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Critiques de Manuel Vázquez Montalbán (196)
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Tatouage

Entre Barcelone et Amsterdam, dans les plis de l’hédonisme et du politique, la naissance de l’un des plus puissants et attachants personnages du roman noir contemporain.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/06/03/note-de-lecture-tatouage-pepe-carvalho-1-manuel-vazquez-montalban/
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Les enquêtes de Pepe Carvalho - Intégrale, tome 3

Vasquez Montalbán a créé le personnage du détective privé Pepe Carvalho, ancien antifranquiste et membre du parti communiste, qui a même collaboré à l’occasion avec la CIA, pour le voir évoluer dans une Espagne qui se cherche pendant les années de transition lors de retour de la monarchie et de la démocratie à partir de la fin des années 1970.

Ce recueil regroupe trois courts romans (ou longues nouvelles) dans lesquels Vasquez Montalbán met en scène un Pepe Carvalho vieilli et désabusé face au néolibéralisme qui est en train de remplacer la vieille Europe. J’ai déjà publié ici des critiques et des citations pour chacun de ces trois romans dont les différentes actions se passent à la charnière des années 1980 et 1990 mais il me semble intéressant de s’interroger aussi sur le choix éditorial de leur rassemblement dans cette édition.



Dans Les Thermes (El Balneario), publié en 1986, c’est l’Europe qui est représentée métaphoriquement à travers les différentes nationalités des protagonistes. La lecture peut paraître laborieuse dans la peinture parodique des relations entre états ou entre espagnols de diverses provinces, surtout que l’intrigue policière met du temps à se mettre en place et que Pepe Carvalho, un simple client en cure thermale, reste assez passif et rentre très progressivement dans l’action. Encore une fois, Vasquez Montalbán nous livre des pistes de réflexion sur l’Histoire et ses secrets, sur la société et ses paradoxes dans une intrigue policière didactique et stylisée. Les Thermes s’adresse aux lecteurs motivés qui sont familiers de l’univers de Vasquez Montalbán.

Après cette lecture difficile, on adhère immédiatement à l’intrigue plus courte de Hors jeu (El delantero centro fue asesinado al atardecer), publié en 1988. En effet, les menaces anonymes et l’engagement de Carvalho par les dirigeants du club de foot sont annoncés dès les premières pages et dés le début, le détective est égal à lui-même, gourmet et fumeur de cigares, entouré de son assistant Biscuter, de sa petite amie Charo et de son indic Bromure. L’énigme est à la fois littéraire avec le personnage du corbeau, sportive avec la corruption footballistique et foncière avec la spéculation immobilière attisée par les travaux prévus pour faire de Barcelone la ville olympique de 1992. L’intrigue est construite sur une opposition en effet miroir où Carvalho met en œuvre tout son talent pour aller au-delà des coïncidences.

Enfin, Le Labyrinthe grec (El Laberinto griego), publié en 1991, nous réconcilie pleinement avec l’univers habituel de Pepe Carvalho, chargé en même temps de deux affaires puisqu’il doit surveiller une jeune fille nymphomane et dépravée et retrouver l’amant grec d’une française particulièrement séduisante. Vasquez Montalbán revisite avec humour et dérision le mythe du Minotaure et du fil d’Ariane et l’histoire de Peter Pan et de Wendy dans les bas quartiers de Barcelone, voués à la démolition par les travaux entrepris pour les jeux olympiques.



Le nœud thématique de ce recueil est en fait le vieillissement de Pepe Carvalho, d’abord en qualité de curiste qui a des problèmes de foie et peut-être aussi de foi en son métier, puis en qualité d’ami qui voit mourir son fidèle indic, le cireur de chaussure Bromure et enfin de l’homme fatigué qui ne peut plus trop escalader les murs, n’est plus vraiment séduisant et qui a du mal à mener de front vie professionnelle et vie privée. La lettre de Charo dans le troisième récit est un vrai réquisitoire, non seulement contre Carvalho mais aussi contre elle-même et les ravages du temps et de l’âge. Et Carvalho est bien conscient de ce qui se passe : « il pressentait que pour la dernière fois de sa vie il se comportait comme un adolescent sensible, au mépris de l’âge véritable indiqué par les calendriers et les cartes d’identité… ».

