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Critiques de Lionel Destremau (58)
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Gueules d'ombre

En plongeant dans les décombres d'un pays fictif quelques mois après une longue guerre, Lionel Destremau brouille brillamment les repères spatio-temporels du lecteur. Il invente un conflit qui ressemblerait presque à la Première guerre mondiale ( des tranchées puantes, des no man's land ravagés par des bombardements d'obus ) s'il n'y avait des ordinateurs utilisés par les personnages ou une petite référence au nucléaire. Il invente un pays qui ressemblerait presque à la France mais non, les sonorités, étranges, des noms de lieux et de personnages appellent à un ailleurs indéfinissable. Un peu comme dans le film Delicatessen où on croit reconnaitre des choses et puis non ...



Dès les premières pages, j'ai senti que ce roman allait être une très belle lecture. J'ai d'emblée adoré être désarçonnée par l'univers subtilement décalé qu'impose Lionel Destremau, d'autant que son écriture au charme suranné, ample et élégante, emporte irrésistiblement vers des contrées littéraires au souffle romanesque puissant. L'atmosphère se précise de plus en plus inquiétante avec un système belliciste qui teste les capacités de résistance des futurs enquêteurs de la police judiciaire militaire en les envoyant vingt jours au front. Tant pis s'ils y meurent, s'ils en reviennent, ils seront tellement reconnaissants qu'ils obéiront à tout pour ne pas y retourner.



Siriem Plant est de ces flics là, sauf que lui est sur la sellette. le ministère des anciens combattants le charge de trouver l'identité d'un soldat dans le coma, alors que plusieurs familles veulent se l'accaparer. Une feuille blanche à écrire au fil d'une enquête à la mécanique imparable. Pour reconstituer le puzzle d'une vie, Siriem Plant rencontre la famille de ceux qui ont côtoyé l'inconnu. Uniquement des femmes car tous ses compagnons de guerre sont morts dans les tranchées. Veuves, mères, soeurs forment un formidable choeur antique auquel se joignent les fantômes des disparus qui racontent leur guerre et leur mort. le tout complété par des lettres issues de la correspondance du front.



Et c'est toute la vie d'un homme qui jaillit sous nos yeux, et c'est bouleversant de découvrir son parcours, son origine sociale, sa motivation à s'enrôler puis son vécu. Un magnifique portrait d'homme se dessine dans toute sa complexité, au prise avec des questionnements fondamentaux et universels sur l'identité, la vie, la mort et la place dans une société qui ne vous satisfait pas. D'autant plus intense qu'à ses côtés, un autre portrait, tout aussi passionnant se dévoile, celui de Siriem Plant lui-même.



Un premier roman impressionnant de maturité, s'élevant en toute liberté au-dessus des genres littéraires ( roman noir, polar, roman de guerre ) , porté par un puissant imaginaire au service d'un humanisme universel extrêmement juste, au plus près de la vérité des sentiments.



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Jusqu'à la corde

Jusqu’à la corde s’ouvre sur la découverte du corps d’un enfant d’environ cinq ans dans une forêt, sous un tas de feuilles. Personne n’a signalé de disparition. Personne ne réclame le corps, impossible à identifier en l’absence d’indices, juste une boîte à musique trouvée dans la poche du garçonnet. L’enquête est confiée à Filem Perry, vieux flic proche de la retraite, physiquement et moralement fatigué, pessimiste sur sa capacité à sa changer le monde mais suffisamment patient pour tirer le moindre fil grâce à un instinct resté intact.



« Il y avait, dans une enquête de terrain comme dans la vie, des fragments d'inconnu, des soupçons naissant à partir d'une poussière, des idées surgies instinctivement plutôt qu'accouchées grâce à la raison.(...) Il me fallait cesser de douter ainsi et poursuivre le chemin sur lequel je m'étais engagé jusque là, aller au bout de cette piste, l'épuiser complètement quitte à ce qu'elle s'avère totalement vaine. »



Lionel Destremau reprend les mêmes éléments que dans son livre précédent ( le génial Gueules d’ombre ), à savoir un cadre spatio-temporel impossible à identifier tellement il est brouillé, mêlant des éléments familiers qui n’ont rien à voir les uns avec les autres : deux guerres évoqués, un pays pratiquant la ségrégation raciale, des inventions technologiques du présent actuel mais sans Internet ni téléphone portable, des noms de lieux et personnages qui ne correspondent à aucune langue. Evidemment, si on a lu Gueules d’ombre, on perd là le formidable effet de surprise liée à la découverte de cette décalque étrange du réel, et donc un peu de sel, même si on est ravis de replonger.



Les chapitres alternent les points de vue des différents protagonistes, les flics avec Filem Perry au premier plan, mais aussi tous ceux qui ont pris gravité autour drame sans qu’on devine immédiatement leur rôle et incidence sur la mort du garçon. Et notamment Arkan Niera, fil conducteur et fascinant personnage évoluant des champs de coton aux cabarets en passant par les rings de boxe.



L’intrigue est kaléidoscopique, menée de mains de maître pour nous conduire dans les méandres de l’enquête. Chaque éclat converge brillamment vers une résolution aux accents de tragédie grecque et de saga familiale. Chaque chapitre semble révéler beaucoup sur le passé des personnages mais troublent encore plus le présent de l’enquête, d’autant que parfois le personnage du passé réapparait longtemps après dans ce présent.



Plus qu’un polar, l’auteur a composé un roman noir d’atmosphère extrêmement sophistiqué, à l’écriture raffinée, sondant ses personnages à l’os, leur gris, leur ambiguïté, tout en questionnant subtilement le lecteur, tout en résonant avec notre monde contemporain sur les traumatismes hérités de la guerre ou du racisme institué.

