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Critiques de Marc Graciano (71)
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Liberté dans la montagne

Un texte fascinant: il s'agit du cheminement d'un vieil homme et d'une petite fille le long d'une rivière dans un paysage de montagne dans un Moyen- Age non daté. Quels sont leurs rapports, comment se sont- ils rencontrés, où vont-ils? On n'aura jamais vraiment les réponses à ces questions: il la protège, fait du feu, lui donne à manger, la soigne. Ensemble, ils découvrent un monde violent où il faut se battre pour survivre et avancer, toujours avancer dans une nature qui donne mais qui tue aussi.

L'écriture est d'une beauté indescriptible: elle est poésie, litanies, musique.

On n'écrit plus comme cela... et pourtant c'est si beau! Il faut se laisser emporter...
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Liberté dans la montagne

La lecture de ce livre a été, pour moi, un véritable supplice… Je me suis cru revenu 50 ans en arrière aux heures les plus sombres du Nouveau Roman…Beaucoup de descriptions, destruction du personnage, approche « behaviouriste », intrigue inexistante…Car il faut bien l’avouer, ce roman est quasiment illisible… Ce « road movie médiéval » où nous suivons le « vieux » et la « petite » dans la montagne, qui remontent un cours d’eau jusqu’à sa source, ne nous épargnera aucun détail de leur errance…

Salué unanimement par la critique, ce texte me fait penser à un exercice d’école, à une réflexion sur l’écriture, sur le langage, bref, sur lui-même. « Le roman n'est plus l'écriture d'une aventure, mais l'aventure d'une écriture » disait Jean Ricardou : on est en plein dedans !



Il m’arrive très souvent, quand je lis un roman, ou d’autres textes d’ailleurs, de lire le début et la fin. L’incipit et l’excipit, pour faire le pédant…

Les premières pages m’ont surpris, mais les descriptions, malgré leur côté agaçant, m’ont presque fait penser à du Giono dans « Le Chant du Monde » (la montagne, la rivière…). J’ai pensé qu’il s’agissait d’un récit en prose poétique, fort et prenant, sur une errance dans la nature, hors du temps…

La très longue dernière phrase sur 4 ou 5 pages, sans ponctuation, évoquant la mort des deux personnages, m’a propulsé dans du mauvais Joyce…

Cet homme tatoué qui meurt dans la montagne, mais ce ne serait pas Ötzi, me suis-je dit ! Non, celui-là n’est pas tué par une flèche dans le dos…Donc, ce n’est pas ça…

Je me suis donc lancé dans la lecture, assez sceptique et dubitatif, et je dois dire que sa lecture s’est échelonné sur presque un mois, quelques pages par jour…



La première des choses que je lui reproche est l’utilisation systématique, comme mode d’écriture, de la répétition, et notamment des verbes (il portait, il avait, il dit…) dans une même phrase, ce qui devient vite insupportable. De même que la profusion de la conjonction « et » et des connecteurs « comme, aussi » qui allongent la phrase et la rendent indigeste. On peut trouver cela « envoûtant », le comparer à des litanies qui donnent un rythme étrange et prenant au récit…Je trouve que cela ressemble à une mauvaise rédaction d’élève de 4ème…

En outre, l’auteur ne nous épargne aucun détail sur les outils, la chasse, la pêche, les plantes, les vêtements et l’équipement des chevaliers… Cette « obstination de la description » se rapproche de la description interminable du quartier de tomate dans « Les Gommes » de Robbe-Grillet.

De plus, ces descriptions se complexifient par l’emploi, de nouveau systématique, de termes oubliés, anciens, évidemment très précis, mais qui ne sont là que pour décorer.

Il faut alors aller chercher le sens de « brousser, cabarer, forlonger, abalourdir, eubage, camail, archiatre, abeausir, achevaler, dosse, ébarouir, faonner, gambison…. » Bien sûr, on en connaît au passage (petite satisfaction, tout de même…) et on se demande si le livre n’a pas été écrit en s’appuyant sur « Le Dictionnaire des mots rares et précieux », avec comme objectif oulipien (mais sans l’humour…) d’en utiliser le plus possible !



Je pense qu’il ne sera pas très « politiquement correct » de ne pas avoir aimé ce livre. Je suis peut-être passé à côté de l’aspect « tragique et superbe » de cette errance métaphysique ? Ce roman est une curiosité, une œuvre au moins intéressante du point de vue stylistique, à défaut d'être prenante. Mais j’espère que ce type de narration ne mènera à rien, qu’elle n’aura pas de postérité. Car elle est un cul-de-sac.

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Johanne

Avec ce livre des plus originaux, c'est la découverte d'un auteur atypique avec un style auquel je ne suis pas habitué.

Un style qu'il faut réussir à apprivoiser "hypnotique litanie, toute de mots rares et vieux, de répétitions et d'énigme, de merveilleux et d'effroi" (Fabienne Pascaud, Télérama).

