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Rauda Jamis (Traducteur)
EAN : 9791041413836
96 pages
Points (08/03/2024)
3.4/5   26 notes
Résumé :
le corps de la Belle Carlota est retrouvé dans un étang. L'autopsie révèle qu'elle était enceinte, à l'insu de son mari.
Le quatuor de bourgeois blasés formé par les couples Carlota-Luis et Pepa-Modolell se brise d'un seul coup.

Modolell, puis Luis, sont accusés du crime. Et si c'était l'amant mystérieux qui avait fait le coup ? Une brève histoire cruelle d'un grand maître de la satire sociale et du suspense policier.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce petit livre est bien plus qu'un roman policier… L'appréhender uniquement dans cette catégorie serait bien trop réducteur. Je tiens à dire tout d'abord que le titre espagnol, Cuarteto, reflète à mon sens beaucoup mieux l'atmosphère artistique du roman car il rappelle un ensemble de quatre musiciens de jazz ; la traduction française Ménage à quatre fait immédiatement plus trivial.
Vásquez Montalbán a publié Cuarteto en 1988. Mais ce petit roman a d'abord paru en quatre partie dans El País Semanal en août 1987, une division qui devait suivre les quatre chapitres du livre ; Cuarteto fait partie de ce que les critiques appellent ses oeuvres de la mémoire ou du post modernisme : ce n'est pas le plus connu ni le plus représentatif d'un cycle de romans dans lesquels Vásquez Montalbán veut mettre en avant la nécessité d'une lecture qui soit une vraie démarche d'investigation. C'est à dire que la dynamique narrative est conçue pour que la réalité des choses n'apparaisse pas immédiatement : le lecteur doit s'impliquer, s'immerger dans l'écriture de Vásquez Montalbán et dans la vie des personnages et dans leurs comportements. Avec ce livre, il nous propose de nous plonger dans Hamlet de Shakespeare et dans le tableau de l'Ophélie de Millais.

Il convient d'abord de situer l'intrigue sans pour autant dévoiler l'identité du coupable. Nous avons donc ici deux couples, soit un quatuor de bourgeois blasés, « jouisseurs dépensiers » (p. 32) « érudits oisifs » (p. 35) dans la quarantaine, sans enfants : Carlota et Luis, Pepa et Modolell. Un cinquième personnage, Ventos, le narrateur, joue en quelque sorte le rôle du chef d'orchestre ; il a une cinquantaine d'années et vit seul. Son secrétaire-comptable, German, joue également un rôle dans le roman. L'inspecteur Davila mène l'enquête : c'est un « fin limier qui, a force de vouloir noyer le poisson, finit par se noyer lui-même » (p. 40). Ventos nous apprend p. 19 que « Carlota Ciurana était morte noyée dans l'étang d'une ferme familiale […] un accident regrettable dont la cause pouvait être un malaise dû à sa grossesse, découverte lors de l'autopsie du corps. » Mais, il ne s'agit pas d'un accident : l'inspecteur Davila précise p. 20 que « l'autopsie indique qu'elle est morte noyée […] dans une baignoire avant d'être jetée dans l'étang […] qu'elle était enceinte de quatre mois et que son mari ne le savait pas». Voilà l'intrique purement policière.

