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Critiques de Maïssa Bey (166)
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Pierre Sang Papier ou Cendre

La première et la dernière images de ce livre se ressemblent étrangement: Dans les deux cas, un enfant est debout face à la mer et regarde la rade d'Alger se peupler de navires.

Nous sommes d'abord en juin 1830 et, sous les yeux étonnés d'un petit garçon, des troupes étrangères débarquent sur les côtes de son pays. Puis, 132 ans plus tard, sous les yeux d'une autre enfant tout aussi circonspects, des bateaux navigant sous le même pavillon viennent chercher leurs ressortissants qui vont quitter le pays où ils sont nés mais où ils ne sont plus tolérés. Car "Madame Lafrance", ainsi nommée ironiquement par l'auteure, n'y a jamais été la bienvenue.

L'histoire de ces 132 années, décrite à travers le regard d'un enfant ,devenu au fil du temps la "sentinelle de la mémoire" d'un peuple, est un réquisitoire sans concession contre la mainmise d'une terre par une puissance étrangère dans ce qu'elle a de plus condescendant et de violent à l'égard des populations locales.

Mais, c'est aussi un enfant qui est le héros de ce livre, et Maïssa Bey raconte une histoire, toujours d'une brûlante actualité, celle de l'innocence bafouée; un enfant est confiant car il ne sait pas, mais il apprend vite et peu à peu il comprend tout au risque de perdre ce qu'il a de plus beau, sa candeur et sa spontanéité.

Cette narration, cadencée au rythme de paragraphes courts et de phrases "coup de poing", est servie par une écriture colorée, d'une âpre beauté.
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Cette fille-là

Née de parents inconnus, qui est-elle vraiment Malika, cette petite reine qui libère la parole de toutes ces algériennes, pensionnaires de cette « maison des vieux » et dont les voix s’étaient tues jusqu’à présent ? Sans aucune animosité ou rancœur, Aïcha, Yamina, M’a Zahra, Fatima, Kheïra, M’Barka, Badra, Houriya, lèvent le voile pour raconter leur jeunesse, leur naïveté, leurs premiers émois amoureux à l’éveil de leurs sens, mais surtout, l’éducation très stricte reçue, la soumission au patriarcat, les privations de liberté, le déshonneur, la peur de l’avenir…

Corsetées au sein d’une société archaïque, dominée par la pratique de rites religieux hors d’âge dont les fondements étaient basés sur des croyances ancestrales, elles ont beaucoup souffert, mais toujours en silence, prisonnières d’une cruelle et dégradante servilité. La colonisation française, la guerre d’Algérie, les témoignages de leurs conditions de vie durant ces périodes éprouvantes marquent les esprits et font froid dans le dos.





Pour ne jamais oublier, Maïssa Bey a choisi de graver sur le papier des récits sensibles et inédits, preuves vivantes de toutes les souffrances endurées par plusieurs générations d’algériennes durant des décennies. C’est à la faveur d’un style rythmé et parfois abrupt que la romancière s’est lancée dans l’écriture de ce livre-mémoire dans lequel elle intercale quelques chapitres relatant son histoire personnelle.

La violence du sujet traité est toutefois atténuée par la douce musicalité poétique de la plume qui fait incroyablement retentir, comme un écho, les voix des femmes algériennes.

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Bleu blanc vert

On suit ici 2 personnages: Ali et Lilas, dont l’histoire commence en 1962, au début de leur adolescence. Le livre traite plusieurs thèmes, mais toujours sous fond des répercussions de la guerre d’indépendance algérienne et des conséquences de la colonisation sur cette nation. Les 2 points de vue apportent tous les 2 quelque chose à l’histoire, même si je pense avoir préféré celui de Lilas. Le style d’écriture était très poétique et les thèmes anordés m’ont plus parlé: le rôle des femmes, les rêves ou son amour de la littérature. Cela dit, les 2 personnages m’ont beaucoup touché, surtout quand le thème du passage à l’âge adulte était abordé. Je ne pense pas que le livre avait pour fonction première d’éduquer, de faire davantage connaître l’histoire et les faits importants liés à l’indépendance algérienne, mais c’est tout de même réussit puisque même un lecteur comme moi qui n’y connaît presque rien a pu comprendre ce qui m’était raconté.
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Assia Djebar : Femme écrivant...