En tout cas, un style qui ne m'a pas laissé indifférent et qui a attisé ma curiosité envers cet auteur et son oeuvre.

Un livre pour lecteurs et lectrices avertis qui nous plonge dans un moyen âge rude et réaliste sur les traces de Jeanne d'Arc, qui va à la rencontre de son destin !



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Shamane

Jamais je n’avais rencontré auparavant un livre pareil. Totalement inclassable, et en dehors de toutes les normes et de tous les usages.



D’abord, le style. 183 pages, 16 phrases, 16 chapitres. Pas de respiration, pas de paragraphes, une répétition ininterrompue de « et » et de « puis » qui font office de ponctuation. Il faut s’accrocher au début, mais on s’habitue. Ou alors, on repose le bouquin, on l’oublie ou on le refile à quelqu’un qu’on n’aime pas. Moi, non, je me suis accroché, et j’ai fini par aimer.



Ensuite le récit. Tout est très lent, chaque geste du personnage principal est détaillé à l’extrême. Par exemple, rouler et allumer une cigarette va occuper plusieurs pages, tout cela ponctué par les « et » et les « puis » innombrables. Sortir le paquet de tabac, déplier le paquet de feuilles, ouvrir les paquets, répartir le tabac, poser le tout, aller chercher le briquet, ouvrir le briquet, rouler la molette, s’apercevoir qu’il n’y a plus d’essence dedans, aller chercher la réserve dans le coffre, dévisser le bouchon, etc. Chaque geste s’écoule sur plusieurs lignes. Parfois, je dois dire, c’est un peu pesant.

De même, la séance quotidienne de taï chi pratiquée par l’héroïne est détaillée à l’extrême, chaque mouvement en est longuement décrit dans le moindre de ses effets, on observe longuement chaque muscle, chaque membre, chaque articulation, chaque contorsion, chaque changement de posture, chaque simulation d’une action de combat, image par image, dans un ralenti inouï et hypnotique.



Et l’héroïne, maintenant. Une jeune femme qui parcourt la campagne à bord d’une sorte de vieux camping-car, qui s’arrête dans les endroits les plus déserts, qui vit en harmonie totale avec la nature ; vêtue d’une chemise de daim à franges semblable à celle des trappeurs, d’un pantalon de treillis, de rangers sans lacets qu’elle chausse pieds nus… Elle porte de si longues nattes qu’elles traîneraient au sol si elle ne les attachait. Elle se dénude souvent pour se fondre dans la nature, écouter les oiseaux, observer un troupeau de génisses, pêcher les poissons, admirer le ciel nocturne, jouir des couchers du soleil.



Pendant les deux premiers tiers du livre, elle est seule, les humains n’existent pas, ou si peu, juste au début du roman un vague ronron d’une autoroute au loin et des avions qui sillonnent le ciel, si haut qu’on les entend à peine.



Les contacts qu’elle peut avoir avec les hommes pour se ravitailler ne sont jamais décrits, à peine évoqués au détour d’une demi ligne, encadrés des incontournables « et » et « puis » qui ponctuent incessamment le texte.

Enfin à partir de la page 83 elle rencontre des humains, une randonneuse énigmatique, puis plus tard un vagabond étrange. Je ne dirai rien de ces deux personnages afin de ne pas divulgâcher le texte.

On ne sait rien de ce que pense cette femme étrange, pourquoi elle est là, comment elle en est arrivée à vivre ainsi, de quoi elle tire sa subsistance, si elle est en vacances ou si elle erre et voyage ainsi depuis longtemps. L’auteur ne nous dévoile rien d’autre que quelques ressentis de cette fille, ses moments de satisfaction et de jouissance au milieu de cette nature dans laquelle elle se fond.



Hélas, arrive le dernier chapitre qui détruit tout le plaisir qu’on a partagé avec cette fille étrange et mystérieuse, et à laquelle on avait fini par s’attacher. Le livre s’achève sur une scène dont je ne dirai rien puisqu’il s’agit d’une sorte d'inouï coup de théâtre, mais qui ne révèle rien de ce que l’on aurait aimé savoir. Pour moi, mais ce n’est que mon humble avis, ce chapitre m’a profondément déplu, et si j’avais su, j’aurais arraché les pages 167 à 183, sans y jeter un seul coup d’œil, je les aurais roulées en boule et les auraient jetées dans mon poêle à bois qui ronronne près de mon fauteuil. Et j’aurais rêvé longtemps à la saine philosophie de cette femme que j’ai parfois enviée. Mais voilà, j’ai lu ces dernières pages, je les ai détestées et les ai regrettées. Pour moi, quel dommage, cette fin de livre ! Mais je sais très bien qu’il y a beaucoup de lecteurs qui adorent ça…



Les goûts et les couleurs, vous le savez bien, ça ne se discute pas.

