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EAN : 9782815930192
352 pages
L'Aube (23/08/2018)
3.67/5   42 notes
Résumé :
Elle a tué un homme, son mari. Elle sort de prison, quinze ans après. Mais, après avoir purgé sa peine, a-elle vraiment retrouvé la liberté ? Être une femme en Algérie est déjà propice à l'enfermement et au silence. Être une femme condamnée pour avoir ôté la vie d'un homme est au-delà des mots.
Une femme, qui se présente comme chercheuse, fait irruption dans sa vie. Jour après jour, par la force de la parole retrouvée, ces deux femmes que tout sépare vont à l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Confession en paliers, touche après touche, d'une femme qui, bien qu'ayant purgé sa peine de quinze ans pour avoir poignardé son mari, n'est pas encore vraiment sortie de prison : cloîtrée chez elle, elle refuse jusqu'au face à face avec elle-même.
L'arrivée dans sa vie d'une écrivaine qui veut écrire son histoire va changer la donne : d'abord réticente à parler, elle se met à se confier dans des carnets. Peu à peu, la parole se libère.
Malgré une plume fluide, l'authenticité indéniable de la confession, et l'évocation réussie d'un contexte sociétal déterminant (celui de la société algérienne et de la pression qu'elle fait peser sur les femmes), j'ai eu un peu de peine à adhérer pleinement au récit qui donne le sentiment de ne pas aller au fond des choses. L'empathie est là; mais peu profonde. Dommage pour moi.
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Après quinze années passées dans les prisons algériennes , une femme se retrouve seule , juste aidée par son frère. Elle va devoir affronter la vie, le regard des autres, et le poids de son meurtre.

Quel beau roman . La symbiose du fond , de la forme , cimentée par une magnifique écriture . Souvent les quatrième de couverture nous vendent des chimères mais là , les remarques emphatiques sont fondées.

Ce livre , c'est l'histoire d'une femme qui à la demande d'une auteure va raconter son histoire . Mot après mot puis phrase après phrase, elle va poser des mots sur sa vie, son cauchemar quotidien . Elle n'est rien , juste quelques orifices, un punchingball et une serveuse. Une esclave moderne. Elle est comme tant d'autres soumises à ces enculés qui au nom du sexe , de la religion ou simplement de la connerie s'arrogent le droit de disposer de l'autre, de l'abaisser systématiquement, de faire planer la peur sur lui. La peur , cette arme si puissance tant qu'on ne la combat pas.

Ce livre est un cri mais bien plus.

Le cheminement de l'héroïne est magnifiquement relaté .
Les comparaisons avec son physique , son enfance et le poids de sa mère ou l'absence de son père donnent encore plus de substance à un texte déjà très fort.
Ces 246 pages sont d'une densité rare, un photographie du quotidien de millions de femmes de part le monde (et peut être en face de chez nous) , un cri de détresse ou plutôt ici , un cri de vie , l'ultime solution pour échapper au cauchemar . Préférer la prison " en dur " que la virtuelle. La virtuelle , celle que tout le monde nie et qu'il est impossible dans certaines sociétés de faire reconnaitre.
Cette problématique est de plus mise en valeur de façon originale et très intelligente, permettant à l'auteure de montrer l'évolution de son héroïne face au monde.
Un vrai coup de coeur.
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« Elle » a tué son mari à qui ses parents l'ont mariée de force.

Elle vivait un enfer quotidien avec cet homme : humiliations physiques (les coups donnés sans que cela ne marqua la peau), humiliations psychiques (quand il était là, son seul domaine était la cuisine), humiliations sexuelles (les relations sexuelles servaient exclusivement à la procréation).

« Dès la première nuit, dès la première bouffée de haine, j'ai souhaité sa mort. J'en ai rêvé. Oui, des centaines de fois, j'ai rêvé pour lui un attentat terroriste, un accident quelconque, des mauvaises rencontres, une maladie incurable assortie d'une longue et douloureuse agonie. J'ai souhaité de toutes mes forces qu'il rôtisse en enfer, lui, l'homme pieux toujours prêt à exhiber sa foi et qui avait pris à la lettre le verset dans lequel il est dit qu'un homme se doit de corriger son épouse s'il considère qu'elle se montre récalcitrante. » (page 55).

Mais « elle » n'en peut plus et passe à l'acte. Elle est arrêtée et écope de quinze ans de prison. Elle accomplira sa peine dans une cellule trop petite pour sept à huit femmes, condamnées elles aussi pour des peines plus ou moins lourdes.
Cet enfermement, « elle » va le vivre, paradoxalement, comme une liberté qu'elle n'a jamais connue. L'homme, non plus, n'est plus là, châtié comme il se doit.
L'écriture va la sauver une première fois, en prison. Elle devient « écrivain public » pour ses co-détenues. Elle gagne leur confiance. Il s'agit aussi de sa survie physique, de ne plus être astreinte aux corvées les plus dures, les plus dégradantes…..