J'ai reçu ce petit ouvrage passionnant grâce à la masse critique organisée par Babélio, je remercie les éditions Chèvre-feuille étoilé pour l'envoi de ce dernier.



Assia Djebar : "Je ne serai pas entrée en littérature avec ardeur si (cela peut surprendre) je n'avais pas aimé marcher dans les rues des villes en anonyme, en voyeuse, en garçon manqué, et encore maintenant, en simple promeneuse."

Maïssa Bey, dans cet ouvrage évoque avec admiration, Assia Djebar, cette auteure algérienne qui la mena sur le chemin des mots et de l'écriture.

Avec naturel, la première dédicace sera de Maïssa sera pour Assia : "A vous Assia qui m'avez ouvert les chemins de l'écriture"

Ecrit avec simplicité et tendresse, ce texte dévoile l'attachement de l'une pour l'autre, de celle qui ouvre la voix et la voie permettant à la seconde d'éclore et de dire.

Quel honneur, de vous faire découvrir ce texte une veille de journée internationale du droit de femmes.








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Nouvelles d'Algérie

Plusieurs nouvelles qui prennent place dans les années de la guerre d’Algérie mais qui n’en parlent pas directement. On n’y voit pas tellement de combats ou de militants, seulement des évocations : les attentatsde l’OAS, la torture, les maquis… Et puis des Algériens qui tentent de continuer à vivre, malgré tout.
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Assia Djebar : Femme écrivant...

Petit livre assez court. J'ai découvert Assia Djebar qui a donné son nom à une bibliotheque parisienne grâce à ce livre.On y decouvre une culture, un mode de vie et des pensees. Ce livre est un ode à Assia Djebar et aux femmes écrivaines algeriennes.

"Conter, c'est dire la parole des autres"

"L'écriture, elle, nécessite de puiser en soi, de s'aventurer dans des lieux jusqu'alors inconnus et jalousement gardés"

"Le danger gît là, nous ditAssia Djebar, la femme qui peut écrire risque d'expérimenter un pouvoir étrange. Le pouvoir d'être femme autrement que par l'enfantement maternel."
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Assia Djebar : Femme écrivant...

Reçu dans le cadre de la dernière masse critique, j'ai été attirée par le titre de cet essai : "femme écrivant". Je ne connaissais absolument pas la bibliographie d'Assia Djebar ni celle de Maïssa Bey.

L'autrice rend hommage dans ce livre court à celle qui a ouvert la voie à l'écriture des femmes algériennes en langue française, Assia Djebar. Une écriture osée, risquée, "minée" dira celle-ci.

Si l'on sait la difficulté pour les femmes à faire entendre leur voix, à s'affirmer et se voir reconnues comme écrivaines dans l'histoire de la littérature, cet essai montre qu'écrire à la première personne en tant que femme algérienne et "dans la langue différente" a demandé bien plus que du courage à Assia Djebar, à oser le rejet et le bannissement, s'affranchir des traditions et faire ce qui ne se faisait pas.

Cette lecture m'a non seulement fait découvrir deux écrivaines que je ne connaissais pas et dont je vais avoir plaisir à découvrir les romans, mais aussi une réalité de l'écriture des femmes dont je n'avais pas conscience jusqu'alors.

Je trouve la couverture du livre magnifique et les citations qui jalonnent le livre inspirantes. Une belle découverte que je recommande.
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Entendez-vous dans les montagnes...

Nous sommes à bord d'un train avec une femme Algérienne (La narratrice) un Français qui a vécu un certain temps en Algérie, et une jeune fille dont le grand père est pied noir. Nos trois personnages voyagent dans le même wagon à destination de Marseille



Pendant que la femme lit un livre, l'homme l'interpelle et commence à cheminer un bout de conversation avec elle, une conversation qui finit par éveiller en lui des souvenirs marquants et même pesants (présence de flash blacks). Des souvenirs qui sont en rapport direct avec la vie de cette femme inconnue, cette femme assise en face de lui et qui a peine quelques minutes avant ne connaissait rien de son existence



Sans jugement ni blâme, la femme essaie de fuir la discussion , car pour elle aussi, il s'agit d'un sujet bien plus pesant. Il s'agit d'une vie qu'elle voulait oublier, laisser derrière elle. Mais l'insistance de l'homme (et de la fille peu après qui finit par rejoindre leur conversation) finit par éveiller en elle toute cette souffrance qu'elle a refoulé depuis ce temps.