Mais heureusement la série Carvalho dure jusqu’en 2004 quand elle se termine avec Milenio !

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Assassinat à Prado del Rey

C’est à cause de son personnage de détective privé, Pepe Carvalho, qu’il a fait vivre dans de nombreux romans et nouvelles et qu’il décrit lui-même comme un “privé mélancolique et nihiliste actif” que Vasquez Montalbán est connu du grand public. Les œuvres le mettant en scène ont été traduites dans différentes langues et même adaptées pour le cinéma et la télévision. On les trouve assez facilement sur le site de RTVE et sur You Tube…



Je suis personnellement très attirée par les romans policiers esthétisés par des références artistiques, musicales ou littéraires et je voue un culte à ce privé fin gourmet et à ses métaphores culinaires, même si sa curieuse manie de brûler les livres me fait frémir ; ce rapport particulier à la culture et à la mémoire, entre modestie, car Carvalho est extrêmement cultivé, et cynisme m’intrigue et j’en redemande.



Les quatre nouvelles de ce recueil présentent une déclinaison du mot « sordide » et mettent l’accent sur une saleté abstraite, sur l’infamie sous-jacente de la société. Pour autant, Vasquez Montalbán ne porte pas de jugement : « Assassinat à Prado del Rey » insiste sur l’impuissance à agir autrement que de la manière atavique de son milieu social ou culturel, « Rendez-vous avec la mort à Up and Down » ironise sur une forme de « sida esthétique », « Jordi Anfruns, sociologue sexuel » illustre une société issue du mai 68 français mais qui ne l’assume pas tandis que le final du « Signe de Zorro » est visualisable comme un tableau de Goya…



Je vous recommande de petit recueil et vous laisse avec la dernière phrase de la préface de l’auteur : « Je n’exagère pas. Des choses pareilles, j’en ai vu comme tout le monde ».

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Milenio

Milenio est le dernier ouvrage publié par l'auteur avant sa disparition.

C'est le livre d'une vie. L'auteur a passé des années à écrire ce livre au cours de ses nombreux voyages. Il décrit dans le détail ses intinéraires, ce qu'il y voit, ce qu'il y mange.



L'histoire ébauchée en quatrième de couverture n'est qu'un prétexte, une idée qui se perd au fil des pages.

De temps en temps, l'auteur se souvient de son histoire et il en touche un mot, pas plus.

j'ai l'impession que l'histoire policière a été rajoutée, plaquée sur le livre de voyages que l'auteur a tardé tant d'années à écrire.

Pour toutes ces raisons, j'ai beaucoup apprécié ce livre, même si je crois qu'il aurait dû se scinder en deux livres distincts : un livre court reflétant l'histoire policière et un livre, beaucoup plus long, retraçant les voyages de Pepe Carvalho. Cela aurait été plus honnête vis à vis du lecteur, quoi que moins commercial on n'en doute pas.



Si vous cherchez un thriller haletant, ce livre n'est donc pas pour vous.



En ce qui me concerne, je l'ai lu plus comme un récit de voyages, admiratif à chaque page de la maîtrise de l'auteur. Son écriture est vraiment sublime et les nombreux détails transportent le lecteur dans ce voyage sans fin aux côtés de Pepe Carvalho et de son acolyte qui, de l'aveu même des protagonistes "fouttent la merde là où ils vont".



Je ne saurai donc conseiller ce livre qu'à des lecteurs avertis.