Mais Vasquez Montalbán va utiliser des références shakespeariennes pour en fait un écrin, un faire valoir pour son roman truffé de références culturelles autour d'une intrigue somme toute très banale de crime passionnel. Il emploie presque la technique du « whodunit », même si son roman ne se passe pas dans un lieu complètement clos, car les allusions à Shakespeare, à Millais et à son modèle sont autant d'indices fournis au lecteur afin qu'il en déduise l'identité du criminel avant les dernières pages.
Vásquez Montalbán convoque l'univers théâtral de l'Hamlet de Shakespeare avec une variation sur le verbe « être », une représentation d'un huis-clos bourgeois et narcissique en référence à un « royaume pourri » chez Shakespeare et une mise en scène théâtrale des évènements.
Vásquez Montalbán se réfère aussi constamment au tableau de John Everett Millais représentant Ophélie. Ce tableau de 1852 figure d'ailleurs en bonne place sur la couverture de l'édition espagnole. du début à la fin du roman, le personnage de Carlota est confondu avec celui d'Ophélie : elle est associée aux fleurs, à la jeunesse, à la beauté, à l'eau et à la folie. Comme Ophélie chez Shakespeare, elle ne devient intéressante que dans la mort. le fait d'habiller Carlota en Ophélie et de transporter son corps dans l'étang obéit à « une obligation esthétique » de la part du meurtrier et à « sa déférence à cet esprit sublime » qu'était Carlota. La mise en scène va briser la logique de l'enquête policière et de l'instruction ; l'inspecteur Davila n'aura pas assez d'imagination pour saisir la part « d'émotion esthétique » de la scène de crime. Seul le juge s'étonnera du déguisement de la morte et s'interrogera davantage sur son état mental que sur la personnalité de l'assassin.
Les autres protagonistes ont également tous un rapport avec la pièce de Shakespeare. Luis, le mari de Carlota, est présenté comme une victime tout comme Ophélie ; coupable idéal selon l'inspecteur Davila, il ne supporte pas la prison où il apparaît comme un « pantin affalé sur la table des visites» (p. 30). Son suicide rappelle celui de la vraie Ophélie dans la pièce de Shakespeare. Il est décrit comme un naufragé dans sa prison. Comme Ophélie, il a tout perdu : Carlota et ses amis qui se désintéressent vite de son sort.
Modolell, l'amant de Carlota devient un reflet d'Ophélie ; sa beauté particulière pourrait faire de lui un alter ego masculin de Carlota et expliquer leur rapprochement.
Enfin Pepa, l'amie de Carlota est décrite comme une sorte d'anti Ophélie ; elle est exubérante, superficielle, trop sensuelle, vulgaire même.
Quant à Ventos, le narrateur, je le situe entre Hamlet et Othello.

L'écriture de Vásquez Montalbán est celle d'un homme cultivé, amateur de littérature et d'art, poète au début de sa carrière littéraire. Dépositaire de l'histoire d'Ophélie d'Hamlet, il se l'approprie tout en donnant dans son roman la place d'honneur à ses sources, la pièce de Shakespeare et le tableau de Millais. Il reprend à son compte dans Ménage à quatre la représentation collective d'une figure envoutante et obsédante d'un mythe littéraire et pictural.
Vásquez Montalbán reprend le mythe à la fois comme un mythe de situation, c'est-à-dire en plaçant son personnage de Carlota dans la situation et dans les attitudes d'Ophélie mais également en utilisant le mythe de l'héroïne, c'est-à-dire en substituant souvent le prénom Ophélie au vraie prénom de Carlota pour parler d'elle. Faut-il y voir une vénération des modèles (Shakespeare et Millais), une volonté de rivaliser avec eux, de les supplanter ? Je préfère y voir un hommage, un désir de donner une dimension supplémentaire à l'intrigue policière dans un souci d'esthétique et de mise en valeur de l'écriture.
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Récit laborieux d'une enquête policière espagnole sur un peu plus de quatre-vingt pages mais où l'on devine le coupable dans le premier quart.
Une écriture de style redondant qui nous donne envie d'arriver au plus vite à la fin de l'ouvrage.
Seconde lecture de cet auteur, mais toujours pas de déclic .
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Quatuor avec chef d'orchestre ?

Le titre m'a fait sourire.
Et MONTALBAN est un écrivain au verbe magique: des phrases qui virevoltent, des mots qui s'enroulent et nous roulent, mêlant profondeur et légèreté, satire sociale et introspection… Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas retrouvé.

Avec « Ménage à quatre », il nous fait pénétrer dans un univers de dilettantes, où l'érudition est de mise et la vulgarité bannie. L'univers de deux couples et de leur ami, Ventos, le narrateur.
Là, où tout n'est que luxe, calme et volupté, la beauté devient vitale, on se nourrit de références culturelles et on fait fi de tout matérialisme. Ainsi, on ne s'assied pas dans un fauteuil mais dans un « Charles Eames », on ne boit pas de whisky mais du pur malt et ainsi va leur vie… s'agrémentant de voyages autour du monde, d'ironie suave, de persiflage de salon, d'histoires étrangement amoureuses… Et l'on méprise tout ce qui n'est pas nous.

Oui, mais voilà, Carlotta est assassinée avec une mise en scène rappelant la fin d'Ophélie (l'esthétique jusque dans le meurtre!). Or, Carlotta était le lien du groupe, sa dynamique… Avec sa disparition se pose la question du meurtrier bien sûr, mais aussi celle du devenir du groupe et de chacun de ses membres…
C'est Ventos l'ami des deux couples qui nous rapportent tout, les comment et les pourquoi, d'une façon bien particulière. C'est caustique, grinçant, piquant et fort spirituel.

Un régal de 90 pages !