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Johanne

Mes cent premières pages d'un livre en cent mots :



Johanne de Marc Graciano est un OLNI, un objet à part. Ce qui attire en premier lieu, c’est l’intensité de l’illustration en couverture. Puis la quatrième parle : 1429, Jeanne d’Arc, un voyage de cinq cent kilomètres vers Chinon. Ce qu’elles ne disent pas, c’est la prouesse littéraire. L’entrée dans le roman est semée d’embuches, comme ce premier chapitre écrit en une phrase d’une soixantaine de pages qui nous invite dans la maison de l’enfance. On sort essoufflé de cette scène dédaléenne, soufflé par les mots et ensorcelé par la langue d'un enchantement au sens le plus merlinesque qui soit.
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Le Sacret

Le Sacret est un livre dans le plus pur style de ce que l'on peut désormais appeler le "style de Marc Graciano".

Des phrases interminables, un certain goût pour les mots désuets voire moyenâgeux, des descriptions longues.

On se retrouve encore une fois dans un monde médiéval mais pas précisément situé. Un jeune homme de basse extraction trouve un oiseau de proie très affaiblit, tellement que l'oiseleur du châtelain lui prédit la mort.

Mais le jeune garçon à force de soins et de prévenance sauve l'oiseau (un faucon sacre -d'où le titre du livre), qui se remplume (aha !) et se fait connaître dans les environs. Le seigneurs l'invite alors à une chasse avec toute sa cour...



Très court, justement, se livre se distingue à la fois par la sobriété de son histoire -un sauvetage et une chasse- et par la complexité de son style, avec des mots anciens, usés, et des phrases inhabituellement longues.

Il faut aimer, je crois que cette façon d'écrire est très clivante (pour user d'un mot à la mode), ou détester car ce style est pour le moins inhabituel. Pour ma part, j'aime beaucoup car cela me rappelle par certains aspect la science des mots d'Hemingway...
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Liberté dans la montagne

Une bien étrange lecture !

Le style de Marc Graciano est très particulier, il oscille entre écriture lancinante et écriture érudite. Il utilise un vocabulaire d'une richesse incroyable pour décrire des scènes toutes simples. Il met tant de précision et de minutie dans le choix de ces mots que l'on peut presque voir ce qu'il met ainsi en scène.

Je dis presque parce que bien souvent, le vocabulaire était tellement pointu que le sens m'en échappait. Je crois que c'est le premier livre que je lis avec tant de mots que je ne connaissais pas, tant de mots que je n'avais jamais entendu, tant de mots où le sens, même dans son contexte, me restait totalement étranger. Et il y a quelque chose de très fastidieux à prendre le dictionnaire pour comprendre la signification de chaque mot qu'on ne saisit pas.

Du coup, ce fut une lecture particulière pour moi, où comme dans une langue étrangère, on se laisse plus bercer par la musique des mots que par leur sens et cela d'autant plus que le style de Marc Graciano est très répétitif, comme une litanie très longue.

La musique des mots, les descriptions de paysages, la lenteur du voyage, la montagne immuable, les rencontres, les veillées et parfois une décharge fulgurante de violence.

Un livre qu'on lit tranquillement, posément, comme cette marche dans la montagne du vieux et de la petite.

Une bien étrange lecture...
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Une forêt profonde et bleue

Il est évident que ce livre est très mal écrit, quasiment illisible. Il contient à peu près tout ce qui est à éviter en littérature : répétition de mots dans un même paragraphe, phrases interminables, vocabulaire réduit (sauf quelques mots inconnus de tous pour faire « intelligent »), rythme lancinant, écriture lourde...

Bref, la lecture de ce livre me fut un vrai supplice. Rassurez-vous, étant un masochiste modéré, je n'ai pas prolongé très longtemps cette difficile épreuve.

De deux choses l'une : soit ce monsieur ne sait pas écrire ou bien il le fait exprès. Je pencherai pour la seconde thèse. Peut-être voulait-il s'attirer les faveurs des pseudos-intellectuels qui hantent les clubs littéraires ? À voir les critiques élogieuses, il semble qu'il ait réussi son coup !



Pour ma part, je regrette simplement qu'un tel scribouilleur ait pu être édité alors que tant d’écrivains (des vrais, ceux-là !) ont tant de mal à trouver un éditeur.

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Liberté dans la montagne

Voici un livre singulier, d'une force étrange, qui vous emporte, qui vous fait sentir---

la chair des mots, qui vous hante et que vous ne lâchez plus...Une litanie enveloppante, hypnotique, biblique. Un récit initiatique éblouissant, une vision de l'humanité dans son horreur et sa beauté.
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Le Soufi

Rencontre d’un moine errant et d’un curieux ermite autour d’une grillade de sauterelles : le conte moyenâgeux et poétique de Marc Graciano nous entraîne dans sa quête existentielle, discrète, matérielle et abyssale.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/05/02/note-de-lecture-le-soufi-marc-graciano/



Deux ans après « Le Sacret » et deux ans avant « Le Charivari », « Le Soufi » paraît en 2020 aux éditions Le Cadran Ligné. Prenant place dans le même univers intemporel et insitué que la langue créée et adoptée (surtout) et un certain nombre d’indices matériels désignent néanmoins nettement comme moyenâgeux, il déploie ses cinquante pages en une phrase unique, dotée de sa scansion si spécifique par l’usage des virgules et des conjonctions de coordination, phrase qui devient de plus en plus familière aux pratiquantes et pratiquants de Marc Graciano, phrase qui garde pourtant absolument intacte sa capacité à surprendre au détour d’un mot, en plein processus résolument hypnotique.