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Meurtre au comité central

Je commence à être sacrément impressionné par le talent et la vista de Manuel Vazquez Montalban, après la lecture de cette enquête de Pepe Carvalho (la troisième pour moi) menée sur le terrain glissant des cercles politiques de l'alors toute jeune démocratie espagnole. Le premier secrétaire du parti communiste espagnol, héros de l'antifranquisme et personnage-pivot de la transition démocratique, est assassiné en plein comité central du parti. C'est à Carvalho, ancien communiste, que l'état-major du parti confiera la tâche de retrouver l'assassin (et donc le traître). Si encore une fois l'enquête de Carvalho ne semble pas se plier aux canons étroits du roman policier, la méditation sur le politique qui se dégage au fur et à mesure des avancées du détective est simplement superbe. La première partie du roman, correspondant à l'affranchissement de Carvalho par ses commanditaires, réfléchit à ce que signifie le fait d'être communiste sous Franco puis à cette époque apparemment plus apaisée de la naissance de l'eurocommunisme. Le cœur du roman, et notamment l'interrogatoire des principaux suspects, est le prétexte d'une typologie très réussie (mais un peu artificielle) des dirigeants et militants communistes de l'époque : vieux résistants, jeunes techniciens, éternels ouvriers et paysans. La conclusion, enfin, est une ode à la gloire des politiques émancipatrices et de ceux qui s'y consacrent avec intégrité. Si l'évocation de Madrid par MVM est bien plus chétive que celle de Barcelone (elle semble se résumer à la recette du gras-double), on ne manquera ni la description d'un appareil d'Etat passé en un clin d'œil du franquisme à la démocratie, ni celle des nouvelles figures de la Transition qui font l'objet d'une liste "à la Perec" particulièrement inspirée au détour d'un chapitre. Un livre passionnant pour tous les mordus de politique et les curieux de civilisation espagnole, qui - sans arriver à sa hauteur, mais il n'y visait pas - forme un prolongement particulièrement intéressant, centré sur le rôle du PCE, à la plus récente Anatomie d'un instant de Javier Cercas.
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Tatouage

Je n'ai pas tellement aimé ce livre. Si on ôte tous les passages où il est question de nourriture, il reste peu de pages pour l'enquête elle même. Cette obsession pour la bouffe m'a un peu agacée.

Pepe Carvalho est sensé avoir travaillé aux Etats Unis pour la CIA. Avant de se déclarer détective à Barcelone. Il a pour maitresse une prostituée indépendante. Donc un profil très atypique.

En revanche je salue son obstination à continuer ses recherches lorsque son mandant lui demande de mettre fin à ses recherches.





Je lirai peut-être J'ai tué Kennedy.





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Tatouage

Bonjour les babeliophiles petit retour sur ma dernière lecture de 188 pages sur ma liseuse.

Livre lu sur mes 2 nuits au travail, mais qu'est ce que je me suis ennuyé (pas au boulot) avec Tatouage. Je n'ai accroché à rien ni à l'enquête qui est proche de 0 ,ni aux personnages. Par contre si on enlève les chapitres Top Chef et les Chapitres Geo nous passons de 188 à 100 pages facile. Pour être honnête ce livre sera vite oublié mais comme je dis toujours ceci n'est que personnel.
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Meurtre au comité central

Drôle de policier ou l’intrigue est ténue comme un sandwich SNCF comme disait Séchan

Pourquoi Pepe Carvalho s’engage-t-il dans une enquête sur le meurtre du camarade Garrido , enquête commanditée par d’anciens combattants de la guerre civile, camarades de luttes alors qu’il n’est plus ni communiste, ni quoique se soit et est considéré par ceux qui le connaisse au mieux comme un apostat, au pire un renégat ou traître ? Pour l’argent ? Que nenni ! Alors ?

Eh c’est parce que Pepe voulait parler politique notamment de quarante ans de communisme d’après guerre et donc Montalbán n’ a eu d’autre choix que de suivre et c ‘est pour cela que le lecteur a droit à des analyses et synthèses politiques érudites. Il y a parfois des personnages qui prennent l’ascendant sur leur créateur et qui imposent leur sujet. Dire que Montalbán en soit marri peut-être pas car pour parler politique c’est toujours mieux dans un roman surtout policier que de chroniquer à chaud dans un journal!

On pourra apprécier p 71 un éloquent discours d’un gourou politique, dialectique intellectuelle parfaite du discours de gauche anarcho- communiste d’un certain temps, irréfragable mais dont le seul défaut c’est d’être à cent lieues de la réalité. De la dentelle littéraire !

Montalbán, pardon Pepe, nous livre ses impressions, pour dire peu, sur l’important vivier communiste espagnol entre deux âges sans parler de son incontournable contexte post-franquiste. On retrouve la dualité Montalbán/Pepe Carvalho et fiction/réalité.