Maïssa Bey a mis deux années entière à écrire ce petit récit de 71 pages ! Mais quelle raconte finalement avec tellement de douceur et de délicatesse malgré la sensibilité du sujet ...

Personnellement je l'ai trouvé bouleversant et poignant !



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Nulle autre voix

Maïssa Bey fait parler une femme Algérienne, sortie de prison après avoir purgé une peine de quinze ans de réclusion. Plus jeune, elle a tué son mari de trois coup de couteaux. Cette femme a toujours souffert, mal aimée par sa mère, absente pour son père, ignorée par les autres enfants puis par les adultes. Elle a muri son acte et, après lui, s’est réfugiée dans le mutisme. Une écrivaine qui veut écrire un roman sur les femmes « criminelles » et leur vie en prison desserre patiemment le verrou et réussit à la faire parler de sa vie, de toute sa vie. L’écrivaine est assez jeune, séduisante, épanouie, libre, à l’opposé de la « femme ».

Ce que « la femme qui a tué son mari », exprime enfin, tant sur la condition des femmes en Algérie que sur la vie en prison est saisissant, très dur mais passionnant. Le poids des normes familiales, sociales et religieuses est terrible pour ces femmes, la portée des rumeurs est dévastatrice. Pour elles, le monde est une forme d’enfer. Ce qu’elle dit de l’Algérie pourrait appliqué à bien d’autres pays, son propos est universel.

Le processus narratif mis en place par Maïssa Bey, ces rencontres et ces échanges épistolaires de plus en plus libres entre « la femme» et l’écrivaine est très habile, il crée une tension émotionnelle supplémentaire.

L’on est ébloui par le style pur, sensuel de l’auteure, pétrie de culture française classique et par la clarté de son expression et l’on est déçu de voir la fin de la lecture arriver trop vite. L’on aurait aimé en savoir plus sur « la femme » et sur l’écrivaine. Un livre marquant qui donne envie de mieux connaître l’œuvre, riche, de Maïssa Bey.

J’ai eu la chance d’entendre Maïssa Bey, que je ne connaissais pas, lors d’une rencontre à Sidi Bel Abbès en octobre dernier. J’avais été impressionné par sa culture, son empathie, sa profondeur de vues, sa liberté de ton, son courage et déjà par la clarté de son expression. J’ai tardé à lire son dernier livre « Nulle autre voix » en raison de son sujet que je trouvais très dur mais je regrette ce retard et je vais poursuivre sans délai ma découverte de cette auteure de premier plan.

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Entendez-vous dans les montagnes...

Un récit saisissant et poignant qu'on peut lire d'une seule traite tellement il tient en apnée.

La pesanteur du mal-être qu'il y a entre les personnages, les non-dits sont renforcés par ce huis-clos qui rend l'histoire magistrale. J'ai terminé le livre le souffle coupé, trop court et en même temps, en peu de page on en apprend tellement sur cette guerre qui ne dit pas son nom.
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Entendez-vous dans les montagnes...

Trois personnes dans un compartiment de train à destination de Marseille. Trois générations : un sexagénaire prénommé Jean, une femme sans âge et sans identité et, enfin, Marie, à peine 20 ans. Trois destins, tous liés, du fait d'un cruel hasard, par l'Algérie des années 50 et 60. Une période aux noms et aux cicatrices variables, dépendant de la nationalité et de l'âge de chacun et chacune.

Jean a été envoyé en Algérie comme appelé. Le père de la femme sans nom, Algérienne exilée en France, combattait pour l'indépendance de son pays. Le grand-père de Marie, installé lui aussi au sud d'Alger à l'époque, ne lui a jamais rien raconté sur les "événements".

Maissa Bey esquisse et fait croitre parfaitement la tension, née initialement de quelques mots, puis peu à peu matérialisée dans ce compartiment, soit en phrases hésitantes, incomplètes, soit en déclarations péremptoires, soit en silences, dressés comme des fantômes d'aveux.