Pratiquantes et pratiquants. Le mot s’impose ici, et pas uniquement du fait du titre de l’ouvrage, ou de cette rencontre en lieu aride entre un moine itinérant (ce gyrovague désormais central) et un petit homme qui se révèlera ermite, à sa manière : le fait religieux est de forte présence dans « Le Soufi ». Fait qui emprunte cette ligne de crête, étroite et peu sûre, mais toujours paradoxalement apaisée, entre le matériel et le spirituel (même lorsque la cruauté sans nom, violente, stupide et abjecte, est de la partie – comme les lectrices et lecteurs de « Au pays de la fille électrique » le savent désormais) : à partir de cette rencontre inopinée, où il s’agit avant tout, dans l’absence presque cristalline de mots prononcés, de partager une eau croupie, d’allumer un feu, de se régaler ensemble d’une poignée de sauterelles grillées – et de raviver un oiseau, qui sera néanmoins ici une colombe de paix plutôt qu’un faucon de chasse (et de guerre) comme dans « Le sacret » -, Marc Graciano tisse un nouveau conte médiéval pour questionner l’être et le langage par un ensemble de détours à nouveau inattendus.



Comme nous l’avaient rappelé avec humour Gabriel Josipovici et son traducteur, le si regretté Bernard Hœpffner, lors d’une mémorable rencontre à la librairie Charybde à propos de « Goldberg : Variations », en 2014 (à écouter ici), il faut toujours soupeser l’intention poétique et narrative qui se dissimule dans l’usage de formules de scansion telles que « le gyrovague dit » ou « le petit homme fait ». La nécessité de réaffirmer en permanence l’origine du récit comme le caractère visuel du témoignage de facto apparaît dans « Le Soufi », plus que jamais sans doute, comme la contrepartie nécessaire de cette phrase panoramique qui s’efforce de tout saisir, dans ses moindres détails, en affectant toujours de ne pas hiérarchiser a priori l’information collectée : chaque mot comptera dans cette délicate et discrète pesée des âmes et des faits, au moment de décider, en un for intérieur ou non, de ce qui est réellement important. Quête pour partie mystique et pour partie bien matérielle, cette œuvre ramifiée que nous propose Marc Graciano au fil de certains (si ce n’est de la plupart) de ses ouvrages est bien travail de questionnement intime et essentiel – par un fabuleux détour poétique.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Shamane

Décomposition, quasi mystique, des gestes qui, dans excluent toute psychologie et enseigne, sans rien démontrer, une attention à ce qui est, un acquiescement au monde, une observatrice adhésion à la faune et la flore chez cette jeune fille, vivant dans son camping-car. On retrouve les enchantements de la prose de Marc Graciano , sa capacité à saisir l’incessant flux de l’univers, son attention à ce qui passe pour des personnages sacrifiés, au seuil de la déraison, d’une liberté que l’on pourrait dire folle. Avec quelques réserves, quelques sophistications de l’écriture, Shamane surprend et interroge surtout par le découpage de son ultime scène, sa façon de contempler, comme de l’extérieur, ce qu’il décrit.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Johanne

Le sujet du roman, Jeanne d’Arc, m’intéressait énormément et le livre promettait des détails historiques intéressant. Sur cela, je n’ai pas été déçu. Je me suis sentie plongée dans le Moyen Âge, sans jugements de valeur, sans clichés et j’ai beaucoup apprécié l’image que l’on peut s’en faire à travers ce récit. On y aborde les croyances des contemporains, l’organisation d’un village ou d’une famille… Le roman va aborder plusieurs passages de l’enfance de Jeanne , puis son chemin vers le Dauphin avec son armée. Cependant, l’histoire est (volontairement) décousue et le style d’écriture (un chapitre = une seule phrase !) rend difficile la compréhension de la trame.

C’était une expérience de lecture très intéressante du point de vue du style mais pas très agréable pour ma part. Comme toujours, le Tripode nous surprend !

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Au pays de la fille électrique

Je connais Marc Graciano par ses romans hors du temps, en pleine nature, un peu médiévaux, assez violents: Une Forêt Profonde et Bleue, Liberté dans la Montagne. Je les ai adoré.

Et voilà qu'il arrive avec une histoire contemporaine.

J'avoue que j'espérais continuer à explorer son monde de collines, de ruisseau, d’animaux sauvages à chasser, d'homme voyageant dans un monde brutal et sauvage. J'avais donc peur de la déception.