Depuis quelques paragraphes, je n'utilise pas de prénom pour nommer « elle ». Ce n'est pas un hasard ou une lubie de Maïssa Bey, l'auteur. Celle-ci nous explique que « par l'acte que j'ai commis, j'ai effacé mon identité et le prénom que mes parents ont choisi pour moi le jour de ma naissance. » (page 18). Une humiliation de plus qu' « elle » subit, après toutes les autres.

Quinze ans sont passés. Elle retrouve son appartement grâce à son père et à son petit frère.
Elle vivote. Ses seules sorties sont pour faire des courses à 500 mètres du logement.
Elle essaie de se reconstruire mais n'y arrive pas vraiment.

C'est alors que surgit dans sa vie Farida. Elle se présente comme chercheur, écrivain… Elle la contacte pour entendre son histoire et en faire, peut-être, un roman. « Elle » accepte.
Avec ces rendez-vous, ces échanges avec Farida, « elle » se libère, enfin, par la parole mais surtout, encore, par l'écriture.
A partir de là, « elle » va tenir un journal et chaque jour sera consacré à écrire une lettre à l'écrivain, où « elle » se livre sans retenue.

« Nos conversations me laissaient un goût d'inachevé. Je voulais aller plus loin. J'ai compris, en revenant à mes carnets chaque soir, que l'écriture libère bien plus que la parole. » (page 233).

Maïssa Bey dans « Nulle autre voix » se fait la porte-parole de toutes ces femmes algériennes qui subissent, quotidiennement, les violences ordinaires d'une société ne pardonnant rien aux femmes.

« Pour moi, la première violence est de s'arroger le droit de disposer de l'autre. du corps de l'autre. Au nom d'une supériorité légitimée par la naissance, le sexe, l'argent, la position sociale ou encore par des lois humaines ou divines. » (page 200).

Très tôt, les enfants connaissent le rang qu'ils auront à tenir adultes dans la société. Les filles deviendront des épouses soumises, enfermées dans le carcan de leur foyer. Elles devront obéir à leur mari en toutes circonstances. Elles n'auront aucune autre issue.
Elles pourront faire des études, travailler mais elles resteront toujours sous la tutelle des hommes. Tout est apparence. Il est très important que tout reste dans le giron familial et marital.

« Le visible et le caché. Deux socles sur lesquels repose la société. Ce qui ne se voit pas n'existe pas et ne peut donc pas être répréhensible. » (page 148).

Un autre sujet que traite Maïssa Bey dans son livre est la prison. Elle décrit longuement comment cela fonctionne (les passe-droits…). La violence y est aussi présente.
Après être sorti de prison physiquement, celle-ci reste à jamais dans la tête, dans les gestes, les attitudes. On ne sort pas totalement de cet autre enfermement. Celui-ci, aussi, vous colle à la peau pour la vie.

« Les murs de la prison me séparent toujours du monde. Ils sont dans ma tête. Rien ne pourra venir à bout de cette forteresse mentale. Pas seulement mentale d'ailleurs…. Je m'aperçois maintenant que, quoi que j'aie pu vous raconter sur ces lieux, je ne crois pas avoir réussi à en restituer l'atmosphère sordide jusqu'à l'odeur de remugle et de graillon qui continue d'imprégner les narines, longtemps après que l'on en est sorti. » (pages 101-102).

Enfin, l'écriture de Maïssa Bey est très importante pour donner chair à ses personnages féminins. Son écriture peut être tout en douceur, comme elle peut être crue. Elle peut être tout en nuance et quelques mots après violente, avec des phrases assénées comme des claques.

En quatrième de couverture, la journaliste Marina da Silva écrit dans « Le Monde diplomatique » : « Le lecteur qui ne connaît pas encore Maïssa Bey à beaucoup de chance… Il va découvrir une écriture solaire dans tous ses éclats, entre ombre et lumière, caresse et brûlure. »