Excellent analyse du parti, des militants : les doctrinaires, les purs et les autres, les anciens qui ont vécu la période Franco et la prison, des jours glorieux de luttes et les jeunots, tendrons politiques plus politiciens/fonctionnaires/apparatchiks mais dont les valeurs évoluent et pas forcement en bien: quand un militant se plaint d’être un lampiste on sent que la foi syndicale ou politique n’est plus ce qu’elle était, excellent analyse donc, en général, de l’ambiance d’un comité central communiste et la défection du militantisme, l’épouvantail Franco ayant disparu.

D’autre part Montalbán nous donne une jolie vue des particularismes régionaux de l’Espagne On est catalan ou Basque voire Madrilène ou Murcien et il en a autant que de groupuscules politiques à vrai dire même que d’ibères.

Pour en revenir à Pepe on connaît son goût pour les bon petits plats il nous apprend que

le cocido pot-au-feu à l’espagnol est fait à base de pois chiche, le mexicain avec des lentilles, et au Brésil des haricots noirs. Ainsi est le castillan, celui de Madrid se

distingue par le chorizo et celui de Catalogne par la saucisse au sang et la farce. Itou avec les kiwis néo-zélandais et les kiwis galiciens. Hum !

L’autre marotte c’est la littérature et les flambées au coin du feu, Huxley, Orwell et Zamiatine sont convoqués au menu et enfin la dernière et non la moindre les femmes. Là par contre Pepe fait un faux pas: son atavisme sexuel prend le pas sur ses cellules grises, et c’est bien déraisonnable dans une enquête à aux risques politiques pleine de barbouzes aux grosses pointures CIA ou KGB…Tse. Tse. Pepe!

La politique donc constitue ce livre: l’aspect policier y est mineur mais il y a quand même de l’action, ponctuelle certes, mais de l’action violente d’autant plus qu’elle semble très plausible. On est plus dans le John Le Carré que dans Maigret, Niémans ou Laviolette.

Les personnages ont de l’épaisseur sans parler du trublion Pepe.

Un très bon moment mais il faut aimer l’histoire, la politique, éventuellement le polar édulcoré et l’Espagne.
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Assassinat à Prado del Rey

J'avais envie depuis longtemps de renouer avec Montalban et Pepe Carvalho... c'est chose faite avec "Assassinat à Prado Del Rey et autres histoires sordides". Du sordide, il en est question dans ces différents nouvelles, dont une porte sur  l'assassinat d'un réalisateur de télévision, où on croise dans une autre un sociologue sexuel (un peu timbré...). Des nouvelles traversées par des personnages un peu louches, traitant de perversion et de folie aussi. Où j'ai eu plaisir à retrouver un Pepe Carvalho flegmatique, ironique et toujours fin gastronome...
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Les thermes

Les personnages de roman ont leur propre vérité et il arrive qu’un auteur se fourvoie en les soumettant à une expérience contraire à leur nature profonde. Quelle mouche a piqué Montalbán le jour où il a décidé d’expédier Pepe Carvalho en cure ? Voici le gourmet mythique, le gourmand insatiable, le cuisinier des bacchanales charcutières nocturnes soumis au jeûne et aux tisanes de plantes ! Eh bien ! Cela lui va très mal au teint. C’est un Pepe Carvalho décoloré, essoré qui se met à jouer au tennis (un comble !) et à fréquenter une bande d’abrutis enfermés, comme lui, dans la prestigieuse clinique des Faber and Faber, génies suisses de la diététique et de la vie saine.

L’intrigue est aussi passionnante qu’une partie de Pong sur une console de jeux des années 1970 et aussi tarabiscotée qu’un scoubidou à 20 fils.

On oublie pour se recentrer sur Meurtre au comité central, Les oiseaux de Bangkok ou Tatouage.
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La rose d'Alexandrie

J'ai eu ma période M.V Montalban, il y a quelques années déjà.

Je ne me souviens pas plus de la "La rose d'Alexandrie" que des autres aventures du détective catalan.

Sacrifiant rarement au rite du pitch, je gage que cela ne nuira guère à cette chronique qui se voudra plutôt généraliste de ce que j'ai lu de l'auteur.



Montalban ne joue pas la carte du thriller ni celle du twist ending.