Il n'en fut presque rien, ouf ! A ceci prêt que les aspects sauvages et mythiques ont disparu, j'ai retrouvé l'écriture de Graciano et sa puissance.



Le prologue est une phrase, une longue phrase de 22 pages, d'un souffle on assiste à un viol collectif. C'est horrible, c'est glauque, c'est très bien décrit sans aucune compromission ni volonté de racoler. On souffre avec la jeune fille, impuissant.

Ensuite, les hommes s'en vont, la fille presque morte et le roman commence.

Elle marche, mange, dort, se lave, boit beaucoup, rencontre quelques personnes, très rares présences humaines du roman, discrètes, évanescentes, sans parole, sans dialogues.

Graciano n'aime pas les dialogues et ça tombe bien, la fille ne parle pas. Elle voyage.

Tout est extrêmement imagé, en longues phrases descriptives, fortes. On comprends ce qui traverse la jeune femme, ce que son corps vit, ce qu'elle essaie de faire, ce que le monde autour lui évoque. On est touché par la beauté de certaines images, certaines scènes, la nature est encore présente tout autour, même si ce n'est pas la même que dans les romans précédant, elle est toujours capitale et tient un rôle important pour la jeune femme.

La langue aussi est plus contemporaine, il y a moins de mots médiévaux, ceux la même qui faisait le charme et le sel de l'écriture des romans médiévaux de Graciano. Il a adapté son vocabulaire aux besoins de son histoire, et cela marche tout aussi bien.



L'épilogue donne un sens particulier aux tribulations de la jeune fille, c'est très poétiques, l'écriture danse, se colore d'un coup, magique...



Un beau roman, saisissant, poignant, violent, mais vrai.

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Au pays de la fille électrique

Un réel proprement dévastateur advient, est advenu, irrémédiable, et pourtant la vie continue, changée certes, mais inexorable, obstinée, impitoyable et merveilleuse contre toute raison, ce qui fait sa raison même. Apparemment minimale mais têtue et riche malgré tout. Voilà pour résumer en deux mots.

C'est écrit "à l'os", comme on dit, et c'est remarquable.

Pour le détail (minimum de spoiler) : on commence par trente pages d'horreur absolue, insoutenable, qui renchérissent sur le pire. Puis rideau sur la scène, pour reprendre des mois plus tard, en se focalisant sur la victime, pas à pas, en égrenant le moindre de ses gestes de façon quasi maniaque, et sans concession au "beau style" : que peu ou pas d'images, pas le moindre commentaire, les faits bruts, des dialogues, les réactions des quelques personnages qui passent, des bribes de pensées qui n'élaborent jamais un récit personnel. Et un très beau final qui résume/explique ce qu'on vient de lire s'il était besoin (ce qui n'est pas le cas tant ce qui précède est magistral) dans un flash-back qui fait pendant au terrible prologue en guise de point d'orgue.
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Au pays de la fille électrique

Dès son premier livre, Liberté dans la montagne (éditions Corti, 2013), la marche d'un vieil homme et d'une petite fille dans les montagnes, remontant le cours d'une rivière jusqu'à sa source sans que l'on ne sache pourquoi, j'ai été happée par la magie particulière du texte de Marc Graciano, par la force de la voix et par l'acuité du regard qui sous-tend une écriture d'une précision extrême.



J'ai pourtant tourné longtemps autour du Pays de la fille électrique, présenté par Ismaël Jude et Claire Fercak, libraires d'un soir chez Charybde en 2017, entamant et abandonnant le prologue, avant de réussir enfin à le lire – ébahie et subjuguée par le choc de ce grand livre.



Au pays de la fille électrique, troisième roman de Marc Graciano publié en 2016 chez Corti est le premier situé dans la période moderne, les deux précédents (Liberté dans la montagne et Une forêt profonde et bleue) se situant dans un Moyen-âge indéterminé et mythique, mais les trois romans forment un triptyque aux multiples échos.



En une accumulation de violence insoutenable, le prologue terrible de ce roman décrit sans aucune émotion comment une jeune femme enlevée à proximité d'une boîte de nuit est systématiquement violée et torturée par quatre hommes dans un hangar, avant d'y être laissée pour morte. L'allure, l'apparence physique et la tenue vestimentaire de ces quatre individus est décrite avec beaucoup de précision, leur attelage hétéroclite dressant un tableau sinistrement banal de quatre facettes de la vulgarité masculine. Ce prologue, bloc compact de texte extrêmement éprouvant, est un indispensable abordage traumatique avant la traversée, le reste du récit.



Après une ellipse temporelle – un trou noir -, on retrouve la jeune femme, seule, marchant au bord de la nationale pour gagner l'océan. Elle marche, se nourrit sommairement, se lave consciencieusement, se faufile aux marges des villes et dans la nature. Elle a été déliée de toute vie sociale, traîne ses affaires dans un gros sac poubelle. Avec son corps de liane plein de grâce, ses vêtements délavés et usés, elle a désormais une drôle d'allure d'exilée, le regard vague et fiévreux et le buste droit, la fragilité alliée à une force miraculeusement épargnée.