La journaliste a bien résumé ce que j'ai ressenti dans ce livre et pour ce livre. Maïssa Bey est un écrivain qui ne laisse pas indifférent.
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Dans son dernier roman «Nulle autre voix» Maïssa Bey livre les échanges entre une écrivaine et une ancienne détenue, condamnée pour le meurtre de son mari, des correspondances qui explorent le psyché d'une anti-héroïne mise à nu par sa nouvelle condition de criminelle.
Ce roman de 202 pages, mettant en scène un face-à-face anxiogène entre une écrivaine à la conquête d'un nouveau champ d'écriture et de personnages hors du commun, et une ancienne détenue, menant une vie de réclusion chez elle après quinze ans de détention.
Oscillant entre le récit des échanges entre les deux femmes, racontés par l'ancienne détenue, et une dizaine de lettres écrites par la criminelle à l'écrivaine, ce roman nourrit au fil du récit la curiosité du lecteur, et celle de l'écrivaine, envers cette femme hors du commun, qui a donné la mort et a vécu quinze ans en réclusion.
L'écrivaine, personnage à peine présent, ne sert qu'à susciter les confidences livrées au compte-gouttes d'une femme battue, humiliée et soumise qui a trouvé sa liberté et sa paix intérieure dans le crime et dans la détention.
Si les mots clés de ce roman, qui pousse le lecteur à anticiper les faits par curiosité, semblent être «Femme, meurtre, prison, violence, et silence», le récit tourne en réalité autour de la curiosité, les confidences, la confiance, la honte, le retour progressif à la vie ou encore l'amour et l'amitié, ou leurs absences.
L'auteure ne parle que très subtilement de ce crime violent, perçu comme un acte libérateur par son auteur qui n'a pas soufflé mot pour se défendre, préférant se réfugier en prison à l'abri du regard de son entourage qui n'a jamais perçu sa détresse de femme humiliée, rabaissée, battue et qui n'a jamais connu l'amour ni aucun plaisir de la vie.
Pour tenter de dresser le portrait de «la criminelle», les deux femmes évoquent souvent son enfance, sa relation avec sa mère, qui s'est débarrassée d'une «fille instruite mais au physique ingrat» en lui arrangeant un mariage précipité, et avec son père «pas assez présent dans sa vie».
Assurant son rôle d'anti-héroïne jusqu'au bout, les histoires de la criminelle restent anodines même quand le lecteur et l'écrivaine s'attendent à des «anecdotes croustillantes» sur la vie carcérale où elle s'est faite une place en écrivant des lettres et des documents administratifs pour ses codétenues dont elle ne parle que de manière évasive, ou sur la nuit et les détails du meurtre dont elle ne parle que de son point de vue libérateur.
Au fil du récit, une forme d'amitié très complexe et fragile, pleine de non-dits, s'installe entre les deux femmes, l'ancienne détenue revenue dans son appartement vivant isolée de tout, elle installe progressivement l'écrivaine au centre de sa vie et s'adonne à un jeu de manipulation pour la tenir en haleine.
Un roman a' ne pas rater.
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Enfin libre, difficilement, elle écrit, sa solitude actuelle rythmée par les interviews régulières de l'écrivaine, sa vie à 60 par cellule dans la prison algérienne, sa jeunesse, brimée par sa mère, battue par son époux, prédateur violent qu'elle a assassiné.

Ses carnets sont peut-être 'des pages pleines d'incohérences et de répétitions', mais c'est grâce à eux et à l'écrivaine qu'elle retrouve confiance et plaisir.

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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Fidélité. Dévouement. Sacrifice. Exemple. Courage.
Ah ! Ces mots fort respectables qui se tiennent droit! Ils se pavanent, salués et célébrés par tous. Une vie de femme ne peut trouver de sens que dans le souci des autres et le sacrifice de soi.
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Quelques jours après que nous avons emménagé dans cet appartement, je m'apprêtais à m'asseoir avec lui dans le salon. Nous avions fini de dîner. J'avais fait la vaisselle et fini les rangements dans la cuisine. Sans même se retourner, il m'a demandé de quitter le salon. Tu n'as rien d'autre à faire ? Sors d'ici ! Et j'ai obtempéré. Sans demander d'explications. Je suis retournée à ma place - la cuisine. J'y ai passé le reste de la soirée. Sans même oser retourner dans le salon pour y prendre un livre.
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J'avais deux frères. L'aîné, Abdelhak, est mort. Assassiné dans un faux barrage au milieu des années quatre-vingt-dix. Comme des milliers d'autres citoyens de ce pays. Je n'ai pas envie de m'étendre sur le sujet. Je n'ai pas envie de rouvrir la plaie. Cela s'est passé pendant la période la plus meurtrière de cette décennie de terreur et de violences dont l'évocation reste difficilement supportable.
Amine, le petit frère, ne s'est jamais remis de cette disparition. Il avait douze ans lors des faits.
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Pour moi, la première violence est de s'arroger le droit de disposer de l'autre.
Du corps de l'autre. Au nom d'une supériorité légitimée par la naissance, le sexe, l'argent, la position sociale ou encore par des lois humaines ou divines.
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D'abord cela :
Il faut que je lui dise, et qu'elle le comprenne même si cela peut lui sembler paradoxal : ce n'est pas l'enfermement qui m'a privée de liberté.
Quand les portes de la prison se sont refermées sur moi, je me suis brusquement sentie... comment dire ? délivrée. C'est le seul mot qui me vienne à l'esprit.
Délivrée.
C'était fini. Il n'était plus.
Malgré l'appréhension des jours à venir, il y avait en moi une sorte de jubilation. La jubilation des premières fois. Il était là cet "enfin-libre" que je n'osais plus espérer.
J'avais infléchi le cours du destin.
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Videos de Maïssa Bey (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Maïssa Bey
Second extrait de la rencontre avec Maïssa Bey du 18 octobre à la librairie Petite Égypte.
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