A travers ses enquêtes Pepe Carvalho, son double de papier, nous fait explorer la société espagnole, avec le pesant arrière-plan de la dictature franquiste et son héritage encore si prégnant.



Cette démarche à la Simenon pourrait s'accompagner d'ambiances dramatiques et austères mais l'auteur à su contourner l'écueil en entourant son détective de clownesques acolytes, en s'éloignant parfois de la péninsule ibérique et surtout, en farcissant ses récits de nombreuses et alléchantes digressions gastronomiques.



Un de mes détectives préférés.
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La solitude du manager

Une plongée à contre-courant dans les sinuosités du pouvoir économique en Espagne à la chute du franquisme, en compagnie du privé le plus pénétrant, le plus gourmet et le plus désabusé du roman noir contemporain. Un grand roman.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/04/28/note-de-lecture-la-solitude-du-manager-pepe-carvalho-2-manuel-vazquez-montalban/
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Hors jeu

le détective Pepe Carvalho est encore aux manettes de cette enquête policière sur le thème du football et des intrigues financières gravitant autour .

La quatrième de couverture , dans le but de faire vendre ,trouve à ce texte des comparaisons élogieuses avec Brecht et d'autres ; n'exagérons pas , il s'agit d'un simple roman policier , certes bien ficelé , avec quelques touches de critiques politico-financières mais rien de transcendant .

Certes agréable à lire , mais loin d'être un monument littéraire . Manuel Vasquez Montalban qui dans les années 60 fit l'expérience des prisons franquistes sait écrire des textes d'une plus grande portée , notamment des articles politiques et des essais .

Livre qui ravira néamoins les amateurs du genre et les inconditionnels de cet auteur catalan .
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Les thermes

Une citation de Javier Pradera en épigraphe nous prévient de l’intention métaphorique et didactique : « l’Europe ressemble à une station thermale ». La citation exacte serait plutôt : "Europa es un balneario en el que nunca pasa nada" et ces mots auraient été prononcés en 1978 en réponse à un journaliste.

Pepe Carvalho a fait quelques excès et il est venu se remettre en forme à Bolinches, dans une maison de santé caricaturée où les pensionnaires jeûnent, se purgent, subissent massages et bains de boue et espèrent le meilleur retour sur investissement possible. Le personnel de direction est plutôt suisse, allemand et russe tandis que les espagnols sont cantonnés aux tâches subalternes. De leur côté, les curistes étrangers de différentes nationalités (américaine, suisse, allemande, italienne et belge…) et les curistes espagnols de différentes régions (madrilène, basque, catalane…) ont un peu de mal à s’entendre ; les velléités nationalistes ou régionalistes des uns et des autres transparaissent au cours de toutes les activités : gymnastiques, randonnées, soirées télé, discussions politiques…

L’action est un peu lente à démarrer puisque le premier d’une série de crimes n’est commis qu’au tiers du récit comme s’il s’agissait avant tout pour Vasquez Montalbán de planter un décor où la cuisine et les mœurs espagnoles sont remises en cause par les traitements thermaux, sous entendu métaphoriquement les directives européennes. Les amateurs du genre vont s’endormir au gré de toutes ces digressions politico-culturelles et perdre le fil de cette énigme policière en terrain clôt, une micro société de station thermale, une sorte de mystère de la chambre jaune. Finalement, les groupes nationaux représentés dans l’établissement thermal vont se comporter comme les pays européens quand ils se trouvent confrontés à un problème à régler et les Etats-Unis et l’Union Soviétique vont mettre le nez dans l’enquête qui va vite dépasser les frontières espagnoles ; les groupes se font et de défont, les alliances se nouent et se dénouent et, quand il s’agit de sauver sa peau ou d’éviter la quarantaine, l’égoïsme et le chacun pour soi reprennent le dessus. Malgré quelques péripéties notoires, dont une bataille épique, véritable allégorie de la lutte des classes, l’accumulation des cadavres et un final sous forme de bal costumé, ce petit roman manque un peu de dynamisme et de suspense ! Bon, le dénouement reste tout de même dans ce que l’on attend d’un Vasquez Montalbán : lisez ou voyez avec mon avocat, je n’en dirai pas plus…

J’avoue avoir souvent baillé et failli passer à une autre lecture… En fait, je ne reconnaissais plus Pepe Carvalho, trop spectateur des évènements, brimé dans son épicurisme, limité dans son action dans un roman noir trop souvent à la limite de l’essai didactique dans sa peinture des classes sociales et des clivages européens et mondiaux.