"2.

Elle était de grande taille et elle était très maigre, et elle avait de longues jambes très souples et nul doute qu'elle avait fait beaucoup de danse depuis l'enfance, et elle marchait de son immense pas de danseuse sur le bord de la nationale, et elle possédait des cheveux longs et blonds qui étaient coiffés en dreads minces, comme si elle avait omis de défaire de fines tresses qu'elle aurait possédées autrefois et qui se seraient transformées en dreads au fil du temps, et elle avait attaché sur une dread, avec un petit élastique rose, des plumes d'oiseaux qu'elle avait trouvées sur le bord de la nationale et qu'elle avait trouvées belles et les plumes flottaient doucement dans les remous de l'air durant sa marche, et elle possédait un visage long et mince avec une peau hâlée par le soleil et l'air libre, et elle possédait un petit nez écrasé et dévié à sa base, et elle possédait, sur la lèvre inférieure, une mince cicatrice qui serait restée invisible si la pâleur de la cicatrice n'avait pas contrasté avec le hâle du visage, et ses yeux étaient bleus comme le ciel et continuellement brillants et comme électrisés, et son regard semblait si perdu à tous ceux qu'elle croisait sur sa route que, lorsqu'ils l'observaient passer, ils avaient l'impression qu'elle ne les voyait pas, ou que, même, elle aurait eu la bizarre certitude, tellement elle n'aurait pas existé, que c'étaient les autres qui ne la voyaient pas."



Le texte a mué, changé totalement de forme, retrouvé des pauses et des respirations. Après le bloc compact de violence, cette seconde partie, « As-tu jamais été (au pays de la fille électrique) » se compose de longs paragraphes d'une seule phrase, numérotés de 1 à 84, décrivant la marche de la jeune femme, son allure et ses actes – forme emblématique de cette déliaison, d'une dissolution indispensable de son être social. Poursuite d'une existence tendue vers un seul but, l'océan.



Quelques rares rencontres émaillent ce chemin, un infirmier particulièrement touchant d'humanité lors d'un bref séjour dans une institution psychiatrique, respectant ses secrets, ou encore un vieux gitan en habit de cowboy. Marc Graciano nous épargne toute morale, introspection ou psychologie, mais nous offre une extraordinaire accumulation du regard, la nature et la grâce comme baumes, la force de la poésie face à la violence.



"45.

Il y avait un infirmier ou une infirmière qui travaillait par demi-journée dans cette petite unité où elle avait été mutée, et le jeune infirmier y travaillait presque toujours l'après-midi et c'était exceptionnel qu'il ait été là à son réveil dans l'autre unité, et si tous les autres infirmiers et infirmières cherchaient plus ou moins à la faire parler et à savoir ce qu'elle pensait, il ne lui demanda jamais rien, et, pour tout dire, on aurait eu l'impression qu'il n'était pas infirmier et cette impression était amplifiée par le fait qu'il ne portait pas de blouse comme les autres mais ses fameuses chemises à carreaux qui lui donnaient l'allure d'un Jésus déguisé en bûcheron, et on sentait qu'il était profondément gentil et serviable, et il était d'une pat ience infinie avec les patients bizarres, et le plus surprenant était qu'il ne leur parlait pas comme à des idiots mais comme à des gens normaux, et même, des fois, il leur tenait des discours un peu compliqués mais toujours en vrais, et les patients bizarres donnaient l'impression de toujours le comprendre, et, quand il travaillait l'après-midi, tout le monde était beaucoup plus calme dans l'unité, même les autres infirmières et infirmiers."



L'épilogue qu'on ne dévoilera pas, comme une envolée du coeur du traumatisme, clôt ce roman dans lequel on entre en serrant les dents, au coeur de la terreur, et que l'on termine plein d'admiration face à son audace et son souffle lumineux.



Retrouvez cette note de lecture et beaucoup d'autres sur le blog de la librairie Charybde : https://charybde2.wordpress.com/2020/07/31/note-de-lecture-au-pays-de-la-fille-electrique-marc-graciano/
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Embrasse l'ours

Bon, ce livre est ici très mal noté, mais a priori par des lecteurs qui n'ont pas lu.

C'est dommage et je vais tenter de faire remonter un peu ça et d'étayer mon propos.

Le style de Marc Graciano est très spécial. Dans ce livre, chaque chapitre fait une phrase. Ce qui n'empêche pas ceux-ci de faire plusieurs pages.

On est donc face à une écriture ample, qui prend le temps de développer sur un grand nombre de mot une histoire. Graciano a perdu son "tic" d'utiliser de très nombreux "et" comme dans son premier roman, mais il n'a pas expurgé celui d'user de mots anciens ou désuets.

Je trouve cela génial, d'autant plus que son livre se déroule au moyen-âge.



L'histoire se déroule dans une forêt et raconte la vie d'un ours.

Sa mère d'abord, puis la capture d'un de ses petit, la mort de la grande ourse, le discours d'un évêque qui y voit le diable, la croissance du petit...