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Gueules d'ombre

Lionel Destremau n'est pas en phase avec son époque, une légère patine recouvre Gueules d'ombre roman terriblement ancré dans la première moitié du XXe siècle.

Alors certes le cadre apparait indéterminé ou fluctuant mais l'esprit enferré dans ses habitudes reptiliennes qui est mien s'est contenté de retenir les références à la Première guerre mondiale avec une guerre de position où l'infanterie s'est révélée dépassée face à l'apparition de l'artillerie lourde, l'aveuglement volontaire ou pas à l'arrière du front, une génération qu'on a sacrifiée et une enquête policière au milieu des tranchées ravinées par la boue et le sang.



Ce premier roman détonne avec son académisme au regard de la scène littéraire actuelle. On est surpris de tomber sur une fiction qui reprend les canons du roman policier traditionnel avec une énigme, des impasses, des indices pour relancer l'enquête. On retrouve également issus du polar américain un enquêteur en rupture de ban dont le discernement met en lumière les traumas et la survivance de la douleur durant l'après-guerre, et une fiction dopée par une double narration dans laquelle l'inspecteur et l'inconnu s'expriment chacun pris dans son environnement, séparé de l'autre par toute la distance de l'énigme.



Mais la plus grande réussite de Lionel Destremau est de nous offrir un véritable roman populaire : il glisse sans effort d'une dimension à l'autre de ce roman d'enquête tout en lui donnant une coloration particulière à travers l'intimité des familles des frères d'arme de l'énigme Carlus Turnay. Les portraits apparaissent et se diffractent dans un recueillement presque exténué pour une humanité prise au piège des jeux de massacre. On est loin des petits soldats de plomb, les compagnons d'arme de Carlus viennent à notre rencontre à la manière de fantômes et malgré le faible éclairage, l'auteur parvient à guider notre regard au fond de leur gorge.

J'ai véritablement été séduite par ce roman à l'esthétique ancienne, étrangement hors des sentiers battus à une époque où la littérature française arpente sans cesse le territoire de l'omniprésence du ressenti. Lionel Destremau a su trouver un rythme dont il est difficile de soustraire jusqu'à la chute qui nous laisse un peu hébété. Même si la résolution de l'enquête nous préoccupe moins au fil de la découverte de la personnalité de Carlus.

Auteur à suivre.

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Gueules d'ombre

L'enquêteur Siriem Plant est chargé de retrouver la famille de Carlus Turnay, inconscient, rescapé des tranchées, du front d'Alduz en Bretani, une enquête qui ne m'a pas trop intéressé, submergée par les digressions, chaque membre de la compagnie racontant son vécu sur le front.



Le livre est bien écrit et l'ambiance est bien rendue mais pour moi qui aime aller à l'essentiel, je ressentais un petit pincement à l'estomac en appréhendant ce qu'annonçaient des phrases du genre 'alors il se souvint' ou 'ca lui rappela un épisode de son passé'.

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Gueules d'ombre

Absolument atypique, ce livre, incroyablement peu commenté (sur Babélio et ailleurs), m'a énormément plu.

L'auteur,Lionel Destremau, qui a eu plusieurs vies professionnelles autour de l'édition, dit qu'il l'a exhumé et que c'était le bon moment pour le publier.

C'est effectivement juste le moment parfait, l'action pouvant se dérouler au Donbass par exemple.

Mais on ne sait ni où ni quand se situe l'action !!!! Et là j'ai adoré ce mélange virtuose qui au final nous entraine dans un pays fictif et à une époque indéterminée . Mais nous ne sommes pas dans une dystopie, ni même une uchronie : Siriem Plant, un policier vaguement déclassé ,doit retrouver impérativement l'identité réelle d'un ex-soldat comateux répondant au doux nom de Carlus Turnay.

L'époque évoque assez clairement la première guerre mondiale et les personnages sont proustiens en diable, mais on y utilise...des ordinateurs.

Le pays est un alliage subtil de différentes contrées européennes, plutôt austro-hongroises.

Nous sommes dans les décombres d'une guerre horriblement absurde et sanguinaire et c'est ce qui lie l'ensemble , dans une atmosphère à la Tardy qui aurait relu Céline en regardant un film de Caro et Jeunet.

Bien sur nous allons découvrir qui est ce fameux Carlus Turnay mais façon puzzle . Le fil conducteur c'est l'enquête persévérante, voir obstinée de Siriem Plant genre Tintin en Syldavie.

Nous allons beaucoup voyagé, rencontré des figures picaresques, étranges et familières . Nous aurons souvent affaires à des femmes qui , comme dans les tragédies antiques, forment un choeur bouleversant.

Les morts vont nous raconter comment ils ont péri dans de courts chapitres se terminant par : ".....et c'est comme ça que je suis mort"

Par touches successives nous allons éclairer le destin de Carlus.

Il s'agit bien d'une tragédie moderne où la réflexion profonde s'articule autour de la question du sens et de la possibilité du suicide.

J'ai beaucoup aimé l'écriture , toujours fluide et souvent subtile, rendant compte des interrogations existentielles de chacun des principaux protagonistes tout en maitrisant parfaitement le faisceau narratif: bref,on ne s'emmêle jamais les pinceaux et c'est absolument passionnant .

Gueules d'ombre est un titre magnifique qui dit l'essentiel : comment définir nos identités meurtries en temps de crise, ou plutôt comment les retrouver,les recombiner, les supporter......

J'espère que l'auteur nous réserve de futures surprises, une suite peut-être ?







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Gueules d'ombre

Voici un roman atypique ! En le lisant, nous avons l'impression de lire un roman historique se passant en France quelques mois après la Première Guerre mondiale. Et pourtant, il n'en est rien ; les lieux et la période sortent tout droit de l'imagination de Lionel Destremau !