Il faut être un lecteur ou une lectrice averti(e) et avoir une bonne connaissance de l’écriture de Vasquez Montalbán pour apprécier pleinement les références, l’humour, le cynisme et l’analyse sociétale qui nous sont ici proposés et servis.

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Ménage à quatre

Ce petit livre est bien plus qu’un roman policier… L’appréhender uniquement dans cette catégorie serait bien trop réducteur. Je tiens à dire tout d’abord que le titre espagnol, Cuarteto, reflète à mon sens beaucoup mieux l’atmosphère artistique du roman car il rappelle un ensemble de quatre musiciens de jazz ; la traduction française Ménage à quatre fait immédiatement plus trivial.

Vásquez Montalbán a publié Cuarteto en 1988. Mais ce petit roman a d’abord paru en quatre partie dans El País Semanal en août 1987, une division qui devait suivre les quatre chapitres du livre ; Cuarteto fait partie de ce que les critiques appellent ses œuvres de la mémoire ou du post modernisme : ce n’est pas le plus connu ni le plus représentatif d’un cycle de romans dans lesquels Vásquez Montalbán veut mettre en avant la nécessité d’une lecture qui soit une vraie démarche d’investigation. C’est à dire que la dynamique narrative est conçue pour que la réalité des choses n’apparaisse pas immédiatement : le lecteur doit s’impliquer, s’immerger dans l’écriture de Vásquez Montalbán et dans la vie des personnages et dans leurs comportements. Avec ce livre, il nous propose de nous plonger dans Hamlet de Shakespeare et dans le tableau de l’Ophélie de Millais.



Il convient d’abord de situer l’intrigue sans pour autant dévoiler l’identité du coupable. Nous avons donc ici deux couples, soit un quatuor de bourgeois blasés, « jouisseurs dépensiers » (p. 32) « érudits oisifs » (p. 35) dans la quarantaine, sans enfants : Carlota et Luis, Pepa et Modolell. Un cinquième personnage, Ventos, le narrateur, joue en quelque sorte le rôle du chef d’orchestre ; il a une cinquantaine d’années et vit seul. Son secrétaire-comptable, German, joue également un rôle dans le roman. L’inspecteur Davila mène l’enquête : c’est un « fin limier qui, a force de vouloir noyer le poisson, finit par se noyer lui-même » (p. 40). Ventos nous apprend p. 19 que « Carlota Ciurana était morte noyée dans l’étang d’une ferme familiale […] un accident regrettable dont la cause pouvait être un malaise dû à sa grossesse, découverte lors de l’autopsie du corps. » Mais, il ne s’agit pas d’un accident : l’inspecteur Davila précise p. 20 que « l’autopsie indique qu’elle est morte noyée […] dans une baignoire avant d’être jetée dans l’étang […] qu’elle était enceinte de quatre mois et que son mari ne le savait pas». Voilà l’intrique purement policière.



Mais Vasquez Montalbán va utiliser des références shakespeariennes pour en fait un écrin, un faire valoir pour son roman truffé de références culturelles autour d’une intrigue somme toute très banale de crime passionnel. Il emploie presque la technique du « whodunit », même si son roman ne se passe pas dans un lieu complètement clos, car les allusions à Shakespeare, à Millais et à son modèle sont autant d’indices fournis au lecteur afin qu’il en déduise l’identité du criminel avant les dernières pages.

Vásquez Montalbán convoque l’univers théâtral de l’Hamlet de Shakespeare avec une variation sur le verbe « être », une représentation d’un huis-clos bourgeois et narcissique en référence à un « royaume pourri » chez Shakespeare et une mise en scène théâtrale des évènements.