Une belle histoire dans le style des premiers romans de l'auteur Vosgiens. J'adore: nature, animaux, violence et dureté de la vie.
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Enfant-pluie

Enfant-pluie ne ressemble pas aux autres romans de Marc Graciano. Il n'a pas la violence de la Fille Électrique, de la Forêt Profonde et Bleue ou de Liberté dans la montagne, ni leur écriture longue, fluide, souple et puissante.

Pour cette collaboration avec son frère, l'auteur d'une œuvre qui se construit peu à peu autour de grands thèmes comme la nature, la violence, l'amour, développe encore en partie ces grandes lignes, mais adapte son écriture faite de répétition, de "et... et... et" à un style plus enfantin, plus court et sobre ; tout comme le son les dessins de son frère, en esquisse, quelques lignes, pures et simples.

Pour cette histoire il est remonté plus avant dans le temps, plus loin que dans ses forêts qu'il décrivait si bien dans ses deux premiers livres, il est revenu au temps des hommes préhistoriques. Un enfant, reconnu par la femme qui connaît les herbes, est petit à petit initié aux rites de la vie, à la connaissance.

C'est un livre de passage dont l'écriture convient aux adulte (qui dévoreront le livre en quelques minutes) mais aussi aux plus jeunes, même à ceux qui ne savent pas lire et à qui l'on peut raconter cette belle histoire.
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Liberté dans la montagne

Beau récit détaillé à la manière de Proust. Voyage d'un vieil homme et d'une petite fille à travers un pays, au Moyen Age, vers leur destin.
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Liberté dans la montagne

Critique de Thomas Stélandre pour le Magazine Littéraire



«Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière.» Première phrase qui, dans un souffle, pose temps, personnages, action, décor, et résume en elle-même l'argument du livre. Nous ne saurons guère plus que ce qui vient d'être établi. Ils marchent «vers l'amont de la rivière», traversent les paysages, rencontrent adjuvants et opposants, s'arrêtent, repartent, attendent peut-être quelque chose, mais quoi ? où ? quand ? Liberté dans la montagne a l'évidence du pronom défini, à l'instar du conte, ou du rêve. Nous sommes à l'époque médiévale, dans un monde archaïque où s'entendent les mots «haubert», «harnois», «camail», inutile de mieux situer.

Sur Marc Graciano, Google n'a rien à raconter. On s'en tiendra à la quatrième de couverture : il est né «le 14 février 1966» et «vit au pied des montagnes aux confins de l'Ain et du Jura». L'image est séduisante, en accord avec un texte qui résonne comme un appel à la nature, où «les objets n'[ont] ni âme ni valeur», ainsi que le soutient le vieux à la petite fille. Les richesses sont ici, maintenant : «Il lui dit qu'ils possédaient le ciel et il lui dit qu'ils possédaient la forêt et il lui dit qu'ils possédaient l'enchantement chaque jour renouvelé du chemin que tous deux suivaient. Il lui dit qu'ils possédaient la rivière et il lui dit qu'ils possédaient les poissons dedans la rivière et aussi les animaux de la forêt. Il lui dit qu'ils possédaient les plantes et il lui redit qu'ils possédaient le ciel et aussi les oiseaux dedans le ciel puis il lui dit qu'ils possédaient ces choses chaque fois qu'ils savaient les capter.» Leur trajet, pourtant, n'exclut pas la civilisation et l'agression qu'elle engendre. Les voilà « au coeur d'une ville », face à des joutes entre cavaliers. Les hommes tombent, jusqu'à ce dernier qui, sur la civière, agite encore un bras. «Comme une matérialisation furtive de la secrète scansion du rythme du monde.»

Cette «secrète scansion» est, semble-t-il, ce que Marc Graciano cherche à rendre, par le truchement d'une langue faite de répétitions et de circonvolutions, une litanie enveloppante, presque une hypnose. Il avance par courts chapitres, comme autant de poèmes, autant d'énigmes. C'est un flot saccadé, à l'image de l'affluent poursuivi, noueux, trouble, semé d'embûches pour le lecteur. Car Liberté dans la montagne n'est pas un livre commode considérant la densité du volume. L'instance narrative emploie des termes vieillis, ou rares ; plutôt que «souvent», elle préfère «souventefois» ou «moult fois». Aucune pose pour autant, car la forme a du sens, en tant que reflet d'une manière de vivre et de parler. Si elle n'est pas précisément datée, l'esthétique renvoie à un imaginaire en lettres gothiques, celui des dangers, des combats, du merveilleux (quand, par exemple, un pêcheur « grand et large » rencontré en chemin devient pour tous « le géant » ou lors de la belle séquence du «village» en compagnie du «veneur»). Cet imaginaire est encore présent dans la direction même du récit, où des aventures apparemment fortuites ont en vérité un sens et un agencement cachés. Suivre le couple formé par un homme âgé et une petite fille, c'est suivre l'humanité tout entière, masculine et féminine, vieille et jeune. Ensemble, ils parcourent les grandes étapes de l'existence, ses bonheurs, ses épreuves surtout.