Au premier abord cela peut sembler un peu perturbant, mais, rapidement on passe outre cette spécificité pour accompagner Siriem Plant, un enquêteur sur la sellette missionné de découvrir l'identité d'un homme plongé dans le coma.



Alors que l'homme portait sur lui un numéro de matricule, personne ne retrouve son dossier dans les archives du Ministère des anciens combattants. Qui est-il donc ? Un ancien soldat, un déserteur, un civil ? Est-ce que Siriem Plant arrivera à trouver un semblant de réponse à cette interrogation ?



En refermant cet ouvrage, je ne peux que me faire la réflexion que pour un premier roman cet ouvrage est très abouti. On est complètement emporté par cette histoire semblant si réelle alors que j'avais quelques réticences à rentrer dans celle-ci au départ. Tout au long du récit on s'attache à Siriem Plant et on espère que des pièces du puzzle vont réussir à s'assembler pour enfin découvrir l'identité du jeune homme.



Ouvrage vers lequel je ne me serai pas tournée car je lis rarement des romans historiques, je suis très contente d'avoir pu le découvrir, car, j'ai vraiment eu l'impression de lire des récits rapportés des tranchées ou de l'après-guerre il y a plus d'un siècle...
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Gueules d'ombre

Un roman étonnant totalement inclassable qui en déstabilisera certains et en ravira d’autres tant par sa construction, son récit au vocabulaire quelque peu suranné, l’étrangeté des noms des villes comme des personnages qui nous entraine dans un ailleurs imaginaire ou par ses manques de repères chronologiques. Un récit qu’il est en effet difficile de situer temporellement – sans doute cela est-il fait exprès ? Si la guerre, personnage à part entière du roman, ressemble étrangement à celle de la première guerre mondiale, l’univers dans lequel évolue les protagonistes à travers moult détails technologiques semble beaucoup plus récent. Mais est-ce vraiment l’essentiel ?

Siriem Plant va être chargé par la hiérarchie militaire du Ministère des Anciens Combattants de découvrir quelle est la véritable identité qui se cache derrière Carlus Turnay, un soldat actuellement dans le coma à l’hôpital. Ancien inspecteur de police en attente de pouvoir rempiler, il va, pour mener à bien son enquête, devoir retrouver la trace de toutes les personnes vivantes ou mortes l’ayant côtoyé pendant le conflit. Beaucoup ayant été muté en première ligne, peu ont survécu, et c’est donc par l’intermédiaire de proches, de lettres que les défunts ont pu laisser, qu’il va tenter de bâtir une première piste.

Des témoignages oraux ou écrits qui vont faire revivre à Siriem les atrocités d’une guerre de position qui semble ne jamais vouloir finir où chaque mètre gagné sur l’ennemi se compte en plusieurs centaines de corps sans vie ou agonisants. Des morts laissant derrière eux une famille éplorée, une veuve, des enfants, des projets inaboutis et des espoirs brisés.

Si Siriem n’a souvent que des témoignages indirects pour poursuivre ses investigations, le lecteur a l’avantage de profiter de ceux directement communiqués par les principaux soldats ayant connu de près ou de loin le dénommé Turnay. Même s’ils sont pour la plupart morts au combat, nous allons ainsi apprendre à mieux les connaitre. Ils vont nous partager leurs conditions, leurs aspirations et leur vie depuis qu’ils sont au front. Ils ne vont rien nous cacher des horreurs de cette guerre, le bourbier puant dans lequel ils évoluent, la peur au ventre de sortir des tranchées, voir ses camarades tomber à côté d’eux, déchiquetés par un tir de mortier ou par une fusillade ennemie, courir jusqu’à plus soif pour tenter de se réfugier dans un trou de bombe avec comme seul objectif de rester vivant jusqu’à la prochaine attaque. On va ainsi découvrir une belle galerie de personnages touchantes et attachantes grâce aux dernières traces qu’ils ont laissées, émouvants témoignages d’hommes qui ne souhaitent pas complètement être oubliés.

L’auteur ressuscite ainsi grâce à ce stratagème de nombreux témoins qui nous éclairent sur leurs vécus et nous interrogent sur les soubresauts de l’existence, sur la liberté de choix d’un individu et sur le rôle des médias en période de guerre.

Un texte d’une grande originalité tant par son contenu que par la tonalité qu’il véhicule.

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Jusqu'à la corde

Jusqu'à la corde de Lionel Destremau, mon premier livre de cet auteur. J’ai aimé, un policier - roman noir, qui sort des sentiers battus. On ne sait pas où se déroule le récit, ni quand, j’ai été accrochée, par l’histoire peu commune des personnages, je l’ai lu jusqu’au bout avec grand plaisir, j’avais hâte de découvrit l’épilogue.



Roxy et son maître se promène en forêt, en farfouillant dans les feuilles, la chienne découvre, le cadavre d’un enfant, ils seront arrêtés mais à tort.



Filem Perry, son chien Pat, son coéquipier, Mayid Frin, seront en charge de l’enquête. L’enfant aurait été étouffé, il n’avait que 5 ou 6 ans. En essayant de détecter, la moindre trace ou preuve, qui ferait avancer cette énigme, une petite boîte à musique, trouvée dans la poche du gamin, les mèneront à Ern Fresco, son nom y est gravé. Fils, d’un riche industriel, il a comme amis, deux élèves qu’il a connu lorsqu’il était en pension : Mumad Fatras et Alfrid Murlock.



Nous ferons aussi la connaissance d’Arkan Neria, avec sa famille, il passait ses longues journées d’été, dans les champs de coton, il avait 9 ans. Un pays, où se rejoignaient des immigrants du monde entier, venus là en quête d’une liberté rêvée. Ils arrivaient toujours, tout en sachant, qu’ils devenaient une main-d’œuvre utile et corvéable à merci, pour les nouveaux maîtres, des bâtisseurs d’empires dans le bâtiment, les transports, les services, l’alimentation, l’élevage intensif, le coton ou même la banque et les finances. Ils étaient blancs.



