Citations de Louis-Ferdinand Céline (2885)
La guerre, c’était en somme tout ce qu’on ne pouvait pas comprendre. Ca ne pouvait pas continuer. p.12
Quand le moment du monde à l'envers est venu et que c'est être fou que de demander pourquoi on vous assassine, il devient évident qu'on passe pour fou pour peu de frais. p.64
Quand on n’a pas d’imagination, mourir c’est peu de chose, quand on en a, mourir c’est trop. Voilà mon avis. Jamais je n’avais compris tant de choses à la fois." p.19.
La vérité c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde, c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi. p.200
Mais quand elle se mettait à causer ils étaient tous forcés de se taire. Ils ne savaient pas quoi lui répondre. Elle ne conversait la tante qu'à l'imparfait du subjonctif. C'étaient des modes périmées. Ça coupait la chique à tout le monde. Il était temps qu'elle décampe.
Maman va dérouiller c'est sûr. De mon côté je préfère personne. Pour les gueulements et la connerie, je les trouve pareils… Elle cogne moins fort, mais plus souvent. Lequel que j'aimerais mieux qu'on tue ? Je crois que c'est encore mon papa.
Une fois qu'il m'avait corrigé il restait longtemps encore derrière les barreaux, il contemplait les étoiles, l'atmosphère, la lune, la nuit, haute devant nous. C'était sa dunette. Je le savais moi. Il commandait l'Atlantique.
Dans la journée c'était pas drôle. C'était rare que je pleure pas une bonne partie de l'après-midi. Je prenais plus de gifles que de sourires, au magasin. Je demandais pardon à propos de n'importe quoi, j'ai demandé pardon pour tout.
Ce qui me taquinait chez eux, c'était de foutre en l'air le pot de colle, toujours en branle sur le réchaud. Un jour je me suis décidé. Mon père en apprenant ça, il a prévenu tout de suite Maman, que je l'étranglerais un jour, que c'était bien dans mes tendances. Il voyait tout ça.
Elle savait raconter aussi de très belles histoires, comme un marin elle aimait ça. Elle a inventé mille choses pour me faire plaisir d’abord et puis pour me nuire ensuite. Ma faiblesse à moi c’est d’écouter les bonnes histoires.
Cette répulsion instinctive qu'inspirent les commerçants à ceux qui les approchent et qui savent, est une des très rares consolations qu'éprouvent d'être aussi miteux qu'ils le sont ceux qui ne vendent rien à personne.
C'est l'âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n'a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès qu'on a plus en soi la somme suffisante de délire ? La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi.
L'amour c'est comme l'alcool, plus on est impuissant et soûl et plus on se croit fort et malin, et sûr de ses droits.
- Je te soignerai moi. Je te ferai baiser comme t'as jamais... Si t'es gentil, si t'es bon môme, tu me boufferas l'oignon comme j'aime... Ca sera comme si on était mariés. D'abord j'ai deux ans de plus que toi, c'est moi qui commande...
Elle avait de l'intrigue dans les mots qu'elle se servait, j'écoutais qu'elle m'y faisait sautiller de joye l'imagination. Je me tenais plus. Tant qu'il y a du vice y a du plaisir. Je donnais quand même une petite pensée au gars Cascade et puis je me retournais et elle y était plus la petite pensée. Tout le présent était pour Angèle, tout pour le cul. Le salut c'était par là. D'abord c'était pas le moment de me dissoudre en scrupules.
Celui qui parle de l’avenir est un coquin, c’est l’actuel qui compte. Invoquer sa postérité, c’est faire un discours aux asticots.
C'est plus tard, loin des dangers, qu'on pense par abstraction, en distingué. On peut se permettre. Tout dépend de la fortune et de l'instruction. Avec ni l'un ni l'autre on est certain seulement de se faire bourrer la gueule et de recevoir toute l'existence par le trou du fondement.
C'est énorme la vie quand même. On se perd partout.
Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d’abord. C’est qu’il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l’explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s’embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours, mais le cavalier n’avait plus sa tête, rien qu’une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c’était arrivé. Tant pis pour lui ! S’il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé.
Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble.
Irrésistiblement, certain matin au réveil, nous fûmes comme dominés par une ambiance d’étuve infiniment tiède, inquiétante. L’eau dans les verres, la mer, l’air, les draps, notre sueur, tout, tiède, chaud. Désormais impossible la nuit, le jour, d’avoir plus rien de frais sous la main, sous le derrière, dans la gorge, sauf la glace du bar avec le whisky.
On a cent destins devant soi tant qu’on est jeune, on en perd un par an pour le moins. On garde celui qui chante le mieux. À la fin on a plus de destin du tout, il suffit d’un bout de chanson, trois sons à la chevrote, trois notes à la quinte, plus rien du tout. C’est la fin du biniou des âmes. Ainsi soit-il.