Vásquez Montalbán se réfère aussi constamment au tableau de John Everett Millais représentant Ophélie. Ce tableau de 1852 figure d’ailleurs en bonne place sur la couverture de l’édition espagnole. Du début à la fin du roman, le personnage de Carlota est confondu avec celui d’Ophélie : elle est associée aux fleurs, à la jeunesse, à la beauté, à l’eau et à la folie. Comme Ophélie chez Shakespeare, elle ne devient intéressante que dans la mort. Le fait d’habiller Carlota en Ophélie et de transporter son corps dans l’étang obéit à « une obligation esthétique » de la part du meurtrier et à « sa déférence à cet esprit sublime » qu’était Carlota. La mise en scène va briser la logique de l’enquête policière et de l’instruction ; l’inspecteur Davila n’aura pas assez d’imagination pour saisir la part « d’émotion esthétique » de la scène de crime. Seul le juge s’étonnera du déguisement de la morte et s’interrogera davantage sur son état mental que sur la personnalité de l’assassin.

Les autres protagonistes ont également tous un rapport avec la pièce de Shakespeare. Luis, le mari de Carlota, est présenté comme une victime tout comme Ophélie ; coupable idéal selon l’inspecteur Davila, il ne supporte pas la prison où il apparaît comme un « pantin affalé sur la table des visites» (p. 30). Son suicide rappelle celui de la vraie Ophélie dans la pièce de Shakespeare. Il est décrit comme un naufragé dans sa prison. Comme Ophélie, il a tout perdu : Carlota et ses amis qui se désintéressent vite de son sort.

Modolell, l’amant de Carlota devient un reflet d’Ophélie ; sa beauté particulière pourrait faire de lui un alter ego masculin de Carlota et expliquer leur rapprochement.

Enfin Pepa, l’amie de Carlota est décrite comme une sorte d’anti Ophélie ; elle est exubérante, superficielle, trop sensuelle, vulgaire même.

Quant à Ventos, le narrateur, je le situe entre Hamlet et Othello.



L’écriture de Vásquez Montalbán est celle d’un homme cultivé, amateur de littérature et d’art, poète au début de sa carrière littéraire. Dépositaire de l’histoire d’Ophélie d’Hamlet, il se l’approprie tout en donnant dans son roman la place d’honneur à ses sources, la pièce de Shakespeare et le tableau de Millais. Il reprend à son compte dans Ménage à quatre la représentation collective d’une figure envoutante et obsédante d’un mythe littéraire et pictural.

Vásquez Montalbán reprend le mythe à la fois comme un mythe de situation, c’est-à-dire en plaçant son personnage de Carlota dans la situation et dans les attitudes d’Ophélie mais également en utilisant le mythe de l’héroïne, c’est-à-dire en substituant souvent le prénom Ophélie au vraie prénom de Carlota pour parler d’elle. Faut-il y voir une vénération des modèles (Shakespeare et Millais), une volonté de rivaliser avec eux, de les supplanter ? Je préfère y voir un hommage, un désir de donner une dimension supplémentaire à l’intrigue policière dans un souci d’esthétique et de mise en valeur de l’écriture.

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Meurtre au comité central

Un enquête très intéressante de l'inspecteur Pepe Carvalho dans les milieux communistes espagnols. Une partie de l'histoire de l'Espagne et de l'Europe défile sous nos yeux avec comme guide un truculent inspecteur.
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La joyeuse bande d'Atzavara

Ce livre dégage une atmosphère très particulière, entre la fascination et le dégoût. Montalbán nous épargne les analyses psychologiques, mais il décrit avec beaucoup de subtilité les rapports humains dans de telles circonstances. C'est une expérience qui entre en résonance avec ce que chacun de nous a pu vivre : par l'intermédiaire d'un cousin, d'une amie, d'une connaissance, on se retrouve tout-à-coup dans un milieu social qui n'est pas le nôtre. Certains sont gentils, mais vous le font discrètement sentir, d'autres, plus directs, essayent d'expulser le corps étranger.

Comme disent les catalans, dans ce genre de circonstances, on se sent aussi à l'aise qu'un poulpe dans un garage ! Encore un très bon roman de Montalbán.
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Tatouage

Un homme a été retrouvé flottant en mer, le visage détruit, et portant un étrange tatouage où il est écrit : « né pour révolutionner l'enfer ». Un homme engage Pepe Carvalho pour retrouver le nom du noyé. Alors que cette mort déclenche une razzia de la police barcelonaise dans les milieux de la drogue et des prostitués, son enquête mène Carvalho aux Pays-bas, sur la piste du mystérieux personnage. Bon, il ne vaut mieux pas en dire plus, au risque de révéler l'intrigue.