Tout le style de MONTALBAN, fait de phrases sensuelles et somptueuses, de cynisme élégant, de persiflage politique, d'ironie et de légèreté qui masquent à peine les tragédies de la réalité sociale.
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Dans ce court récit, c'est l'inspecteur Davila qui remplace le célèbre détective Pepe Carvalho car il y a crime et la victime est une belle blonde. Dans le trio de musiciens, qui est l'assassin? La question est d'importance et pourtant la clé de l'énigme importe peu. .
Les dernières phrases de l'ouvrage propose d'infinies spéculations que l'auteur paraît considérer comme vouées à demeurer sans réponses satisfaisantes. Un texte désinvolte, ironique, mêlant la satire et le suspense
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bof; je ne l'ai pas trouvé génial. Livre qui se lit rapidement mais même si l'histoire ne m'a pas passionné. C'était plus introspectif autour du personnage principal et la fin se termine en queue de poisson...Au final, je n'ai pas compris qui avait tué Carlotta
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Davila aime beaucoup également ma collection de verres de Murano, en particulier ces chers musiciens miniatures sur un sol en damier rouge et blanc ou mes candélabres baroques asymétriques, des pièces uniques en leur genre que le vendeur m'avait proposées, à la mesure de la sensibilité qu'il avait décelée en moi.
- Vous êtes l'acheteur idéal pour ces candélabres. Ils vous réclament. Ils sont en train de vous demander : achète-nous.
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Carlota s’était fait le personnage de celle qui n’a pas d’âge. Elle avait réussi à être cette femme enfant qu’il était impossible d’imaginer vieillissante tant on la voyait à jamais dans cette aura d’absente sans aucune marque du temps, dans cette apesanteur de squelette qui n’a aucun poids à porter, dans cette simplicité de jugements émis par un cerveau sans recoins ni callosités.
De hecho, Carlota había compuesto su propio tipo con los signos de la sin edad. Había conseguido ser esa adolescente madura a la que era y es imposible ni siquiera imaginar envejeciendo : para siempre esa aura de ausente sin musculatura temporal, para siempre esa ingravidez de esqueleto sin peso que aguantar, para siempre esa simplicidad del juicio emitido por un cerebro sin rincones ni callosidades

Elle m’attirait au lit contre elle et, malgré mon inappétence et ma crainte du fiasco, elle parvenait à me motiver, avec un délicatesse naturelle qui ne paraissait pas charnelle, mais qui l’était.
A veces, me metía con ella en la cama angustiado ante la previsión del fracaso nacido de mi desgana, pero ella sabía como motivarme, con una delicadeza natural que no parecía carnal, pero que lo era.

Elle portait pour l’occasion une robe qui rappelait celle de l’Ophélie noyée d’Everett Millais. Je lui fis remarquer la coïncidence et elle me répondit que c’était voulu car le paysage de ce coin estival de l’Irlande lui évoquait l’atmosphère champêtre des meilleurs tableaux préraphaélites
Y para la ocasión se puso un vestido que recordaba el que lleva la Ofelia ahogada de Everett Millais. Le comenté la coincidencia y me dijo que era buscada, que el paisaje de aquel rincón veraniego de Irlanda le recordaba la atmosfera vegetal de los mejores cuadros prerrafaelista

Je continue de penser que la Carlota asexuée dont la silhouette préraphaélite m’avait séduit, ou la Carlota noyée comme Ophélie dans un étang artificiel étaient plus intéressantes que la Carlota amante conventionnelle…
« … me siguen pareciendo mas interesantes la Carlota asexuada que me conquistó por su contorno prerrafaelita o la Carlota ahogada como Ofelia en un estanque de atrezo que la Carlota amante convencional…

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Les apparences sont trompeuses, mais elles sont encore ce que nous avons de plus solide. L'apparence, c'est la réalité.
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Ainsi, lorsque la police frappa, elle trouva un étrange conspirateur en peignoir de luxe avec une coupe de champagne brut grande réserve à la main. J'empruntai les manières d'un amphitryon présomptueux et, durant quelques minutes, je profitai de la capacité d'initiative qu'octroie le pouvoir économique, social et culturel lorsqu'il se traduit en pouvoir psychologique. (P55)
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Car, à la vérité, lorsque j'essaie, devant le miroir de ma salle de bains, de composer ce sourire ironique que je m'attribue, je n'y parviens pas. Il y a là un étrange pantin aux sourires brisés ou excessifs, qui ne réussit jamais à composer ce sourire subtil comme l'écume légère, qui me rendrait heureux. (P.9)
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