première phrase, longue, tortueuse, accidentée,  cabossée, comme un appel d'air  en souffrance , je me suis trouvée embarquée. Et je n'ai plus pu descendre de ce rafiot infernal avant la dernière ligne - fascinée,  subjuguée par cette empathie ténébreuse de la poisse qui emberlificote les personnages et les lie à un destin qu'on devine d'emblée  catastrophique.



Les Trois filles seules.



C'est le nom du lieu-dit, du hameau proche de La Bassée. C'est là que tout se passe,  va se passer, doit se passer...



Trois maisons isolées : l'une abandonnée et à vendre, la deuxième occupée par Christine, une artiste peintre parisienne, la soixantaine bien sonnée,  indépendante et solitaire, une originale déclassée, exilée là avec ses cheveux orange et son chien-loup;  la troisième maison  est celle des Bergogne, un couple et Ida,  sa petite fille d'une dizaine d'années-  un couple mal assorti: elle, Marion, trop belle, trop insolente, trop tout,  et lui, Patrice, gros nounours mal léché,  cul terreux avec son avion de chasse de gonzesse, pas tranquille, pas sûr de lui, pas sûr  d'elle  trop amoureux pour être indifférent, trop amoureux pour ne pas souffrir de tout ce qui vient ou ne vient pas d'elle, damné de la terre, ver de terre amoureux d'une étoile mais protecteur, mais tutélaire. Une sorte de Bon Génie  du lieu maudit. Le seul des trois frères à être resté à la ferme après la mort des vieux. Fragile dedans , mais un roc quand même.



Comme dans les contes, tout va par trois.



Trois filles seules, trois maisons, trois femmes, la vieille, la jeune et l'enfant. Trois frères Bergogne moins deux.

Reste Patrice qui en vaut trois: Patrice

le fermier, Patrice le père,  Patrice le mari......



Et comme dans les contes, ces contes de la nuit que Patrice ou Marion raconte le soir à Ida pour l'endormir, il y a aussi les trois Méchants.



Le cinglé,  le pervers et le go-between.



Ceux-là ne font pas tarder à venir et  à hanter la soirée d'anniversaire de Marion .



À bien la pourrir. À  la pourrir à mort.



La phrase entortillée et captieuse qui m'avait cueillie d'emblée, attrapée dans ses filets et entraînée par le fond dans la noirceur de cette histoire de nuit , épouse tour à tour les pensées et méandres - les pensées méandreuses- de chaque protagoniste.



Elle ne nous fait grâce de rien: nous entrons dans les peurs, les remords, les rancunes, les illusions, les mépris, les haines, les prises de conscience tardives, les audaces dangereuses, les précautions naïves,  les parades dérisoires, les défenses désespérées d'Ida, de Christine, de Marion, de Patrice..



600 pages et quelques qui ne se lâchent pas et qu'on avale sans demander grâce,  parce que la grâce  ça ne se demande pas dans une Histoire de la Nuit.



Il faut juste s'accrocher le plus longtemps possible à la phrase, à son souffle, à Patrice, à Ida, à ceux qu'on a cru faibles ou peu flamboyants mais qui tirent leur force de leur obstination, de leur  ténacité à exister, comme la phrase elle-même , tendue, filandreuse, pleine d'à-coups mais toujours là,  comme une amarre dans l'histoire en déroute, comme un filin  qui retiendrait le rafiot secoué et l'empêcherait de se fracasser sur les hauts fonds ..



Une merveille de bouquin, d'écriture,  de scénario, de personnages.





Une merveille, tout court, si j'ose dire d'un roman de cette longueur : mais pour moi j'aurais aimé qu'elle dure encore,  qu'elle me retienne à l'ancre ou à l'encre...

Commenter  J’apprécie          5811




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Laurent Mauvignier Voir plus

Quiz Voir plus

10 questions et "1 kilo de culture générale" à gagner !

Quel est le nom du premier chef qui a réussi à fédérer le peuple gaulois ?

Orgétorix
Astérix
Vercingétorix
Celtill

10 questions
4007 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture généraleCréer un quiz sur cet auteur

{* *}