Tatouage est un très bon roman. Montalbán s'inspire des polars à l'américaine, et c'est plutôt réussi. La légende dit qu'il l'a écrit en 15 jours. Si c'est vrai, et il n'y a pas de raison de ne pas le croire, cela démontre un grand talent d'écriture de Montalbán. C'est apparemment la deuxième aventure de son personnage fétiche, le détective catalan Pepe Carvalho, après « J'ai tué Kennedy »... (j'avoue que j'ai parfois du mal à m'y retrouver avec les romans de Montalbán).

Ce personnage fait polémique : c'est normal, puisque c'est un nihiliste. Comme souvent, les intrigues policières de Montalbán sont un prétexte à dénoncer la société espagnole, sous les années étouffées de la dictature de Franco. Deux bonnes raisons de le lire, donc !
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Ménage à quatre

Quatuor avec chef d'orchestre ?



Le titre m'a fait sourire.

Et MONTALBAN est un écrivain au verbe magique: des phrases qui virevoltent, des mots qui s'enroulent et nous roulent, mêlant profondeur et légèreté, satire sociale et introspection… Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas retrouvé.



Avec « Ménage à quatre », il nous fait pénétrer dans un univers de dilettantes, où l'érudition est de mise et la vulgarité bannie. L'univers de deux couples et de leur ami, Ventos, le narrateur.

Là, où tout n'est que luxe, calme et volupté, la beauté devient vitale, on se nourrit de références culturelles et on fait fi de tout matérialisme. Ainsi, on ne s'assied pas dans un fauteuil mais dans un « Charles Eames », on ne boit pas de whisky mais du pur malt et ainsi va leur vie… s'agrémentant de voyages autour du monde, d'ironie suave, de persiflage de salon, d'histoires étrangement amoureuses… Et l'on méprise tout ce qui n'est pas nous.



Oui, mais voilà, Carlotta est assassinée avec une mise en scène rappelant la fin d'Ophélie (l'esthétique jusque dans le meurtre!). Or, Carlotta était le lien du groupe, sa dynamique… Avec sa disparition se pose la question du meurtrier bien sûr, mais aussi celle du devenir du groupe et de chacun de ses membres…

C'est Ventos l'ami des deux couples qui nous rapportent tout, les comment et les pourquoi, d'une façon bien particulière. C'est caustique, grinçant, piquant et fort spirituel.



Un régal de 90 pages !



Tout le style de MONTALBAN, fait de phrases sensuelles et somptueuses, de cynisme élégant, de persiflage politique, d'ironie et de légèreté qui masquent à peine les tragédies de la réalité sociale.

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Roldan, ni mort, ni vif

Ce récit, si vous lisez donc le 4e de couverture des éditions 10/18, n’est pas inspiré de faits réels, il est un fait réel à lui tout seul, puisque, quand il a été écrit, tout le monde ignorait le dénouement de ces faits. Par contre, visiblement, il fallait bien se voiler la face pour ne pas savoir l’étendu des fonds détournés par ce charmant personnage.

Par contre, s’il est des personnes que j’ai été ravie de retrouver, c’est Pepe Carvalho, spécialement missionné pour mettre la main sur cet homme, qui a vraiment fait beaucoup, mais alors beaucoup de détournements, y compris le détournement de trop (dans les magouilles, il faut savoir s’arrêter à temps) et Biscuter, qui a fait un stage à Paris, pour parfaire ses connaissances culinaires en matière de soupe. C’est dans une enquête complètement foutraque que l’on met les pieds, elle part dans tous les sens, y compris géographique, et l’on essaie encore de faire dévier Pepe : c’est fou le nombre de personnes, hommes, femmes, sortant non de l’ordinaire, mais se mettant au-dessus de l’extraordinaire, qu’il sera amené à croiser. A croire que les services secrets du monde entier, ou presque, se sont tous réunis pour l’opération Roldán, ni mort, ni vif.

Un livre extrêmement plaisant !
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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