La famille Neria était noire, malgré l’abolition de l’esclavage, chacun ses quartiers, tout était bien séparé, jusqu’aux fontaines publiques. Après un petit incident, son père, fut puni, il dut se cacher, Arkan qui était en sa compagnie, préféra partir avec un cirque. Il fera de nombreux métiers, jockey, docker, boxeur, aviateur, on le retrouvera aussi dans les cabarets de Caréna.



A travers toutes ces personnes, vont se dévoiler des secrets de famille, des amitiés troubles, des amours déchirantes et le destin exceptionnel d’Arkan Neria.



Une narration pleine de rebondissements et à tiroirs, tout est très bien relié à la fin. Les hommes et les femmes sont bien décrits, une peinture, qui relate leurs vies et leurs drôles de destinées. Un intrigue original, qui traite de nombreux sujets.



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Jusqu'à la corde

En se promenant avec son maître, une chienne, Roxy, découvre le cadavre d'un enfant noir. Filem Perry, policier près de la retraite, est chargé de l'enquête sur la mort de l'enfant, peut-être parce que lui-même possède un chien, Pat, auquel il est très attaché et que la rumeur s'est répandue : Roxy aurait tué cet enfant… Filem Perry interviendra épisodiquement, à intervalles irréguliers, et nous racontera son enquête et son histoire à la première personne. Nous rencontrons ensuite Arkan Neria, un enfant noir ramasseur de coton, en but, comme son père, à de nombreux actes racistes. Lionel Destremau nous présente ensuite Ern Fresco, fils tardif et surprotégé d'un famille aisée, qui découvre l'amitié en pension grâce à deux élève boursiers : Mumad Fatras et Alfrid Murlock.  

***

Le moins qu'on puisse dire, c'est que voilà un roman particulièrement original ! le cadre et l'époque sont indéfinissables. On pense tenir une piste avec les ramasseurs de coton et les actes racistes  : les États-Unis, peut-être ? Mais non, le pays a subi des bombardements intenses. Juste après la Première Guerre mondiale ? non, il est question d'hélicoptères et de divers équipements contemporains. Arkan s'engagera dans un cirque pour fuir son pays, et la tournée opacifiera encore plus les lieux que j'avais cru deviner. Ça se passe donc à une époque inconnue, dans un lieu totalement fictif, avec des protagonistes de différentes nationalités qu'il n'est pas possible de reconnaître, dans un pays dominé par des Blancs, avec une immigration importante, souvent mal accueillie et mal considérée, un pays qui porte encore les marques d'une guerre longue et dévastatrice. Quant à la narration, elle se présente comme une sorte de puzzle dont le lecteur doit replacer les pièces. Une fois que tous les personnages sont entrés en scène (les titres de chapitres portent le nom du personnage en focalisation et permettent de se repérer), l'histoire devient plus claire malgré les changements d'époque. Nous découvrons progressivement les uns et les autres, leurs relations, leurs liens familiaux et leurs motivations. Parfois, nous apprenons certains faits avant le policier. de nombreux thèmes sont traités grâce à cette fiction : la relation père-fils, le racisme, la guerre, le pouvoir de l'argent, la domination sous diverses formes, etc., et la perception du monde. C'est un des aspects que j'ai beaucoup aimés : nous verrons certains événements différemment d'une fois à l'autre, selon le personnage en focalisation. Nous suivrons Arkan Neria depuis son enfance, comme s'il servait de fil rouge à cette histoire complexe. Cependant, j'ai trouvé plusieurs longueurs et certaines redites qui n'apportent rien. Les chapitres à la première personne sont assez vivants, mais d'autres passages se révèlent un peu plats, fourmillants de détails et d'explications alambiquées qui ont tempéré mon enthousiasme du début. Un regret : j'aurais aimé mieux connaître Roxy, Pat, Bala et Fria, les chiens qui traversent cette histoire… N'empêche : c'est un bon roman à découvrir pour son originalité.

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Gueules d'ombre

"Ceux qui débarquaient sur le front comprenaient, au bout de quelques jours à peine, qu'ils n'avaient guère de chance d'en réchapper. La capacité à durer, à survivre, imposait tacitement une hiérarchie entre les hommes. Il y avait ceux qui vivraient peut-être. Et il y avait ceux qui étaient déjà morts, des cadavres sans le savoir, à qui on n'avait pas dit, sans doute, qu'ils n'étaient qu'une illusion, qu'ils n'étaient déjà plus de ce monde, ou qui croyaient, avec une fausse naïveté, qu'être encore debout suffisait à faire d'eux des êtres vivants."



Des mots qui évoquent toutes les guerres. Car ces mots, on pourrait les lire rapportés par les survivants de la Grande Boucherie, de certains fronts de la Seconde Guerre mondiale, de la Corée, du Vietnam, de l'ex-Yougoslavie et de celles et ceux qui défendent en ce moment l'Ukraine convoitée par les barbares de Poutine, et plus particulièrement ceux qui se font face dans le Donbass où les deux armées sont dans une guerre "à l'ancienne", une guerre où l'on s'enterre, où l'on se terre, où l'on avance et l'on recule par tranchées, et cela sous un déluge d'artillerie ; Ernst Jünger aurait dit sous des "orages d'acier"...



Ce roman qui bouscule les codes du roman de guerre, du roman historique, du roman policier et du roman noir, a tout pour plonger le lecteur dans un paysage embrouillardé, le désorienter comme l'est Siriem Plant, ex-flic, ex-militaire, chargé ou plutôt "contraint" par le ministère des Anciens Combattants de faire toute la lumière sur le cas d'un soldat plongé dans le coma depuis plus d'un an, sous une fausse identité.