Et elle sait rendre compte des douleurs de chaque protagoniste, femme algérienne, homme français, l'une à qui la guerre a pris son père, l'autre qui y a perdu son âme. Sans oublier Marie, prisonnière du silence imposé par son grand-père, et qui porte une autre forme de blessure. Et veut savoir pour tenter de la refermer.

Ce récit, solidement construit et mis en scène, puise aussi sa force dans une écriture subtile et une finesse extrême dans l'évocation des luttes intérieures et des questionnements de chaque personnage.

Une première découverte très convaincante de cette autrice.
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Bleu blanc vert

Avec Sous le jasmin la nuit, j'avais le souvenir d'une belle écriture assez complexe et j'ai oublié ce que raconte les nouvelles... Je pense que ce très beau roman d'histoire et d'amour, qui raconte l'Algérie de l'Indépendance à l'arrivée au pouvoir du Front islamique (30 ans) en alternant les récits de Lilas et d'Ali, me restera. Je l'ai trouvé limpide et profond, tellement précieux pour enrichir ses connaissances et réfléchir à la liberté tout en étant une histoire avec des personnages attachants.
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Entendez-vous dans les montagnes...

Depuis L’art de perdre (2017) d’Alice Zeniter, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt plusieurs romans et récits autour de l’histoire de l’Algérie du XXème siècle. Mon intérêt pour ce pan d’Histoire n’étant de loin pas encore satisfait, je suis toujours ravie de découvrir de nouvelles voix sur le sujet.



Maïssa Bey (1950), de son vrai nom Samia Benameur, est l’autrice de neuf romans, de trois recueils de nouvelles et de poésie, de pièces de théâtres et d’un essai. Elle est l’une des figures du féminisme algérien.



La récente réédition au format poche de Entendez-vous dans les montagnes (2002), son troisième roman, a été enrichie d’un petit texte écrit pour Le Monde et publié en mars 2022. Dans Pour moi, la guerre d’Algérie a commencé dans un long cri strident, Maïssa Bey explique comment la guerre d’Algérie, que ses parents n’avaient jamais évoquée devant les enfants pour les préserver, est entrée brutalement dans sa vie à travers un cri qui est venu « se fracasser contre l’insouciance de l’enfance ». Ce long cri strident, c’était celui d’une mère qui hurlait à sa fille de sept ans « ils ont tué ton père« .



Entendez-vous dans les montagnes est un roman très court et personnel inspiré de l’histoire familiale de Maïssa Bey, une histoire marquée par l’assassinat de son père en 1957. Si elle n’a gardé que très peu de souvenirs de ce dernier en raison de son jeune âge, le silence qui a entouré sa disparition a marqué sa vie.



Entendez-vous dans les montagnes est un huis-clos dans lequel trois destins s’entrecroisent le temps d’un voyage en train de nuit. En partageant un compartiment, une Algérienne réfugiée en France, un médecin français à la retraite ayant servi en Algérie pendant la Guerre d’Indépendance et une petite-fille de « pieds-noirs » échangent sur les horreurs de la Guerre et ses conséquences sur leur vie.



Un texte tout en pudeur qui m’a donné envie de lire d’autres romans de Maïssa Bey.



A lire également sur le blog
Lien : https://livrescapades.com/20..
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Surtout ne te retourne pas

Au bout de seulement 61 pages lues, l'écriture de Meissa Bey vous transporte " au sens propre du terme" à l'intérieur même du contexte, voire, la société du livre.En effet, le "je" de l'auteure vous implique malgré vous dans ce qui se passe, vous poussant ainsi à cogiter, à vous demander ce qui se passe, mais également à vous engager dans un questionnement introspectif.

A lire absolument !

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Hizya

Le fait d’avoir pris beaucoup trop de temps à lire ce livre, faute de temps malheureusement, ne peut que troubler mon avis. J’essayerai donc d’être la plus objective et la plus concise possible.



Hizya, la jeune fille ambitieuse et pleine de rêves, a tenté tant bien que mal de tenir tête au destin et vivre une histoire d’amour aussi ardente que celle de la légendaire HIZYA mais elle a aussitôt été rattrapée par la réalité et a fini par croire que la vie est loin d’être un poème.