Dans cette mesure, le périple peut être apprécié en allégorie, dont la leçon première serait l'importance fondamentale de la liberté, liberté de se déplacer, de penser. «Quelquefois le vieux tenait la main de la petite mais, le plus souvent, il la laissait voyager seule autour de lui. À cette fin, le vieux veillait à libérer la petite de tout faix.» Encouragée à l'indépendance, elle s'interroge sur les choses du monde. Comme dans cette ville traversée où, après des spectacles de rue, ils assistent à l'exécution de trois hommes, sous les rires de la foule. Devant l'échafaud, elle lui prend la main, et lui demande ce qu'ils viennent de voir. Le vieux réfléchit, sans parvenir à trouver le mot qui convient. «Si bien qu'après un moment, le vieux dit à la petite qu'il n'existait pas de mot pour le décrire et il se tut en poursuivant sa marche puis, après un moment encore, le vieux reprit la parole et il dit à la petite fille que, de surcroît, il n'aurait servi à rien de l'inventer.»

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Le Sacret

Une simple scène du Moyen-Âge devient épopée par la grâce de la langue de Marc Graciano : le rapace de chasse y engendre tout un monde de beauté et de cruauté.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/04/17/note-de-lecture-le-sacret-marc-graciano/



Un château-fort anonyme, au Moyen-Âge. Un enfant du peuple qui y traîne ses menues besognes tombe non loin de là sur un oiseau blessé, bien mal en point. Pas n’importe quel oiseau : il s’agit d’un puissant rapace, un faucon sacre mâle (un sacret, donc, selon le terme précis consacré), affolé et désormais quasiment mourant. Pourtant le petit garçon ne renonce pas un seul instant : à force de patience et de soins d’un dévouement quasiment amoureux, le sacret reprend de la plume de la bête, jusqu’à ce que l’autoursier – le maître des oiseaux de proie – du château, ayant autorisé le garçon à utiliser ses lieux, finisse le travail réparateur et confie l’oiseau, redevenu une véritable bête de proie, identifiée comme probablement perdue par un lointain propriétaire (car rien de la sorte n’a été rapporté chez les seigneurs des environs), au gamin, puisqu’il l’a non seulement trouvé mais aussi sauvé, de fait, par son extrême attention. Et bientôt, la grande chasse à venir sera l’occasion de mesurer la qualité et la force du nouvel arrivant à celles de ses congénères officiels, appartenant au château et à ses nobles invités.



Simple en apparence (comme le soulignait Sébastien Omont dans sa belle chronique pour En Attendant Nadeau, ici), cette scène moyenâgeuse, cette historiette pour ainsi dire, pourrait sembler banale – insignifiante sans doute – si l’on s’en tenait à sa seule description. Mais la longue phrase unique conçue par Marc Graciano, phrase que l’on connaît déjà dans ses grandes lignes par ses quatre textes précédents, s’étend ici sur 80 pages, et crée une épaisseur magique et insidieusement beaucoup plus politique que dans ses deux textes également situés dans cette époque ancienne et indéfinie, revivant par la langue, « Liberté dans la montagne » et « Une forêt profonde et bleue ».



Publié en 2018 chez José Corti, comme les quatre textes précédents de Marc Graciano, « Le Sacret » appartient de facto – on l’apprendra incidemment à l’occasion – à une œuvre beaucoup plus vaste et demeurant jusqu’ici fragmentaire, œuvre à laquelle prendront part aussi le moment venu « Le Soufi » (2020), « Le Charivari » (2022), mais aussi « La nacelle (précédé de) L’oiseleur » (2024).



On parlera sans doute davantage sur ce blog de ce dessein d’ensemble au moment, prochain, de chroniquer ces lectures ultérieures, mais il est certain que « Le Sacret » (« exercice de haut vol », notait joliment Claro dans son feuilleton du Monde des Livres en 2018, à lire ici) constitue une rampe de lancement idéale pour un tel projet, en même temps qu’un choc à part entière et par lui-même.



La précision de la langue, son appropriation signifiante de la technique et de ce qui serait, ailleurs, perçu comme seul archaïsme, produit une poésie essentielle : mots traduisant eux-mêmes des actes au sens artisanal, ethnographique du terme (peut-être celui de Marcel Jousse et de son « Anthropologie du geste »), ceux de la langue de Marc Graciano tissent doucement et méticuleusement (en ne nous laissant reprendre notre souffle que par virgules et conjonctions de coordination dans l’océan d’observations et d’affects qui constitue ce quotidien toujours submergé) une toile serrée où la tendresse possible et la cruauté avérée du monde ne font décidément peut-être qu’un (comme l’avait aussi affirmé avec une telle force son troisième texte, le magnifique et monstrueux « Au pays de la fille électrique »).
Lien : https://charybde2.wordpress...
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