De ce comateux répondant au nom d'emprunt de Carlus Tournay il n'a que son régiment d'appartenance, son grade, deuxième classe et son numéro matricule.

Il sait par ailleurs que s'il est dans cet état, ce n'est pas directement la faute à la guerre ; l'homme a été renversé par une voiture...

Alors, s'agit-il d'un déserteur ? Mais la piste du déserteur colle mal avec ce qu'on sait de l'histoire de ce jeune homme engagé volontaire, ayant devancé l'appel et ayant eu à plusieurs reprises une conduite héroïque sur le champ de bataille...

Bon camarade aux dires de ses anciens compagnons d'armes, l'homme était énigmatique, peu enclin à la confidence mais toujours prêt à prêter sa plume et son "talent" littéraire pour aider à l'écriture des lettres qu'on voulait plus belles que les maigres mots que l'on possédait pour les embellir... Et puis il était d'une bravoure "inconsciente", un trompe-la-mort qui semblait la chercher...

Rien dans les archives.

Cette enquête à rebours sous escorte – l'enquêteur est accompagné par un agent de liaison, le caporal Willar Cassel, chargé de le surveiller et de faire remonter cette surveillance à sa hiérarchie -, Siriem Plant va la mener contre la montre, contre ladite hiérarchie, avec ténacité, ruse, expérience.

Pour cela, il va se livrer à un porte à porte à travers le pays qui va l'amener à rencontrer les veuves, les mères, les soeurs et à travers elles prendre connaissance des témoignages de ces voix d'outre- tombe que furent leur époux, leur fils, leur frère, lesquels ont côtoyé de près ou de moins près Carlus Tournay. Leurs témoignages qui relatent l'horreur et l'absurdité de la guerre se concluant systématiquement par ces mots saisissants : "c'est ainsi ou c'est comme ça que je suis mort."



Autres éléments dépaysants, l'absence de datation, de spatialisation, de "périodicité". L'auteur a pioché dans ses connaissances des faits qui font penser à 14-18, à la Corée, au Kosovo, tout en ayant recours aux ordinateurs et en faisant allusion à l'arme nucléaire.

"Et si on avait eu le nucléaire, l'aurions-nous utilisé?"

Le pays est un pays imaginaire.

Sa capitale Caréna où "pullulaient les naissances illégitimes, les divorces fréquents, la prostitution, la mendicité, l'alcoolisme, en somme l'enfer sur terre." ne figure sur aucune carte.

Les noms de villes, de villages comme les noms de ses habitants ont tous des consonances différentes, comme s'ils étaient des entités universelles.

Car c'est ce qu'a voulu Lionel Destremau, faire de cette histoire de traumas, une condamnation sans appel sur le grand trauma qu'est la guerre.



À l'origine, ce roman était une nouvelle autour du personnage de Carlus Tournay, jeune homme mal dans sa peau, dépressif, en butte à de gros problèmes familiaux, qui n'arrive pas à s'insérer dans la société et qui "est une figure de l'absurdité, en ce sens où il se laisse toujours mener par le destin ou par les évènements extérieurs ou par des décisions qui ne sont pas les siennes."

Fait historique, lors de certains conflits des familles ont souhaité récupérer de gens qui n'étaient pas leurs proches ou qui ressemblaient à leurs proches parmi des comateux, des gueules cassées, des amnésiques.

De là donc la genèse de ce roman qui s'ouvre sur un de ces comateux que le ministère des Anciens Combattants voudrait rendre à "sa" famille, d'où cette enquête décrétée par le ministère en question.



Un roman d'une exceptionnelle maîtrise littéraire, narrative, psychologique.

Un livre contre la guerre d'une originalité captivante et déroutante.

Un message à la portée universelle.

Une lecture d'une rare qualité que je dois – et je ne lui dois pas que celle-ci – à l'une des plus brillantes lectrices de Babelio, que presque tous connaissent sous le pseudo de Kirzy.

Comme il s'agit de mon dernier billet pour 2022, je tenais à vous exprimer toute ma gratitude pour l'excellence de vos chroniques et pour votre toujours aimable disponibilité.

Un grand merci à vous Marie-Laure !



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Gueules d'ombre

Etrange affaire dans une étrange atmosphère.

Après la guerre, un ancien flic est chargé par le Ministère des Anciens Combattants de retrouver l'identité d'un soldat plongé dans le coma. Le flic va tenter de retrouver les compagnons d'armes encore en vie du bidasse, afin de découvrir qui il est, mais la tâche s'annonce ardue dans un pays en ruines qui commence seulement à se relever et veut oublier...



Ce polar vaut surtout par son ambiance : on ne sait pas où on est, ni quand. Les noms ont des consonances exotiques : Siriem Plant, Hanzi Tzamal, Salamiet Taroy... pour les hommes ; Caréna, Plötan, Alduz... pour les lieux. J'ai adoré la façon dont Lionel Destremau brouille les pistes : ses descriptions des tranchées font penser à la première guerre mondiale, mais la carcasse d'un hélicoptère vient remettre en cause cette hypothèse. Une telle confusion aussi bien entretenue m'a fait immanquablement penser au "Rapport de Brodeck" de Philippe Claudel, mais aussi au "1984" de Georges Orwell, où l'on se demande dans quelle dimension cauchemardesque on évolue.

Comme Claudel et Orwell, ce que narre Destremau est l'histoire universelle de la guerre au XXe siècle et sa connerie absolue (pour citer Prévert). Pour ce faire, il laisse parler les morts dont les voix s'entrecroisent dans ce roman choral. Et toutes racontent la beauté simple des petits vies d'avant, où -pour citer ma grand-mère cette fois, "on était heureux et on ne le savait pas." Ce roman est donc une réflexion supplémentaire sur la guerre et sa façon de ravager impitoyablement les existences, sans prévenir ni guérir, et il remet également en perspective notre façon d'appréhender nos malheurs et nos bonheurs. Ca perturbe.