Maïssa Bey veut donc nous faire parvenir que quoique l’on puisse dire ou faire, la société à laquelle on appartient, les discours qui ont bercé notre enfance et les coutumes qu’on nous a inculquées tout au long de notre vie, finiront tôt ou tard par nous rattraper, autant savoir les gérer et en tirer le positif.



Un bon roman qui mérite d’être lu.

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Entendez-vous dans les montagnes...

« Entendez-vous dans les montagnes... », le glas mémoriel.

Les mots annonciateurs d’une vérité mise à nue, immanquablement par Maïssa Bey, algérienne qui vit à Sidi Bel Abbes. Son texte foudroie tel l’éclair les atrocités d’une guerre coloniale. Les souffrances, les gestes précis, au scalpel ; froids, sans aucun état d’âme pour le torturé. Son propre père assassiné. « Ils ont tué ton père ! … La guerre d’Algérie a commencé dans un cri. Des Ennemis ? Des Français ? Mais alors comment identifier l’ennemi quand mes meilleures amies de l’école s’appelaient Nicole, Brigitte, Malika et Annie ? »

Discriminations et humiliations pour Maïssa, elle , une fille de fellaga. L’ubiquité brouillée par le rejet plus fort que la haine. Elle cède sa vie à Marie, Entendez-vous dans les montagnes, porte-parole qui revient sur ses terres natales.

Dans le wagon, le huis-clos est une narration. « Un homme vient d’entrer. Il jette à peine un regard sur elle. Il ne la salue pas. »

Elle ferme les yeux et écoute l’italique qui trouble la trame, soldats français, l’idiosyncrasie d’une guerre, dont certains si jeune ne savaient pas pour les villages brûlés, les tortures, les assassinats, les attentas et l’ultime sursaut d’un peuple colonisé et oppressé. Elle observe l’homme près d’elle, pragmatique et froid. Une femme arrive subrepticement dans leur wagon. Habitée de faux-semblants, d’aprioris et de la parole cachée des siens. Ne pas dire ce qui fût.

« Comment c’est là-bas ?… Comment peut-elle être sûre que ce sont des arabes ? » en imaginant une bagarre dans le train.

Les conséquences d’une guerre sur les rails. Les paysages changent, s’assombrissent pictural des rémanences. L’homme, docteur côté ville qui connaît si bien l’Algérie et pour cause. Marie se recroqueville et pressent cet homme acteur des tortures. C’est suggéré, effleuré, et pourtant les ombres sournoises persistent. Le socle des silences si prégnants, jusqu’au paroxysme d’une parole en advenir. Elle désigne la jeune fille :

« Vous devez le savoir ce que c’est, non? Expliquez-lui ce qu’était la corvée d bois, expliquez-lui à elle qui ne sait rien de cette guerre, elle qui a son grand-père n’a rien raconté d’autre que ses palpitantes parties de pêche en Algérie ?

« Entendez-vous dans les montagnes », le voyage murmure et bruit sourd que les ombres tourmentent encore à l’infini. Ce texte sublime et triste, réel, magnifiquement écrit, démonte les mécanismes implacables, désespérés car impossible à contrer. La phrase finale, crépusculaire, Marie, la femme et lui glaçant et malsain encore dans son rôle de tueur qu’on ne peut quitter des yeux.

Ce récit dont l’inaugural « Un long cri stridant » publié dans Le Monde en 2022 est le tracé de vie de Maïssa, écrivaine de la mémoire. Persistante engagée aux dires. Ce livre est le témoin, l’exactitude d’une guerre entre deux amies, deux voisins devenus ennemis. C’est cela qui est terrible. Ici dans cet écrin des résurgences, il y a la résistance du mot. Magistral et inoubliable. Publié par les majeures Éditions de L’Aube. Au doux prix de 10,90 €.



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Entendez-vous dans les montagnes...

En introduction, un texte de l'auteur rédigé pour le quotidien Le Monde, à l'occasion des 60 ans de la signature des accords d'Evian. Cela nous plonge rapidement dans la dure réalité de cette période.

Suite le récit à proprement parler. Une femme étrangère est assise dans la compartiment d'un train. S'assoient près d'elle, un vieil homme puis une jeune femme. Pendant le trajet, elle reprend la lecture d'un livre qu'elle vient d'acheter à la librairie, "Le Liseur" de Bernhard Schlink.