Par ailleurs, j'ai apprécié l'écriture haletante de l'auteur, quasi-cinématographique, qui contribue à maintenir le suspense tout en nous asphyxiant dans sa noirceur : belle maîtrise !



C'est donc une belle découverte que cet auteur et ce roman, et même si ce n'est pas la lecture idéale en cette période de fêtes, elle mérite amplement d'être inscrite dans votre liste "lectures 2024".

D'ici là, joyeux Noël à tous !
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Gueules d'ombre

Caréna est une ville imaginaire (rien avoir avec Ma Caréna, la danse connue), tout comme la guerre dont on parle dans ce roman policier.



Pourtant, cette guerre, avec ses tranchées, ses boyaux de terre, ses obus qui enterrent les vivants dedans, avec ces hommes partis au combat presque la fleur au bout du fusil, parlant de guerre éclair, on aurait pu croire que l’on parlait de la Première. Mais non…



Les références à de la modernité (électricité, hélicoptères,…) vous font vite comprendre que toutes références à 1914 est impossible. Bizarrement, durant ma lecture, c’est à elle que j’ai pensé, surtout en lisant les lettres ou les récits des soldats de l’unité de Carlus Turnay, soldat dans le coma dont on charge Siriem Plant de retrouver son identité, sa véritable famille.



Si certains passages de ce roman m’ont enchanté, d’autres ont créés de la lassitude durant ma lecture. Le rythme n’est pas trépidant, l’enquête de Siriem Plant débouche souvent sur du vide, une fausse piste, des hommes décédés, ayant perdu l’esprit, l’usage de la parole et j’avoue que durant la moitié de ma lecture, je me suis ennuyée.



Pourtant, l’écriture de l’auteur était belle, les témoignages des soldats parlaient de désobéissance, d’ordres débiles, de pertes humaines énormes pour gagner quelques mètres, de conditions déplorables dans les tranchées, de la peur, du sang, des boyaux répandus…



Bref, tout ce qui m’a fait penser à la Grande Guerre… Ces passages, bien que durs, étaient très instructifs, surtout qu’ils intervenaient juste avant que Siriem Plant n’aille interroger la famille de cet homme mort au combat.



La plus belle partie, ce sont les témoignages, qui permettent aussi d’en apprendre un peu plus sur la personnalité du soldat Carlus Turnay et de mieux cerner le personnage.



C’est dans la toute dernière partie, lorsque Siriem a accès à une lettre écrite par cet homme dont il recherche désespérément l’identité, que les émotions seront les plus fortes. Cette lettre, que le destinataire n’a jamais lue, éclaire cet homme et nous font comprendre ses motivations profondes.



L’hypocrisie, les bien-pensants qui prêchent ce que vous devez faire, mais qui ne le pratiquent pas, la famille et son poids, une mère trop présente, une vie toute tracée par les autres, comme l’ont toujours fait les ancêtres, décidant pour les autres comme on avait décidé pour eux-mêmes… Vie de merde ? Vie de fardeau, oui.



Ces gueules d’ombre sont des gueules cassées, mais de l’intérieur, pour ceux qui ont survécu à la boucherie que fut cette guerre intemporelle dans ce pays imaginaire.



Le roman aurait dû m’emporter par sa puissance, mais je suis restée coincée de nombreuse fois dans les atermoiements de l’un, les errances de Siriem durant son enquête. Malgré tout, c’est un bon détective, mais hélas, il m’a été difficile de m’y attacher.



Un roman étrange, loin des canons habituels des romans policiers, une belle écriture, comme si le roman datait d’un autre siècle, une enquête épineuse et malgré tout cela, je me suis ennuyée durant une partie de ma lecture. Dommage…


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Gueules d'ombre

Carlus Turnay, c'est ce soldat dans le coma que plusieurs familles réclament comme étant leur fils, leur mari, leur frère... Pour démêler l'affaire, Siriem Plant, ancien policier, se voit confier par le ministère des Anciens Combattants la mission d'enquêter sur ce mystérieux soldat. Siriem va alors rencontrer les familles, les sœurs, les veuves, les mères endeuillées, parfois même les compagnons de combat encore en vie.

Chaque chapitre donne voix à un personnage et son histoire, dévoile un peu plus qui était Carlus, avec en fond l'enquête de Siriem.

Petit à petit le puzzle s'emboîte et ce que l'on découvre est terriblement poignant...



J'ai beaucoup aimé le fait qu'aucune indication de lieu et d'époque n'apparaissent dans ce récit. C'est une histoire qui aurait pu se dérouler n'importe où, n'importe quand, même si elle renvoie fortement le lecteur à la Première Guerre Mondiale et l'horreur des tranchées ( bien que les ordinateurs soient de la partie et que les prénoms aient tous une consonance renvoyant à un pays différent).



C'est un premier roman, à l'écriture belle et élégante, qui décrit l'horreur de la guerre, la manipulation des hommes de pouvoir, le deuil et le chagrin, la peur du front. Cette lecture m'a beaucoup fait penser aux écrits de Céline sur la guerre. J'ai aimé suivre cette enquête, accompagner ces soldats et leur famille et je les quitte tous avec le cœur serré.


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Gueules d'ombre

Pour un premier roman, celui-ci est vraiment remarquable sous de nombreux aspects.

La richesse des thématiques abordées : la guerre, la politique, le journalisme, le mort, l'amour, le deuil …

L'ingéniosité qui consiste à situer le récit sans indiquer au lecteur aucun point de repère géographique ou historique, lui donnant ainsi une allure intemporelle et apolitique, ou pour le moins débarrassée de toute possibilité de récupération patriotique ou nationaliste.

Pour conclure cet éloge mérité, la plume est d'une insaisissable beauté, limpide et franche.

Espérons que ce premier roman constitue les prémices d'une longue série à venir.
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Gueules d'ombre

Alors là, c'est une vraie découverte... Chez le même éditeur, j'ai lu des romans de Médéline et Leroy, mais ce sont des auteurs déjà confirmés. Là, c'est un premier roman, mais on n'a pas vraiment l'impression d'être avec un écrivain débutant qui tâtonnerait encore un peu. C'est plutôt l'inverse avec une construction complexe, surprenante au départ, mais qui s'impose assez vite dans un rythme un peu lent de trois narrations différentes. Il y a l'enquêteur, qui sert de fil rouge qu'on suit, il y a la « victime » si on veut, celui dont on doit retrouver l'identité, et puis il y a des personnages secondaires qu'au départ on peut prendre pour peu importants, mais qui prennent tout leur sens progressivement, comme si ça venait créer une sorte de chant général. Tout ça met en place une atmosphère, un sentiment bizarre d'après-guerre qui balance entre ceux qui pansent leurs plaies et veulent oublier les drames, et ceux qui sont dépositoires de la mémoire de cette guerre mais dont plus personne ne semble vouloir. Dans ce roman, on s'attache à tous les personnages, même les plus provisoires, et c'est sans doute ça qui est le plus frappant. Les hommes et les femmes passent à travers des portraits plus ou moins détaillés, certains prennent la parole, d'autres restent silencieux. Il n'y a pas de héros, pas de salauds non plus, ils et elles ont tous leurs qualités et leurs défauts ; et malgré cette forme de neutralité, leur humanité triste ou heureuse ressort parfaitement. L'histoire de ce soldat dans le coma, de son parcours et de ses choix ou non-choix qui l'ont amené là où il est (contrairement à l'avis de Gilab, elle m'a passionné, cette vie), comme celle du policier militaire, finissent par nous entraîner, même si on ne sait pas où on est, dans quel temps et dans quel espace, comme si on s'y reconnaissait malgré nous. C'est un peu la France de 14 et d'après, mais c'est aussi un peu n'importe quel pays européen post guerre, et dans cet indéfini, on touche à l'universel au final. Un roman très étonnant, maîtrisé de bout en bout, au sens où on peut évidemment penser à plein d'auteurs français (Japrisot, Lemaitre, etc.), mais aussi parfois à un côté classique avec une écriture soignée, et à des auteurs étrangers par cette géographie fictive et ces noms de personnages inventés. Je vais attendre son prochain livre avec curiosité.
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Gueules d'ombre

Il est question d’une guerre qui ressemble férocement à celle de 14-18 avec ses horreurs et ses tranchées mais qui n’est pas celle-ci … ce sera alors une enquête étrange sur l’identité d’un soldat dans le coma que se verra devoir mener Plant pour le compte de l’armée … celle-ci s’avère d’autant plus longue et compliquée que l’homme s’est apparemment engagé sous un faux nom. L’enquêteur va donc mettre ses pas dans ceux de cet homme un peu fou qui courait vers l’ennemi sur le champ de bataille. Patiemment et difficilement il essaie de récolter des morceaux du puzzle grâce à des lettres et en allant à la rencontre de toutes les personnes qui auraient pu entendre parler de lui. L’ouvrage est intéressant et étayé , l’écriture y est alerte.
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Gueules d'ombre

Par un curieux hasard, j'avais lu précédemment "Le soldat désaccordé" de Gilles Marchand qui raconte l'histoire d'un ancien soldat qui consacre sa vie à enquêter sur les soldats disparus pendant la Grande Guerre.

Le point de départ de ce roman est donc quasi identique de même que le point d'arrivée qui pourrait être la dénonciation d'une guerre, de toutes les guerres.

Les ressemblances s'interrompent là où le talent est précisément de nous embarquer dans une intrigue différente selon l'imagination de son auteur. Elles s'interrompent également dans le choix chez l'un d'un moment historique précis, chez l'autre d'une visée plus universelle.



Le roman de Lionel Destremeau témoigne d'une ambition plus grande et d'une plume plus littéraire. Dès lors qu'il a choisi de ne pas s' encombrer de ce réalisme historique qui l'aurait contraint à des digressions politiques ou géographiques, il rêve d'un grand roman dont la construction et les personnages importeraient plus que le décor. Un roman dont le style serait suffisamment puissant pour embarquer le lecteur dans un questionnement qui soit moins anecdotique qu'une œuvre de fiction ordinaire.

C'est ce genre de roman capable de m'enthousiasmer et que l'on retrouve peu dans la littérature contemporaine française. Il faut du souffle et bien du talent pour construire une fiction parfaitement huilée, avec des personnages suffisamment convaincants et intéressants pour que le regard que porte l'auteur sur la société puisse être entendu.



Pour rendre ses personnages intéressants, l'auteur utilise une technique dont beaucoup déjà se sont emparés mais qui n'a pas encore atteint les limites de son potentiel, celle de faire parler les morts.

Il donne la parole à la première personne du singulier aux compagnons morts de Carlus Turnay, et ces chapitres qui se terminent inexorablement par cette phrase : "et c'est comme ça que je suis mort", sont d'une intensité bouleversante.

Ces témoignages, qui alternent avec l'enquête de Siriem Plant, ont plusieurs fonctions essentielles: ils font avancer la narration, ils délivrent une forte charge émotionnelle et ils diffusent sans la moindre ambiguïté le message pacifiste de l'auteur.

L'ensemble est joliment ficelé et témoigne d'un talent prometteur.