Les échanges entre un ancien combattant, la fille d'un résistant algérien et une petite fille de pieds noirs permettent d'évoquer, avec beaucoup de pudeur, l'horreur de la guerre de l'Algérie et comment elle a vécu ce conflit. A la fin de l'ouvrage, quelques photos de documents permettent d'ancrer le récit dans la réalité. Ce récit ne peut laisser personne insensible.
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Entendez-vous dans les montagnes...

« Entendez-vous dans les montagnes... » est un texte petit par sa longueur, grand par sa force d'évocation et les sentiments qu'il traduit. Maïssa Bey a pris deux ans pour y retranscrire la mémoire de son père, mort sous la torture en 1957 pendant la guerre d'indépendance de l'Algérie.



Se déroulant sous la forme d'un huits-clos dans un wagon de train, ce texte raconte l'histoire d'une rencontre impromptue entre une fille de fellaga, une petite-fille de pieds-noirs et un ancien combattant. Et dans cette conversation, il n'y a place ni pour la haine, ni pour le pardon.



C'était la première fois que je lisais cette actrice et je suis conquise. « Entendez-vous dans les montagnes » est un texte puissant qui tisse des ponts entre les non-dits. Magnifique. À lire et transmettre absolument.



Édition enrichie avec le texte « Un long cri strident » publié dans le monde en 2022 et des photos et documents d'archives.
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Bleu blanc vert

Une belle traversée de trois décennies à Alger. J'ai appris beaucoup tout en lisant les points de vues alternés de deux enfants qui grandissent à l'époque post-indépendance.



J'ai un peu moins cru à l'histoire d'amour. Mais ça c'est peut-être moi.



Il faut 250 caractères pour que cette "critique" soit validée. Pourtant j'écris ici surtout pour moi, pour avoir une trace de ce que j'ai lu. Et pour venir lire vos critiques.
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Cette fille-là

Cette fille-là s’appelle Malika, héroïne et protagoniste du roman, conteuse de son histoire bien triste, âgée à peine de quelques jours, née d’un amour interdit et étouffé, Malika a été abandonnée par sa mère et a été miraculeusement retrouvée par deux ivrognes aux abords d’une plage déserte.



Au moment où elle raconte son histoire, elle se trouve dans un asile, diagnostiquée atteinte de FIC : forte instabilité caractérielle. Ce n’est pas un hasard d’être atteint de tous les maux lorsque vous êtes nés de parents inconnus, et puis ensuite recueilli par un couple désespéré dans l’incapacité de procréer, pour ensuite vous faire vivre l’enfer des humiliations, des brimades et des insultes, et puis lorsque vous devez fuir ce foyer sadique car l’être qui doit être votre présumé père adoptif a essayé de vous violer à l'âge de treize ans, essayant de fuir cette société cruelle vous indiquant du doigt comme étant la bâtarde, la rejetée, la délaissée.



Malika est donc au sein de cet asile accueillant uniquement des femmes, des femmes délaissées, laissées pour compte, écartées du monde. Elle va raconter, dans une douloureuse intimité, leurs histoires au lourd vécu, aux différents parcours, au triste sort.



Malika la narratrice alterne alors entre sa propre vie, et celle des femmes rencontrées, brièvement, nous rencontrons Fatima, celle qui a fui son père, essayant de la tuer après l’avoir déshonoré en échangeant quelques mots avec un garçon de son âge. Yamina, celle qui est pointée du doigt, une créature que la morale interdit de qualifier, une réprouvée, une fille de joie tout simplement. M’barka, celle qui s’est fait maraboutée pour être rendue stérile et donc maudite et éloignée de son mari. Mais encore Khalti Badra, celle qui a sacrifiée une vie entière à travailler sans relâche pour nourrir ses enfants. Et enfin Houriya, celle qui a osé aimer un Français, un ennemi de son peuple.



Maissa Bey nous plonge dans la réalité de la condition de la femme algérienne, abordant principalement à travers sa protagoniste Malika le destin cauchemardesque de ces enfants innocents nés de parents inconnus, voués à affronter une société cruelle et sans pitié.
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