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Gueules d'ombre

Une fiction qui mêle habillement l’ambiance de la guerre tranchées de la grande guerre dans des contrées imaginaires et un espace spacio temporel malmené dans lequel un poilu en permission pourrait regarder la télévision et surfer sur internet. Dans ce cadre, c’est une aventure humaine qui est contée avec beaucoup d’adresse et de délicatesse. Siriem Plant ancien flic est chargé d’identifier la véritable identité d’un individu plongé dans un coma profond pour le rendre à sa famille. L’enquête remontant toutes les pistes offertes par les lettres des soldats ayant appartenu à la même compagnie est longue et difficile, chaque protagoniste racontant sa propre histoire en la concluant en général par : « C’est comme ça que je suis mort » La société décrite vit au rythme de la guerre des tranchées avec ses inégalités entre mobilisés et planqués, la tentation grandissante de la désertion...La vie progressivement dévoilée de Carlus Turnay et le parcours de l’enquêteur lui même sont les reflets d’un société plus réelle qu’imaginaire ! Ce roman est la preuve qu’il existe une excellente littérature passant entre les mailles d’un filet médiatique qui ne retient que les gros poissons. Merci aux Babelionautes avisés détecteurs et passeurs de bonnes nouvelles !
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Jusqu'à la corde

Je découvre l'auteur avec ce récit, je ne savais pas du tout que celui-ci avais fait autant de choses différentes avant l'écriture.



La couverture et sa quatrième m'ont donné envie de lire ce livre qui même s'il est un roman policier il tire aussi beaucoup du côté du roman noir car au niveau du rythme il est moins haletant qu'un policiers mais beaucoup plus ancré dans l'époque et la réalité.



Tout débute lors de la découverte d'un corps par un promeneur avec sa chienne, cela va donc débuter sur une enquête pour découvrir à qui appartient ce corps d'enfant et cela va s'annoncer un peu plus compliqué que prévu pour découvrir l'identité de l'enfant et de sa famille.



J'ai aimé suivre le personnage d'Arkan car à mes yeux qui peut rester insensible à son parcours de vie, trouvant tour à tour des petits boulots durant un temps et puis suivant de nouvelles personnes pour se déplacer ou il le souhaite, autre chose original du récit nous n'arrivons pas à situer celui-ci au niveau des lieux, par exemple Arkan cherche à aller vers la mer mais laquelle et quel pays il traverse nous n'avons aucune information la-dessus.



Même pour la forêt ou est découverte le corps j'ai eu un doute sur la localisation mais je n'ai toujours pas de certitude à ce sujet, cependant cela ne m'a pas gêné plus que cela dans ma lecture.



Comme souvent dans ce récit nous naviguons entre passé et présent et l'auteur nous permet peu à peu de replacer les choses pour parvenir à découvrir ce qu'il s'est passé.



Une lecture que j'ai bien aimé cependant je ne garderai pas grand souvenir de celle-ci.
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Gueules d'ombre

N°1669 - Août 2022



Gueules d’ombre - Lionel Destremau- La manufacture du livre.



Dans un pays imaginaire, l’inspecteur Siriem Plant est chargé par le ministère des anciens combattants de découvrir l’identité d’un mystérieux soldat renversé par une voiture en ville et qui est maintenant dans le coma. L’armée ne sait rien de lui, même son nom, Carlus Turnay, n’est pas certain, on le suppose en permission ou déserteur et les familles se manifestent pour reconnaître en lui un proche disparu. Les investigations s’avèrent difficiles d’autant que les frères d’armes de l’intéressé sont presque tous morts. Du succès de ses recherches dépend sa futur carrière dans la police et Plant le sait et il va donc explorer méthodiquement et laborieusement cette voie, rencontrant leurs fantômes, mais finira par s’apercevoir qu’il est surveillé par l’armée. C’est une recherche labyrinthique et hasardeuse qui débouche souvent sur du vide ou sur des pièces d’un puzzle qui ne s’emboîtent pas. Cela rappelle à Siriem le séjour qu’il a lui-même fait sous l’uniforme, dans ce conflit meurtrier auquel il a cependant survécu et qui ressemble, à quelques détails près, à la Grande guerre avec ses ordres, ses contre-ordres, ses charges meurtrières sous la mitraille, ses corps à corps dans la boue des tranchées, dans une ambiance de mort et de menace du peloton d’exécution pour refus de combattre.

Au fur et à mesure des recherches, le mystère s’épaissit autour de Turnay, son parcours, ses blessures, ses séjours à l’hôpital, ses zones d’ombre, ses impasse, son attirance vers la mort.



J’ai une impression mitigée près la lecture de ces plus de 400 pages. Le style est agréable, dramatiquement haché vers la fin, ce qui correspond bien au rythme final, le suspens entretenu jusqu’à la fin mais malgré quelques longueurs, je ne suis vraiment entré en sympathie avec Turnay que dans les dernières pages, quand il promène sur son parcours qui prendra bientôt fin un regard désabusé d’une grande lucidité et choisit d’être enfin lui-même face à la camarde, en dresse un rapide bilan désastreux, lui qui avait à l’origine une tout autre idée et confie tout cela à une longue lettre destinée à une cousine dont, malgré ses années de solitude, il n’avait jamais oublié le visage... et qui ne l’ouvrit même pas. J’ai ressentis à la fois sa solitude et la vanité des choses qu’on tresse autour de soi pour s’aider à supporter cette vie qui est une unique mais nous échappe sans que nous y puissions rien. J’ai même partagé son envie de tout envoyer balader face à ce qui finalement n’a été qu’un échec face à l’indifférence et à la grande comédie hypocrite de ses proches, de l’image moralisatrice qu’ils veulent donner d’eux-mêmes, de leur légende qu’ils tisent … et de la satisfaction qu’ils en tirent. Sa vie n’a été qu’un fiasco et il en fait l’amère constatation face à la mort qui n’a même pas voulu de lui malgré la guerre au point de ne vivre sa vie que comme un fardeau. Heureusement pour lui, nous sommes tous mortels.



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